RIP JSP

La nouvelle est tombée comme un couperet avec la parution du soixante dix septième numéro : le magazine Jeux Sur un Plateau cessera désormais de paraître.
Un magazine qui faisait depuis des années (huit plus précisément) désormais parti du paysage ludique, seule revue consacrée aux jeux de société avec Plato.
Lancer un magazine de jeux a été un rêve pour beaucoup, rêve qui la plupart du temps ne dépassa pas le stade du projet. L’ambition de JsP fut de devenir très vite un magazine professionnel et pas un fanzine malgré le fait que le public cible soit extrêmement restreint même si l’on peut constater un engouement palpable et un élargissement de la pratique des jeux en deçà du premier cercle des passionnés.
Olivier Arneodo, le directeur de publication et grand capitaine du navire depuis ses débuts, s’en explique dans ce dernier numéro dans un long éditorial où il présente en quatre points les raisons de cette décision.
Le magazine s’est heurté comme toutes les petites structures avec de grands projets à des soucis de fabrication. Les derniers numéros prenaient de plus en plus de retard, attirant les reproches de certains lecteurs. JsP est publié par la sarl Wilobee depuis un certain temps mais la maquette continuait d’être traitée par la seconde société d’Olivier Arneodo nommée Olpan, ce qui provoquait des retards de traitements. Le magazine ne dégageait pas assez de bénéfices pour se permettre d’être conçu entièrement en interne.
Le deuxième point est conjoncturel, Olivier Arneodo rappelle la situation difficile de la presse en ce moment. L’info papier souffre du changement des modèles économiques engendrés par la popularité rapide de l’Internet. Les financements autrefois en grande partie assurés par les publicités pour certains supports ont été diminué par une fuite des annonceurs qui se reportaient sur le Net ; soit pour y reporter une partie de leurs budgets publicitaires soit en investissant pour réaliser leurs propres sites de communications. JsP s’est également trouvé confronté à une hégémonie des systèmes de diffusion de la presse qui ne privilégient évidemment pas les petits tirages dans un univers où certains magazines ne sont conçus que pour durer quelques numéros, misant sur la nouveauté et envahissant l’espace de présentation des maisons de presse qui ne s’y retrouvent plus dans une profusion où apparaissent et disparaissent de nouveaux titres chaque mois.
Est évoquée aussi l’usure personnelle bien compréhensible. Faute d’un modèle économique fiable, le travail ne pouvait se faire qu’en bricolant et en donnant beaucoup de sa personne. Ce que la passion permet de surmonter ne dure qu’un moment et émousse même les plus impliqués quand le travail se fait dans l’inconfort.
Le dernier point (il est cité en deuxième place dans l’éditorial mais O. Arneodo précise qu’il n’y a pas de hiérarchie d’importance) sera sans doute celui qui fera le plus parler puisque c’est aux façons de faire de certains acteurs du milieu et de ce qui paraît comme une « mentalité » qui a mis des bâtons dans les roues de la politique éditoriale de JsP. D’après Olivier Arneodo, certains éditeurs qu’il cite à mots couverts attendaient des articles de la publi rédaction, à savoir de la communication plutôt que de l’information. Olivier Arneodo met en comparaison l’attitude des éditeurs étrangers et français, reprochant à ces derniers un manque de culture journalistique.
Il s’en suit un certain nombre de remerciements mais aussi de non-remerciements dans lesquels pointent la fierté d’avoir pu mener un tel projet aussi loin et aussi longtemps mélangée à une tristesse et un peu d’amertume d’être tenu à cette conclusion difficile qu’est l’arrêt de la publication du magazine. On peut comprendre l’émotion de tous ceux qui ont participé de près ou de loin à cette aventure éditoriale qui rejoint ainsi le panthéon des plus célèbres publications comme le furent en leur temps d’autres magazines, leur père historique en tête de liste ; le fameux Jeux & Stratégie.
Les destins du site Internet, de la boutique et du site de jeux en ligne ne sont pas évoqués dans ce dernier magazine. Normalement leurs avenirs ne sont pas remis en cause pour le moment.
La disparition d’un média est toujours un événement regrettable et nous renvoie d’autant plus sur Tric Trac à la fragilité que l’on ne doit jamais sous-estimer. Espérons que nous retrouverons les plumes habiles de nos collègues sous d’autres cieux.