Cela fait quelques années que je prépare ce moment. Quelques années que j’envoie des messages. Que je place des marqueurs. Que j’explique à qui veut m’écouter. Quelques années que je vois des sourires incrédules. Des regards d’incompréhension. Des visages n’imaginant pas l’issue qui se préparait. Et pourtant.
Tric Trac
Cela fait 18 ans que Tric Trac existe. 18 ans à accompagner le secteur ludique. En France. En Francophonie. Dans le Monde. Nous partîmes 500, nous nous vîmes 5 millions l’année dernière à surfer sur cette adresse : www.trictrac.net. 18 ans d’une belle histoire. J’ai eu l’opportunité d’arriver dans un secteur se cherchant, s’inventant, à une époque où internet déboulait, bousculait tout. Il en est passé des octets dans les câbles de cuivre en 18 ans.
J’ai eu l’opportunité de suivre le développement d’un loisir. D’une industrie. De le vivre. De l’intérieur. J’en ai vu, lu, entendu des choses. Tellement. Des bonnes. Des mauvaises. Aussi. Une source incroyable de réflexions, de motivations, de recherches, de postulats, de remises en question. Tellement. Des mauvaises. Des bonnes. Surtout.
Tric Trac est une activité entrepreneuriale. Tric Trac a toujours été une activité entrepreneuriale. Depuis sa création. Cela n’a jamais été un blog. Jamais été une activité parallèle à un « vrai » travail. Jamais été un loisir. Jamais été un passe-temps. Lorsque je me suis engagé dans cette voie, j’avais 35 ans. Je l’ai fait à 110%. Je n’avais quasi jamais « travaillé » pour personne. Je n’avais aucun bagage me destinant à devenir chef d’entreprise. Je n’avais aucun bagage tout court. Rien. Je n’ai pas le BAC. Je n’ai même pas mon Brevet des Collèges. Rien. La gestion, je l’ai appris en poussant des Kubenbois. Tous mes choix n’ont été motivés que par l’envie de faire ce que je voulais. Le mieux possible. De faire comme je le voulais. Avec bienveillance, certes, mais sans jamais me laisser marcher sur les DocMartens. J’ai eu la chance de croiser la route de personnes intéressantes, motivantes, intelligentes, spéciales. Des gens qui m’ont compris. Qui m’ont accompagné. Aidé. Motivé. Je ne les remercierais jamais assez.
L'Aventure a débuté dans un coin d'appartement.
Mes lignes de conduite ont toujours été simples. Analyser. Imaginer. Proposer. Avancer. Ne pas rester sur ses acquis. Inventer. Développer. Tout bousculer. Et, surtout, pérenniser les salaires dès qu’il y a eu des employés. Et ce, sans jamais me renier. Même dans les moments de doutes. Même dans les moments délicats. J’ai su rapidement que je n’étais pas fait pour être « patron ». Mais j’ai assumé. J’ai essayé de gérer mon caractère et le bien des personnes avec qui je travaillais. Comme je le pouvais. Avec une obsession. Celle du temps. Celle de l’âge. Combien de temps j’allais tenir. Combien de temps j’allais être en phase. Combien de temps j’allais faire illusion.
J’ai toujours été fasciné par ce moment où, l’âge aidant, on perd le contact avec la réalité. Où une fracture s’opère entre notre vision du monde et ce qu’il est vraiment. Le fameux décalage « générationnel ». J’ai toujours été fasciné par l’ambition générale consistant à occuper une place, un « travail » le plus longtemps possible. Le plus important a donc été pour moi de constamment vérifier que je n’étais pas en train de lâcher prise. De perdre le « mojo ». Je me suis toujours dit que, quoi que l’on fasse, il fallait laisser sa place avant de perdre pied. Avant de s’enraciner. On ne se voit pas vieillir. J’ai 53 ans. Je suis déjà en dehors de la moyenne du public qui vient ici chercher de l’information. J’ai, je crois, encore les pieds solides. Mais je sais que la fracture peut venir vite. Subrepticement. J’ai déjà eu plusieurs vies. Je sens que si je veux en vivre une nouvelle - la dernière peut-être - c’est maintenant. Il me faut donc préparer mon départ. Avant que les faiblesses apparaissent. Avant que l’envie d’aventures disparaisse. C’est maintenant. Oui. C’est maintenant que mon départ se prépare. C’est maintenant que je commence à ranger mon bureau. Pour laisser une place bien nette. Car je vais partir. Je vais quitter le secteur avant qu’il ne me quitte. Cela va se faire en étape. Doucement.
