Au-delà du divertissement : Interview de Henri Kermarrec et Julien Prothière au sujet du Manifeste métaludique

Raison de plus pour ne pas invisibler certaines périodes ou sujet pour justement garder en mémoire.

Si je joue un wargames historique je ne fais pas l’éloge des nazis.
Si je joue un colons dans un jeu je ne fais pas l’apologie de l’esclavage ou du colonialisme.

Mais cela me rappelle que dans un certain contexte cela a existé.

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C’est ça qui me fait le plus halluciner, l’impression qu’ont certains et certaines de voir leur hobby envahit de l’intérieur avec une volonté (fantasmée) de faire du jeu de société un hobby qui ne porterait plus que des messages politiques. Même si dans les faits ils et elles ne se rendent pas compte que chaque jeu de gestion porte une idée politique, même sans thématique ancrée historiquement, mais nous n’en sommes visiblement pas là dans la discussion.

Et pourquoi ne ferions nous pas l’inverse ? Plutôt que des nazis, mettons en avant les Résistances, plutôt que les colons, mettons en avant les colonisé.es ?

Ces points de vue là sont rarissimes, alors que l’inverse est beaucoup trop banal.

Mais cela existe et heureusement

Et c’est excessivement rare.

Spirit Island, Freedom… Et encore dans ce dernier on joue des mouvements abolitionnistes, pas les esclaves eux même.

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Je suis complètement en accord avec ça.

A ceci près que si certains savent de quoi il en retourne en jouant à Puerto Rico, je pense que pas mal de gens ne le savent pas ou n’y pensent pas.
Pas comme en jouant les nazis dans un Wargame, où les joueurs le font en connaissance de cause et ont donc la distance requise.

Pas convaincu ici par contre, des conventions de wargame avec des fans premier degré de la Wehrmacht, c’est malheureusement courant…

Si si, on les déplace, les esclaves.
Et j’ai envie de verser une p’tite larme à chaque fois que mon cube beige se fait choper par un chasseur…

Non mais des fada, tu en trouveras partout.
Mais je n’imagine pas une seule seconde qu’ils soient majoritaires (fais gaffe à pas filer d’idée à Mireille Dumas, quand même :grin:).

En 2024 on a encore un éditeur de wargame qui offrait un “goodies” croix de fer à Essen en rapport avec un jeu ou on joue des nazis…

C’est dire si on est loin de la prise de conscience. Soit c’est de la naïveté politique absolue, soit c’est partisan, dans un cas comme dans l’autre, c’est grave, et ça démontre bien que le jeu en lui même n’est pas un outil pédagogique, sinon on arriverait pas à ce genre d’extrémité…

Edit : Alors visiblement d’après l’éditeur, ça n’était pas un goodies offert à Essen mais aux backers de leur jeu. C’est leur défense dans les commentaires BGG, lunaire.

Faudrait peut être pas confondre la Wehrmacht et les nazis.

Des jeux où l’on résiste

Résistance
Black Orchestra
Zulu 1879
Navajo wars
Maquis
Archipelago ( a la limite)
Pax pamir

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Je ne dis pas que ça n’existe pas, mais plutôt que ça n’est pas parce que ça existe que tout le monde doit être mis dans le même sac. On ne peut pas tout interdire parce que certains planent total.

Il y a quelques Wargamers sur Trictrac, je ne me rappelle pas en avoir lu un seul écrire un truc pro-nazi.
D’ailleurs si ça avait été le cas, il se serait fait défoncer par pas mal de monde.
Moi quand je les lis, je me dis que beaucoup d’entre eux sont plutôt cultivés, qu’ils me mettent une belle tannée en matière d’histoire avec un grand H, et ont tout à fait l’air d’être à même de faire la part des choses.

Pour moi, les pseudo-wargamers que tu me montres, là, ce sont des fachos convaincus qui se sont mis au Wargames afin de faire mumuse avec leur petites névroses.

Après attention je mets pas les wargamers individuellement dans le même panier, mais dire qu’il y a un souci de fétichisation de certaines armées et que c’est un souci auquel on répond collectivement pour rendre notre commu meilleure, ça j’y crois.

Le tout est simplement de reconnaître qu’il peut plus facilement y avoir des porosités, ça n’est pas pour autant se faire la police de qui joue à quoi, je suis moi même joueur occasionnel de wargames.

Le jeu de société est un objet culturel qui peut se permettre de proposer plus que du divertissement :
→ OUI

Ouin ouin pas de politique dans mon jeu de société :
→ NON

Pour le reste ce manifeste est bien sérieux et morigénérén… morigénateu… morigénant nous morigène d’un peu trop haut.

