slaine.x dit:Et au fait, j'ai bien apprécié les remarque sur le jeu Mr Jack. Jusqu'à présent, ça n'a choqué personne de jouer le personnage de Jack, un tueur de péripatéticiennes qui cherche a échapper a Holmes. Peut être que ça n'a pas choqué les bien pensants par ce que ces femmes ne sont que des filles de joies avec peu de vertu.....
La question de Mr Jack est intéressante, effectivement, mais je pense qu'il y a plusieurs grandes différences qui font que "bien pensants" ou "rebelles politiquement incorrects" n'en sont pas venus aux mains.
Il y a dans Mr Jack un décalage par rapport au thème : il ne s'agit pas pour un joueur de massacrer sauvagement des prostituées dans les rues de Londres tandis que l'autre tenterait de l'en empêcher. Mr Jack centre le jeu autour d'une mécanique de déduction, il thématise plus l'enquête que les meurtres.
Dès lors, l'objectif pour Jack est de ne pas se faire attraper ; je pense qu'il est plus facile pour qui joue de comprendre qu'en tant qu'assassin, il vaut mieux réussir à s'enfuir.
Les choix graphiques participent d'ailleurs à mon sens à mettre l'accent sur une ambiance de mystère, un peu oppressante mais pas glauque.
Si le jeu avait eu pour objectif de perpétrer des meurtres sauvages, le débat aurait été plus tendu. Mais ce n'est pas le cas.
A mon sens, beaucoup de situations (en aucun cas toute) peuvent être mises en jeu, et c'est la façon de poser le joueur dans un rôle, autour de mécanismes choisis, d'une utilisation du thème particulière et d'un choix graphique qui va apporter une certaine idéologie.
[ATTENTION - je n'ai pas joué au jeu, ce qui suit est spéculatif bien que réfléchi à partir des éléments lus ici et là]
Pour Barbarossa, le thème est celui de la seconde guerre mondiale, thème beaucoup traité (notamment dans les wargames, mais pas que). Le jeu se concentre autour d'une opération, Barbarossa. Il est commun pour des jeux 2GM de se centrer sur une opération, rien de bien neuf.
Par contre, l'opération Barbarossa semble être une opération extrêmement violente, où une bonne partie de l'armée russe a été massacrée. J'en appel à vos précisions sur la question, et au passage si les connaisseurs savent s'il y a d'autres jeux sur la même opération, ils pourraient également préciser comment elle est mise en jeu ailleurs.
Le jeu nous place du côté des nazis/de l'armée allemande. Ce premier choix n'est déjà pas anodin. Par ailleurs, le jeu nous place en compétition pour prendre des villes plus importantes et plus nombreuses que celles de nos adversaires. Prendre une ville, en tant de guerre et quelque soit son camp, s'accompagne bien souvent de pertes civils importantes, et à fortiori dans une guerre de conquête assortie d'une idéologie de race qui fait de l'ennemi un sous-homme qui ne mérite que peu de considération.
A la différence de nombre de wargames donc, les joueurs ne s'opposent pas entre différents camps mais bien entre eux, dans une "rivalité cordiale" dans une course à l'objectif pris à l'ennemi commun.
La mécanique de deckbuilding apporte au jeu une dynamique de montée en puissance, de surenchère dans l'invasion (troupes plus efficaces, meilleur matériel), là où au contraire dans beaucoup de jeux autour de la guerre, les ressources s'épuisent, les troupes sont éliminées. Cet élément crée également un rapport particulier à la guerre qui apparaît comme un vecteur d'émulation.
[cette question serait à approfondir par ceux qui ont joué au jeu, je ne sais en effet pas exactement comment la mécanique se met en place, s'il y a une idée d'épuisement, etc.]
Si l'on s'arrêtait là, le jeu poserait déjà quelques questions mais s'inscrirait somme toute dans un ensemble de jeux de guerre (pas nécessairement wargame).
Mais il y a cet autre choix graphico-thématique. Nous sommes mis à la tête d'une armée de jeunes femmes aux poses suggestives et aux tenues pas forcément hyper adaptées à une campagne en Russie.
La présence en grand nombre de symboles phalliques (balles, obus et autres missiles en tête) virilise les dessins, qui sont, comme je l'ai déjà dit plus tôt, des dessins d'hommes, pour des hommes, dessinés dans un contexte politico-culturel patriarcal.
En replaçant d'ailleurs ce jeu dans son contexte culturel originel, il apparaît que le public cible est strictement masculin. Ces armées de femmes, soldats ou officiers, sont entre les mains d'hommes, qui contrôlent et chapeautent tout.
La volonté déclarée, dans ce choix graphique, est de donner un aspect décalé au jeu, avec son "Moscou et sa seconde guerre mondiale fantasmée".
La question qui me vient alors, c'est pourquoi cette volonté de décalage? Je n'ai pas de réponses et suis curieux de lire les vôtres! Il me semble cependant que l'habillage "sexy/humoristique" (volonté apparente - pour ma part e n'y souscrit pas) vient jouer un rôle de dédramatisation. Le problème, alors, c'est ce qu'il dédramatise.
Comme dit précédemment, le jeu nous place du côté allemand dans une opération d'envergure qui a vu perpétrer de nombreux massacres par ces armées allemandes. C'est donc cela qu'il dédramatiserait. Et ça, ça me pose problème.
Là où Mr Jack décide de se concentrer sur "l'enquête/l'arrestation", Barbarossa ne se décale pas de la guerre, du conflit et de la conquête. Et là où Mr Jack créait un décalage, Barbarossa pose un voile en bas-résille.
Pour moi, Barbarossa apparaît comme un jeu de deckbuilding (il y en a d'autres), sur la 2GM (il y en a d'autres) mais qui nous place dans une position qui ne me convient pas. Il est sexiste, tant graphiquement que mécaniquement (ces femmes sont contrôlées par nous, joueurs - et s'il y a des joueuses autour de la table, cela ne change rien, l'objet a été pensé pour des hommes). Il est extrêmement borderline sur le rapport qu'il pose à la guerre et à l'idéologie nazie (idéologie qui passe, comme toute bonne propagande, par l'image).
Après, il appartient à chacunE d'appréhender ces éléments en fonction de ses idées/envies/possibilités. Il y en aura que ça ne gênera pas, d'autres qui s'en accommoderont, d'autres qui se le réapproprieront pour en faire un objet qui pour eux devient drôle voir subversif, et il y en aura qui joueront à autre chose. Mais cela n'en fera pas moins un jeu qui, dans sa conception, n'a rien de subversif ou de politiquement incorrect.
Pardon, c'était long (et pourtant, il y aurait encore des choses à développer, notamment sur le sexisme).