café/goûter/théo/philosophique

Eric dit:
TS Léodagan dit:
Bon, l'exemple est peut-être grossier, mais c'est ainsi que personnellement je définirais morale et éthique :
Morale: loi tacitement adoptée par une communauté pour influencer le comportement de l'individu dans le sens du "bien" selon les valeurs de la communauté.
Ethique: ensemble des règles qu'un individu réfléchi établit au cours de son évolution afin répondre aux respects conjugués des valeurs de la communauté à laquelle il appartient et des valeurs empiriques et personnelles.

Pas mal. Sauf qu'à mon avis, tu devrais aussi faire intervenir le mot "bien" dans ta définition de l'éthique. Après tout celle ci est aussi un jugement entre "bien" et "mal". Ou alors l'enlever de la définition de morale


Pour ma part je remplacerais "bien" par "utile à la communauté" dans la définition de TS

1 Mais alors on arrive à une situation ou morale et éthique sont déconnectées de la notion du bien et du mal,au sein d'une communauté .

Peut-on faire l'économie du bien et du mal?

2 Mais alors on aboutit aussi à une idée de morale relativiste car communautaire.

Peut-on concevoir la morale comme non universelle?

Peut-on alors hiéarchiser les morales?

A moins de changer communauté par humanité.

bertrand dit:Lorsqu'un groupe social a décidé pour la première fois qu'il était interdit de tuer, il est allé contre les diktats de la biologie " ( Damasio)

:shock:
en quoi la biologie nous intime-t-elle de tuer notre prochain ?


Et de nouveau ces questions, que j'ai posées précédemment : cette évolution, où quand et comment ?

El comandante dit:
bertrand dit:Lorsqu'un groupe social a décidé pour la première fois qu'il était interdit de tuer, il est allé contre les diktats de la biologie " ( Damasio)

:shock:
en quoi la biologie nous intime-t-elle de tuer notre prochain ?

Et de nouveau ces questions, que j'ai posées précédemment : cette évolution, où quand et comment ?


El commandante, Hyde officiel du Dr fab' :clownpouic:

Selon le Wiktionnaire:
Ethique:
- Ensemble de principes de bonne conduite.
- Théorie ou système de valeurs morales.

Morale:
- Ensemble de doctrines, de règles de conduite, de relations sociales qu'une société se donne et qui varient selon la culture, les croyances, les conditions de vie et les besoins de la société.

Les deux sont donc clairement lié mais de ce que j'en conclue, il n'y a pas bijection, à savoir que la morale peut se passer d'éthique alors que la réciproque est fausse.

Scoubi dit:Selon le Wiktionnaire:
Ethique:
- Ensemble de principes de bonne conduite.
- Théorie ou système de valeurs morales.
Morale:
- Ensemble de doctrines, de règles de conduite, de relations sociales qu'une société se donne et qui varient selon la culture, les croyances, les conditions de vie et les besoins de la société.
Les deux sont donc clairement lié mais de ce que j'en conclue, il n'y a pas bijection, à savoir que la morale peut se passer d'éthique alors que la réciproque est fausse.


Je ne vois pas très bien comment tu tires cette conclusion des définition que tu donne (définition qui d'ailleurs, se recouvrent largement). PLus globalement, une morale (générale) qui n'induirait pas une éthique (personnelle) serait lettre morte, non ?

Scoubi, selon ta définition, je dirais que l'éthique est objective alors que la morale est subjective...

Cookie dit:Scoubi, selon ta définition, je dirais que l'éthique est objective alors que la morale est subjective...

rooooh, les pieds dans le plats qui relancent le sujet depuis le début. hé, faut suivre la p'tite dame... :lol:

El comandante dit:
Cookie dit:Scoubi, selon ta définition, je dirais que l'éthique est objective alors que la morale est subjective...

rooooh, les pieds dans le plats qui relancent le sujet depuis le début. hé, faut suivre la p'tite dame... :lol:

Ben moi je ne fias que traduire les définitions données deux messages plus haut... C'est Scoubi qui a relancé...
Et puis, je l'ai déjà dit, dès qu'un post fait plus de 10 lignes, je n'arrive pas à lire... du coup, j'ai zappé pas mal de trucs sur ce topic...

