Tout d'abord, je tiens à dire que je trouve cette conversation de très bonne tenue. Je veux dire : bien informée et calme. Bravo à tous. Vous êtes en train de me réconcilier avec les conversations sur internet. D'ailleurs, Richard, ego te absolvo...
Bon, revenons à l'ami Keiyan.
Keiyan dit:Ben la perfection implique également qu'il n'y a plus d'évolution, car l'évolution entraîne un changement, donc soit le rapprochement de la perfection, soit l'éloignement. Or, la non évolution se caractérise par un immobilisme absolu, un état qui ne change pas.
Pour le coup, c'est toi le philosophe grec. L'idée que l'immobilité est liée à la perfection est une idée typiquement grec. Mais on a eu tendance à mesure que l'on se détachait de l'influence prépondérante des Grecs à relativiser cette idée. Disons d'entrée de jeu que, comme la perfection nous est inconnue (puisque nous ne connaissons que par expérience et que nous n'avons l'expérience que de choses imparfaites), nous avons beaucoup de mal à nous en faire une idée juste. D'où le choix de la voix apophatique par certains.
Un être parfait ne saurait donc créer quelque chose, car cela imposerait pour lui de devenir imparfait, puisqu'il cahngerait forcément d'état au travers du processus de création.
Ca par contre, c'est pas du Platon, c'est du Keiyan. On ne voit pas bien pourquoi le fait de créer transformerait le créateur. Peut-être que c'est vrai pour un ouvrier humain, qui se perfectionne par l'expérience, mais ce n'est pas une nécessité liée à l'acte de création.
Quand bien même cela serait possible, la création se doit d'être parfaite, puisqu'oeuvre de l'être parfait, qui ne saurait donc créer d'imperfection sans admettre qu'il en possède lui même, auquel cas il n'est pas parfait.
Alors, non, car si la création était parfaite, elle serait identique au Créateur. Eventuellement, on peut accepter ton idée pour l'engendrement éternel du Fils dans la Trinité, mais ce n'est pas une création.
Donc s'il existe un être parfait, ce n'est pas dans notre univers (qui est de mouvement) ni dans son processus de création qu'on le trouvera.
Là, d'accord. Je n'ai jamais dit que Dieu était dans notre univers. Il est transcendant, il est au-delà de notre univers. En guise d'image, on peut penser à notre univers comme une sphère à l'extérieur de laquelle Dieu se trouve. Dieu n'est ni dans l'espace ni dans le temps, or ce sont deux données fondamentales de notre univers.
Donc, un dieu qui influe ou au moins observe notre univers est loin d'être parfait, ce qui est incompatible même avec la notion de divinité telle que professée par les religions monothéistes (en revanche, le panthéon grec, c'est une autre histoire).
Cette conclusion n'est pas vraiment en rapport avec l'argument précédent.
Pour le raisonnement de St Anselme, justement, le fait que l'inexistence est imparfaite est (si je me rapelle bien, ça fait 7 ans) est un postulat. Or, l'inexistence, par son immobilisme et sa non évolution, répond justement à certaines des grandes caractéristiques de la perfection.
Disons en tout cas que l'argument de Saint Anselme a été combattu efficacement par certains philosophes, notamment Kant. Il n'est donc pas décisif. Mais ce qui m'étonnait c'est que ton raisonnement prenait l'exact contre-pied et semblait très bizarre.
Maintenant, il faudrait peut être une définition claire de la perfection avant de pouvoir élaborer des raisonnements. Est-ce un état ? Une étape de l'évolution parmi tant d'autres, chacun étant amené à arriver au sommet avant d'en redéscendre ? Par quoi se caractérise-t-elle ?
Ce qui est parfait, c'est ce qui est accompli. Ce n'est donc pas une étape d'une évolution. Je parle de la perfection dans l'absolu. Bien sûr, après il y a les petites perfections de tous les êtres : on peut dire que chacun d'entre eux peut être parfait dans son être, mais celui-ci est limité. Comme un plat "parfait" : il correspond tout-à-fait à ce que l'on attend. Un lancer de balle "parfait" : il correspond idéalement à ce qu'il fallait. Mais bien sûr, on parle ici de la perfection en soi.
La perfection n'est pas le bien, puisque le bien est une notion subjective, car dépendant d'un point de vue egocentrique (ce qui est bien pour moi ne l'est pas forcément pour les autres, ce qui est bien pour la multitude ne l'est plus forcément au niveau de l'individu).
Là tu te places du point de vue du bien dans le jugement : j'estime que ceci est bien, que cela n'est pas bien. Evidemment, c'est relatif à ma capacité d'analyse, à ma situation, etc. Cela n'empêche pas du tout de considérer qu'il existe un bien ou des biens indépendamment des jugements portés sur eux. En fait, si tu ne le penses pas, il n'y a pas de comportement adéquat - autant mettre fin à tes jours. Personnellement, je considérerais comme d'autres qu'il y a en fait identité entre le bien et l'être (mais ceci est une autre affaire).
--- pouf pouf ---
ding ding
Je confesse mes erreurs sur les différents textes, mais il me semble (je me trompe sûrement, hein), que trois des évangiles sont issues d'un texte unique, appelé Q (pour Quelle, la source), qui était peut être (je dis bien peut être, car on le cherche encore, ce me semble) contemporain de Jésus, d'où ma remarque sur la seconde main.
Là pour le coup, les spécialistes ont encore du travail pour un moment. Mais il est vrai que l'on a supposé un texte de référence pour les évangiles synoptiques (Marc, Matthieu et Luc), ou au moins pour Marc et Matthieu. Cela dit, Marc et Matthieu font partie des Douze : ils sont donc vécu l'essentiel des événements qu'ils racontent.
Keiyan, même pas historien, même pas philosophe
En tout cas tu te débrouilles !!! Pour revenir sur une question que tu avais abordée avant : le fait que Dieu n'apparaisse toujours qu'à une seule personne, ce qui est bien pratique pour celle-là, qui peut faire dire à Dieu ce qu'il veut, etc. En gros je suis d'accord avec toi. Impossible d'ailleurs de prouver la validité de la foi par A + B. J'espère en tout cas que cette conversation a montré que lorsque l'on est croyant, on n'a pas mis son intelligence et son esprit critique dans sa poche. Ceci dit, pour les Chrétiens, Jésus est Dieu, et il a été vu par des milliers de personnes. Il faisait, paraît-il, des miracles. Certains y ont cru, d'autres non, mais ce n'était pas en catimini. Il y a eu de nombreuses apparitions de la Vierge devant des groupes de personnes, apparitions reconnues par l'Eglise. Bien sûr, la Vierge n'est pas Dieu, la religion catholique était déjà fondée, etc. Mais dans ce cas, un incroyant ne sera pas plus convaincu. Il parlera d'hallucination collective, de mise en scène, etc. Ceci pour dire donc, que, quand bien même le Coran aurait été révélé à un groupe de dix personnes, ce n'est pas cela qui fera de toi un Musulman. Ce qui te fait douter ou refuser une religion est ailleurs. Généralement, ce n'est pas dans le genre d'argumentation que nous tenons, sauf pour des individus très cérébraux. Bien souvent, les images, les représentations, l'histoire personnelle et collective comptent davantage. A plus tard !