pyromane dit:Ce que je comprend pas c'est pourquoi Anand a gaspillé tout son "time advantage" en réfléchissant pendant plus d'une demi heure sur un coup alors qu'il pouvait mettre la pression sur Carlsen en jouant des coups agressifs l'obligeant à réfléchir vite et bien dans une position inconfortable. Au lieu de ça, il lui a donné une demi heure de plus de réflexion et s'est mis en difficulté sur la clock. Je ne dis pas que ça l'aurais fait gagner, mais peut-être qu'il n'aurait pas fait la bourde qu'il a fait. Enfin, ça reste un sentiment de néophyte!
Tout à l'heure, quand j'ai lu le post d'un joueur qui disait qu'Anand réfléchissant depuis 30 minutes, je me suis dit: "Il cherche sur l'échiquier la bourde qui est à faire". C'était prémonitoire, même si ce n'est pas sur ce coup qu'il l'a faite. En plus, donner une demi heure de réflexion à l'autre sur votre temps, c'est pas très bon, surtout s'il a trouvé votre coup!
Je pense qu’Anand a réfléchi aussi longtemps (un grand-maître a plaisamment twitté aussi longtemps que pour l’ensemble de ses 200 premières parties pro, Vishy ayant été un jeune joueur incroyablement rapide), parce qu’il avait compris que le mat était bien loin et qu’en tout cas, il n’y en avait pas de forcé aussi loin qu’il pousse le calcul. On le d’ailleurs voit grimacer une ou deux fois pendant cette fameuse demie-heure tandis que des variantes insatisfaisantes doivent tourner dans son esprit. C’est le jeu actif de Carlsen à l’aile dame qui provoque sa chute. On peut dire maintenant que Magnus est aussi un grand défenseur, qui a pris le risque d’une défense active plutôt que recroquevillée. Magnus est d’ailleurs surpris, dans le sens où il a l’air de déjuger immédiatement ce coup, par le Df4 d’Anand, le coup qui porte les choses à ébullition. Il s’est ensuite mis à jouer beaucoup plus vite. je pense qu’il avait déjà le sentiment qu’il n’allait pas perdre cette partie.
Alors pourquoi ne pas garder la pression avec les pions sur l’aile du roi en empêchant la promotion du pion avec la Dame ou la tour, jouant vite en attendant une ouverture causé par le manque de temps de Carlsen? Même s’il n’y avait pas mat forcé d’après ces calculs, il pouvait mettre une sacrée pression et ça compte aussi. Des grosses attaques capable de faire perdre son sang froid à Carlsen, il a dû en voir plusieurs et assez rapidement à partir de cette position, il aurait pu en mettre une à exécution. Bon, je dois avouer que je n’ai pas le niveau du tout pour comprendre le jeu d’un grand maître mais je persiste à croire que ce fut une erreur de laisser autant de temps à Carlsen de réfléchir et de se prendre le temps comme facteur de pression en plus (il n’en avait pas besoin).
J’imagine sans le savoir (mon niveau est lui aussi modeste) qu’Anand réfléchit aussi longtemps parce qu’il espère avoir une suite de coups “forcée” pour Carlsen, une situation dans laquelle le calcul permettra à Anand de conclure la partie à son avantage. Puis il patauge, mais ne perds pas espoir de trouver la faille par son calcul, sa réflexion. Il sait qu’il doit gagner, il sent qu’il est en train d’acculer son adversaire sur l’aile roi. Le problème est qu’il ne trouvera jamais la solution, et en plus fera une erreur. Mais comme reculer et s’occuper de b2 aurait fait céder Anand et probablement signifié une nulle, Anand s’est accroché sur le peu sur lequel il pouvait fonder ses espoirs. Bref, c’est le scénario classique de celui qui doit remonter et prend des risques à cet effet. C’est quitte ou double.
Docky dit:J'imagine sans le savoir (mon niveau est lui aussi modeste) qu'Anand réfléchit aussi longtemps parce qu'il espère avoir une suite de coups "forcée" pour Carlsen, une situation dans laquelle le calcul permettra à Anand de conclure la partie à son avantage. Puis il patauge, mais ne perds pas espoir de trouver la faille par son calcul, sa réflexion. Il sait qu'il doit gagner, il sent qu'il est en train d'acculer son adversaire sur l'aile roi. Le problème est qu'il ne trouvera jamais la solution, et en plus fera une erreur. Mais comme reculer et s'occuper de b2 aurait fait céder Anand et probablement signifié une nulle, Anand s'est accroché sur le peu sur lequel il pouvait fonder ses espoirs. Bref, c'est le scénario classique de celui qui doit remonter et prend des risques à cet effet. C'est quitte ou double.
+1 s'occuper du pion b signifie ramener des pièces dans cette zone tandis que la défense s'organise à l'aile Roi. C'est dire: "ok, j'accepte d'échanger ton avantage contre le mien et j'accepte donc l'idée d'une nulle".
J’avoue que j’ai du mal à comprendre la subtile différence entre Nf1 et Bf1. Nf1 permet à Carlsen de prendre un avantage au niveau matériel que Bf1 ne permet pas ? En fait à ce niveau de compétition, aucune partie ne va jusqu’au mat c’est ça ?