Un petit livre?



Le chapitre sur nature et civilisations...où l'on parle de "la filiation de l'homme"...

Futura sciences dit:Darwin se livre donc dans La Filiation à un essai - inévitable du point de vue de la cohérence et de la portée de sa théorie - d'unification de l'ensemble des phénomènes biologiques et humains sous l'opération d'un seul principe d'explication du devenir
...
Darwin parcourant leurs différents domaines pour aboutir sans heurt au champ de ce que l'on nommerait aujourd'hui l'anthropologie sociale, ainsi qu'à des observations psychosociologiques et éthiques qui, pour être spécifiquement humaines, n'en sont pas moins évolutivement liées à des données et à des conduites dont l'analyse tend à faire apparaître l'origine au sein des groupes animaux.
Or, contrairement aux interprétations qui ont dominé pendant plus d'un siècle la lecture (en réalité, dans la plupart des cas, la non-lecture) du texte de La Filiation de l'Homme, ce continuisme ne fonde ni ce que l'on a appelé d'une manière expéditive le « darwinisme social », présent au contraire chez Spencer et Haeckel, ni, sous le motif de la « poursuite de la sélection », aucune forme ultérieure d'inégalitarisme social ou racial.
En effet, La Filiation établit qu'un renversement s'est opéré, chez l'Homme, à mesure que s'avançait le processus civilisationnel. La marche conjointe du progrès (sélectionné) de la rationalité, et du développement (également sélectionné) des instincts sociaux, l'accroissement corrélatif du sentiment de sympathie, l'essor des sentiments moraux en général et de l'ensemble des conduites et des institutions qui caractérisent la vie individuelle et l'organisation communautaire dans une nation civilisée permettent à Darwin de constater que la sélection naturelle n'est plus, à ce stade de l'évolution, la force principale qui gouverne le devenir des groupes humains, mais qu'elle a laissé place dans ce rôle à l'éducation.
Or cette dernière dote les individus et la nation de principes et de comportements qui s'opposent, précisément, aux effets anciennement éliminatoires de la sélection naturelle, et qui orientent à l'inverse une partie de l'activité sociale vers la protection et la sauvegarde des faibles de corps et d'esprit, aussi bien que vers l'assistance aux déshérités. La sélection naturelle a ainsi sélectionné les instincts sociaux, qui à leur tour ont développé des comportements et favorisé des dispositions éthiques ainsi que des dispositifs institutionnels et légaux anti-sélectifs et anti-éliminatoires. Ce faisant, la sélection naturelle a travaillé à son propre déclin (sous la forme éliminatoire qu'elle revêtait dans la sphère infra-civilisationnelle), en suivant le modèle même de l'évolution sélective - le dépérissement de l'ancienne forme et le développement substitué d'une forme nouvelle : en l'occurrence, une compétition dont les fins sont de plus en plus la moralité, l'altruisme et les valeurs de l'intelligence et de l'éducation. Sans rupture, Darwin, à travers cette dialectique évolutive qui passe par un renversement progressif que nous avons nommé l'effet réversif de l'évolution, installe toutefois dans le devenir, entre biologie et civilisation, un effet de rupture qui interdit que l'on puisse rendre son anthropologie responsable d'une quelconque dérive en direction des désastreuses « sociologies biologiques ». Il s'oppose ainsi expressément au racisme, au malthusianisme et à l'eugénisme, contrairement à l'erreur courante qui lui attribue la justification de ces trois systèmes de prescriptions éliminatoires.
Cette remarquable dialectique du biologique et du social, qui se construit pour l'essentiel entre les chapitres III, IV, V et XXI de La Filiation et qui, en plus de s'opposer à toutes les conduites oppressives, préserve l'indépendance des sciences sociales en même temps qu'elle autorise et même requiert le matérialisme éthique déductible d'une généalogie scientifique de la morale, n'a été reconnue dans toute sa force logique qu'à partir du début des années 1980 (P. Tort, La Pensée hiérarchique et l'évolution, Paris, Aubier, 1983, en particulier le chapitre intitulé « L'effet réversif et sa logique: la morale de Darwin », p. 165-197.)
Le continuum biologico-social darwinien, dont une bonne métaphore didactique est l'image topologique de la torsion du ruban de Möbius(Voir P. Tort, « L'effet réversif de l'évolution. Fondements de l'anthropologie darwinienne », dans Darwinisme et société, Paris, PUF, 1992, p. 13-46. est un continuum réversif, impliquant donc un passage progressif au revers de la forme antérieure de l'action sélective - la sélection naturelle, en tant que mécanisme en évolution, se soumettant elle-même, de ce fait, à sa propre loi. Il faudra sans doute revenir longtemps sur l'explication de ce concept qui rend caduque la prétention ordinaire de la plupart des philosophies à déclarer inconcevable la possibilité même d'un matérialisme intégral englobant l'éthique.

