Don Lopertuis dit:El comandante dit:Une chaîne et une seule, RCTV. Au lourd passé. Pour recontextualiser, si demain TF1 appelle à un coup d'État contre ton président élu, soutien sa réalisation, et une fois tout ceci échoué ne renouvelle pas sa licence d'exploitation, on la laisse tourner ?
Je veux bien avoir tes sources (les plus neutres si possible, même si je sais que c'est difficile à trouver) pour m'éclairer un peu plus sur la situation vénézuelienne, car l'écart entre ce que tu dis et ce que l'on lit ici est énorme.
Don Lopertuis un peu perdu
Au sujet de RCTV , du Putsch et de sa licence:
The Guardian VENEZUELA • Chávez change de chaîne
Après un roulement de tambour, le volume de la musique augmentait et la caméra faisait un gros plan sur un homme à son bureau : son visage est sombre car les nouvelles ne sont pas bonnes. Le Venezuela est en crise. L’inflation monte en flèche, le pays connaît de graves pénuries de lait, d’œufs et de viande, la violence fait cent morts par semaine, la confusion règne au sein du gouvernement et la corruption absorbe tous les revenus pétroliers. Tels étaient les journaux télévisés que Radio Caracas Television (RCTV), la chaîne privée la plus puissante du Venezuela, diffusaient. On ne les verra plus. Depuis le 27 mai, la RCTV a cessé d’émettre. Le gouvernement a refusé de renouveler sa licence et on n’entendra plus ses communiqués alarmants. Pour les opposants d’Hugo Chávez, la fermeture de la RCTV réduit à néant la libre expression et ce qui reste de la démocratie dans le pays. Pour ses partisans, le gouvernement a eu raison de remplacer une chaîne réputée pour ses mensonges et sa propagande anti-Chávez.
Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé récemment, lors de deux manifestations rivales, l’une pour protester contre la fermeture de la chaîne et l’autre pour l’applaudir. Mais le président Chávez n’a jamais eu l’intention de revenir sur sa décision. “C’est fini”, a-t-il déclaré sur sa propre chaîne, précisant que ses opposants pourront “hurler ce qu’ils veulent, la licence ne sera pas renouvelée”. Le Venezuela sera incontestablement différent sans cette chaîne. Pendant cinquante-trois ans, la RCTV a fait partie du paysage culturel, attirant plus de 40 % de parts d’audience avec des comédies, des feuilletons et des jeux tels que Qui veut gagner des millions ? Dans une enquête d’opinion effectuée au mois d’avril, 70 % des personnes interrogées se sont déclarées hostiles à sa fermeture, 16 % favorables et 13 % ne se sont pas prononcées.
Le gouvernement a annoncé que le canal de la RCTV émettrait désormais des programmes du service public. Les 2 500 salariés de la RCTV ont reçu la consigne de se rendre à leur travail après le 27 mai, au cas où certaines émissions pourraient être réalisées pour le compte d’autres chaînes et où la RCTV parviendrait à survivre en tant que chaîne câblée. Avec la chute de la part d’audience et des revenus publicitaires, rien n’est moins sûr.
En 2002, la RCTV et trois autres chaînes privées avaient soutenu le coup d’Etat militaire contre M. Chávez. Quand les rues s’étaient remplies de citoyens réclamant le retour du président, elles avaient diffusé des dessins animés. Sur ces quatre chaînes, deux ont depuis adopté un ton plus neutre, manifestement à la suite d’un accord avec les autorités. La troisième, Globovision, continue à critiquer le gouvernement, mais elle n’est regardée que par 10 % des téléspectateurs.
Rory Caroll
El Mundo Amériques
VENEZUELA - Les effets cachés du coup d'Etat manqué
Qui était réellement derrière les putschistes ? Quel a été le rôle des Etats-Unis ? Le retour au dialogue est-il possible au sein de la société vénézuélienne ? Autant de questions à se poser d'urgence
Pour son coup d'Etat du jeudi 11 avril, l'oligarchie vénézuélienne a bénéficié de l'aide de plusieurs généraux, de l'Eglise et des principales chaînes de télévision privées, ainsi que de l'appui des Etats-Unis. Mais, dans la matinée du dimanche 14 avril, le président Hugo Chávez - qui n'avait jamais démissionné - est revenu au palais présidentiel de Miraflores sous les vivats de la foule. Il était soutenu par certains des militaires qui l'avaient arrêté et par les 2 millions de déshérités qui l'avaient catapulté au pouvoir en 1998 puis réélu pour en 2000 six ans.
La France, la Russie et l'Organisation des Etats américains (OEA) ont analysé la situation correctement et leur réaction a été la bonne. En revanche, les Etats-Unis et l'Espagne se sont lamentablement trompés. Ceux qui ont applaudi, se sont réjouis ou ont reconnu le coup d'Etat de jeudi ont justifié des moyens qui ne sont jamais justifiables, même au nom d'une démocratie meilleure que la démocratie dite "populiste, de gauche, procubaine, anti-étasunienne, souveraine, inefficace et idéaliste", mise en place à coups d'élections et de référendums par Hugo Chávez depuis 1999.
