Le jeu. Art ? Cochon ou Culture ? Et pourquoi faire ?

C’est en lisant notre confrère JV (#34), le magazine de la culture jeu vidéo comme ils se nomment que j’ai découvert en couverture ces mots accrocheurs et intrigants : Le jeu vidéo, paria de la culture ? Un article de Christophe Butelet et Kevin Bitterlin que je vous laisserais découvrir si le coeur vous en dit.

Même si au départ, je cherchais à faire des économies en trouvant de bonnes raisons ne pas acheter de casque VR. Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire en imaginant ces pauvres bougres de la première industrie de loisir dans le rôle du vilain petit canard. Il y avait là pour nous autres amateurs de carton un petit côté hôpital qui se moque de la charité.

Une occasion pour moi d’utiliser mon temps libéré à ne pas me faire attaquer par un requin virtuel en gesticulant grotesquement au milieu de mon salon parsemé de câbles à la Brazil. Revenons donc sur ce sujet qui semble inquiétant car si le jeu vidéo n’était pas culturel, je ne vous explique pas dans quel récipient honteux nous devrions ranger nos boîtes de jeux de société.

Depuis les années 2000, Tric Trac et bien d’autres se sont rangés du côté de ceux qui réclamaient l’apposition systématique du nom de ou des auteurs sur les boîtes de jeu. Chose qui existait déjà mais était encore loin d’être généralisée alors que le logo de l’éditeur était lui toujours en bonne place.

Certes, le nom de l’auteur n’est pas le débat sur la culture mais il y participe à sa manière.

La culture est ce qui reste quand on ne sait rien faire.

Françoise Sagan

Depuis que les choses se sont nettement améliorées sur les mentions d’auteur, nous avons vu le débat sur la culture du jeu de société (et du jeu de manière plus large) apparaître de plus en plus. Chacun y va de ses impressions ou de ses intérêts avec deux positions que nous pourrions déterminer comme opposées : ceux qui usent de cette fameuse sentence « Ce n’est qu’un jeu. » quand les débats s’enflamment ou se complexifient et ceux qui considèrent que le jeu de société est le Xième art, sans bien savoir quel numéro lui donner vu que les copains de la photos, du cinéma et de la BD sont déjà passés avant et que nous ne savons plus bien l’état de la numérotation. D’ailleurs c’est quoi le premier art ? Hein ? Vous voyez. Ce n’est pas si évident.

Et puis déjà, le contexte se complexifie encore puisqu’en plus de la culture vient parallèlement la considération artistique…

Le premier gros souci que nous avons c’est que la culture tout comme l’art n’existe pas.
J’aime bien les sentences brutales…
Je précise donc que la culture et l’art ne sont pas des étants. Ce ne sont pas des choses qui existent par elles mêmes en dehors de nous. Il n’existe aucune méthode scientifique démontrant que telle ou telle discipline ou objet est de l’art ou de la culture. Ce sont l’un et l’autre des notions que l’homme a créé et qui ont pour fonction (entre autre) de permettre de classifier et donc d’ordonner des formes de pensées. Personne n’a vraiment inventé ou découvert la culture et l’art. Par cette nature même qui tient donc de notre jugement personnel et du jugement collectif et social, ces mots recouvrent des sens et des significations relativement vastes et dont certaines théories viennent carrément s’invalider les unes, les autres. Ce qui ne nous empêche pas d’en discuter le bout de gras, un coude le comptoir avec la légèreté qui se doit d’accompagner ces moments de bavardages.

Je suis un non-violent : quand j’entends parler de revolver, je sors ma culture.

Francis Blanche

Numéro 19752 ! Guichet 33 svp !

