[Cards Against Humanity][Moi c’est Madame]
23 février 2020, Cannes. Nous sommes en train de ramasser nos dents récupérer de notre journée de 10h de stream avec Monsieur Guillaume, nonchalamment vautrés assis sur les marches d’un escalier du palais des congrès...? Si si, du palais des congrès, quand deux femmes s’approchent de nous. Elsa Miské nous parle de son podcast YESSS, tandis qu'Axelle Gay nous sort quelques cartes du jeu qui en est tiré, Moi c’est Madame. Le principe est intriguant, et je garde le nom dans un coin sur un post-it mental.
12 septembre 2020, Paris, quartier Grands Boulevards. Dans un showroom du 10e arrondissement, sur fond de stickers, confettis et électro, je fais la rencontre de mes deux camarades de jeu pour la session test, Marine et Melody. Sacré changement de décor donc, mais je suis une femme de terrain s’adaptant aux situations les plus extrêmes : imperturbable, je prends place à la table.
Alors, factuellement, Moi c’est Madame, c’est quoi ? Eh bien dans la mécanique pure, on se rapproche grandement d’un Cards against Humanity (EDIT : voir dangereusement, le contexte et les antécédents étant complexes et à couches multiples au vu des origines des CaH elles-même et de leurs rejetons-copies plus ou moins réussies qui en ont découlé en France et ailleurs). Une carte « Attaque » à laquelle chaque autre joueuse et joueur répond à l’aide d’une carte « Réplique » de sa main, la meilleure réplique est sélectionnée et remporte la carte attaque, puis la personne suivante dans l’ordre du tout pioche une carte « Attaque », et ainsi de suite. À cela s’ajoutent quelques règles supplémentaires : on peut toujours improviser une réponse, parfois même en s’ajoutant une contrainte d’interprétation. Et puis, on peut aussi demander de l’aide à ses camarades autour de la table si l’on est à court de répliques adéquates et d’inspiration. Enfin, certaines cartes sont des défis : de dessin, d’inventions… À la fin du jeu, point de gagnant-e, mais plutôt un « profil » qui nous correspond en fonction des icônes sur les cartes que l’on a remportées au cours de la partie.
Fig. 1 : J'aimerais, ô ! J'aimerais avoir cette vivacité d'esprit.
Voilà pour le côté factuel, causons maintenant retour d’expérience. L’une des devises du jeu est « d’entraîner les femmes à riposter contre le sexisme ». Pour être honnête, je ne me sens pas beaucoup plus entraînée qu’avant (ceci étant, je suis loin de partir de zéro). En revanche, trois gros points positifs pour moi :
D’abord, je trouve ça particulièrement savoureux d’utiliser une mécanique traditionnellement utilisée dans des jeux dits « transgressifs » afin de s'offrir un petit retour à l’envoyeur. Alors bien sûr, le sexisme n’est pas la seule transgression représentée dans ce type de jeu, et il ne s’agit pas de condamner le genre d’un bloc (je vous renvoie vers l’excellent EDITO de mon confrère Atom et de ma consoeur Shanouillette, qui traite ce sujet complexe de façon fine et documentée). Mais honnêtement, après mille répliques du genre « Une femme qui me fait un sandwich » autour d’une table hilare, voir passer un petit « Tu dirais la même chose à ta mère ? », ouais, y’a un côté catharsis qui fait (beaucoup) de bien.
Deuxièmement, comme il en est coutume avec ce type de jeux, les points, on s’en moque un peu. Les profils à lire sont très chouettes, mais ce sont des surprises à la fin de la première partie seulement : chacun-e lit le sien, on complète avec ceux qui n’ont pas été « gagnés » et on connait les 5 profils qui existent (dont les illus par Axelle Gay et le graphisme par Anaïs Bourdet sont magnifiques, au passage). Idem pour les répliques improvisées, les cartes Actor Studio ou les points de Sororité : je les prends comme des lignes de conduite intéressantes à tester lors de la première partie, puis une fois le concept appréhendé, on pourra se centrer sur ce que nous, en tant que groupe, on aime dans ce jeu.
Fig. 2 : Sorcières, de Mona Chollet, mon bouquin numéro 1 de l'année 2019.
Enfin, sur le côté « message à impact social » j’avoue n’avoir pu le constater de mes propres yeux, n’ayant joué qu’avec des personnes déjà sensibilisées au sujet. En revanche, ce que je ressens, c’est que le plaisir ludique étant bien présent indépendamment de tout message, il s’agit certainement d’un excellent vecteur pour ledit message puisque plaisant à expérimenter ! Et puis, pour nous autres les déjà-sensibilisé-e-s, le fait de savoir que ces répliques – tout comme le nom du jeu, sont tirées de faits et d’anecdotes réelles ne l’en rendent que plus jouissif. Une belle approche pour toutes et tous, donc.
J'ai passé un très bon moment ! J'y allais un peu à reculons, j'avais peur que ce soit un peu trop """agressif""" (avec beaucoup de guillemets), et en fait pas du tout. J'ai particulièrement aimé le côté improvisation, et sans y jouer tous les soirs non plus, l'utilisation de l'imagination et des éventuelles expériences personnelles était ce qui m'a le plus plu.
Melody Leblond
« C’est de la bombe ce jeu, on rit, c’est varié, instructif, empouvoirant et inclusif ! J’ai adoré !”
Marine Baousson
La campagne Ulule a été financée à 470%, et il est toujours temps de commander votre exemplaire sur leur page si vous êtes intrigué-e par le concept.
Toujours est-il qu'avec Melody et Marine, nous sommes sorties de là avec deux-trois belles répliques en tête et quelques moments d'anthologie, ce qui est fortiche quand on s'est rencontrées 2 heures plus tôt.
Merci à elles deux pour leur enthousiasme communicatif et leur sens de la répartie hors du commun !
Pour conclure, je vous lance un petit challenge supplémentaire, tiens, tiré du jeu original :
Carte attaque : "Félicitations pour ton bébé ! Dommage par contre, tu viens de signer la fin de ta carrière..."
Je vous laisse rétorquer vos plus belles répliques dans les commentaires !
Fig. 3 : Mais est ce que quelque part, nous autres humains ne serions pas tous des protos de la vie ?
Le photos illustrant cet article ont été prises par Florian Belmonte.