J'ai arrêté d'écouter en classe très peu de temps après cette photo.
(Oui, je suis le seul a sourire, et le seul a avoir un contact avec un autre.)
Si je veux commencer une nouvelle vie, c’est maintenant. Dans 10 ans, cela sera bien plus difficile.
Monsieur Phal, VPS chez Tric Trac (Vieux Pas Sage).
Flat Prod n’est plus, vive Flat Prod
Je vais aller droit au but. J’ai cédé l’entreprise. Oui. Vous avez bien lu. Tric Trac n’est plus à moi. Tric Trac appartenait à Flat Prod, une entreprise individuelle montée en 2000. Une entreprise devenue SARL en 2009 avec un actionnariat réparti à 51/49% entre deux associés. Une association de joyeux lascars qui a fait couler quelques pixels. Une association qui a alimenté les plus amusants des fantasmes. Une association qui a surtout permis à Tric Trac de devenir ce qu’il est, avec plus de vidéos, de contenu, de salariés… Une association qui a permis, j’en suis convaincu, au secteur de se développer. Mieux. Plus vite. Plus humainement.
Lorsque j’ai verbalisé mon envie de changer d’horizon, mon associé m’a proposé de lui racheter ses parts. Pour que je puisse avoir l’esprit libre. Pour que je me mette à la recherche d’une personne dont les motivations seraient en adéquation avec l’idée que je me fais de ce que peut devenir Tric Trac sans moi. Et ainsi durer. Avancer.
Je ne remercierais jamais assez Marc Nunes pour ce qu’il a fait. Pour Tric Trac. Pour moi… Je ne remercierais jamais assez la TTTeam pour ce qu'ils ont fait. Pour Tric Trac. Pour moi... Je ne remercierais jamais assez tout ceux qui ont ont fait pour Tric Trac. Pour moi...
Monsieur Phal, VPR chez Tric Trac (Vieux Punk Reconnaissant).
J’ai trouvé de l’écho, de l’envie, de la passion, de la compréhension chez Sophie Gravel. Vous connaissez certainement Madame Sophie. Pour faire court, Madame Sophie est à l’origine de Filosofia. Une entreprise qui a su se faire une place dans le secteur. Une entreprise qui a été rachetée par Asmodee. Avec le fruit de la vente, Madame Sophie a monté Plan B. On ne quitte pas un secteur que l’on aime facilement. Nous avons discuté, échangé, et nous nous sommes mis d’accord. Madame Sophie est devenue propriétaire de Flat Prod il y a quelques jours. Plus exactement, Plan B est devenu propriétaire de Flat Prod, et par voie de conséquence, propriétaire de Tric Trac.
J’entends déjà les remarques, les interrogations, les fantasmes et les étonnements. Comme je les ai entendus à l’époque où certains hurlaient que Tric Trac était vendu à Asmodee. Vous avez maintenant la preuve que cela était une erreur, un mensonge. Si Tric Trac était vendu à Asmodee, Madame Sophie n’aurait pas pu l’acheter. Patate. Je vais donc expliquer. Comme je l’ai toujours fait. Tranquillement. Les tenants et les aboutissements.