Concernant l’art, sachez qu’à l’heure actuelle nous en serions à sept vu que les copains du cinoche ont bien fait leur boulot. Ceux de la BD continuent un peu à ramer pour prendre la huitième place. Autant vous dire que si vous allez réclamer un numéro d’art à l’institut de numérotation des arts, prenez de quoi grignoter : ça risque de vous prendre un paquet de temps. Et puis ce vénérable institut n’existe même pas…

La page Wikipédia dédiée à ce sujet est assez exemplaire du flou (artistique donc) et de l’imbécilité qui règne en ce domaine de la numérotation. Le passage sur l’analogie avec les sept couleurs de l’arc-en-ciel et le blabla de pensée magique sur les mystère du chiffre 7 donnent bien le ton du non sérieux de la chose. Et les 7 samurais ? Et les 7 nains ? Coïncidences ? Tss ! tss ! Non tout cela n’est vraiment pas sérieux mais nous y trouverons au moins le nom d’Étienne Souriau et autres malheureux qui avaient aussi du temps libre n’ayant pas de jeux vidéos pour s’occuper. C’est un peu oublier que le gars Souriau est un spécialiste de l’Esthétique (la branche de la philo qui traite de l’art et du beau) et qu’il avait son petit Hegel dans la poche avec une classification déjà bien entamée par Hegel qui en plus en faisait une liste traitée par ordre croissant d’importance. Non tous les arts ne se valent pas ma bonne dame ! Tu m’étonnes que chacun se dépêche d’avoir son numéro ! Vous imaginez ce que ça peut faire que de bosser dans 125 630e art dans un CV !

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Aller se faire voir chez les grecs...

Toute cette histoire nous vient de divers classifications et forcément derrière tout ça on trouve encore un coup des grecs ! Seulement chez les grecs, le terme d’art n’existe pas encore. Les activités que l’on nommerait aujourd’hui artistiques étaient inspirées par les muses. Leur nombre varie mais finalement se stabilisera à neuf.

Forcément, au Moyen-âge occidental, le petit Jésus est passé par là et la classification muséale coince un peu au niveau du dogme. Les arts et les sciences ne sont d’ailleurs pas encore distincts. Pour faire simple, nous avons les libéraux et les mécaniques. L’équivalent d’intellectuel et de manuel.

Parmi ces manuels, certains deviendront ensuite les Beaux-Arts. Et la notion d’artiste émergera de celle d’artisan, le premier ayant une plus value que les serviles (ce n’est pas encore péjoratif à l’époque), dans leur volonté à plus grande sublimation du réel. Ce n’est qu’à la Renaissance (avant-hier donc) que l’artiste change de statut même si le mot Arte (qui ne signifie pas encore la chaine des intellos qu’on dit regarder alors qu’en fait on a maté Patric Sébastien, comme disent les malcomprenants) signifie toujours fait avec ses mains : la pratique.

Architecte ? C'est cheaté comme classe !

En fait tout ça nous sert à ranger et classer comme disait monsieur Perec. Mais pas que… Comme le gars Hegel, il y en a plein qui aiment aussi faire des distinctions de valeurs. Par exemple l’Architecture c’est quand même plus balaise que la peinture. Le monde ce n’est pas n’importe quoi ! Il y a de bons et des mauvais, des grands et des petits ! Après, les premiers seront les derniers si vous voulez mais on ne mélange pas les torchons et les serviettes. En plus de faire des catégories pour simplifier notre communication, autant leur donner des valeurs !

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Du coup, ce qui devait servir à nous comprendre mieux sert aussi à nous définir et… nous classer. Et donc à construire un ordre social qui n’avait d’ailleurs pas attendu ça pour se constituer… Et là forcément, on comprend tout de suite beaucoup mieux le pourquoi de la revendication artistique.

Et sinon vous faites quoi comme vrai métier ?

Le domaine de la culture c’est encore plus le foutoir !

Si on arrive un peu à suivre l’évolution des idées sur l’art, celles qui donnent des définitions sur ce qu’est la culture (et donc ce qu’elle n’est pas) partent un peu dans tous les sens. En ayant une discussion sur la culture, nous avons donc de grandes chances de parler de choses différentes sans même en avoir conscience.

En plus, il n’y a même plus de classements…

Je vous donne un lien qui vous donnera quelques exemples de ce que peut bien être cette foutue culture.