Bien, tu admet donc qu'appeler l'évolution (au sens via sélection naturelle) au sein d'un discours portant sur la morale et l'éthique est la porte ouverte à une dérive pas glop (texto dans le texte cité : eugénisme, racisme, bleh, blah). Et sinon, oui, Darwin était très très fort et "The Descent of Man, and Selection in Relation to Sex" est probablement son ouvrage le plus marquant. Avec, mais peut-être même au dessus de "On the Origin of Species by Means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life". D'ailleurs pour la petite histoire, comment darwin a t'il "vendu" la sélection naturelle ? En démontrant d'abord que le fonctionnement de la sélection "anthropique" dans le cas des espèces domestiquées ("The Variation of Animals and Plants under Domestication"). Dans un registre plus mineur mais bourré d'idée et de pistes de réflexion très pertinentes, voir aussi "The Expression of the Emotions in Man and Animals" qui est un genre de "suite" à the descent of man. Bref. Je dois avoir les liens vers les versions libres de droit des bouquins qq part, je cherche ça.

Bing !

http://darwin-online.org.uk/contents.html

fabericus dit:Bien, tu admet donc qu'appeler l'évolution (au sens via sélection naturelle) au sein d'un discours portant sur la morale et l'éthique est la porte ouverte à une dérive pas glop (.


Je ne nie pas des dérives possibles.Mais elles se sont avérées en l'epèce , si je ne me trompe,par une déformation des idées de la théorie.

Pour autant, que la théorie a fait l'objet de méprises qui ont permis des dérives "pas glops" ne met pas en cause la théorie qui si je ne me trompe va à l'encontre des idées de ces dérives.



Je te remercie pour le lien sur les textes de Darwin. Mais comme j'ai déjà du mal à lire ce genre de texte en français ( n'oublions pas qiue je suis un crétin :kingboulet: )...

J'ai acheté la version française ce matin ainsi que





Et si j'arrive au bout de La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe je suivrais ton conseil au sujet de L'expression des émotions chez l'homme et les animaux

Patrick Tort j'ai eu la chance de l'avoir comme prof, j'en garde de super souvenirs :pouicok:

fabericus dit:Patrick Tort j'ai eu la chance de l'avoir comme prof, j'en garde de super souvenirs :pouicok:


J'ai bien apprécié son "Darwin et la science de l'évolution", lu il y a quelques années...

Et j'ai franchi le pas pour



grace à son nom sur le livre... :pouicboulet: Si je n'arrive pas à lire darwin, au moins j'aurais lu la préface :kingboulet:

Je réchauffe un coup le sujet car je bouquine un petit ouvrage "être sage est ce bien sage?" et au détour d'un chapitre est abordé la question "une éthique ou une morale?".

Cet extrait pourrait être une synthèse de ce qui a été abordé au fil des pages.

