Tu ne convoiteras pas le succès des autres…
Deux ans et demi ! 30 mois, c’est le temps qu’aura pris la procédure lancée par les auteurs de « Jungle Speed », Tom Vuarchex et Pierric Yakovenko, contre « Jungle Jam », une copie sans auteur. Car oui, on peut utiliser le terme de copie puisque le jugement est tombé. Paf. « Tu ne copieras point et rends les sous que tu t’es faits. ». Oui.
Là où certains se diront qu’il ne s’agit que d’une histoire de gros sous entre grosses sociétés, les plus fins analystes verront un joli bouleversement dans l’acte de création ludique.
D’abord, pour commencer, parlons argent, comme ça ce sera fait et on passe à la suite. En gros, Joue Club, qui vendait « Jungle Jam », se voit condamné à verser à Asmodée (détendeur des droits depuis 2003) la somme de 45 000 € à titre de dommage et intérêts. Pour couper court aux « Ha tu vois que c’est pour l’argent, salaud de capitaliste », il faut savoir qu’Asmodée va donner cette somme à l’Association Mond’Action qui, parrainé par « Jungle Speed » depuis pas mal de temps, gère, entre autres, un orphelinat à Bamako (cliquez là).
Mais là où la chose est vraiment extrêmement intéressante, c’est la jurisprudence de l’analyse de la justice à base de loi. Oui. Car il s’agit de la première reconnaissance par la justice française de contrefaçon dans le monde du ludique tel qu’on en parle sur Tric Trac. Il est à noter qu’il est fait état dans le jugement produit le 6 mai 2010 que les deux auteurs avaient pour preuves des enveloppes Soleau pour dater la règle, que la partie adverse a essayé de faire démontrer que « Jungle Speed » fonctionnait comme « Zuma », possédant des totems et sortie avant, ou le jeu « Schnipp schnapp » pour une histoire de cartes qui seraient comme mais pas pareil. Mais le tribunal a bien analysé les règles, le matériel et en a déduit des tas de choses comme le fait que « Jungle Speed » est original et qu’il, c’est important l’air de rien, « résulte d’un effort créatif certain » ! Oui madame. Un effort créatif. La justice, la jurisprudence le dit, Madame. C’est sans doute la première fois en France que des auteurs de jeux sont reconnus officiellement comme des créatifs.
Bon, pour rassurer tous ceux qui ont peur pour leur futur jeu qui va tout déchirer dès qu’il aura trouvé un éditeur, la contrefaçon est très très rare dans le domaine ludique. Cette affaire montre surtout que s’il y a contrefaçon, c’est sur de gros gros succès, et que la justice est attentive aux éléments, mais aussi aux règles du jeu…
Bravo à Monsieur Thomas et Monsieur Pierric pour leur entêtement, ils ont portés « Jungle Speed » à bout de bras durant des années, fabriqué les premiers exemplaires à la main, fait le tour des bars pour des démos, et le ludique en France doit beaucoup à leur jeu. Oui, n’ayons pas peur de l’affirmer, si pas mal de gens ce sont mis à jouer autour d’un table, c’est aussi grâce à « Jungle Speed ». Ils méritent ce succès et ce jugement.
* l’Image d’illustration vient du forum de TT et est proposée par Thomas Vuarchex