Personnellement (mais ça n’a aucun intérêt) et comme beaucoup (c’est là que je suis un peu plus pris au sérieux), la culture est composée des représentations collectives propres à une société. C’est un sujet aussi passionnant que casse-gueule. Souvenez-vous donc du débat imbécile sur la nationalité et ce qui fait la culture d’un pays pour très vite entendre de sinistres bruits de bottes cadencées… Donc la culture, on fait un peu gaffe. Tant que ça fait fonctionner l’industrie touristique tout va bien, sinon je vous conseille de mettre des patins et de ne pas faire grincer le plancher.

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Mais alors pourquoi donc les amateurs de jeux vidéos veulent-ils être considérés culturellement ? Et pourquoi les amateurs de jeux de société aussi ? Globalement vous pouvez faire l’expérience chez vous : vous prenez un jeu et vous jouez. La première fois vous vous dites que c’est une activité culturelle et l’autre fois non. Vous allez voir : rien ne change. Enfin dans le jeu…

Ce qui change est donc ailleurs.

Ce qui change c’est le regard de l’autre et le nôtre. D’ailleurs vous avez vu que la culture implique une collectivité. Là, nous retombons dans le souci du barbu. Je sais. Dis comme ça c’est un peu mystérieux. Le paradoxe du barbu est une histoire posant le problème des frontières et des limites. Tout le monde sait ce que c’est qu’un barbu. Avec un poil en moins c’est toujours un barbu. Deux poils en moins et le barbu l’est toujours. Question : à partir de combien de poils un barbu n’est-il plus un barbu ? Ne cherchez pas : il n’y a rien d’officiel. Le terme barbu nous sert à transmettre une information qui n’a pas besoin d’autant de précision. Être barbu n’est pas une qualité scientifique. La culture non plus et c’est pourquoi nous ne pouvons pas savoir à partir de combien de personnes se créée une collectivité ni si une de ses activités est donc culturelle ou pas. Un jour ça arrive. Juste avant on en discute très fort.

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Pognon et notoriété mais pourquoi choisir ?

Nous sommes donc dans ce no man’s land qui fait que suivant le côté dont vous regardez la chose, vous pourrez à la fois trouver que le jeu (vidéo ou pas) est culturel ou pas.

Sauf qu’à l’évidence… le jeu vidéo et ses milliards de brouzoufs d’investissement et de bénéfices est une des activités très courues et rentables sur cette planète ! Leur petit souci c’est la jeunesse. Les jeux vidéos existent depuis hier. Mais les jeux de société ! Ils sont nés avec les premières cités et peut-être même avant ! Il y en a dans les vitrines du Louvre mec !

En fait il faut distinguer deux choses. Tout comme cette histoire de nom d’auteur sur les boîtes : le pognon et la notoriété. Vous noterez que ces deux aspects de la vie ont toujours été très en vogue. Parfois même au point de devenir indistincts l’un de l’autre bien que formellement ils puissent exister l’un sans l’autre.


Dans les Beaux arts, on n’a pas toujours signé. C’est relativement récent l’usage de la signature. En fait les artisans ont commencé les premiers. La signature est arrivée à la fois pour justifier une singularité de l’artiste (et donc pour valoriser son oeuvre par cette singularité) et pour faciliter le marché de l’art.

Cette histoire de nom d’auteur sur les boîtes de jeux c’est pareil. Pour les amateurs, nous pouvons nous servir de cette information pour évaluer un parcours ou un style d’auteur. De l’autre côté, l’apparition d’un nom d’auteur implique juridiquement un statut et une rémunération d’auteur. Un statut qui offre des avantages. Un fonctionnaire peut vendre des oeuvres en tant qu’auteur mais pas des « servilités » en tant que commerçant ou artisan.

Alors l’alibi ou la reconnaissance art et/ou de culture permet aussi de pratiquer un loisir sans passer pour un neuneu. C’est vrai que plus personne ne se moque d’un gamin qui joue au ballon. En plus c’est bon pour la santé et dans le meilleur des cas tu peux devenir talentueux, millionnaire et vulgaire en public.


