Bigre… la claque !..
Avant que d’expliquer la raison de cette violence métaphorique, avouons-le : je ne suis pas bon aux jeux de lettre ; à mon grand dam puisqu’implicitement, j’y fais un lien avec un pan de la culture contenu dans la langue. Et dans les jeux de lettre, le Scrabble fait office d’Ennemi Public numéro 1 ! Crée en 1931 dans sa première version par Alfred Mosher Butts, c’est en 1938 qu’il acquiert sa forme quasi-définitive… et qui n’a pas bougé depuis ! Fait amusant, c’est Hasbro qui en détient les droits pour les US et le Canada alors que Mattel a ces mêmes droits pour le reste du monde.
Nigel… avec un seul “l”… et une grande barbe !
Et bien sûr, il existe des championnats ! Et voici la raison de cette niouze : Nigel Richards, un Néo-zélandais qui ne parle pas français, a remporté hier en Belgique le championnat du monde de Scrabble francophone… oui, le championnat du monde fran-co-phone !.. mais il ne parle pas français ? Non, certes… mais il a appris une belle partie du dictionnaire français (surtout les mots importants pour le scrabble) et ce, en une bagatelle de neuf semaines… neuf ?!? allez, tiens, pour la route, je m’en remets une deuxième… de claque !
Dans le domaine anglophone, il n’en est pas à ses premières armes, puisque son palmarès compte deux titres de champion du monde anglophone, 4 titre de champion des Etats-Unis, 7 fois vainqueur de l’International de Thaïlande et 3 fois vice-champion de ce même International qui est le plus grand tournoi anglophone au monde… une bête à concours, quoi !
Vu qu’apparement les informaticiens et autres mathématiciens sont plus forts au Scrabble que les écrivains et autres hommes de lettres, l’apprentissage par coeur de listes de mots contenant entre deux et huit lettres (et quelques uns de neuf lettres au cas où) et l’analyse “froide” des mots réalisables via son tirage et les lettres déjà placé sur le tablier sont d’énormes avantages pour les joueurs… mais il n’y a pas que ça :
- Placer ses lettres de façon à garder en main un bon équilibre entre consonnes et voyelles,
- Placer des mots qui rapportent (donc pas forcément les plus longs),
- Placer des scrabbles (poser toutes ses lettres),
- Ne pas ouvrir trop d’opportunités de marquer à l’adversaire par l’utilisation de ses propres mots (les points “Pour” et les points “Contre”),
- Utiliser les cases multiplicatives à bon escient et si possible sur un mot horizontal et vertical (comme ça, ça compte deux fois)…
Outch, on reste concentré, Nigel… concentré !
Bref, des éléments contradictoires mais qui font tout le sel de ce jeu de stratégie à information incomplète et présentant une part de hasard. Les joueurs devront trouver le meilleur compromis, quitte à maçonner en attendant (former plusieurs mots en collant à un mot déjà posé)… Enfin, surtout si vous ne jouez pas exclusivement à ce jeu une fois l’an avec Tatie Brumilda par un dimanche de pluie au son du tictac de l’horloge du salon qui sent la naphtaline (le salon, pas l’horloge, ni Tatie, hein !)
Un dico dans la barbe : 1 mm de poil / mots par coeur !
Et bien Nigel Richards pourrait alors bien être une sorte d’alien. Dans un article datant d’octobre 2014 Oliver Roeder tente d’analyser et comprendre les incroyables résultats de celui qui souhaite juste “marquer plus de points que ses adversaires” et “s’amuser un peu”, de celui qui ne refait pratiquement jamais la partie une fois celle-ci terminée mais qui peut se perdre dans une ville parce qu’il s’y trouve une bonne librairie.
Non seulement son classement est très bon (sorte d’ELO à la formule imbitable) puisque qu’il dépasse les 2000 (2298 sur 200 parties étant son record et le record jamais égalé) mais ses “points Pour” (ceux qu’ils marquent pour lui) dépassent les 440 là où ses “points Contre” (ceux qu’il laissent à son adversaires) ne dépassent pas les 390.
Plus encore, il a une moyenne de 55 points par coup là où les 50 meilleurs joueurs ont une moyenne de 30 points. Bref, une catégorie à lui tout seul dans sa langue d’origine, ça a déjà un petit côté extraordinaire, comme le montre le diagramme ci-dessous. Les joueurs sont classés, en fonction de leurs résultats, et jouent dans une division. Les joueurs de haut niveau marquent beaucoup de points mais jouent en face contre des joueurs qui en marquent également beaucoup. Et Nigel, lui, arrive toujours à faire plus… en Pour ou en Contre…
Et voilà qu’il en fait de même dans une langue qu’il ne maîtrise pas mais dont les composantes (lettres, mots et dispositions sur le plateau) sont analysés par un cerveau que les scientifiques devraient bientôt vouloir analyser, non ?
Allez, une troisième petite claque pour me réveiller… euh, non, ça ne fait que 16 points minimum… je vais plutôt me coller une petite tapette, c’est au moins 59 points… et ça fait moins mal !