Kobayaka… quoi ?
S’il y a bien un jeu que j’aurais dû chroniquer, présenter et ensemencer dans les esprits trictraciens, c’est bien Kobayakawa. Découvert en avril dernier, lors du Tokyo Game Market, j’ai longtemps espéré que le jeu bénéficie d’une version occidentalisée, mais pour le moment, toujours rien à l’horizon.
J’avais fait l’écho du plaisir que j’avais pris avec ce jeu lors de la démonstration au salon dans une chronique pour le podcast Proxi-Jeux auquel je participe depuis deux ans déjà ! Oink Games, je l’ai déjà écrit précédemment, est un éditeur que j’apprécie pour sa capacité à lier intimement et avec talent la beauté de l’objet (boîte, graphismes, composants, toujours associé à un élément unique en son genre) et la simplicité des mécaniques, loin, pourtant, d’être légères ou superficielles.
Kobayakawa, ce n’est pas un nom aisé à retenir pour qui n’a pas l’habitude du japonais. Et je cherche d’ailleurs encore à deviner l’origine de ce titre. J’ai fait de longues recherches, jusque dans les arcanes les plus secrètes et terrifiantes du Net, sans n’avoir jamais vraiment réussi à trouver la clé. J’ai malgré tout découvert que le symbole représenté sur les pièces inclues dans le jeu faisait référence, numismatiquement parlant (vous m’excuserez la liberté de langage), au blason du clan Kobayakawa. Allez, comme je suis sympa et que la partie francophone de l’article sur Wikipédia est peu alimentée, je vous file le lien vers l’article japonais :
Click ici pour étancher ta soif de savoir version kanjis.
Mais bon, faute de pouvoir vous en dire plus, faisons comme si tout cela n’était pas important.
Je suis le plus faible, donc je gagne
C’est le principe déclencheur du jeu. Être faible mais sans l’être trop. Trouver le juste équilibre demandera un peu de chance, bien sûr, mais aussi une capacité à lire les autres, en interprétant leurs décisions, en les observant au plus près jusqu’à les sentir devenir transparents. Il faudra aussi s’armer d’un léger talent de déduction, qui n’est pas sans rappeler Love Letter ou Lost Legacy, pour ne citer que les plus connus d’entre eux.
Tout ceci doit vous paraître bien abstrait pour le moment. C’est pourtant très simple. Le jeu est composé de 15 cartes, numérotées de 1 à 15, d’une règle et de 32 pièces en métal qui sentent le passé japonais.
Le jeu se joue en plusieurs manches, de 3 à 6 joueurs, à partir de 8 ans pour des parties de 15 minutes, généralement. Chaque joueur reçoit au début de la partie 4 pièces, qui lui permettront de miser sur sa chance de gagner.
On place aussi 8 pièces au milieu de la table, qui indiqueront le nombre de manches que la partie durera. A chaque manche, la « banque » mise une pièce, sauf, et c’est un détail qui a son importance en terme de tension ludique, pendant le dernier tour, au cours duquel la « banque » misera 2 pièces. Les joueurs devront d’ailleurs eux aussi miser 2 pièces s’ils veulent participer à cette dernière manche.
Maintenant que vous savez comment fonctionnent les mises, voyons un peu le cœur même du jeu et ce qui en fait un bel objet ludique, auquel nous jouons très régulièrement depuis maintenant plus d’un an.
Rira bien qui ravira le denier
Le joueur actif distribue une carte à chaque joueur. On place le reste des cartes au milieu de la table. Le joueur actif va ensuite tirer une carte de la pioche et la poser face découverte juste à côté. Cette carte, disponible pour tous les joueurs, mais pas vraiment, s’appelle la Kobayakawa.
Chaque joueur jette un œil, poker-like, à la carte qui lui a été attribuée. Le bluff peut commencer. Vous pouvez faire comme lors de ces grands événements Poker, quand les joueurs font glisser le coin des cartes entre le pouce et l’index pour juste voir le symbole de la carte, histoire de créer une ambiance Beef Jerky (comprenne qui pourra, World Series of Poker joke inside).
Une fois que tous les joueurs ont pris connaissance de leur carte, la première phase commence. Chaque manche se compose de deux phases. Pendant la première phase, ils peuvent à leur tour choisir une action parmi deux :
- Piocher une carte de la pile et la prendre en main, puis faire un choix. On doit en effet n’en garder qu’une sur les deux. Celle qu’on ne garde pas sera posée devant soi, face découverte. Ca y est, la partie déduction commence à se mettre en place.
