Evidemment, quand je parle de représentation, je ne parle pas de mimesis. Ca n’aurait pas de sens. Je ne vois pas comment un jeu pourrait littéralement imiter la nature. Ca me parait aussi absurde que d’appliquer la mimesis à la musique. Mais c’est toute la théorie de la représentation comme mimesis que je trouve absurde. Quand Platon l’a mise en mot, il y a pratiquement 2500 ans, c’était justement pour critiquer l’art.
Pour comprendre pourquoi cela ne tient pas, il faut faire un petit peu de philo. Je vous passe tous les arguments pour ne concerver que le plus concis. Ca nous fera gagner du temps.
La réprésentation comme mimesis implique une relation de ressemblance. Soient deux objets A et B. De fait, A est dit représenter B, si et seulement si A ressemble à B. Cependant, une telle conception de la représentation est hautement contestable, car la relation de ressemblance possède des propriétés que la représentation ne possède pas. Ainsi la ressemblance est-elle réflexive : A ressemble à A. Mais dirions-nous que A représente A ? Dirions-nous, par exemple, que La Joconde représente La Joconde ou que Mona Lisa représente Mona Lisa ? Assurément non, ou alors en utilisant une acception du terme différente de celle qui nous occupe ici.
De même, la relation de ressemblance est symétrique : si A ressemble à B alors B ressemble A. Cependant, si La Joconde représente bien Mona Lisa, il est faux de dire que Mona Lisa représente La Joconde.
Il faut ajouter qu’il existe de nombreux objets qui se ressemblent et qui pourtant ne se représentent pas. Deux frères jumeaux homozygotes se ressemblent indéniablement, mais aucun des deux ne représente l’autre. La représentation n’est donc pas une relation de ressemblance.
Cet argument est emprunté au philosophe américain Nelson Goodman. Comme lui, je considère la représentation comme une référence, c’est-à-dire comme une relation de renvoi. Une représentation renvoie à ce dont elle est la représentation, à l’objet qu’elle représente. C’est ainsi que La Joconde renvoie à Mona Lisa et La Cène à un épisode célèbre de la vie de Jésus.
Comme le dit Goodman, dans Langages de l’art, “la ressemblance n’est nullement nécessaire pour la référence ; presque tout peut valoir pour presque n’importe quoi d’autre. Une image qui représente un objet – ou une page qui le décrit – y fait référence et, plus particulièrement, le dénote. La dénotation est le cœur de la représentation et elle est indépendante de la ressemblance”.
En utilisant le terme “dénotation”, Goodman assimile la relation entre la représentation et ce qu’elle représente à celle qui existe entre un prédicat et ce à quoi il s’applique. Mais il est possible de distinguer plusieurs types de dénotation, la plus évidente étant, bien entendu, la dénotation verbale. La représentation est une espèce particulière de dénotation.
J’arrête là mon exposé, sinon tout le monde va aller se coucher (si ce n’est pas déjà fait).
Bon ok, c’est bien intéressant tout ça, mais maintenant que tu nous a expliqué quelle forme de représentation ne s’applique pas aux jeux, tu pourrais nous dire quelle forme de représentation s’applique dans ta phrase “les jeux sont des représentations de la réalité” ?
Il me semble l’avoir écrit : les jeux dénotent le monde.
Je n’ai pas lu “dénotent” mais c’est bien possible puisque tu semble un être un sémanticien de premier ordre
Par contre je regrette que tu nous balance une page de commentaire pour expliquer le contresens, et une phrase sybilline pour le sens. Vu que tu dis qu’on te comprends pas, ça ne va pas aider à te comprendre…
En creux, tu as une grosse partie de la théorie. Je peux difficilement en dire plus sans rentrer dans les détails de la philosophie analytique et en faire des pages et des pages. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la représentation est une référence ou en d’autres termes : une flêche symbolique pointée vers ce qui est l’objet de la représentation. La Joconde pointe vers Mona Lisa comme Hannibal: Rome vs Carthage pointe vers la seconde guerre punique.
Karis dit:..., et une phrase sybilline ...
sibYlline en fait. (je suis TRES loin d'être un pro de l'orthographe, mais juste ça me fait marrer ce Y qui se déplace (comme souvent). Mais pour toi, c'est pt'être une déformation profesSYonnelle.
Sinon, sur le fond, je suis bien d'accord.