Selon la loi, les Etats-Unis auraient dû activer immédiatement la section 508 du Foreign Operations Act [qui stipule qu'aucune aide étasunienne ne peut être apportée aux pays dont le gouvernement est installé au pouvoir par un coup d'Etat], alors que l'OEA a appliqué, bien qu'avec un certain retard, la "Charte démocratique" approuvée à Lima le 11 septembre 2001 et destinée à défendre la démocratie en Amérique latine. En revanche, l'administration Bush et le gouvernement espagnol n'ont malheureusement pas été à la hauteur de leurs propres engagements juridiques dans la protection de la démocratie, et cela quelles que soient leurs raisons, certainement bonnes et nombreuses, de souhaiter la chute de Chávez.
Pedro Carmona, l'éphémère président, a été interrogé lundi au fort Tiuna. Les questions sans réponse ne manquent pas. Qui a donné l'ordre de tirer jeudi et samedi contre les manifestants ? Quelle est la responsabilité exacte de Washington dans ce coup d'Etat manqué ? Certains diplomates étasuniens ont avoué leur inquiétude au cas où le troisième fournisseur de pétrole des Etats-Unis déciderait de suivre l'exemple de l'Irak et de l'Iran, et utiliserait l'or noir comme arme politique contre Washington. Il est également urgent de mener une enquête sur l'influence dans ce putsch des dix-neuf responsables de Petróleos de Venezuela [des cadres de la compagnie pétrolière] remplacés en février par des partisans de Chávez.
Les principaux moyens de communication privés, en particulier les chaînes de télévision Globovision, Venevisión et RTCV, ainsi que le quotidien El Universal, ont des motifs plus que suffisants pour critiquer les excès et les abus de Chávez. Mais il ne faut pas pour autant fermer les yeux sur le contrôle que certains groupes étasuniens comme Hughes [constructeur de satellites], qui est l'un des partenaires du tout-puissant groupe vénézuélien Cisneros et dont les intérêts militaires sont loin d'être négligeables, exercent sur les médias privés du Venezuela et sur leur rôle dans la campagne de discrédit lancée contre le président.
Le général Vásquez, chef de l'armée de terre, qui avait donné le pouvoir aux putschistes, le leur a repris samedi. Trois événements ont influ-encé sa décision : les premières mesures prises par Pedro Carmona, la rébellion du bataillon de parachutistes de Maracay et la mobilisation de nombreux gouvernements des pays voisins contre la nouvelle dictature. Vásquez et le chef de la Guardia Nacional [police militaire], Carlos Alfonso Martínez, avaient conditionné leur soutien au nouveau gouvernement au rétablissement des pouvoirs législatifs [que le gouvernement putschiste s'était empressé de dissoudre]. Or l'Assemblée nationale, la Cour suprême, et le ministère public, restaurés à contre-coeur par Carmona, l'ont immédiatement destitué et remplacé par celui qui, selon la Constitution, devait succéder à Chávez, le vice-président Diosdado Cabello, compagnon d'armes du président depuis le coup d'Etat manqué de 1992. A peine au pouvoir, Carmona a bâillonné toutes les institutions démocratiques, torpillé la Constitution, suspendu les exportations de pétrole à Cuba et décrété la nullité des 49 décrets promulgués en décembre par Chávez pour propulser sa "révolution bolivarienne". Il a agi avec une autorité injustifiée, sans le soutien adéquat et de manière provocatrice. Il s'est trompé. Le refus d'obéir des paras de Maracay - dont Chávez avait été le colonel - a fait redouter en haut lieu une division des forces armées, voire une guerre civile. La réponse de centaines de milliers de chavistes à l'appel du maire de la municipalité de Libertador, Freddy Bernal, a apporté la preuve que les putschistes avaient sous-estimé le soutien populaire qui s'est exprimé en faveur de Chávez.
Si Carmona avait réagi jeudi comme Chávez l'a fait dimanche, il serait probablement encore au palais présidentiel de Miraflores. Chávez, qui est sans doute le meilleur orateur que l'on puisse trouver parmi les hommes politiques latino-américains du moment, a dit tout ce qu'il avait à dire : "Il n'y aura pas de revanchisme, ni de chasse aux sorcières, reprenons notre calme, nous avons tous commis des erreurs et nous devons les réparer"...
Il sait incontestablement se monter plus proche du peuple que ceux qui ont tenté de le renverser. Dommage qu'il n'ait pas tiré avantage de ce charisme pour réduire la fracture économique et sociale au Venezuela, car il est actuellement à la tête d'un pays polarisé, divisé, et plus pauvre que lorsqu'il est arrivé au pouvoir.
Ses promesses de réconciliation devront se traduire rapidement par des faits concrets pour soigner les blessures. Le dialogue doit être instauré au plus tôt, et les putschistes mis en déroute auraient tort de s'y refuser si le président fait enfin ce qu'il a promis. S'il ne le fait pas, il y aura d'autres coups d'Etat, mieux préparés que celui de jeudi.
Felipe Sahagun
El Mundo
( trad courrier international)