Un nouveau jeu de Bruno Cathala et Ludovic Maublanc ça ne se refuse pas, surtout lorsque celui-ci vous propose d’être un pirate et qui plus est une femme. Navigant sur les mers asiatiques, vous devrez piller le port de Hong Kong et autres villages, tout en montrant votre maitrise de la navigation, tout ceci pour devenir le nouveau commandant du China Pearl.
Madame Ching
Un jeu de Bruno Cathala, Ludovic Maublanc
Illustré par Vincent Dutrait
Publié par Hurrican
2 à 4 joueurs
A partir de 8 ans
Langue des règles: Française, Allemande, Anglaise, Espagnole, Italienne
Durée: 40 minutes
Prix: 30,00 €
Préambule :
Bruno Cathala et Ludovic Maublanc sont deux auteurs qui travaillent très régulièrement ensemble, mais est-il encore nécessaire de les présenter ? On leur doit par exemple Mr Jack et Le Fantôme de l’Opéra toujours chez le même éditeur, ou encore Prrt pour donner un exemple plus aérien. Toujours chez Hurrican, Vincent Dutrait a illustré Augustus. Ce trio est donc habitué à travailler avec Hurrican.
Il faut savoir que Madame Ching, de son vrai nom Ching Shih, a réellement existé. Elle se marie en 1801 avec Cheng I, un commandant pirate qui décédera en 1807 de la gale, laissant derrière lui une coalition de 400 navires et 70 000 pirates. Par un subtil subterfuge politique, elle va réussir à prendre la tête de cette flotte. Elle va ainsi piller de nombreux villages et autres jusqu’à inquiéter très fortement le gouvernement, avant d’obtenir une amnistie et de diriger un bordel jusqu’à sa mort en 1844. C’est le pirate asiatique le plus connu à ce jour.
Les règles :
Madame Ching veut léguer le commandement du China Pearl au meilleur de ses lieutenants, et il s’avère que ces lieutenants c’est vous. Pour ce faire, vous devrez prouver votre bravoure et votre maîtrise maritime en récupérant les 4 cartes compétence, ou en remplissant le maximum de missions. Le jeu se terminant lorsqu’il n’y a plus de mission ou lorsqu’un joueur a récupéré les 4 compétences. On compte alors ses points, celui qui en possède le plus a gagné.
Les joueurs vont donc partir en expédition avec leur jonque, sur un plateau comportant des chiffres, qui vont permettre de récupérer les tuiles mission. Lorsqu’une expédition se termine, on récupère la tuile qui comporte la valeur immédiatement inférieure à celle de la case sur laquelle nous avons terminé notre voyage, pour reprendre ensuite sur la case 1.
Les déplacements vont se faire à l’aide de cartes expédition, qui comportent 3 informations :
Un symbole (épée, carte, cerf-volant et lanterne chinoise) qui va servir à récupérer les cartes compétence. Lorsque vous réussissez à utiliser dans votre expédition 3 cartes comportant le même symbole, vous récoltez la carte associée (qui possède aussi un pouvoir) ou la carte joker si vous avez réussi à avoir 4 symboles différents.
Une illustration colorée, qui va déterminer votre sens de déplacement. Il existe 6 couleurs différentes : blanc avec des chiffres allant de 1 à 5 et ne comportant aucun symbole ; le bleu allant de 6 à 25 et comportant des symboles ; le vert allant de 26 à 39, là encore avec de nombreux symboles ; le jaune avec des cartes allant de 40 à 48 avec quelques symboles ; les orange qui vont de 49 à 53 et n’offrant qu’un symbole chacun et enfin le bleu foncé avec une carte 54 et 55.
Derniere information, le chiffre dont j’ai parlé au-dessus.
Au début du tour les joueurs choisissent face cachée une carte, qu’ils dévoilent tous en même temps. Le joueur ayant le plus gros chiffre débute son expédition, se place sur la première case, puis récupère une carte parmi les cartes proposées face visible, ou bien il peut récupérer la carte face cachée afin de compléter sa main. Puis c’est au tour du joueur suivant.
Au tour d’après, le déplacement de votre jonque va dépendre de la couleur de la carte que vous allez jouer. Si celle-ci est de la même couleur qu’une carte déjà présente dans votre expédition, votre jonque avance tout droit (et peut récolter 1 ou 2 cartes rencontre si elle franchit la frontière). Par contre si la carte que vous jouez est d’une couleur différente, votre jonque avance en diagonale. Mais attention, car pour avancer, la carte que vous jouez doit avoir un chiffre supérieur à la carte que vous avez jouée précédemment. Si jamais elle est inférieure vous mettez fin à votre expédition. On regarde alors le chiffre de la carte ; si cela est possible vous prenez une tuile mission avec ses avantages (pièces d’or, joyaux, ou cartes rencontre), sinon vous récoltez une carte rencontre. Si vous avez réussi à obtenir 3 ou 4 symboles identiques, vous récupérez la carte compétence qui lui est associée. La dernière carte que vous avez jouée sert de départ pour votre prochaine expédition.