Enfin… Enfin ! Il y a un dernier point. L’art et la culture sont supposés être soumis à nos sens moyennant un minimum d’efforts de focalisation de l’esprit. Si vous avez soif, vous pouvez boire un verre de vin fin gloutonnement. Mais… C’est un peu gâché d’autant qu’un verre d’eau sera plus désaltérant. Mais en se focalisant, avec l’aide de l’expérience et/ou les conseils d’un spécialiste, vous allez pouvoir découvrir des centaines de saveurs dont certaines vous seraient passé inaperçues si l’on n’avait porté votre attention à saisir un degré de subtilité que notre esprit ne peut maintenir perpétuellement au quotidien. Le goût ça s’apprend et l’avantage de la culture et de l’art est de nous préparer à nous mettre dans les conditions favorables de goûter au mieux ce que d’autres humains ont bien voulu nous soumettre. Peu importe qu’il soit bon ou pas le goût ! Ça c’est encore une autre histoire.

Alors dîtes moi ? C’est bien pour affiner nos sens, pour vivre dans un monde plus riche, plus varié et plus subtil que l’on veut que les jeux soient reconnus comme culturels hein ? Dîtes moi que c’est bien pour ça !

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Merci Docteur Mops !
Le jeu est culturel ! C’est une affirmation qui doit être portée par tous ceux qui le pratiquent régulièrement. Ce ne peut-être qu’ainsi que l’activité ludique sera reconnue comme culturelle. Mais étant donné que les échecs sont gérés par le ministère des sports (c’est un sport de l’esprit) il faudra beaucoup de partisans pour se faire entendre.

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merci pour cet article Docteur

Toujours un bon moments vos articles.

Quand vous dîtes échecs, vous parlez du sport ? Enfin du jeu ? Parce que sinon le sport français connait parfois quelques réussites (pas le jeu cette fois) :wink:

Intéressant Doc Mobs. C’est une question qui me turlupine depuis des années. Car voyez vous moi je suis “circassien”, comprenez par la artiste de cirque et pas habitant de la Circassie. Pas du cirque “canonique”, avec les animaux, mr loyal, les numéros et tout l’attirail qui habite l’inconscient collectif . Non je fais ce que l’on appelle du “nouveau” cirque. Enfin, nouveau depuis 1978 quand même, comme discipline artistique. De quoi, à l’échelle de l’art, se donner des repères, des références.
Et avant je travaillais dans le socio culturel, directeur de structure. Virage radical. Non en fait, changement de moyen, de support… mais même démarche.

Alors, quand je joue, je bosse avec des outils de collègues artiste et je baigne dans la culture, ou je me détend?

Le jeu est il un art? Est ce une activité culturel? Bonne question. évidemment c’est subjectif, comme vous le dites. On trouvera des pour et des contres.MAIS…
Être artiste, c’est transmettre un message, pointer du doigt un bout du monde, de la société. Faire en sorte que les gens se posent des questions. Sans apporter de réponse. C’est interpeller, bousculer nos schémas de pensée, nos habitudes.
Dans les écoles de cirque, de danse, de théâtre, on forme les gens techniquement, pour les “déformer”, pour qu’ils trouvent leur “démarche artistique”.
Je ne pense pas, sans être offensant, que le milieu du jeu de société (dans la grande majorité) se pose ces questions, soit dans cette démarche.
Ça me pose question de comparer Picasso, james Thiérrée, Pina Bauch à martin Wallace ou Christophe Bollenger.
Vous trouverez sans doute des exceptions, dans certains jeux ou chez certains auteurs, des exceptions… qui par définition ne font pas la règle. Il ne suffit pas de créer pour être artiste. Non. y a plein de “créatif” qui ne sont pas des artistes. Et inversement…

Est ce une activité culturel alors? Pas si simple non plus! Ce fut mon métier dans le milieu “socio culturel”, et ça l’est maintenant de l’autre coté, du coté “artiste”. Et parfois, moi, je fais de la culture et parfois je fais … du divertissement. Et pourtant je fais la même chose, mais je ne le “ressent” , ne le “donne” pas de la même façon.
Rapport au cadre dans lequel je le fais, du public et des circonstances.
La culture et le divertissement, c’est très proche, beaucoup plus que ce l’on pense. Comme les disciplines sportives et artistique qui font appellent au corps. Dans mes stages et séminaires, je commence toujours par cette question: “quel est la différence entre le cirque et le sport?” Je n’ai trouvé qu’une différence…

