La bonne nouvelle, c’est qu’ils en ont tout à fait le droit. Même si je ne les suis pas sur ce coup.
Moi, j’aime bien la branlette intellectuelle. Ça me stimule et ça m’intéresse. Je trouve qu’on n’a pas besoin d’anti-intellectualisme primaire dans le contexte actuel.
Le manifeste méta-ludique prend comme modèle la longue histoire des manifestes artistiques, parce c’est souvent comme ça que progresse l’histoire des idées en art. M. Phal, qui a étudié au Beaux-Arts, en a fait un résumé récemment sur la chaîne Punchboard :
- Il y a un statu quo sur ce qu’est le “bon” art, c’est l’Académie.
- Des p’tits cons décident de critiquer ce paradigme et de tout foutre par terre, en définissant ce que devrait être le “bon” art pour eux. Cela passe parfois par l’écriture d’un manifeste (Manifeste du Symbolisme, Manifeste du Surréalisme, Pour un Nouveau Roman, Manifeste DaDa, Position poétique de l’École de Rochefort, Dogme 1995). Les p’tits cons font face à résistances et moqueries.
- D’autres p’tits cons leur emboîtent le pas, la rébellion devient mouvement, puis norme et finit par intégrer l’Académie. Les p’tits cons deviennent vieux cons.
- Répéter ad libitum.
Bref, ces manifestes sont peut-être de l’enfonçage de portes ouvertes, et oui il y a déjà des auteurs qui tentent d’explorer les frontières de leur médium (encore heureux), mais il n’empêche que ce sont des marqueurs dans l’histoire des idées, et que ça peut donner envie à d’autres d’emboîter le pas.
Parce que, comme le disait si bien jmguiche, “chacun fait ce qui lui plaît”. Mais franchement, vous croyez que les auteurs aujourd’hui font vraiment ce qu’ils veulent ? Combien ont été contraints par un éditeur de changer le thème qu’ils avaient en tête initialement ? Combien de fois telle ou telle mécanique a été édulcorée parce que trop méchante ou trop frustrante ? Dans le modèle économique qui est le nôtre, ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir envoyer l’éditeur se faire voir…
Et aujourd’hui, quand j’entre dans une boutique de jeux, je vois une palanquée de “bons divertissements”, mais peu de jeux susceptibles de me chambouler un peu. C’est justement parce qu’on aime le jeu de société qu’on se dit qu’il est capable de tellement plus. Et le clamer publiquement, ce n’est pas enfoncer des portes ouvertes, ça peut donner des envies à tout le monde, ça peut être un facteur motivant pour beaucoup d’auteurs de savoir qu’ils ne sont pas seuls, et qu’ils ne sont pas obligés de faire des jeux pour satisfaire la cible commerciale d’un éditeur.
Comme dit plus haut, quelques simples mots bien placés auraient fait toute la différence donc c’est pas un problème de place même pour un flyer. Surtout que ce n’est pas en exact accord avec ce qu’ils détaillent derrière.
Quant au ton utilisé, si c’est volontaire, alors je trouve ça maladroit. D’une manière générale, je trouve l’utilisation d’un manifeste très maladroite quand on veut amener des gens à sa cause; en effet, pour convaincre des gens d’opinions opposées ou simplement différentes, il faut toujours d’abord essayer d’aller dans leur sens(enfin trouver un maximum de points d’accords), de leur faire comprendre qu’on les comprends pour ensuite les amener vers notre point de vue.
Toute confrontation d’idées sans concessions ou intensions de compréhension ne mènent à rien…
Libre à toi d’aimer [EDIT MODERATION] et de prendre cette initiative comme l’égal des manifestes historiques que tu cites. Personnellement j’ai trop de considération pour les développements intellectuels de qualité que pour accorder ce qualificatif à cette initiative telle que développée.