Voici les grandes lignes des règles. Ajoutez à cela les pouvoirs des cartes rencontre, des compétences et les subtilités de la mécanique, et vous avez une impression générale du jeu.
Le matériel :
Le jeu est illustré par Vincent Dutrait, un artiste qui a déjà officié chez Hurrican, et qui a illustré de nombreux jeux. Et ici son travail est toujours aussi beau, avec de très belles illustrations, très colorées. Le plateau est très fonctionnel avec de nombreux rappels très bien intégrés et utiles. Les icônes ne manquent pas, la prise en main est donc aidée. Au niveau de la qualité du matériel, les tuiles sont épaisses, les cartes sont de bonne facture, de même pour les jonques en bois. Je ne sais pas si cela vient d’un défaut général, mais mon plateau s’est arraché à la jointure après ma première partie. Disons que cela m’a… décontenancé. Par contre, je voudrais évoquer un point particulièrement bien pensé, que je me devais de souligner pour que les autres éditeurs aient l’idée d’en faire autant : lorsque vous ouvrez le livret de règles, la dernière page est double et lorsque vous la dépliez un placement initial du jeu apparaît, et reste donc dépliée à côté des pages de règles, et cela est extrêmement pratique lorsque vous lisez les règles pour bien comprendre où se place chaque élément. C’est une chouette idée, très utile, que je ne pouvais décemment pas passer sous silence.
Tout comme c’était le cas sur Augustus, la boîte pourra sembler grande, mais ici le plateau, lui aussi d’envergure, légitime la taille de l’écrin. Madame Ching est un fort joli jeu, qui donne envie rien qu’en regardant le matériel.
Le ressenti durant les parties :
La première partie n’est pas forcément simple : il faut le temps de comprendre les mécanismes et la portée de chaque carte, ainsi que la manière de remporter des missions et des compétences. Puis les tours s’enchaînant assez vite, tout devient plus clair. Les cartes rencontre laissent encore quelques interrogations, on fait quelques aller-retours dans la règle, mais rien de bien gênant. Puis les tuiles mission disparaissent comme neige au soleil ; la partie devient plus tendue avec l’obtention des compétences et l’utilisation des cartes rencontre. Ces dernières possèdent dans leurs rangs de puissants pouvoirs capables de faire basculer une partie, de neutraliser une expédition et surtout les espoirs d’un joueur. Le port de Hong Kong fait bien envie, mais le prendre ne sera pas une mince affaire. Son acquisition donnera pourtant un joli avantage. La partie s’éternise un peu, mais devient plus dynamique vers la fin lorsque la course finale approche à grands pas. Et le comptage définitif détermine un gagnant, qui doit son mérite en grande partie grâce à la prise du port et ses 10 points salutaires.
A trois joueurs, la partie est sensiblement identique au niveau du ressenti. Par contre le jeu est bien différent à deux joueurs puisque chaque joueur contrôle non pas une mais deux jonques, donnant ainsi au jeu un côté tactique et calculatoire plus prononcé. J’ai d’ailleurs bien aimé cette configuration à deux joueurs, loin d’être un mode anecdotique ou rajouté au dernier moment. Ce ne sont pas deux jeux différents, mais l’expérience n’est vraiment pas la même. Ce qui compte au final c’est que l’on prenne autant de plaisir, quel que soit le nombre de joueurs, et donc que le jeu sache s’adapter à cette contrainte en gardant son intérêt.
La durée de vie :
Madame Ching n’est pas un jeu à la portée de tous. J’entends par là un jeu que l’on ne sortira pas avec des novices ou avec un public qui n’a pas un minimum de connaissance des jeux modernes. Non pas qu’il soit inaccessible, c’est juste qu’il propose de jouer avec une certaine finesse afin de bien comprendre les tenants et les aboutissants. En terme de durée, il excède souvent les 45 minutes annoncées, du moins à 3 et 4 joueurs. Ce n’est pas vraiment un souci, car il reste dans un format assez court, avec une expérience de jeu enrichissante qui nous fait voyager. Loin de subir le jeu, au-delà de quelques cartes rencontre assez puissantes qui peuvent donner un gros avantage, on prévoit, on calcule, et le hasard vient apporter cette petite note de fraîcheur et d’imprévisible.
Tout comme Tokaido est considéré comme un jeu familial où l’on voyage, Madame Ching pourra sans souci prendre le même chemin, et devenir un jeu à sortir en famille, qui pourrait tenir sur la longueur. Son thème ainsi que ses mécaniques sont assez originales pour tenir en haleine les joueurs sur plusieurs parties.
Mon avis :
Le duo Cathala – Maublanc nous a habitué à du lourd, de la qualité ludique, et Madame Ching ne fait pas exception. Sans être un coup de cœur, il reste un jeu très plaisant à jouer et possédant des mécaniques très originales. Dommage que les parties soient un peu longues et que certaines cartes viennent détruire en un instant les efforts des joueurs. Cela ne gâche en rien la qualité ludique du jeu, et cela prouve une nouvelle fois le talent dont savent si bien nous faire part les deux compères. Encore un très bon cru.
Merci à Qhilicus et Chips pour leur correction.
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