Dans la boule de Bruno F.

Que voilà un débat intéressant, quoiqu’un peu éparpillé. Je l’ai lu avec beaucoup d’attention, voire d’implication, mais je me suis bien gardé d’y participer jusqu’à présent, préférant attendre que les passions retombent.

Je n’ai rien contre personne, c’est plutôt de moi dont je me méfie, de mon irritabilité, de ma radicalité et de mon acrimonie. Définitivement pas les meilleures contributions à un débat serein.

Je ne suis pas là pour distribuer les bons points, mais je dois tout de même remarquer que tous les sujets abordés ne se sont pas tous clos avec le même bonheur. Autant le débat linguistique m’a paru solidement soutenu par M. Faidutti, autant le débat religieux… s’est achevé comme à peu près tous les débats religieux. En se gardant bien de conclure, et en laissant tout le monde camper fermement sur les mêmes positions, ce qui n’est rien, mais parfois sans prendre la peine d’écouter les contre-arguments, ce qui n’est pas rien. Je ne pointe personne du doigt, chacun se reconnaîtra.

Quant au débat initial, celui sur l’avenir de ce secteur professionnel, de manière attendue tout un chacun se forge sa propre opinion de ce dont demain sera fait. Et la confrontation de toutes ces vues, sans clore la question, se révèle très éclairante.

Et voici a posteriori ma modeste contribution à toutes ces questions, en espérant ne froisser personne (en même temps, j’espère bien que plus personne ne lit ce fil).

_Je rejoins M. Faidutti sur la question du retour du religieux (plus que des religions, d’ailleurs), pas sur l’analyse qu’il en tire. Même aux périodes d’apogée des religions monothéistes, le jeu, bien que méprisé voire réprouvé, a existé, coexisté. La période faste que les JDS vivent aujourd’hui n’est pas selon moi un effet bénéfique de la laïcité, ou d’un recul du religieux. En analyser exactement les causes serait bien trop difficile pour mes pauvres moyens, aussi vais-je me contenter d’avancer quelques pistes de réflexions : l’émergence d’un temps, puis d’une culture du loisir ( et peut-être même d’un droit) ; c’est l’otium des Romains, ce temps suspect qui n’est pas dévolu aux activités utiles (le “neg-otium”, qui nous a donné le négoce), et dans lequel étaient rangées toutes les activités plus ou moins suspectes, inavouables, interdites… dont déjà le jeu. Une autre piste que je pourrais nommer, c’est de manière évidente le système capitaliste, qu’on aurait tendance à oublier de mentionner, comme toutes les évidences. Car ce système valide idéologiquement tout ce qui est en mesure de démontrer sa rentabilité. Or, le secteur des JDS en Europe connaît une expansion ces dernières années qui correspond justement à un début de reconnaissance.

_Sur la question du religieux, j’ajouterai à ce qui a été dit plus haut qu’il conviendrait de s’interroger un peu sérieusement sur la place de la religion dans une société qui prêche la rationalité et les sciences; et plus intéressant encore, de s’interroger sur le fond dogmatique, idéologique et finalement religieux de certaines disciplines qui se prétendent sciences (je pense en particulier aux singularistes, qui réactivent habilement de vieux mythes par les innovations technologiques, l’immortalité de l’âme et la résurrection par exemple). Au fond, ce que je veux dire, c’est que confronter jeux et religieux me semble peu productif. La question religieuse fait, je suis d’accord, un retour en force ce siècle-ci, et sous des formes inédites et surprenantes. S’interroger à ce sujet me semble plus que jamais nécessaire. Mais aborder cette question par le prisme du jeu, l’intérêt ne me saute pas aux yeux.
Je n’approfondis pas davantage, je m’arrête après avoir dit ceci : selon moi et comme nous l’avons déjà vu à de multiples reprises au cours de l’Histoire, le religieux a tendance à s’associer avec le pouvoir monétaire (quel qu’il soit) et à le sacraliser, et en retour le pouvoir monétaire légitime et renforce le religieux. Le jeu, là-dedans…

_L’avenir du JDS. Question qui me dépasse totalement. Pragmatiquement, je vais dire qu’en tant que consommateur et non acteur de ce marché, comme je n’en vis pas, si le pire devait advenir je n’en mourrais pas. Ensuite, il est vrai que les modalités du pire restent à définir. Si je devais faire un pronostic, je dirais que la concentration actuelle du marché ne me paraît pas nécessairement un gage de sa bonne santé : on sait maintenant qu’être bien portant, c’est le contraire d’être gros. Et puis d’autre part je m’interroge sur la place laissée à la création, activité que j’apparente à l’artisanat, dans le monde surindustrialisé qui se dessine. Alors non pas que je ne jure que par les proto pas pros, mais selon moi, ne mérite le qualificatif d’oeuvre que la production qui découle non seulement d’une logique (je n’exclue même pas qu’elle puisse être commerciale) et d’un savoir-faire, mais aussi d’une expérience personnelle et singulière dont elle se fait le témoignage et l’expression la plus aboutie.

Et on va s’arrêter brutalement à ce point, parce que comme disent les acteurs pornos, je suis déjà trop long.

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Voilà de quoi cogiter. Ça valait le coup d’attendre.

Vous voulez dire que vous n’avez rien payé donc ^^