Ici, dans le jeu de société, je pense que c’est pareil. Ça dépend. Du jeu, mais surtout des circonstances. Avec qui je joue? Pourquoi je joue? Un jeu n’est pas culturel si on a pas envie qu’il le soit. Et peut le devenir si on le souhaite. Je l’ai vécue et le vie encore. Personnellement et professionnellement.
La culture, c’est une volonté. Le support c’est un moyen, un prétexte.
Comme l’art d’ailleurs…

Ça doit être pour ça que j’ai du mal avec les jeux dit “culturel”, ou les jeux de savoir. Parce que le ludique est derrière, c’est binaire : on sait ou on sait pas ! Ludiquement, on s’ennuie ferme.(l’excellent i known est un bon contre exemple!)
Alors que pour apprendre, découvrir, on peut (il faut) jouer!

Bref le jeu de société, culturel ? Oui, parfois, mais seulement si on veut qu’il le soit.

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Il y a une case à cliquer quand on aime un commentaire, mais il n’y en a pas quand on aime l’article ! C’est quand même dommage.

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Si il y en a une, elle se trouve sur la gauche, sous l’avatar du Docteur Mops, et juste au dessus de “l’énorme” case Facebook.
A cette heure, nous sommes 6 à l’avoir trouvée, ce qui est bien peu comparativement à la qualité de l’article et aux presque 800 vues répertoriées !
Mais je vous l’accorde ce petit “J’aime” est assez difficile à trouver.

Article très intéressant, merci m’sieur !
Je ne partirai pas dans ce débat limite philosophique, car j’ai pas les neurones pour.

Par contre, de façon “générale”, il y a un truc que je n’aime pas et qui persiste : quand je dis que je joue aux jeux de sociétés et aux jeux vidéos, on sent immédiatement dans les yeux de son interlocuteur qu’on est tout de suite pris pour un gamin, un geek, un no-life, un mec qui s’enferme chez lui en bouffant coca et pizza.

Tu parles jeux vidéo, on te répond “ah tu tue des gens et tu joues au foot ?”… ou “ah oui j’ai vu aux infos qu’un jeune avait tué un gars parce qu’il jouait aux jeux vidéos”.
Tu parles jeux de société, on te répond “ah oui Trivial Poursuit ou le Monopoly… ma foi…”.

Donc avant d’imaginer qu’on peut être considéré “officiellement” comme un art, il faudrait déjà que le grand public soit un peu mieux informé de ces formes ludiques !

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Quand on pense en plus que les pratiques plastiques sont du jeu, ça donne le tournis…

La CAF a reconnu le jeu comme objet culturel. Je trouve que ça avance dans le bon sens.

Excellent article sur un sujet passionnant et nécessaire.

J’ai les mêmes lectures et je m’étais fait la même réflexion en voyant cette couverture de JV. Comment osent-ils se lamenter alors que le jeu vidéo est parvenu en quelques années à être étudié à l’université, à ouvrir des musées, à faire l’objet de démarches de conservation et d’accompagnement par les pouvoirs publics !? :slight_smile:

Le jeu de société me semble en être loin. Ce sont en effet surtout les institutions qui décident d’accoler ou non l’étiquette “culture” à une pratique (avec tout ce que ça comporte de parti-pris, de condescendance et d’incompréhension). Puis les mêmes qui décident d’octroyer les moyens (deniers publics) pour accompagner cette pratique culturelle. Pour le moment, j’ai l’impression que le jeu de société n’est pas encore du tout perçu comme méritant à cet égard : trop puéril, trop ludique et sans preuve suffisante - à leurs yeux - d’une démarche et d’un discours d’auteur. Le jeu de société ne bénéficie donc pas de cette reconnaissance et de cette assistance de la société (ironique non ?), qui lui ferait pourtant beaucoup de bien.