Personnellement je pense que la stratégie mise en oeuvre via ce manifeste tire contre son camp et n’aidera en rien (au mieux, je crains même qu’à la marge ce ne soit contre productif) le combat pour faire bouger les lignes.
Mais bon, l’avenir nous le dira…
J’ai raté la violence des réactions…
Critiquer, même vertement, c’est violent?
(Z’avez 4h)
C’est tout à fait pertinent mais bon, les éditeurs jouent leur argent et leur survie (comment leur en vouloir…?). Si des auteurs ne sont pas satisfaits de l’issue de la production, il restent libre de prendre leur courage à 2 mains et de s’auto-editer avec tous les risques que cela comporte.
L’idéal serait que l’ensemble des éditeurs soient associés dans une association pour laquelle il cotiserait un petit peu chaque année et qui permettrait de financer chaque année, après vote, un jeu qui sort vraiment de l’ordinaire, qui bouscule les codes…
Hop !
Je pense qu’on peut discuter longtemps. À mon sens, il y a une erreur originelle.
En 2023, j’ai eu envie de rassembler des auteurs aux postures un peu similaires aux miennes. C’est-à-dire des auteurs qui ont envie de mettre du sens dans leurs jeux et de faire réfléchir les joueurs.
On ne peut écrire un manifeste en employant un mot qui a déjà du sens pour tous et y inscrire un courant de pensée spécifique. Forcément, tous les autres courants de pensée vont réagir.
On renomme ce manifeste le Manifeste du jeu de société stroumphisant* ((*) mettre ici un mot créatif), et là, ça devient le manifeste fondateur de leur mouvement. Le Méta, ou le Super, ou le que sais-je, est un mauvais choix.
En version courte, je ne peux pas écrire aujourd’hui le manisfeste du Capitalisme, mais je pourrais écrire le manifeste du Capitalisme Humaniste, par exemple.
Après le contenu lui-même, ben, c’est un manifeste d’un courant de pensée spécifique, il n’y a pas grand-chose à dire.
Totalement d’accord avec ça.
On peut échanger.
On peut argumenter.
On peut rétorquer, reprendre, contredire.
On peut même titiller, asticoter, blaguer.
Mais vous connaissez la musique : dans tout ça, on va conserver un ton cordial pour éviter de se faire sabrer.
Des bisous.
Bonsoir,
Je ne sais pas si c’est une bonne idée d’écrire quoi que ce soit sur ce fil vu tout ce qu’on s’est déjà mangé dans les dents.
Quand on écrit un truc public, surtout qui s’affiche un peu revendicatif de quelque chose, on s’attend à ce que ce ne soit pas forcément bien reçu par tout le monde, j’ai aucun problème avec ça. Un de mes premiers jeux fichés sur Tric Trac, c’était Sushi Dice, et le premier avis (de Morlockbob, je crois me souvenir) déféquait sur le jeu, enfin non, en fait selon lui c’était « même pas un jeu », de mémoire. Bref, tout ça pour dire que quand on a des jeux publiés on se tanne le cuir là-dessus, et pouvant moi-même être un peu excessif après quelques bières, je peux comprendre qu’on s’emporte. Je vais donc sans rancune me permettre de répondre un peu quand même, en mon nom surtout - les autres initiateurs et initiatrices du Manifeste sont occupés à créer un bureau de censure politico-ludique en écoutant du Léo Ferré^^.
Je n’ai rien contre le désaccord. Connaissant les positions de Bruno Faidutti (entre autres), on savait qu’on allait pas être d’accord sur le fait que le jeu « doit » ou non rester du divertissement pour être un jeu. C’est un débat intéressant, mais qui ne mène pas bien loin tant qu’on a pas défini collégialement les termes clés, genre le jeu, le divertissement. Là le temps manque pour le faire. C’est le point qui a de loin provoqué le plus de discussions sur la page facebook du Manifeste, et vu ce qu’il a suscité comme réactions ici, je me dis qu’on enfonce pas une porte ouverte là-dessus. On est pas d’accord, ok, c’est pas grave, tant qu’on en discute un peu posément perso j’y vois que du constructif - même si chacun reste sur ses positions, au moins perso je suis content que la question se pose.
