Bonjour à toutes et tous.
Je prends la plume pour vous parler aujourd'hui de la plateforme Tabletop Simulator, un logiciel payant de l'éditeur Berserk software qui permet de jouer en ligne à des jeux de société.
Cool, non ? En fait non, pas vraiment cool, car énormément des jeux disponibles sur cette plateforme sont présentes sans l'autorisation des éditeurs, auteurs et illustrateurs de ces jeux!
C'est Benwa Bannier de la boîte de jeu qui a attiré mon attention sur ce problème, dont la majorité des joueurs ne semblent pas avoir conscience.
Quelques explications sont nécessaires :
Tabletop Simulator c'est quoi ?
Un logiciel édité par la société berserk games, et vendu une vingtaine de dollars.
Il y a moyen d'acheter en supplément (DLC) pour quelques euros par jeu des versions digitales de jeux, qui ont été conçues et mises en ligne par les éditeurs de ces jeux. Ces copies digitales payantes sont tout à fait légitimes et les éditeurs, auteurs et illustrateurs reçoivent des revenus sur ces ventes.
Ah mais tout va bien alors ?
Malheureusement, non. En parallèle à ces quelques versions digitales officielles, on trouve dans le "workshop steam" de Tabletop Simulator des centaines de jeux gratuits.
Et là, bardaf c'est l'embardée :
- Ces copies digitales de jeux sont mises en ligne sans consulter ou obtenir l'accord des éditeurs, auteurs et illustrateurs, et sont donc illégitimes (c'est du piratage pur et simple).
- Ces copies digitales sont réalisées par des fans, avec des niveaux de qualité variables, allant de excellent à exécrable.
- Le joueur qui achète le logiciel Tabletop Simulator bénéficie d'office de ces copies digitales illégitimes dans Tabletop Simulator
- Le joueur qui achète le logiciel Tabletop Simulator n'est pas informé que ce ne sont pas des versions officielles/légitimes des jeux
- Le joueur qui achète le logiciel Tabletop Simulator ne se rend pas compte que les éditeurs/auteurs/illustrateurs ne sont absolument pas rétribués pour ces versions, et que seul berserk games en profite financièrement
- Les éditeurs, auteurs et illustrateurs ne sont pas concertés, n'ont aucun contrôle, et ne reçoivent rien pour ces copies digitales illégitimes.
Alors, cela pose plusieurs problèmes qu'il est opportun d'expliquer un par un en détail :
Le vol pur et simple du travail des autres est inacceptable
En marge des DLC officiels, Berserk games diffuse et permet d'utiliser dans son logiciel des jeux qui ne leur appartiennent pas et sur lesquels ils n'ont aucun droits. Ils bénéficient directement de ces nombreux jeux piratés puisque leurs clients considèrent l'ensemble du catalogue quand ils décident d'acheter Tabletop Simulator.
De plus, les copies digitales illégitimes de jeux sont réalisées par leurs utilisateurs, par des fans, qui y passent beaucoup de temps. Ils travaillent gratuitement au profit de Berserk games qui les exploite. Et la responsabilité légale de ces contributeurs est engagée sans qu'ils en aient bien conscience : Si je passe beaucoup de temps, et que je mets beaucoup d'effort et de travail à faire un truc illégal et préjudiciable à d'autres, ca ne rend pas mon action moins illégale et préjudiciable...
Les intentions (généralement bonnes) sous-jacentes n'entrent pas en ligne de compte quand il s'agit de vérifier la légitimité et les conséquences des actes posés.
La fausse impression de légitimité est préjudiciable et bénéficie à Berserk
Le joueur qui a payé sa license Tabletop Simulator et quelques DLC payants assume généralement que les jeux proposés gratuitement sur la plateforme sont légitimes, ont fait l'objet d'un accord avec l'éditeur et que celui-ci est rétribué.
Or ceci est faux, les versions de mes jeux qui ont été mises en ligne sur Tabletop Simulator l'ont été sans mon autorisation et sans que j'en retire un quelconque bénéfice. Il en va de même pour tous les autres éditeurs concernés, ainsi que leurs auteurs, et les illustrateurs.
Berserk bénéficie directement de cet état de fait.
Le contrôle de l'oeuvre est perdu
L'éditeur, l'auteur et l'illustrateur ont le droit de contrôler ou et comment leur jeu est diffusé. Ils ont tout à fait le droit de s'opposer à une version digitale, ou de ne l'autoriser qu'à certains partenaires.