L'éthique fait en sorte que l'infini du désir bute sur une limite, celle de la raison chez Emmanuel Kant. Ou de la dignité de l'Autre, qui tient en respect, comme le soutient Paul Ricoeur, dans la rencontre vécue comme une reconnaissance réciproque. C'est à dire que l'homme de la post-modernité (c'est MON choix, c'est MON corps...), le sujet post moderne, n'a plus le loisir de recevoir l'Autre car il déplace la transcendance pour la loger dans sa propre subjectivité.Le sujet qui se croit autonome transforme donc la transcendance en immanence...
(...)
Tout en acceptant la grande distinction selon laquelle la morale est un code de société destiné à permettre la survie de la société, alors que l'éthique est un code individuel destiné à permettre la survie de l'individu, y compris dans la société lorsqu'il y a conflit. Encore que certains soutiennent que ce peut être l'inverse parce que depuis les Grecs, personne n'a pu définir clairement ce que Max Weber distingue entre l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité. Bien entendu on peut affiner, mais ce n'est pas le veritable sujet, la question étant de savoir s'il existe une éthique moderne au même titre qu'une bioéthique ou qu'une éthique chretienne (...)
Pour pouvoir travailler, il faut s'en tenir à la position suivante, à savoir que même si elle dérange, la déchirure entre morale et éthique est aveuglante. Il nous faut donc garder le sens kantien: la morale est une exigence constitutive de l'homme, condition de réalisation d'une volonté dans le risque, tandis que l'éthique renvoie à un ensemble de valeurs idéologiques hiérarchisées.
La morale juge l'action des hommes dans les sociétés à l'aune d'un système de valeurs transcendantes. Il y a une Loi au dessus de la loi.
L'éthique, elle, jauge les conduites des hommes et des sociétés, c'est une attitude questionnante et non normative; elle se situe dans une perspective historique, subduction du passé, du présent et du futur immédiat et lointain; l'éthique ne prétend à aucune vérité absolue, et, en ce sens, elle est a-morale, elle représente une instance culturelle essentielle, toujours en éveil, pour apprécier les comportements en fonction de nos moyens de connaissance actuels, en premier lieu de la science fondamentale, c'est à dire qui cherche à comprendre.
Si nous refusons la démarche qui utilise l'éthique comme un pion avancé de la morale, comme tête chercheuse qui rabattrait les conduites sur un système de valeurs, cela signifie -de même que la spiritualité ne nécessite ni la foi ni la religion- que l'éthique ne contraint pas à l'attache morale.
La pratique d'une éthique autonome et critique laisse, comme le souhaitait Spinoza, à la conscience de chacun de décider pour lui, soit de ses choix moraux, soit de sa position, de sa morale.

je trouve ça complètement pipo, sauf votre respect. Le type tourne autour du pot dans tout l'extrait. Quels sont les fondements d'une éthique autonome et critique ? Comment notre conscience décide-t-elle de notre éthique ? Quels sont ses référents ? L'éthique ne contraint certes pas à l'attache morale, elle n'est pas sa tête chercheuse, c'est bien tout le contraire : elle illustre la morale, elle l'applique concrètement. Que cette application soit mouvante au fil de l'histoire et de nos vies, soit, mais ce n'est pas pour autant qu'elle ne s'abreuve pas à une source constante et supérieure.

Sur le plan de la démarche, je suis assez surpris : il ne cesse d'énoncer des a priori, des pétitions de principe : "s'en tenir à une position" constante qu'il impose, "aveuglé". "Refuser" de soi-même une démarche et en tirer des conclusions générales, etc.

Ah.
Ben en fait je vais pas refaire le débat ni recopier le bouquin :pouicboulet:

...dont le thème est en fait "faut il vivre avec passion ou choisir la sagesse?
En fait, entre ces deux termes, il y a aussi l'éthique. L'éthique n'est pas la morale, c'est un art de vivre en fonction de ce qui est juste. Et "juste" fait référence à la fois à la justice, à la droiture et l'équité, mais aussi à la justesse, c'est à dire à ce qui est adapté à une situation donnée. Passion, sagesse ou éthique? Telle est la question. Comment articuler ces trois composantes dans la vie interieure et spirituelle?