Après tout, ce n'est qu'un jeu (Didier Barbelivien).
C’est marrant tout ce débat me rappelle celui sur les wargames genre si oui ou non les wargames sont une simulation et/ou une représentation de la réalité etc. qui avait eu lieu il y a quelques mois sur TT.
Sinon juste comme ça (à cause d’une petite remarque qui m’a défrisé la moustache que je n’ai pas), sur le tableau de David, Napoléon ne se sacre pas lui-même, il sacre Joséphine.
sten dit:
Sinon juste comme ça (à cause d'une petite remarque qui m'a défrisé la moustache que je n'ai pas), sur le tableau de David, Napoléon ne se sacre pas lui-même, il sacre Joséphine.
Oui et non ! Il sacre Joséphine sur le tableau final, mais il existe une version (une esquisse qui a été proposée et refusée ?) où il se sacre lui même... (je ne sais plus en quels temps antédiluviens ct dans mon livre scolaire d'histoire...)
Et?
Sur le tableau il sacre Josephine et c’est tout
MOz dit:En creux, tu as une grosse partie de la théorie. Je peux difficilement en dire plus sans rentrer dans les détails de la philosophie analytique et en faire des pages et des pages. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la représentation est une référence ou en d'autres termes : une flêche symbolique pointée vers ce qui est l'objet de la représentation. La Joconde pointe vers Mona Lisa comme Hannibal: Rome vs Carthage pointe vers la seconde guerre punique.
En fait, tu as un "objet intellectuel"; Par le biais du sens il dénote quelque chose, et de la chose ainsi dénotée le récepteur peut se faire une représentation. Voilà ce qui se passe dans ta démonstration, qui ne souffre en fait pas une assimilation de la représentation à la dénotation (ou à une sorte de dénotation).
La lecture de Goodman que tu nous livres est tellement vaste, du type "tout est en tout et inversement" ou "le sens est un vaste continuum où tout se vaut et tout se connecte", qu'il faut absolument préciser la nature exacte des jeux. Parce qu'il est clair qu'un jeu, c'est composite, que si tu mets l'ensemble des mécanismes qui le fondent dans une boîte et que sur cette boîte tu écris "ave cesar", tu dénotes une certaine période de l'histoire romaine, même si au final le jeu est un bête jeu de plis pour enfants.
Mais comme je disais, dans l'échelle de sens que tu proposes, la représentation ne sera jamais dans l'objet (ou ne sera jamais l'objet lui-même), mais l'idée que se fait le récepteur suite à réception de la dénotation par le canal du sens proposé par l'objet. Donc pour qualifier le jeu de représentation, il ne faut pas simplement qu'il dénote. C'est insuffisant.
'fin j'trouve...
Xbug-pirate dit: ...
Mais comme je disais, dans l'échelle de sens que tu proposes, la représentation ne sera jamais dans l'objet (ou ne sera jamais l'objet lui-même), mais l'idée que se fait le récepteur suite à réception de la dénotation par le canal du sens proposé par l'objet. Donc pour qualifier le jeu de représentation, il ne faut pas simplement qu'il dénote. C'est insuffisant.
'fin j'trouve...
Je dois pas être le seul à n'avoir rien compris. Me trompe-je?
bobdju dit:Xbug-pirate dit: ...
Mais comme je disais, dans l'échelle de sens que tu proposes, la représentation ne sera jamais dans l'objet (ou ne sera jamais l'objet lui-même), mais l'idée que se fait le récepteur suite à réception de la dénotation par le canal du sens proposé par l'objet. Donc pour qualifier le jeu de représentation, il ne faut pas simplement qu'il dénote. C'est insuffisant.
'fin j'trouve...
Je dois pas être le seul à n'avoir rien compris. Me trompe-je?
Oui....
Le Zeptien dit:bobdju dit:Xbug-pirate dit: ...
Mais comme je disais, dans l'échelle de sens que tu proposes, la représentation ne sera jamais dans l'objet (ou ne sera jamais l'objet lui-même), mais l'idée que se fait le récepteur suite à réception de la dénotation par le canal du sens proposé par l'objet. Donc pour qualifier le jeu de représentation, il ne faut pas simplement qu'il dénote. C'est insuffisant.
'fin j'trouve...
Je dois pas être le seul à n'avoir rien compris. Me trompe-je?