Les versions digitales illégitimes de jeux disponibles sur Tabletop Simulator sortent totalement de ce contrôle de l'éditeur. Si la version proposée est mauvaise, elle donnera une mauvaise image du jeu et de l'éditeur alors qu'il n'y est pour rien.
De plus si l'éditeur laisse faire, cela érode ses droits sur le jeu, au point qu'il pourrait à terme les perdre.
Enfin si des copies digitales illégitimes du jeu sont disponibles, l'éditeur est affaibli dans ses possibilités de vendre des licenses pour des versions digitales à des partenaires. Il s'agit d'une forme de concurrence déloyale.
La responsabilité de l'éditeur est exposée
L'éditeur est lié par un contrat avec ses auteurs et illustrateurs. Ce contrat définit généralement si et à quelles conditions des versions digitales sont autorisées. La diffusion de copies digitales illégitimes sort totalement de ce cadre et expose l'éditeur face à ses auteurs et illustrateurs.
L'éditeur peut avoir cédé l'exclusivité des droits digitaux à certains partenaires privilégiés. La présence non contrôlée de copies digitales illégitimes expose alors l'éditeur au niveau de ses obligations.
L'éditeur est enfin responsable des produits qu'il met sur le marché en termes de qualité et de contenu. Si une copie digitale illégitime contient des propos ou des images répréhensibles, l'éditeur risque que l'on croie à un produit officiel et de voir sa responsabilité engagée. Sans parler du préjudice à son image et sa réputation.
Qui est responsable ?
Berserk, l'éditeur de Tabletop Simulator prétend ne pas être responsable de tout cela. Leur position est 'Ce sont des utilisateurs tiers qui créent et diffusent ces copies digitales illégitimes, il faut les signaler (plainte DMCA) à Steam qui les supprimera et en cas de récidive bannira les utilisateurs.'
Cette approche n'est pas acceptable pour plusieurs raisons :
- Premièrement en europe, celui qui contrôle une plateforme de diffusion de contenus est responsable des contenus diffusés, même s'ils proviennent des utilisateurs de la plateforme. Le fameux article 13 de la directive européenne sur les copyrights prévoir une exemption si la plateforme met en place des mesures pour éviter ces contenus illégitimes, ce qui n'est pas le cas. ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Proposition_de_directive_sur_le_droit_d%27auteur_dans_le_march%C3%A9_unique_num%C3%A9rique#Article_13 )
- Reporter le problème sur Steam est une échappatoire. Ces contenus ne peuvent être utilisés que dans le logiciel tabletop simulator, son éditeur est donc dans une position unique pour contrôler ce qui y est disponible.
- La plupart des éditeurs sont des PMEs et n'ont pas les moyens d'assurer au quotidien une veille pour chasser les copies mises en ligne au fur et à mesure de leur arrivée. C'est à Berserk de gérer le problème que pose sa plateforme. Reporter la gestion du problème causé sur ceux qui en sont victimes est inacceptable.
- Les clients de Tabletop Simulator prennent naturellement en compte l'entièreté du catalogue de jeux accessibles, et ces copies illégitimes profitent donc directement à Berserk, au détriment des éditeurs, auteurs et illustrateurs.
- Les individus qui créent et mettent en ligne des versions digitales illégitimes des jeux sont aussi responsables
- Et Steam porte aussi une part de responsabilité, puisqu'ils mettent les contenus à disposition
OK, mais je fais quoi, alors ?
En tant que joueur, vous pouvez agir de différentes manières :
- faire circuler cette information autour de vous
- ne pas publier de versions digitales de jeux sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de l'éditeur. (On sait que vous voulez bien faire, mais faites les choses dans les règles sinon vous vous exposez et vous contribuez au problème.)
- ne pas partir du principe que si Tabletop Simulator est payant c'est que tous les jeux disponibles dessus sont officiels.
- signaler systématiquement à l'éditeur et à steam les versions illégitimes de jeux Tabletop Simulator
Comme vous pouvez le voir, ce n'est pas tellement un problème de pognon, mais bien de contrôle, de copyright et de responsabilités. Il s'agit du respect des droits de l'éditeur/auteur/illustrateur de décider SI, COMMENT, et OU il veut que ses créations soient diffusées.
Merci pour votre attention :-)
(et en ces temps de virus, RESTEZ CHEZ VOUS! )