Mais, porté par le grand-frère jeu vidéo, une pratique de plus en plus répandue et des enjeux financiers toujours plus importants, nul doute que ce n’est plus qu’une question d’années.

et les ludothèques comme espace culturel

Bravo Le Mops. Quand un jeu qui est une construction intellectuelle contient un questionnement, s’adresse aux sens, produit des émotions … évidemment que c’est un art. Quand un plasticien, aussi célèbre soit il, peint une toile inepte … ben non, c’est bassement commercial. Le contraire est évidemment vrai … :wink:

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Merci Dr Mops pour cet excellent article.
De mon point de vue, une oeuvre d’art peut être ludique, et un jeu peut avoir une dimension artistique, mais ludisme et art (esthétique) ont des logiques différentes. Le jeu (vidéo ou de société) n’a pas à se revendiquer d’un quelconque art (si ce n’est pour être subventionné), mais à affirmer sa place spécifique comme dimension de notre humanité (rien moins que ça ! )
Ensuite, les objets et pratiques ludiques et artistiques sont tous culturels, au sens large (anthropologique), même si l’on peut discuter de ce qui appartient ou non à la haute culture (musique classique et échecs y sont reconnus, mais moins le rap et le dobble…)

“Être artiste, c’est transmettre un message, pointer du doigt un bout du monde, de la société. Faire en sorte que les gens se posent des questions. Sans apporter de réponse. C’est interpeller, bousculer nos schémas de pensée, nos habitudes.”.

Vous avez là une définition d’un point de vue politique et social de l’artiste. Pourquoi pas. Cet angle est aussi important mais il faut éviter de se limiter à cela. Cette idée que la bousculade soit une composante majeure de l’art est une vision très moderne et surtout politique. Il existe des créateurs qui ne se posent pas la question d’en poser des questions ^^ Pas plus que celle de faire bouger ou de choquer. Sans compter ceux qui pensent agir dans un sens alors que leurs oeuvres le démentes. (les préraphaélites se trouvaient révolutionnaires et Matisse conservateur bourgeois ^^) Nous sommes un peu ici dans le mythe artistique, un mythe qui peut prendre bien des formes telle la “bohème” qui fut une image d’Épinal ou le petit berger qui dessine dans les tâches de lait de la table pour reprendre un mythe créateur d’artiste plus ancien. L’image de l’artiste et ses croyances est un sujet passionnant mais nécessiterait un autre espace que celui-ci.

Attention à ne pas confondre la création ludique, l’usage des jeux comme espace culturel et les jeux dont le thème est annoncé comme culturel. Quand je parle de revendication culturelle, il s’agit de légitimation de la pratique tant du point de vue des créateurs que des joueurs.

Là encore j’essaye sans brutalité de dire qu’il existe des mythes de cultures tout comme des mythes d’arts. Et donc pour ma part, le seul intérêt que je vois à ce que l’on classe ceci ou cela comme culturel ou pas est de permettre de donner les outils du goût. Avec bien sûr l’effet pervers qu’une chose dans un musée ou un joli cadre doré ne soit plus l’objet de notre estimation mais juste un outil, une étiquette de valorisation sociale ou monétaire.
Ce n’est pas pour rien que les bourgeois ont “inventé” le kitsch (encore un mot difficile à définir ^^) car en singeant des codes qu’ils n’appréhendaient pas, ils ont créé une sous-culture tout autant pathétique que joyeuse. Effectivement le goût bourgeois du XIXe c’est le beau cadre avant le tableau et un accrochage au même niveau que le crucifix qui fait qu’il faudrait un escabeau pour regarder les peintures ainsi accrochées. Peintures qui ne sont donc pas mises là pour être vues pour elles mêmes mais le signe d’un rang social. Et cette maladie sociale est loin de ne toucher que les bourgeois ! Personne n’est à l’abri du paraître avant d’être . Monsieur Molière aurait bien des sujets de réjouissances avec le monde d’aujourd’hui. :wink:

Ici Monsieur, il ne suffit pas d’aimer, il faut en plus un effort pour le dire !!! :wink:
Merci

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En fait tout dépend du milieu dans lequel vous vivez.