Oui....
en même temps, si on se réfère au De anima d'Aristote repris par Plotin puis interprété dans le cadre d'une esthétique de la réception à l'allemande, ça se discute
Réception à l’allemande ça a rapport avec le volley-ball?
noisettes dit:R�ception � l'allemande �a a rapport avec le volley-ball?
sans doute!
Oui, bon, certes, à la relecture c’est un peu
Les phrases sont trop longues et tout se mélange. J’ai toujours eu un petit problème dans mes tentatives de synthèse…
Bon on reprend :
En gros, si la dénotation, c’est faire pointer une flèche symbolique vers un objet/concept de référence, on a trois éléments :
- L’objet qui dénote (en l’occurence le jeu, dans notre cas).
- L’objet de référence (disons “quelques siècles de l’histoire de Rome après la mort de Sylla”), qui est un fragment de réalité (dans notre exemple).
- La “flèche symbolique” : c’est-à-dire les éléments de sens qui se dégagent du jeu, et permettent au joueur d’atteindre intellectuellement l’objet de référence.
Ce que je dis, c’est que, dans la démonstration de Moz, la représentation ne peut pas être un “type de dénotation”. La représentation ne peut être que l’image de l’objet de référence que forme dans son esprit le joueur (le récepteur), une fois filtrée par les éléments de sens contenus par notre jeu et filtrée aussi par la propre subjectivité du joueur.
Dans le système de référence utilisé par Moz, il me semble donc que représentation et dénotation ne peuvent pas être situées à la même place sur un schéma de circulation du sens.
J’espère que je me fais mieux comprendre, parce que là, j’ai tout donné …
Xbug-pirate dit:Donc pour qualifier le jeu de représentation, il ne faut pas simplement qu'il dénote. C'est insuffisant.
Je n'ai jamais dit le contraire. S'il suffisait de dénoter une chose pour la représenter, alors les mots représenteraient les choses qu'ils dénotent. Or dans son usage courant un mot ne représente pas. J'ai dit que la représentation est une espèce particulière de dénotation. Je ne vois pas l'intérêt de rentrer plus avant dans les détails.
MOz dit: Je ne vois pas l'intérêt de rentrer plus avant dans les détails.
C'est bien le problème si tu veux mon avis. Avant d'arrêter de m'intéresser d'une façon quelconque à ce HS total, je voudrais juste te résumer le truc :
Tu fais partir le débat avec les hexagones, derrière tu nous explique que les jeux représentent la réalité. On est pas forcément d'accord là dessus, et on t'expose un argumentaire et quelques contradictions dans ton discour. Tu expliques qu'on ne te comprends pas et détaillant longuement ce que tu ne voulais pas dire (puisqu'on te comprends décidément bien mal), mais sans pour autant exposer ce que tu voulais dire. Enfin si : tu nous balance une phrase qui veut tout dire et rien à la fois, et qui "résume" tellement ta position de façon indiscutable, qu'il est inutile de la détailler (dommage parce que c'est pas sûr que quelqu'un ait compris)...
A mon avis on ne peut pas débattre avec quelqu'un qui ne veut pas risquer d'avancer vraiment ses idées dès qu'il a des contradicteurs, donc sur ce coup je te laisse philosopher. Sans rancune cela dit...
A moins qu’un long débat théorique sur la nature de la représentation en général t’intéresse, je pense avoir suffisamment préciser ma vision des choses. Je ne crois pas que cela soit si flou que cela. Si on rentre dans les détails, il va falloir que j’aborde des notions très complexes comme la densité syntaxique, la densité sémantique et la saturation syntaxique. On va perdre tout le monde et tous ces développements seront classés dans la catégorie “branlette intellectuelle complètement vaine”. Cela me parait d’autant plus inutile qu’on est déjà bien loin du “problème” initial.
il n’y a pas d’abstraction en soi : une peinture aussi figurative soit elle n’est jamais qu’une juxtaposition de taches de couleurs concrêtes (ie abstraites). Ce qui fait la représentation/ figuration / dénotation / whatever, c’est l’adéquation entre une certaine concrétude abstraite et ce qu’elle représente figure dénote. Chaque mot d’une langue est pure contingence, la signification découle de la cohérence logique du lexique et de la grammaire.
Ce qui vous oppose, ce sont deux postulats de figuration de l’espace : l’un envisagé en tant que distance (les hexagones) et l’autre en tant que territoire (les frontières).