Autre extrait, toujours de Bruno Etienne (professeur -émérite?- de l'Institut universitaire de France est directeur de l'Observatoire du religieux à l'Institut détudes politique d'Aix en Provence)


L'éthique est une ascèse et une herméneutique qui peut induire une conduite de vie, une orthopraxie, alors que la morale est une pratique appliquée qui n'est pas liée à la recherche méthaphysique mais à l'ordre social, c'est à dire à la survie de la société qui la produit. Et donc Karl Marx peut alors légitimement parler de praxis...
La morale est donc un des objets (d'étude) de l'éthique et non pas l'inverse.
La finalité et la finitude de la vie, le fondement du devoir et du "mestrier" ou du "ministère", la nature du Bien et du Mal et donc l'idéal, y compris de la Cité idéale oscillant entre Babylone la putain et Jérusalem céleste, font parfois se rencontrer éthique et morale. Mais qu'on ne s'y trompe point: elles ne sont pas sur le même registre et elles ne sont pas interchangeables"

Je relance avec “de l’intérêt de l’éthique”

Quelle éthique pour la politique de l’immigration en France ?

Par Michel Wieviorka , Sociologue, EHESS

Politique de l’immigration et éthique entretiennent aujourd’hui en France un lien qui semble fort ténu -et la question est relancée avec l’initiative du maire d’Evry, Manuel Valls, invitant pour la sixième édition des « Rendez-vous de l’éthique » le ministre Eric Besson à un débat, lundi 6 avril, auquel Dominique Sopo (Président de SOS Racisme) et moi-même sommes également conviés.

C’est l’occasion de mieux comprendre et de questionner la synthèse inédite des deux ouvertures prônées par le chef de l’Etat, qui a confié à un transfuge de la gauche le soin de mener une politique destinée à flatter l’électorat d’extrême droite.

Logique de responsabilité contre éthique de conviction

Il y a déjà bien longtemps qu’en ce domaine, nous sommes habitués, pour reprendre la terminologie de Max Weber, à constater l’existence d’une tension entre éthique de conviction, qui veut, à la limite, par exemple, que l’hospitalité soit sans frontières, absolue, et éthique de responsabilité, qui pousse en particulier les dirigeants politiques à tenir compte de divers impératifs pour réguler ou contrôler l’immigration.

L’humanisme des droits de l’homme, les valeurs morales, voire religieuses, l’engagement des associations, celui, aussi, des intellectuels sont du côté des convictions, l’action publique, l’intervention de l’Etat, au nom éventuellement de la raison, voire de la Raison d’Etat, tendent plutôt à se situer du côté de la responsabilité.

Mais il ne s’agit plus de cette tension, nous sommes au-delà, et il faut admettre que se profile une pure et simple dissociation des deux logiques.

Plusieurs dimensions de la politique actuelle de l’immigration nous incitent en effet à considérer cette dissociation, et à nous en inquiéter : le bilan de cette politique ne correspond assurément pas à l’image que la France aime à donner d’elle-même, le pays des droits de l’homme et du combat pour les Lumières et les valeurs universelles, le droit, la raison.

En voici quelques illustrations, parmi les plus significatives.

Le candidat Nicolas Sarkozy,(…) dans sa campagne présidentielle son projet de créer un ministère de l’Identité nationale qu’il a effectivement mis en place une fois élu, associant donc, dans le même libellé, immigration, intégration, développement solidaire et identité nationale -une association immédiatement contestée : elle débouche sur une disqualification ou tout au moins sur un soupçon pesant sur les migrants, tenus alors non pas tant comme des êtres humains que comme un problème pour la Nation et son identité.

Le chef de l’Etat, poursuivant la politique qu’il avait inaugurée comme ministre de l’Intérieur, a fixé des objectifs quantifiés en matière d’expulsions d’étrangers en situation irrégulière -25 000, puis 27 000 et 29 000 par an-, comme si la réussite devait être mesurée à l’aune de ce nombre, et de sa hausse, et non en fonction du nombre de migrants accueillis. Des centres de rétention administrative ont été chargés de la phase préalable à ces expulsions, qui se déroulent dans bien des cas de façon scandaleuse et inhumaine.