Le relais
Pour partir l’esprit serein, il me fallait assurer la pérennité du site, donc de l’entreprise, donc des salaires, donc des salariés. Il faut que Tric Trac fonctionne sans moi. Si d’aucuns aigris pourraient penser qu’il suffisait que je dégage, je répondrais que ce n’est pas si simple. La majorité du chiffre d’affaire de Flat Prod (la société qui gère Tric Trac) dépend de décisions que j’ai prises il y a quelques années, et que j’assume. Il dépend d’une ligne éditoriale que j’ai fabriquée, dictée, mise en place. Mais aussi de relations fortes avec certaines personnes du secteur. De la confiance que me donnent des auteurs, des éditeurs, des distributeurs… Et surtout celle que me donne le Docteur Mops, Monsieur Guillaume, Germain, Olivier et julien. Pas question de partir en laissant tout le monde en plan. D’autant moins que je sais que le secteur est en pleine métamorphose. D’autant moins que je sais que le monde de l’information, du web sont en pleine mutation. Les relations humaines fortes ne se lèguent pas. Imaginer les futurs possibles et s’en aller les mains dans les poches en disant « démerdez-vous » n’est pas très « fair-play ». Il a donc fallu repenser, imaginer le projet. Pour pérenniser. Pour stabiliser. Pour intéresser un repreneur, rassurer les partenaires et assurer les salaires de la TT Team. Il m’a fallu planifier pour intégrer sur le moyen terme et le long terme tous ces changements.
Les constats
L’information n’a plus de valeur. Je l’ai déjà verbalisé, Tric Trac est un intermédiaire entre les acteurs d’une information et un potentiel lectorat. Ces dernières années, plusieurs phénomènes se sont installés. Faisant disparaitre l’intérêt d’un intermédiaire tel que Tric Trac. Les réseaux sociaux ont modifié la donne. Les moyens techniques accessibles ont modifié la donne. Doucement. Tranquillement. Les médias, les artistes, les fabricants, et dans le monde du jeu les éditeurs, les auteurs… Tout le monde communique depuis sa page Facebook, depuis son compte Tweeter, son Instagram. Parce que le monde actuel ne jure plus que par les likes, le nombre de fans et de retweet. Il faut du « Fan ». Et pour attirer le « Fan », les éditeurs, les auteurs, les artistes vont annoncer les choses en priorité sur leur page Facebook, vont « teaser » sur leur compte tweeter, vont tenter de séduire via leur Instagram. Les sites d’actualités n’ont plus la primeur. Pourquoi donner une info à UN journaliste alors que je peux toucher directement mon « fan », mon « client » et tous les journalistes d’un seul coup. Tous les médias sont abonnés aux différents comptes des gens qui comptent, et ces gens qui « comptent » n’ont aucune raison de se priver de ces nouveaux moyens. Nous avons vu cette métamorphose chez Tric Trac et notre réaction a été d’ouvrir notre plateforme à tous les acteurs du secteur afin de centraliser tel un « réseau social spécialisé ». Et cela fonctionne. Le trafic augmente. Tric Trac reste un point central où l’on trouve une masse d’informations ludiques en français sans équivalent. Cela fonctionne, mais ne rapporte pas vraiment de chiffre d’affaires puisque tout ce contenu est « gratuit ».
Il reste la valeur ajoutée d’une analyse approfondie d’un(e) rédacteur(trice) spécialisé(e). De celle qui prend du temps. Produire cette valeur ajoutée a un coût. En salaire, en structure… Seulement voilà, pour financer ce coût, il n’y a plus assez de monde. Il y a les abonnés. Merci à eux. Il y a les publicités. Merci aux annonceurs. Mais il y a tellement d’endroits à financer qu’il y a dilution. Et ce phénomène ne fait que commencer. Il touche tous les secteurs. Il touche tous les médias. Il faut donc trouver autre chose. Une autre voie. Des alternatives. Il faut repenser la chaine de distributions des gains. Vous imaginez bien que j’ai un peu « bossé » sur le propos. Vous imaginez bien que je l’ai verbalisé. À droite. À gauche. Je reviendrais dessus de manière précise. Un jour. Bientôt. Quoi qu’il en soit, j’ai trouvé de l’attention, j’ai trouvé de l’écho, j’ai trouvé force de propositions chez Madame Sophie. Et nous avons décidé de travailler ensemble pour aller vers cet avenir. Cet avenir qui va permettre à la TTTeam de continuer à jouer devant les caméras, à couvrir les salons, à mettre en lumière les faiseurs de jeux. Cet avenir dans lequel Tric Trac se veut acteur et non spectateur.