Sur la forme, vous pouvez trouver toutes les maladresses du monde au Manifeste - on a voulu faire court pour le recto, expliciter un peu plus au verso. C’est un manifeste, ça affirme des trucs, donc la forme un peu péremptoire, ça va avec - un « peut-être que ce serait bien de faire autrement, mais on voudrait pas avoir l’air d’imposer nos opinions » n’aurait sans doute pas été entendu de la même manière. Et pourtant, on s’est efforcés de rester mesurés et de mettre des « peut » au lieu de « doit » là où on ne voulait surtout pas être compris de travers. Manifestement (!), c’est pas encore suffisant.
Ce qui m’ennuie un peu plus, c’est qu’on surinterprète nos propos. Donc je vais l’écrire clairement : notre souhait n’est pas d’imposer quoi que ce soit, de censurer quoi que ce soit, ni de dire « maintenant il ne faut plus faire que ça ou ça, le reste c’est de la bouillie pour les classes populaires [avec mépris] ». La dialectique culpabilisatrice du « fais ton autocritique camarade », très peu pour moi, même si par ailleurs j’aimerais bien, oui, qu’on (les auteurs et autrices) se responsabilise un peu sur ce qu’on met dans nos jeux - qui à mon sens ne se pratiquent pas dans un cercle magique, mais ont un réel impact culturel, et donc politique. Pour la moitié c’est une évidence donc on enfonce une porte ouverte, pour l’autre c’est une aberration parce que le jeu est en dehors du réel. Faudrait savoir, mais comme tout le monde n’est pas d’accord je me dis encore une fois que la question méritait d’être soulevée.
Alors, bien sûr, vous n’êtes pas obligés de me croire sur parole quand je vous dis qu’on est pas dans une posture de censure morale, et qu’on en a même parlé plusieurs fois, de cette censure morale, en préparant le Manifeste. Si ça je trouve je mens. Ou si ça je trouve je me mens à moi même, ou je suis naïf comme je l’ai lu ailleurs, et ça ne peut tourner que comme vous l’avez indiqué, une chape de plomb idéologique et culturelle sur un media jusqu’ici complètement libre (vous y croyez ?). A notre naïveté j’ai envie d’opposer votre cynisme, qui ne vaut pas mieux, et de vous demander le bénéfice du doute plutôt que le procès d’intention. Mais vous pensez bien ce que vous voulez, hein.
Tout ce qu’on veut, c’est voir s’il ne serait pas possible de faire des jeux vraiment différents de la plupart de ceux qu’on voit actuellement (il y a toujours des exceptions, et tant mieux). Il nous semble qu’il peut exister des jeux qui seraient le moyen d’expression d’un auteur ou d’une autrice tout autant qu’ils seraient un moment passé pour le joueur, pour (pourquoi pas ?) parler de choses comme la liberté, l’amour, la vie, mais aussi la lâcheté, la honte - la morale peut être d’ailleurs, et tout un tas de concepts et d’émotions qui ne nous semblent jamais évoqués avec une volonté de justesse, de sobriété, plutôt que d’idéalisation ou de clichés. Ou même des jeux bizarres qui seraient à la limite de l’installation artistique, absurdement snobs mais complètement, réellement différents de ce que le marché propose. Vous me direz que ça existe déjà, exemples à l’appui : j’en ai aussi, mais ils sont trop rares à mon sens, et se trouvent plutôt dans des musées. Bref. Pour dire ça il nous a paru nécessaire d’affirmer que le jeu, c’est pas forcément fait que pour s’amuser. Mais on veut empêcher personne de s’amuser par ailleurs. Comme vous l’avez bien noté, le fait que la plupart d’entre nous aient surtout créé des jeux d’édition plutôt conventionnels et (relativement, on essaye) divertissants devrait vous mettre la puce à l’oreille sur le fait qu’on a rien contre cet aspect là du jeu de société. C’est vous qui mettez ces mots entre les nôtres.