L’éthique de conviction, ici, est à l’évidence du côté des associations qui protègent les enfants scolarisés victimes de cette politique, tel le Réseau éducation sans frontières (RESF), ou qui veillent au respect des droits de l’homme, tels la Cimade ou le Gisti. Elle est du côté de ces passagers d’avions de ligne indignés au spectacle d’étrangers menottés et refusant de voyager dans le même vol.

Elle est encore du côté de ceux qu’inquiètent les dérives policières que suscite cette politique, en matière de contrôles au facies par exemple, ou qui s’interrogent : l’idée récemment exprimée par le ministre de délivrer un titre de séjour aux étrangers en situation irrégulière qui dénonceraient leurs passeurs constitue quoi qu’il en dise un appel à la délation. En tous cas, l’esprit de cette démarche, dont la diffusion a de fait précédé l’énoncé, pénètre désormais le système de répression, au point que la situation des clandestins devient une catastrophe humanitaire et sanitaire : ils n’osent plus par exemple se présenter à l’hôpital ou dans des centres de soin, ils se terrent, ils sont terrorisés.

L’immigration doit être « choisie », selon la politique actuelle, ce qui met en cause le droit au respect de la vie privée et familiale de bien des migrants, et s’avère vite raciste -le « choix » ne va-t-il pas écarter les migrants venus de pays particulièrement pauvres, et servir surtout à éliminer les candidats en provenance du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne ?

Y a-t-il une éthique de responsabilité du côté de l’Etat ?

Un amendement est venu lester la loi sur l’immigration de 2007, il prévoit la possibilité de recourir à des tests génétiques pour permettre le regroupement familial -ce qui a choqué jusqu’au sein de la majorité politique actuelle.

Mais envisageons la question sous l’angle de l’éthique de responsabilité : est-elle bien du côté de l’Etat, et du ministère concerné ? Le moins qu’on puisse dire est qu’on peut en douter.

Les expulsions, les centres de rétention administrative coûtent cher au contribuable, des chiffres stupéfiants sont même couramment avancés (il est question de 15 à 25 000 euros par personne expulsée, les éléments d’un chiffrage figurent dans le rapport Mazeaud -publié à la Documentation Française) et leur efficacité est faible. Cet argent ne pourrait-il pas servir plutôt à accueillir les migrants, à leur offrir un minimum d’accès aux soins ou au logement, à accélérer leur apprentissage du français ?

Le bilan établi en janvier 2009 pour Le Monde par Patrick Weil, et qui n’a pas été sérieusement contesté, indique que le prédécesseur d’Eric Besson, Brice Hortefeux, a en réalité connu l’échec, en particulier s’il s’agit des chiffres des expulsions, particulièrement « gonflés ».

L’immigration « choisie » n’est pas une idée neuve, et les expériences du passé montrent qu’elle n’a jamais constitué une politique efficace : rien n’indique qu’il en est autrement cette fois-ci, et ce n’est pas parce qu’à l’échelle européenne un consensus a été affiché pour la promouvoir qu’il y aura des mesures concrètes d’application.

L’« amendement ADN » a été pratiquement vidé de son contenu par le Conseil constitutionnel, ce qui en fait un chiffon idéologique -ce dont on ne peut certes que se réjouir. Mais qu’il ait été possible de le concevoir, et qu’il n’ait pas été purement et simplement supprimé constitue là aussi un défi à l’éthique.

Ainsi, l’éthique de conviction ne semble pas animer la politique actuelle de l’immigration, et l’éthique de responsabilité sort mal en point de toute évaluation de l’action des ministres concernés, sauf à accepter l’autosatisfaction qu’ils affichent : non seulement les deux éthiques se séparent, mais ni l’une ni l’autre ne semble caractériser la politique actuelle de l’immigration. (…)

(sources: Rue 89)