Subir les changements ou les devancer, les provoquer, mon choix est vite fait.
Monsieur Phal, VPR chez Tric Trac (Vieux Punk Rebelle)
Le futur.
Les choses ne vont pas changer du jour au lendemain. Il faut du temps. Administrativement, je ne suis plus le propriétaire de Flat Prod. C’est fait. Je ne suis plus le gérant. Je suis le « Directeur de Publication ». Et ce jusqu’en février 2020. Oui, pour certains cela veut dire me supporter encore 2 ans. Dans les faits, nous allons continuer de bosser comme nous l’avons toujours fait. Avec le Docteur Mops, Monsieur Guillaume, Monsieur Germain, Julien et Olivier. Nous allons faire des vidéos, écrire des articles et tout ce genre de choses. Comme avant.
Flat Prod est dorénavant une SAS, la présidente est Sophie Gravel et celui qui s’occupera de gérer l’entreprise, le « Directeur Général » est François Décamp. Sa crinière blanche est connue par certains d’entre vous. Il oeuvre dans le secteur depuis au moins 30 ans ! Il va s’occuper de tout ce qui ne m’intéresse plus. Il va surtout s’occuper des quelques pistes de développement que nous avons imaginé. Et pour l’aider dans cette tâche, la première mesure prise est l’embauche d’un salarié que certains connaissent aussi puisqu’il s’agit de Monsieur Faycal. La boucle est bouclée ! Les plus malins l’auront compris, les plus adeptes des théories du complot l’aurons vu, tout cela est fait pour assurer le retour de Monsieur Faycal dans le monde du jeu, pour reformer le groupe « Monsieur Guillaume/Monsieur Faycal". Dingue. Si les « acquisitions » laissent souvent planer le doute sur l’avenir des employés, ici l’acquisition débute par de la création de poste(s)…
Je suis évidement très fier de rejoindre l'équipe de Tric Trac pour contribuer à en écrire le futur (et au delà...).
François Décamp, DG chez Tric Trac (Directeur Général)
Moi.
Je sais que cette annonce risque de faire crépiter les claviers. Paradoxalement, ceux qui ne m’aiment pas beaucoup risquent de passer à côté de la célébration de mon proche départ pour trouver des trucs à critiquer. Encore. Mais peu m’importe. Je suis arrivé à un moment de ma vie où j’ai besoin de changement. Des gens ont compris cela. Marc Nunes, Sophie Gravel ont compris cela. Ils m’ont aidé à mettre mon projet en place. Ils m’aident à changer de vie. Avant de publier cette annonce, j’ai discuté avec quelques personnes du secteur de ce relais, et j’ai été touché par le nombre de fois où l’on m’a dit « je suis heureux pour toi. ». Alors j’espère que vous serez « heureux pour moi » vous aussi. Je ne suis pas obligé. On n’a pas cherché à me séduire. J’ai juste envie de changer de vie. Et comme j’ai toujours fait ce dont j’avais envie. L’aventure Tric Trac est magnifique, elle mérite de continuer, avec ou sans moi. Elle mérite de continuer pour le Docteur Mops, Monsieur Guillaume, Monsieur Germain, Olivier et Julien. Je serais là encore 2 ans pour accompagner la TTTeam. Nous aurons donc l’occasion de revenir sur les projets en attendant mon vrai « au revoir ». Dans deux ans. En attendant, comme depuis le premier jour, nous allons tenter de nouvelles choses, explorer de nouvelles pistes, défricher… avec vous. Pour vous !
Je croyais signer pour une nouvelle saison de "Mash-Up", et je me retrouve à faire la paperasse à la place de Monsieur Phal...
François Décamp, DG chez Tric Trac (Directeur Général)
Que le spectacle commence...