On peut définir l’art en mettant en avant la composante émotionnelle. Moi qui vient de la vilaine branche structuraliste, j’ai appris à apprécier des oeuvres en reléguant la partie émotionnelle à l’expérience personnelle. Alors on peut débattre de ce que ça nous fait ou pas ou même ce que c’est censé nous faire ou pas, la singularité étant ici particulièrement grande et la relativité totale, cela va être difficile d’obtenir un statut de définissant.
Pour faire plus méchant, je m’en tape un peu de ce que cela vous fait car de toute manière cela me fera autre chose à moi et baser une appréciation sur son ressenti est une manière immature d’apprécier une oeuvre. La première chose que j’ai apprise dans mes études d’art était de me défaire du fameux “J’aime/j’aime pas” pour le garder pour le café du coin ou la maison.
Mon sentiment ne fait pas qualité pour les autres.
Cela me permet de trouver des qualités à des choses qui ne me touchent pas.
Le problème, c’est que le processus que vous décrivez pour la création de jeu
• d’une part n’a absolument rien à voir avec mon expérience de créateur.
• d’autre part pourrait s’appliquer avec les mêmes arguments (et de manière tout aussi fausse) à l’écriture d’un roman, ou d’un scénario de film, ou à la conception d’une recette de cuisine.
Je n’ai pas l’impression que ce que je fais en imaginant un jeu soit très différent de ce que fait un romancier. C’est plus facile, sans doute, parce que je suis un peu comme un écrivain qui s’arrêterait quand il a défini les personnages et les moteurs de son intrigue et laisserait aux joueurs le soin des détails, mais ce n’est pas fondamentalement différent. En revanche, c’est fondamentalement différent du boulot de l’ingénieur qui travaille, de manière beaucoup plus rationnelle, à la conception d’une machine.
Le métier d’ingénieur ou de scientifique en général demande beaucoup d’inventivité et de se laisser aller à ses sensations et émotions. Ce n’est pas qu’un travail rationnel. Sans quoi point de progrès, point d’innovation.
Le beau et l’émotion ont aussi leurs places en dehors de l’art.
Bon alors dans ce cas, il faut parler de longueur de barbe, plutôt que d’approche “complètement rationnelle” ou “complètement émotionnelle” dans la création.
Reste que si je propose un jeu sans but dans lequel on jette des couleurs sur une table et ceci sans règles, là on est dans l’art. Mais s’il n’y a pas de but ni de règles, est-ce encore un jeu ?
Je ne comprends pas trop ce qu’il y a d’artistique à créer une règle (ce qui est pour moi la partie la plus conséquente de la création d’un jeu).
Créer un cadre, des règles = de l’art ? Depuis quand les artistes sont connus pour leurs efforts légistes ?
J’insiste sur la noblesse de l’artisanat, que vous semblez sous estimer dans mon raisonnement, Bruno. On est dans l’artisanal aussi parce qu’on crée ce cadre.
Lorsque vous créez, je vous trouve beaucoup plus de points communs au luthier de ma famille qu’à un joueur de guitare
Lorsque vous jouez, je vous trouve beaucoup plus de points communs au joueur de guitare qu’au luthier
Lorsqu’on argumente dans ce sens peut-être qu’il nous trouve beaucoup de points communs avec des casse-couilles.
¯_(ひ)_/¯
Ceci étant dit plus pour le bon mot que sérieusement.
Ben je suis peut être un casse-pied, mais je défend l’idée qu’on puisse donner de l’âme à un projet qu’on soit artisant ou artiste.
Pour moi, voir de l’âme dans ses réalisations et du coup se revendiquer artiste est un syllogisme.
Ou autant raconter des conneries type “tout est art même mon chat”, au moins ça simplifie.