Allez, on ne prend pas les mêmes, mais on recommence quand même en pas tout-à-fait pareil mais presque ! Ce n’est pas clair ? Normal !
Isaac Childres, avec Cephalofair Games, sa maison d'édition, est l'exemple typique de la sucess story. Une première campagne en financement participatif qui, sans rien révolutionner, le fait connaître. Et un deuxième jeu, en septembre 2015, Gloomhaven (1 794 contributeurs ont engagé 105 965 $) qui déclenche un bouche-à-oreille plus qu'étonnant... Le souvenir de personnes récupérant leur grosse boite lors du salon d'Essen montrait qu'il se passe quelque chose.
Et ce quelque chose explose entre le 4 avril et le 2 mai 2017 où plus de 40 000 contributeurs frôlent les 4 millions de dollars pour la deuxième édition du jeu ! Et lorsque sort la suite du jeu, Frosthaven, lors de la campagne de financement participative en avril 2020 (pour une sortie réelle du jeu qui devrait normalement finir par arriver cette année), nouvelle détonation avec plus du double de participants (83 193) et plus du triple engagé pour quasiment 13 millions ! Une folie !
Seulement voilà, le jeu n'est pas qu'énorme par sa boite et ses composants, son nombre de parties possibles et donc le temps que ce jeu "exige"... Il faut avouer aussi qu'il est exigeant par ses règles ! Du coup, imaginer une version, disons, plus accessible et qui prend davantage en main les joueuses et les joueurs qui voudraient tenter l'expérience mais sans immédiatement investir autant semblait être une bonne idée... Ce qui se réalise avec Gloomhaven : Les Mâchoires du Lion qui arrive enfin en français.
1) Une campagne moins longuette :
En terme d'histoire, c'est une nouvelle campagne en 25 scénarios (pour rappel, Gloomhaven montait à 95 scénarios) qui se passe avant les événements de la première boite. Contenant 4 nouveaux personnages dont le Garde Rouge valrath, le lanceur de hache inox, l'artificier quatryl et une gardienne du Néant humaine. (Si vous souhaitez en apprendre davantage sur les différentes peuplades de l'univers de Gloomhaven, un petit tour sur le wiki fandom et hop !). Vous découvrirez également, parmi les 16 types de monstres, 7 nouveaux monstres standards et trois nouveaux gros affreux boss.
2) Une mise en place simplifiée :
Mais diminuer le nombre de scénarios pour aller au bout du jeu n'était pas la seule barrière. Et ce n'est donc pas le seul aménagement : La mise en place, avec les différentes tuiles à installer, se retrouve simplifiée par un livre de scénarios contenant, à chaque double page, l'illustration du terrain propre au scénario.... Et éventuellement un petit rajout de carte complémentaire via le livret additionnel. Si au départ, ça peut sembler "cheap" lorsqu'on est habitué au "Dungeon-Crawler" avec une foultitude de tuiles souvent épaisses, très vite le temps gagné par cette mise en place simplifié prend le pas.
3) Un tutoriel au poil... De vermlings :
Bon soit, mais quand même, les règles, c'était quand même un sacré livret à se fader ? Et bien dernier point et non des moindres, les cinq premiers scénarios forment un didacticiel fort bien fait. Les cartes à jouer, spécifiques à ce tutoriel et peu-à-peu remplacées au fur et à mesure de l'accomplissement des premiers scénarios et la maîtrise supposée des règles de base, comportent à la fois une version simplifiée des effets de jeu mais également l'expression écrite en toute lettre (et non pas seulement iconographique) de leurs effets.
Alors certes, pour être honnête sur ce point, nous avions déjà joué les premiers scénarios de Gloomhaven... Donc nous ne partions pas de zéro non plus. Quoi qu'il en soit, replonger peu-à-peu en découvrant les premiers effets et des cartes de jeu simplifiées est beaucoup plus doux en terme de "charge mentale".
Notons que tout ceci à un prix, en quelques sortes puisque, si les aventuriers d'une boite ou l'autre peuvent être joués avec l'autre boite ou l'une, si les 24 objectifs de batailles des Mâchoires peuvent rejoindre ceux d'Havrenuit, en revanche, les objets, monstres et événements n'ont été conçus et équilibrés que pour cette boite-ci.