Sur ce, désolé de lâcher ce pavé sans suivre la suite de la discussion, mais je pars pour Cannes dans 5h, histoire de compromettre ma pureté militante dans ce grand rassemblement capitaliste. Voyez, moi aussi je peux être cynique. Bonne fin de soirée.
(Henri Kermarrec)
Le problème je pense c’est que parler de manifeste autour de notre bulle dorée/échappatoire/moment de joie bonheur relaxation retrouvailles entre amis, bref, autour de notre doudou, c’est quasi agressif je trouve le mot “manifeste” incohérent avec ma passion pour le jeu.
Quand je lis en plus, je cite “pour dire ça il nous a paru nécessaire d’affirmer que le jeu, c’est pas forcément fait que pour s’amuser”, je pars en courant. Mais si, le jeu c’est pour s’amuser, pour déstresser (et on peut déstresser sur un jeu cérébral et/ou engagé), pour nous échapper de ce monde très brutal, pour être bien. Ce manifeste donne l’impression qu’une bande de gugus débarque en brandissant un drapeau façon “alors maintenant les gars, c’est fini le bon temps, va falloir avoir une vraie réflexion quand vous jouez !”. Et même si ce n’est pas le but premier de votre manifeste, moi c’est comme ça que je le reçois.
“quasi agressif”
“donne l’impression.”
“c’est comme ça que je le reçois.”
est ce le manifeste qui est quasi agressif ou notre propre interprétation ?
Est ce que les auteurs du manifeste ont voulu interpeler ou foutre la merde ?
P.S : en me relisant, ça donne l’impression que mon message est agressif, il ne l’est pas du tout. il questionne réellement sur comment et pourquoi on peut se sentir agresser
Surinterpréter des choses, déformer des intentions, être virulent ou autre, comme il me semble que ça a été un peu le cas ici, sous prétexte que “faut pas toucher à mon loisir le jeu de société parce que c’est gentil-mignon-doudou”, là il y a comme un problème pour moi, doublé d’un beau paradoxe.
Il y a possiblement d’autres raisons, mais je crois que cela en est une des principales.
Perso, mon indignation et mon éventuelle virulence, je préfère les dédier à des choses qui me paraissent un peu plus importantes.
En plus, je me demande si parmi celles et ceux qui sont intervenus en mode critique le manifeste a bel et bien été lu.
En l’occurrence, peut-être parce que ça touche à une passion, et que passion et rationalité font rarement bon ménage.
Ah ben finalement, c’est toi qui imposes des trucs, pas le manifeste.
C’est ta vision et c’est ce que tu apprécies dans les jeux, fort bien, mais ce n’est pas une obligation. Il existe des jeux stressants, frustrants et qui mettent mal à l’aise, et qui sont des propositions ludiques tout aussi valables et intéressantes.
Pour répondre à @shaudron, ça me dérange qu’on associe divertissement, amusement, et indirectement un sentiment de légèreté.
Même si tu souhaites explorer des voies différentes, je ne vois pas en quoi ça échapperait réellement à la mission de “divertissement” si le but est de rester un jeu (de société).
Ça dépasse largement la passion : tout questionnement d’une quelconque habitude est vécu comme une agression. Je trouve même que notre époque est devenue totalement dingue avec ça, et les conséquences en sont potentiellement terrifiantes. La lecture de ce sujet me fait cet effet miroir depuis le début.
Mais je m’éloigne beaucoup du sujet d’origine, trop léger malgré tout pour partir sur une telle discussion.
Je suis d’accord avec toi, tout le monde est libre d’interpréter le jeu comme il l’entend. Je n’impose rien, c’était juste un point de vue sur le jeu