Ami Fritz,
Permets-moi donc d’abuser encore un peu.
En réalité, je ne suis pas particulièrement choqué par le jeu, ni son habillage. Ils ne font après tout que cibler le public japonais type des trading card games: jeunes, hommes, amateurs d’esthétique typée “anime”, comme j’ai pu le cotoyer directement sur place (il faut noter que ce public de tcg constitue l’immense majorité du public de jds au Japon, ceci ayant son importance pour les décisions d’habillage - ou de déshabillage - des éditeurs).
L’esthétique même me paraît d’autant moins choquante, dans ce contexte, qu’on sait bien que ce public n’est pas particulièrement attiré par les signifiés supposés des illustrations, c’est à dire les femmes réelles. Seules les représentations, détachées de leurs référents, les intéressent. En ce sens, l’accusation de sexisme elle-même tient difficilement car les images ne renvoient ici à rien d’autre qu’elles-mêmes, à une série d’éléments codifiés consommés comme tels par ce public.
De même pour le thème, même si c’est un peu plus gênant: les éléments historiques sont ici redigérés pour n’être plus rien d’autres que de purs signifiants, consommés pour tels parce qu’ils renvoient à une série de concepts totalement détachés de leur historicité. Tu évoques le “nazi chic”, et en effet, j’ai vu des groupes de rock jouer en uniformes de la gestapo, ou des maisons de disque nommées “Gaz Chamber Records”… “Chic”, “discipline”, “violence” ou encore “volonté” sont les signifiés lus à travers ces éléments.
Dans le même ordre d’idées, les Japonais sont habitués aux collisions historiques fantaisistes: Nobunaga vs les dinosaures, un croiseur Aegis téléporté à la bataille de Midway (Zipang), Hitler et Hirohito pactisant avec des démons dans les sous-sols de Tokyo…
On peut regretter cette absence de conscience historique (relative, certains auteurs en jouent habilement), ou cette tendance toute postmoderne à agglomérer tout et n’importe quoi dans des récits, quitte à en “lisser” la portée idéologique, mais c’est ainsi.
Il me parait clair qu’il n’y a aucune intention de choquer le public japonais, ni de l’ aguicher de manière plus putassiere qu’à l’habitude.
Là où ça devient un peu gênant, c’est que la réception d’un public occidental à de telles oeuvres est radicalement opposée, pour des raisons évidentes. On est choqué, dans notre contexte, par l’utilisation faite par Barbarossa d’événements historiques et de (ce que l’on considère être) l’image de très jeunes filles dénudées dans des poses lascives.
De là, les amateurs (comme toi) vont tenter de défendre l’oeuvre en la remettant dans son contexte d’origine, mais c’est une torsion un peu forcée selon moi: l’oeuvre est consommée par un public donné, qui lui donne sens. Et sur ce plan, indépendamment de l’opinion qu’on peut avoir du contexte culturel japonais, il est évident que l’éditeur occidental du jeu visait un succès de niche (auprès des amateurs tels que toi), et de scandale, en sachant pertinement quelles allaient être les réactions.
Ces réactions me semblent naturelles, et rappeler encore et encore le contexte culturel japonais ne les minimise et ne les invalide en rien.
Ce n’est pas pour autant que je vais te cracher dessus parce que tu aimes le jeu, mais sur le plan de l’argumentation, le relativisme culturel a tout de même ses limites.
Voilà pour mon avis circonstancié, en espérant ne pas avoir enfoncé trop de portes ouvertes.
Bon jeu
PS: Vlad, je ne parlais pas pour toi, mais j’ai lu cet “argument” à maintes reprises ici et là.