Excellente question à propos de la rejouabilité. N’aimant pas les jeux “à l’allemande”, BplC est résolument “à l’américaine” ; du hasard, des parties pas équilibrées et une impossibilité de prévoir ses coups trois tours à l’avance
A part Battlestar Galactica, mon jeu préféré de tous les temps devant tous les autres, est Europa Universalis, aujourd’hui dans sa version informatique. Outre la simulation, ce que j’apprécie par dessus tout dans EU, c’est que chaque partie offre la possibilité de rédiger un AAR (After Action Report), pouvant donner lieu à des lectures très amusantes quand l’auteur sait manier la plume et a un peu d’imagination.
Mon but, en développant BplC, a donc été de créer un jeu où chaque partie pourrait donner lieu à un AAR, ou autrement dit, la rejouabilité a été pour moi un facteur primordial, si ce n’est le plus important. Chaque session doit amener son lot de surprises, et les interactions entre les éléments du jeu doivent être très fortes. Mais comment ai-je géré cela ?
1) D’abord, il y a les événements qui sont de 4 types, 3 par défaut dans le paquet, et un quatrième qui vient les remplacer de temps à autre.
- Le premier type d’événement est l’avancée de la destruction des 4 grandes zones de basculement de la Terre (il y en a plus, mais nous avons simplifié ; commentaire valable pour la suite) : pôles, glaciers, courants marins et forêts primaires. Ces événements n’ont pas trop de conséquences directes, mais amplifient les effets du 4e type, les conséquences climatiques.
- Ensuite il y a les baisses de production pétrolière. Une des 9 régions voit sa production baisser, créant un déséquilibre dans le marché mondial. Cela n’a pas forcément d’effet à court terme, tant qu’une région importatrice n’est pas activée. Dans ce cas, cela peut aboutir à une guerre dans une autre région pour récupérer du pétrole, ou une chute brutale du niveau de vie de la région à qui il manquerait de l’énergie (l’Europe est assez fragile là dessus).
- Le troisième type d’événements sont ceux qui ont une origine humaine. Il est possible pour les joueurs d’intervenir afin de modifier les effets de l’événements, lors d’une Action Commune d’Influence (ACI), où ils vont jouer secrètement les cartes des couleurs demandées et assayer d’atteindre l’un des 2 paliers, avec un petit effet aléatoire.
- Enfin, en fonction de la production globale de GES, une Conséquence Climatique vient parfois remplacer l’événement, et dont les effets vont dépendre du nombre de pions dans les fameuses zones ciblées par les cartes réchauffement (il y a 3 pions au départ, dans les zones A, B et C).
Le tirage des événement va grandement indiquer dans quelle direction va aller la partie ; ce sont eux qui donnent le ton et qui vont obliger les choix tactiques.
Une fois le jeu maîtrisé, des possibilité de préparer le paquet des événements permet de mettre en place des situations spécifiques (baisse brutale de la production mondiale de pétrole, emballement du réchauffement, etc.).
2) Si on regarde la carte verte Résistance, on peut voir qu’en dessous du texte de description, il y a l’indication de la région qui va être touchée par l’événement. Dans l’exemple, c’est la première région avec un Niveau de Vie (NdV) supérieur ou égal à 2 (sur 4) et une Discipline de 1.
On regarde tout d’abord si la région active est concernée (NdV 2 à 4 ET Discipline =1) et si ce n’est pas le cas, on remonte les régions précédentes jusqu’à en trouver une qui correspond ; si la flèche avait été vers le bas, on regardait les régions suivantes, dans les 2 cas jusqu’à faire le tour des 9 régions, et si aucune ne correspond, l’événement est ignoré (rare, mais cela arrive en fin de partie).
Disons qu’une région correspond aux critère. Dans l’exemple, si les joueurs ne font rien (carte Résistance), la région qui subie l’événement va prendre 2 pions émeutes et 2 pions pénuries ; cela peut être grave ou pas, cela va dépendre de l’état de la région. Les joueurs peuvent décider de lancer une ACI pour limiter les dégâts ; s’ils atteignent une puissance de 8, c’est seulement 1 pion de chaque qui est ajouté, et avec 12 l’événement est ignoré.
Comme aucun événement n’est prédéfini (ex : famine en Afrique, des réfugiés vont en Europe), mais toujours dépendant des paramètres, cela peut donner des résultats surprenants au fil du développement de la partie.
Note) il faut savoir que la résistance d’une région, ou sa Résilience, correspond au plus haut score entre son NdV (de 1 à 4) et sa Discipline ; au début du jeu cette dernière est à 1 dans la plupart des régions, sauf Russie (2), Moyen-Orient (2) et Chine (3) (la région Chine est la seule dont la discipline est supérieure au NdV au départ).
Une région de Résilience 4 va pouvoir encaisser 4 pions pénurie avant qu’ils ne deviennent une disette, puis 4 disettes avant la famine ; pareil pour les émeutes qui deviennent des conflits, puis une guerre, et les épizooties, épidémie, puis pandémie. Facile de comprendre que les régions de Résilience 1 et 2 sont fragiles et doivent être protégées pour ne pas que cela dégénère.
3) L’ordre des régions est redéfini à chaque partie. Leurs tuiles sont battues et disposées aléatoirement sur la colonne de gauche. Ceci évite les redondances au fil des parties.
4) Si les personnages n’amènent “que” leur réseau de relations, le choix des employeurs va aussi un peu changer la donner a chaque partie, car leur compétence est valable pour tous les joueurs.
Conclusion) J’ai vraiment tout fait pour que cela parte dans tous les sens possibles au fil des parties, tout en restant dans les limites de la crédibilité ; c’est pour cela que je répète que BplC n’est ni un jeu éducatif, qui devient inintéressant une fois éduqué, ni un serious game, qui rechercherait à reproduire le réel avec trop de précision.
Le jeu a vu des situation complètement différentes apparaître, comme une Europe qui devient le leader de la décarbonation, ou qui s’effondre complètement, avec des réfugiés fuyant vers l’Afrique ayant réussie à passer NdV 3 (concours de circonstances absolument exceptionnel), la Chine qui se renferme sur elle-même, arrêtant d’exporter pour éviter de s’effondrer, ou qui crache du charbon jusqu’au bout, approvisionnant les régions de NdV 4 qui n’arrivent pas à se décider à baisser, et des tas d’autres situations improbables et amusantes quand on se rappelle les parties.
Dans la dernière partie en Expert de ma core team, au 28e tour ils se voyaient perdus, avec juste quelques poissons survivants au fond des océans, mais une suite de crise a fait qu’ils ont gagné de justesse, au 35e tour, avec 2 régions ayant sombrés dans des dictatures et environ 4 milliards 'êtres humains humains vivants dans des sociétés libres. Petit score, mais pas une défaite. En tous cas, nous avons bien rigolés.
Ci-dessous, le setup de départ ; toutes les données numérotées sont pré-imprimées, on ne met un pion que quand la valeur change. Seuls les pions en bois, quelques jetons et les tuiles des régions sont à installer.