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Cela dit, certains de ces gens sont sympathiques. Qu’ils se fassent plaisir et qu’ils nous fassent de bons jeux avec de grands propos, et moi je serai heureux.

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J’ai pas du tout compris cela. J’ai compris qu’ils souhaitent voir émerger plus de jeux qui exploitent d’autres choses que du pur divertissement, en particulier du point de vue des émotions.
Fil rouge, Alice is missing

Je comprends que ça peut aider les auteurs qui souhaitent aller vers cela : ils ont maintenant un ancrage à quoi se référer , des exemples ou des soutiens potentiels ; car oui les auteurs sont souvent seuls face aux contraintes des éditeurs qui ont souvent le « Final Cut »
Cela peut aussi convaincre certains éditeurs que c’est une voie viable économiquement

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Et un jugement à l’emporte pièce, un :slight_smile:

Bon, histoire d’aller un peu plus loin et montrer que le sujet des wargames / jeux de société qui peuvent interloquer au premier abord peut faire l’objet de reflexions plus pointues et profondes je recommande l’article de Volko Ruhnke (qui est une pointure dans le domaine du game design).

https://theboardgameschronicle.com/2023/12/05/the-other-side-of-the-hill-thoughts-from-volko-ruhnke/

Un article de très haut niveau, une analyse qui ne se lit pas en diagonale :slight_smile:

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C’est beaucoup de mots. vous tricotez… rajoutez le terme “peut”, ce sera super cool. En plus, j’aime bien le propos du verso de votre manifeste et surtout, j’aime cette initiative. Ca peut faire changer les choses. Vraiment! Par contre, l’absolutisme, svp, non merci. Prenez mon propos comme une aide aussi. Une aide à rassembler plus de gens. Vous clivez avec ce type de communication. Votre discours est utile pourtant.

Je le répète, je soutiens vivement les auteurs qui ont envie de passer un message politique dans leurs jeux. Je trouve absolument génial de traiter des enjeux écologiques ou même de l’esclavage dans le jeu qui relate la fuite d’un groupe de gens.
Je demande de ne pas en faire un absolu. Beaucoup de gens viennent pour jouer légèrement… se divertir… apprendre ou pas… ou même militer. C’est top, on s’aime tous! Pas de souci.

Et ce n’est pas le terme “politique” qui me dérange, lisez moi bien svp. Ne déformez pas mes propos, sinon le débat n’est pas très juste. C’est de considérer que la pratique du jeu est EN TOUT CAS politique. Pas au sens que vous évoquez habilement dans votre dernier message. Au vrai sens que vous essayez de faire passer dans votre manifeste (celui que vous détaillez pourtant clairement au verso de celui ci… et toc!).

Faisons plus simple, j’ai demandé aux auteurs du manifeste de dire publiquement pour qui ils votaient… moi à gauche. Pas de souçi. A vous!

Alors, autant je suis “de votre côté”, autant j’ai beaucoup beaucoup beaucoup de peine à y voir un enjeu du côté thématique même en regardant très très fort. Les approches non compétitives, narratives, poétiques, ok. Mais le point principal pour moi c’est la chaîne de production. Des milliers de sorties annuelles : la il y a un enjeu de consommation fort que je perçois facilement.

Reste que la communication visant à sensibiliser sur “un autre type” de production ludique je comprends l’intérêt. Mais l’enjeu ou plutôt l’impact j’ai un gros doute que ce soit à l’échelle sociétale.

J’ai envie de citer deux jeux, enfin 3 :

Dans un second temps, on a pu aussi jouer les Allemands.

Celui-ci, certains se sentent tellement gênés d’y incarner les nazis qu’ils lui préfèrent Secret Voldemort (perso j’aime les deux mais évidemment pas avec le même public).

L’impact étant encore trop récent pour nous européens, mais pas du tout pour les Japonais.
Pour la colonisation, etc. Ça a un impact différent en fonction de là où le vit/ressent.

Mais on ne peut pas nier un impact sous prétexte que personnellement il n’en a pas sur nous.

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A ce propos je me souviens très bien avoir ressenti un gros moment de malaise en jouant à Puerto Rico sur la version Tilsit (oui je suis vieux) alors que j’optimisais ma stratégie pour gérer les “colons” et en priver les autres. La symbolique des disques bruns était devenue trop claire…

Ce malaise a fini par passer au fil des parties. Mais j’ai toujours trouvé que le choix éditorial de ces disques bruns qui arrivent en bateau était très bien vu. Pour l’époque en tout cas.

C’est d’ailleurs aussi ce qui m’attire tout particulièrement dans monbasa. Curieusement je trouve qu’affronter ces périodes est un aspect crucial de ces jeux.