Et peut-être aussi de la façon dont vous posez votre voix pour expliquer que vous êtes un gars sérieux ( ^^) Moi c’est pour ça que j’écris. J’ai plus un physique de gribouilleur ^^

Le choses ont vraiment beaucoup changé et il ne faut pas tomber non plus dans le cliché de replis sur soi qui a séduit les rôlistes quand un média s’en est pris à ce loisir. N’oubliez pas que le statut de victime persécutée (mais pas trop violemment) est vraiment un truc trop cool quand on est jeune :wink:

Pour intervenir très modestement dans une école de jeux vidéos, sachez qu’il existe bien des parents prêts à dépenser pas mal d’argent pour que le fiston suive des études de game design dans des écoles privées. Et de ce que j’ai pu en voir, la plupart de ces jeunes gens ont des cerveaux qui leur permettraient de faire bien d’autres choses. Il ne s’agit donc pas d’un choix pour délaissés du système éducatif mais bien des jeunes gens à la tête souvent bien faite.

Après que des personnes sans connaissances parlent un peu vite en utilisant des clichés sous vide près à être bavardés, ça a toujours été comme ça dans tous les domaines. Libre à vous de vous en offusquer parce que cela fait vos affaires, mais vous pouvez aussi reconnaître et expliquer que parfois l’on cause un peu sans savoir. Alors si vous vous savez, il n’y a plus qu’à expliquer si vous voulez que ça change ou tourner les talons et trouver des interlocuteurs plus pertinents.

Hola ! Ombre ! “Célèbre”, “toile inepte”, “commercial (bassement)”, vous maniez trop de concepts complexes à la fois pour mon petit cerveau. En même temps j’entend bien ce que tu veux dire (je le connais le monsieur alors je le tutoie, ne vous inquiétez pas), mais je ne suis pas sûr de te suivre les yeux fermés dans ce coin là :wink:
Il faudra que je relance ce débat génial : un sombre individu (du genre à dénoncer des gens pour que d’autres les butent à sa place) peut il être un artiste génial ?
(résumé vite fait) Oui ! L’art n’a pas de composante morale. Tout comme la science.
Ce qui n’empêche pas de moraliser ensuite mais cette phase n’est pas constituante du système de base, c’est une couche supplémentaire. Et nécessaire en général.

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Si nous prenons le cas du jeu vidéo. Il fait appel à des pratiques déjà considérées comme artistiques : illustration, architecture, musique, … Comme le cinéma en fait ! Au départ le cinoche c’est un truc de forains. On se fait peur ou on créé des émotions avec des images lumineuses qui bougent. Bref c’est un truc de techniciens, puis de saltimbanques puis peu à peu les classes bourgeoises s’y mettent. Et voilà un nouvel art !

Je suis toujours étonné qu’on ne puisse pas extraire le statut social (arbitraire, historique, mouvant) de l’essence même des choses. (je suis Asperger et la partie sociale d’une pratique humaine m’échappe assez facilement et donc du coup je suis toujours étonné de voir comment se confondent appréciation et appartenance/revendication sociale).

Globalement la musique classique est plus complexe de que le Rap. Mais ce n’est pas une clé de classification complète puisqu’il existe des musiques classiques très neuneus et très simples d’accès et des Rap très élaborés et qui nécessitent un peu de connaissances du genre pour être appréciés à leur juste valeur.
Ce qui est amusant c’est la la musique classique (pour peu que cela veuille dire qqchose d’ailleurs) a moins de revendications sociales que le Rap. Et pourtant, malgré son âge, on lui colle encore bien volontiers une étiquette de musique pour la haute société et les intellos. Alors que certaines formes de jazz sont très complexes et certaines formes de musiques dites classiques, très basiques. Le Boléro par exemple c’est un peu de la variète classique. Parce que c’est simple comme structure et abordable par un grand nombre sans avoir de connaissances préalables.

Mais comme souvent, on veut écouter ce qui correspond à l’image que l’on voudrait donner de nous. Et ce n’est pas si facile d’en sortir. Les prérequis nous aident à faire des tris. Donc nous avons tous des constructions préalables qui nous indiquent des chemins balisés : c’est pour nous, ce n’est pas pour nous. Cela nous permet une solidité et une cohésion personnelle. Mais la culture nous permet d’aller voir ailleurs et nous enseigne la multiplicité autant que la ressemblance. Les curieux se balladent un peu plus librement, les peureux se drapent dans leurs codes, les combattants essayent de remplacer les codes des autres par les leurs.