- Changer, sans la regarder, la carte « Kobayakawa ».
Une fois que tous les joueurs ont résolu cette partie « action », ils décident s’ils souhaitent, pendant la deuxième phase, prendre le risque de miser une pièce ou non. Les mises sont limitées à 1 pièce. Pas de all-in ! Par contre, rappelez-vous bien que lors de la dernière manche, il faudra miser 2 pièces !
La Kobayakawa, c’est plus fort que toi (merci SEGA)
Alors, cette « kobayakawa », à quoi sert-elle ? Et bien, lors de la deuxième phase de jeu, cette carte va venir en aide au joueur qui a la carte la plus faible parmi ceux encore en jeu. Un petit exemple, pour la forme :
Dans notre exemple, la partie est jouée à 4. Les 4 joueurs ont décidé de miser une pièce pour participer à la résolution finale de la manche. Les joueurs ont de haut en bas, de droite à gauche, les cartes 10, 15, 8 et 9. La Kobayakawa est de 6. Le joueur avec la carte la plus faible est celui qui montre le 8. Comme il a la carte la plus faible, la valeur de la Kobayakawa est ajoutée au nombre indiqué sur sa carte : 6 + 8, pour un total de 14. Malheureusement pour lui, même avec le soutien de la Kobayakawa, son score total ne lui permet pas de battre le 15 de l’un de ses adversaires. Ce dernier remporte donc la manche et récupère les 4 pièces misées par les joueurs ainsi que celle apportée par la banque, pour un total de 5. Un bon départ !
Alors, vous allez me dire, le joueur à 15 a juste eu de la moule ! Oui, et non. Avoir la carte de valeur 15 est évidemment une bonne chose, mais tout dépendra de la valeur de la Kobayakawa. Si celle-ci est la carte de valeur 11, 12, 13 ou 14, même avec la carte 15, peu de chance de l’emporter. A moins que cette valeur si élevée pour la Kobayakawa ne fasse peur à tout le monde, et ainsi de suite.
Un jeu qu’il est bien pour ton corps !
Ou pas. Ce qui est sûr, c’est que votre esprit le remerciera. Kobayakawa a l’air sacrément simple et pourtant, les joueurs sont vite happés, comme dans une partie de poker bien tendue.
Comme dans beaucoup de jeux de ce type, si vous jouez avec les mêmes joueurs plusieurs parties, vous allez vous rendre compte que vous commencez à lire leurs gestes, leurs choix et pouvez mesurer leurs prises de risque. Et c’est là que le jeu prend tout son sel, quand les joueurs autour de vous s’accaparent entièrement du jeu et le maîtrisent jusque dans ses moindres finesses.
Kobayakawa est ce que mes amis anglophones appellent un filler, un de ces jeux qui va vous permettre de reprendre votre souffle entre une partie de Eldritch Horror et de Battlestar Galactica, ou entre une partie de Bruxelles 1893 et de Russian Railroads, pour les plus kubipousseurs.
Un matériel très simple, joliment désigné et possédant une plus-value à sous-peser (les pièces sont lourdes mais donnent le sentiment de vraiment participer à un jeu de mises), une idée de mécanique d’une humilité étonnante pour des parties serrées, parfois sérieuses, parfois subtiles, souvent sympas ! Oui, j’aime assez les allitérations en « s » en début de mot. Ne cherchez pas à expliquer ce phénomène ! My mother had me tested, comme dirait Sheldon.
Bref, en 100 mots comme en 1, Kobayakawa est un jeu que je ne saurais trop conseiller. Il fait partie de ces rares jeux que j’ai découverts il y a plus d’un an dans les différentes événements ludiques nippons et auxquels je (nous, ils, elles) joue encore en famille, entre amis, avec des joueurs amateurs de figurines de dragon ou des joueurs qui essaient encore de comprendre la différence entre une carte et un pion. Une pépite.
Izobretenik
« Kobayakawa »
Un jeu de Jun Sasaki
Illustré par
Publié par Oink Games
3 à 6 joueurs
A partir de 8 ans
Langue de la règle: Japon
Durée: 15 minutes
Prix: Non renseigné
[Battlestar Galactica][Bruxelles 1893][Kobayakawa][Lost Bible][Russian Railroads]