La mort du jeu de rôles est programmée

Le nouveau jeu de FFG, Les demeures de l’épouvante est une peu le saint graal que je recherche depuis des années : un jeu de plateau qui se rapproche enfin du jeu de rôles. Mais sans la galère du maître de jeu et les heures de préparation à la clé.
Alors évidemment, on a ici le symbole du JDR (et du film d’horreur) à l’américaine : c’est très grand guignol et particulièrement violent (même si tous les personnages ne sont pas des combattants, on trouve tout de même Tommy gun, dynamite, hache et fusil de chasse). On est plus proche d’un Dungeon Crawl que de l’ambiance feutrée d’un Maléfices. Mais le principe est là avec toutefois deux différences de taille : les joueurs peuvent perdre ou gagner et, surtout, le maître de jeu n’est pas un conteur mais bien un adversaire. Les joueurs coopèrent entre eux mais la confrontation MJ <> Joueurs est présente à toute moment. Le maître est là pour les faire souffrir et les joueurs pour morfler. Mais ils aiment tellement ça. Et au final, il arrive finalement assez souvent que les joueurs s’en sortent si le maître la joue un peu trop cool surtout en début de partie.
Côté matériel, il est tout simplement pléthorique même si le fait que les figurines soient non peintes est un peu décevant (les investigateurs peuvent être achetés peints à la pièce et les monstres ne demandent pas plus d’une vingtaine d’heures de boulot pour un peintre moyen). Une fois les figurines barbouillées, le jeu devient un vrai plaisir des yeux : mise en page magnifique, tuiles gothiques à souhait, cartes, jetons, tout est là pour mettre dans l’ambiance. Ajoutez une vieille maison versaillaise au plancher qui craque avec vue sur une église, une lumière tamisée et le tour est joué.
Les règles du jeu elles mêmes sont simplissimes voir simplistes : déplacement, action et test de compétence où il faut réussir un jet de dé (à dix faces) inférieur ou égal à une valeur comprise entre 1 et 10. C’est presque une parodie de JDR. Mais cela n’a aucune importance. Seule compte l’ambiance et l’intrigue qui se révèle petit à petit. Prenons par exemple les personnages : chacun dispose d’une capacité spéciale, d’un objet fétiche et d’une liste de caractéristiques mais le plus important est au verso : son histoire racontée en une page et qui vous permet d’entrer dans la peau du personnage en quelques minutes.
Pour éviter de tomber dans la routine de l’exploration et des combats, l’auteur a rajouté de petits casse-têtes à réaliser en un certain nombre de coups. Les réussir permet de remettre le courant (dans le noir, on a toujours un peu plus peur), d’ouvrir une porte verrouillée ou d’ouvrir une boîte à secret que ne renierait pas un fan de Hellraiser.
Le jeu n’est cependant pas exempt de défauts : il faut faire des concessions au réalisme (on voit toutes les créatures de la maison et on a donc un peu l’impression de voir à travers les murs) et les indices sont quelquefois bien tirés par les cheveux. Mais lorsque la sauce prend, on peut s’en couvrir le corps et se lécher tout partout. Mais je m’emporte.
Et puis, autre ombre au tableau, la boîte ne contient que 5 maisons hantées. Chacune contient 3 intrigues différentes mais la base est la même et l’ambiance aussi. La première, par exemple, est très classique alors que la deuxième propose d’infiltrer un culte maléfique. Cela fait tout de même 15 parties, voire même un peu plus si vous ne jouez pas toujours avec les mêmes joueurs.
En conclusion, joueurs pinailleurs, calculateurs et amateurs de belles mécaniques, passez votre chemin. Ici on n’accueille que les ex-rôlistes qui n’ont plus le temps de préparer de longues campagnes (ou mêmes de longues soirées de jeu) mais qui veulent retrouver pendant deux heures de temps le plaisir de ce type de jeu. Et c’est tout ce qu’on demande à ces demeures.
Les demeures de l’épouvante
Un jeu de Corey Konieczka
Edité par Edge
Pour 2 à 5 investigateurs
Disponible d’ici la fin de la semaine
Prix 80 euros environ