À ce niveau, tout mat est vu par l’adversaire qui n’a alors pas besoin d’aller au bout. Il voit le coup imparable, il l’admet et reconnait sa défaite. On couche son roi, il y a une forme de respect dans ce geste symbolique, mais aussi une espèce de fierté que j’apparenterais à harakiri. Je n’ai plus d’issue, alors je me prends moi-même la vie. Le cavalier en g3 protégeait la case h4, Anand en plaçant son fou en f1 pouvait alors amener sa tour en h4 et menacer h7. La réponse logique au fou f1, c’était pour Carlsen d’amener sa dame en d1, puis en h5 pour s’intercaler entre dame et tour blanches, et aller au nul. Mais avec le cavalier en f1, Carlsen joue sa dame en e1 et protège h4, il se donne du temps. Le temps, pas sur la pendule mais sur l’èchiquier, c’est la seule chose qui manquait à carlsen et qui donnait espoir à Anand, l’avantage matériel étant pour les noirs.
ilfiniol dit:J'avoue que j'ai du mal à comprendre la subtile différence entre Nf1 et Bf1. Nf1 permet à Carlsen de prendre un avantage au niveau matériel que Bf1 ne permet pas ? En fait à ce niveau de compétition, aucune partie ne va jusqu'au mat c'est ça ?
C'est ça! Il y a mat exceptionnellement: soit un joueur est aveuglé et ne le voit pas venir: ça arrive dans moins d'une partie sur mille (au pif). soit un joueur le voit trop tard et dans une forme d'auto-punition va jusqu'au bout: ça arrive dans moins d'une partie sur mille (au pif aussi) L'abandon de l'adversaire est la forme la plus commune de gain (suivi du gain au temps). Un abandon qui ne survient pas spécialement pour un mat mais parfois simplement pour un pion perdu si il n'y a aucune compensation.
Et nous voilà probablement arrivés au terme de ce championnat du monde globalement très agréable à suivre. Il y eu très peu de parties décevantes si l’on considère que les deux premières furent des tours de chauffe. Carlsen est tout proche de s’emparer du titre, devenant le second plus jeune joueur de l’histoire à se parer de la couronne mondiale. C’est Kasparov qui, pour quelques mois de moins, détient ce record. Carlsen réussit aussi la performance de gratter 2 ou 3 points elo dans cet exercice périlleux. Il est en temps réel à 2873, un nouveau record. Il est assez invraisemblable qu’il perde aujourd’hui. Anand ne doit plus avoir beaucoup d’énergie et tenter de scorer, c’est prendre, au vu des 9 premières parties, le risque non négligeable de finir sur une véritable “taulée” à 4-0. Magnus n’a besoin que d’une demi-point, il joue les Blancs et il ne prendra certainement aucun risque tout en gardant la possibilité d’une finale favorable si Anand devait pousser malgré tout. Parti très nerveux, Magnus a cependant assis sa domination sur le match dans son style tranquille si particulier et que Vishy n’a pas vraiment pu prendre en défaut. Les joueurs au style tranchant (Anand, Topalov, Shirov, Nakamura…) sont pour Carlsen de véritables “clients”. Apaisé et continuant à progresser en finale, on peut se demander quel joueur a les armes pour bousculer sérieusement le jeune norvégien. Peut-être Kramnik, mais à 38 ans, il n’a plus beaucoup de temps…
Comme un dernier défi, Magnus vient de jouer e4! Et c’est la variante de Moscou de la Sicilienne, l’une des spécialités Carlsen que Vishy a bien entendu étudié de près!
Magnus instaure maintenant une forme d’étau de Maroczy avec la poussée c4. les pions c4 et e4 empêchent pour longtemps le coup libérateur pour les Noirs, le coup d5.
Vishy ne baisse pas les bras et fais ce qu’il peut pour tordre la position par un jeu de pièces, puisque les structures de pions sont figées par l’étau c4-e4, et tentant de tout conserver sur l’échiquier. Magnus, lui, donne un peu l’impression de sous-jouer. Il n’est pas en danger mais il conviendrait de ne pas trop s’endormir sur des lauriers qui ne sont pas encore sur sa tête. Il réfléchit plus longuement et semble mesurer que les Noirs pourraient tenter une rupture intéressante à l’aile Dame avec b5, quitte à sacrifier un pion.
Moment intéressant! magnus a la possibilité de proposer une répétition de coups en jouant Dd2. Va-t-il céder à cette tentation? Non, il joue a4, prévenant la poussée b5.
Aïe!Aïe!Aïe! Vishy en jouant de Dg5 est en train d’abandonner un pion donnant une position monstrueuse à Carlsen. Je ne vois aucune compensation à la perte du pion d6…
Très gentiment Magnus joue e5 (ok) Ce8 (seul coup) et plutôt que Cc3 qui aurait été terrible, Carlsen prend en d6 donnant à Vishy la possibilité de le récupérer par Tc6.
beleg26 dit:Très gentiment Magnus joue e5 (ok) Ce8 (seul coup) et plutôt que Cc3 qui aurait été terrible, Carlsen prend en d6 donnant à Vishy la possibilité de le récupérer par Tc6.
Gentiment ? Ou viennent-ils tous les deux de faire une bourde ?
Si maintenant tout s’échange Carlsen entrera dans une finale supérieure due à sa majorité de pions sur l’aile Dame et éloignée du meilleur défenseur, le Roi Noir. Gentiment est ironique et la bourde de Vishy est pire que celle de Carlsen!