Résumé de l’épisode précédent:
Un jour, un auteur a une idée qui l’amène à concevoir rapidement un petit jeu à deux bien cool… mais n’y aurait-il pas mieux encore à faire avec cette idée…
L’article complet peut se lire ICI.
3- le long d’une route solitaire…
Cette pensée a continué à m’obséder.
Quelle histoire raconter avec un tel mécanisme ? C’est quoi le pitch ?
Et puis d’un seul coup tout s’éclaire. Les pions colorés présents sur la surface de jeu en début de partie, ce sont… des ouvriers. Oui, c’est ça, plutôt que de faire un énième jeu de placement d’ouvriers, pourquoi ne pas travailler sur un jeu dans lequel TOUS les ouvriers sont déjà présents dès le début de la partie, et dans lequel c’est leur déplacement qui va générer les différentes possibilités tactiques offertes aux joueurs.
Oui, c’est clair, voilà ce que je vais faire :
UN JEU DE DEPLACEMENT D’OUVRIERS !!!
Ceci étant posé, il faut maintenant reconstruire. Et pour construire, à ce stade, j’ai besoin de me raconter une histoire… Ces « ouvriers », quelle est leur fonction… Dans quel milieu évoluent-ils.
Dans un premier temps, par facilité, je décide de m’appuyer sur l’Egypte antique. C’est bien l’Egypte antique : ça parle à tout le monde, on a pas besoin d’être réaliste, il y a une grosse part fantasmée dans l’inconscient collectif, les dieux sont puissants et peuvent servir d’alibi à tous les effets possibles et imaginables dont je pourrai avoir besoin, on peut trouver des images facilement et en quantité. A ce stade d’avancement du travail, c’est parfait. Il sera bien temps de réfléchir à plus original plus tard.
Dans cet univers, les ouvriers vont évoluer de case en case… De façon assez logique, ces cases me semblent devoir devenir les différents quartiers d’une ville en plein développement. Les ouvriers se déplaceront de quartier en quartier. Je fais quelques recherches sur la toile, et je tombe sur l’histoire de la ville d’Heliopolis. Des histoires de Dieux, de castes, des légendes… Le terreau est fertile et en plus Heliopolis, ça claque bien comme nom de prototype. (bon j’avoue, j’avais aussi pensé à appeler le jeu « Les Village Meeples »… désolé…
Dès la conception du proto, je veux que ce soit beau sur un plan esthétique, et riche sur un plan tactique et ludique. Il faut donc que ces quartiers aient différentes fonctions. Assez naturellement, dans une ville sous ces latitudes, j’imagine des souks, des oasis, des temples, des chantiers… Pour quoi faire, je ne sais pas encore à ce stade, mais je veux de la variété. Pas trop non plus sans quoi le jeu deviendrait trop difficile à expliquer, et à maîtriser.
Et puis les ouvriers eux-mêmes… Déjà, je lance une commande de paquets de Meeples colorés. Parce que ça sera bien plus agréable d’avoir le sentiment de voir de « vrais » personnages se déplacer de quartier en quartier plutôt que de prendre des cubes en bois colorés représentant des personnages !!
Là encore, j’ai envie et besoin de variété pour la richesse du jeu, mais pas trop pour ne pas perdre en route la moitié des joueurs potentiels. La question cruciale est donc : combien de « couleurs », c’est à dire combien de métiers différents pour ces fameux ouvriers.
Impossible d’aller en dessous de 3 couleurs : Lorsque l’on veut équilibrer un système de jeu multi-joueurs (car bien évidemment j’ai décidé sur ce projet de ne pas me cantonner à un jeu pour deux joueurs), il faut un minimum de trois variables. C’est comme un siège : avec un seul ou deux pieds, c’est hyper instable et réservé aux équilibristes de haut vol. Tandis que dès qu’on ajoute un troisième pied, l’ensemble est immédiatement et irrémédiablement stabilisé.
Mais difficile aussi d’aller au delà de 7 couleurs : en effet j’ai le souvenir de discussions très intéressantes avec quelqu’un ayant travaillé sur les systèmes de mémorisation. Il m’avait en l’époque expliqué qu’on pouvait démontrer que, pour 80% de la population, il était quasi impossible de mémoriser de façon fiable plus de 7 consignes différentes, même ultra simples.
Je jette donc mon dévolu sur 5 couleurs. C’est certes arbitraire, mais en même temps, d’expérience, ça me semble assez cohérent et confortable en terme de compromis richesse/accessibilité, et puis, il y a exactement 5 couleurs différentes dans Magic The Gathering… ça donne confiance !!!
Ces ouvriers, il va falloir leur donner des métiers. Nous aurons donc :
Des Marchands en vert
Des Hauts-dignitaires en jaune
Des Architectes en bleu
Des Prêtres en blanc
Des Assassins en rouge (oui, peut être un peu d’interaction directe. J’aime pas quand tout le monde joue uniquement dans son coin… on verra quoi faire avec ça plus tard, mais je VEUX des assassins. Na !)
Et en ce qui concerne leur quantité… Et bien, on commencera avec autant de personnages dans chaque catégorie.
Revenons maintenant à notre ville. Tout d’abord, quelle taille va-t-elle avoir ?
Il y a 5 catégories d’ouvriers, en quantité égale. On démarrera la partie avec 3 ouvriers pas quartier (c’était la base du petit proto initial). Il faut donc que Nb cases * 3 = multiple de 5 !!
Sur une surface de 3 * 3 cases, ça ne marche pas, pas plus que 4 * 4…
Par contre, 5 * 5 = 25 cases et 25*3 = 75 Meeples, ça donnerait 15 Meeples pour chaque catégorie. Ça paraît pas mal. Partons là-dessus.
Et ces 25 Quartiers… comment les répartir… Comme durant tout ce processus, j’ai commencé en même temps à imaginer des situations de jeu, j’ai décidé de répartir ces quartiers en deux grandes catégories :
Les monuments (qui regrouperont Temples et Chantiers)
Les quartiers populaires (marchés et oasis)
Ces situations virtuelles juste imaginées m’ont amené à conclure que j’ai besoin de plus de quartiers populaires que de monuments. En plus, esthétiquement, ça devrait rendre mieux, ce qui ne gâte rien. Partons donc sur 15 quartiers populaires et 10 monuments. Pour un premier galop d’essai, ça ne paraît pas trop stupide.
Le setup sera aléatoire : les 25 quartiers étant mélangés pour être disposés en carré 5 * 5, avec ensuite 3 Meeples par quartier, piochés au hasard dans un sac. A ce stade, le décor est planté.
Les acteurs sont en place. Il faut passer à la mise en scène.