Et donc ?
Les Mâchoires du Lion réussit parfaitement ce qu'il se propose de faire : "Abaisser le ticket d'entrée" pour jouer à Gloomhaven. Accompagnement sur les premières parties, que ce soit en quantité de règles tout autant que par la présence d'un matériel prenant en compte cette initiation ; mise en place simplifiées par un livret permettant des illustrations de plateau bien plus immersives que "générique", et une durée de campagne plus accessible et moins décourageante.
Banco alors ? Et bien oui, banco mais attention !Attention car il faut encore être clair de chez clair à propos de Gloomhaven :
- Vous allez passer une heure trente à deux heures sur un bout de cartes de maximum 15 cases sur 15, c'est vous dire le dynamisme des déplacements ;
- Vous allez devoir piocher des cartes Capacité de montres à chaque tour et pour chaque type de monstres... Et piocher des cartes Modificateur d'attaque pour vous et les monstres à chaque attaque (et c'est un peu la sempiternelle rengaine du jeu) qui, certes, remplacent les dés et permettent, statistiquement, des choses que ne permettent pas les dés... Mais au prix d'une inertie (2 secondes par ci, 2 secondes par là, multiplié par les dizaines de fois où il faut le faire) qu'il faut accepter ;
- Enfin, les temps de réflexions pour choisir ses cartes sont là encore présent, mais dans ce style de jeu que nous pourrions qualifier d' "Eurotrash" ("Euro" pour eurogame avec une place importante laissée à la mécanique et la gestion des éléments de jeu, et "Trash" pour ameritrash où le thème et l'histoire sont importantes, parfois avec certains éléments (feuille de personnages, expériences, etc) se rapprochant du jeu de rôle), il peut tout-à-fait faire partie intégrante du plaisir de jeu... Mais il faut le savoir !
Tout ceci est tellement vrai qu'une application a été développée : Gloomhaven Helper pour "aider" et réduire le temp de toutes ces manipulations (et il y en a d'autres comme Gloomhaven Scenario Viewer pour dévoiler les scénarios peu-à-peu ou Gloomhaven Companion pour vos feuilles de persos...) Et ainsi se rapprocher d'un jeu hybride. Quoiqu'il en soit, là encore, pour certains, ce ne sera qu'un pis-aller tant il faut rentrer tous les éléments "à la mano" dans l'application. Et puis, il faut avouer qu'à la longue, le "porte-monstre-trésor", ça ne se renouvelle pas des masses... Surtout si ce n'est pas assez dynamique...Et comme le disait un ami qui a beaucoup joué à Havrenuit : "au bout d'une cinquantaine de parties, c'est "un peu" répétitif !" (Oui, nous le savons, par les temps qui courent, jouer déjà cinquante parties au même jeu, ça tient de l'événement...)
Mais alors, le "banco" ? Mais le "banco", il est clairement là pour ceux qui justement cherchent tout ça sans avoir osé franchir le pas (et ce n'est pas tout le monde) : le plaisir d'un "porte-monstre-trésor" certes, mais avec une mécanique de cartes "effet du haut d'une carte" + "effet du bas d'une autre carte" et une réflexion qui va avec pour les combos de son personnage qui sont très agréables... Avec le plaisir d'équiper son personnage, de gagner des niveaux pour des cartes encore plus "badass" et un paquet de modificateur d'attaque optimisé qui vous fait bien sentir combien il est loin le p'tit niveau 1 du départ... Et enfin, le plaisir d'un jeu où l'optimisation et l'expérience peuvent être telles que vous pouvez adapter votre défi par le niveau des monstres en face de vous, en fonction du challenge recherché (et il peut être drôlement corsé, le challenge oO) ! Et en cela, Gloomhaven - Les mâchoires du Lion rempli parfaitement le contrat avec un accompagnement, une prise en main et un investissement facilité. Donc si vous êtes ce public concerné, il ne fait aucun doute que vous aurez de fait plaisir à vivre ces nouvelles aventures dans votre havre de paix ! Et ça, c'est banco !Et même que : "Dites, m'sieur Childres, vous nous recouperiez pas Havrenuit et le prochain Frosthaven en deux ou trois chapitres à la "Mâchoire du lion", que ça fasse moins "Monster game" indigeste, dites ?"