Championnat du monde d'échecs

Merci pour ce sujet, décidément passionnant. J’ai pu suivre la 4e manche par petits bouts (boulot oblige) et ça m’a donné envie de m’y remettre. Merci encore à beleg26 pour sa prose, ses explications et son enthousiasme communicatifs. :D

Un article pas mal (en anglais) sur le fait qu’idéalement Carlsen devrait gagner le titre et ensuite proposer à la FIDE de supprimer le titre de champion du monde qui “nuit aux échecs” et opter pour des grands chelems/tournois comme au tennis & golf, pour déterminer le “best player”.
c’est là http://www.slate.com/articles/sports/sports_nut/2013/11/the_world_chess_championship_is_an_embarrassing_anachronism_it_s_time_to.2.html

L’histoire des pièces des échecs fait quand même plus rêver que ce que l’on pourrait nous raconter sur les pierres du Go.
Echecs contre Go, Améritrash contre Kubenbois, finalement très vieux débat. :mrgreen:

Merci pour ces informations et ce suivi!
J’essaye de me mettre aux jeux traditionnels que sont les échecs et le Go, mais j’ai vraiment l’impression que mon cerveau n’est pas fait pour… :lol:
A moins que ça ne soit la patience qui ne manque?!
En tout cas, je suis avec plaisir cette discussion et essaye de déchiffrer les compte rendus!

Xaal dit:L'histoire des pièces des échecs fait quand même plus rêver que ce que l'on pourrait nous raconter sur les pierres du Go.
Echecs contre Go, Améritrash contre Kubenbois, finalement très vieux débat. :mrgreen:

C'est amusant ça! :)
Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle. Je dois être un ameritrasher qui s'ignore! :)
Beaucoup de joueurs d'échecs professionnels jouent à d'autres jeux.
J'ai déjà évoqué le goût immodéré de Gristchouk pour le poker et le fait que le Maître International Nezhmetdinov avait aussi ce titre pour les Dames.
Mais il faut mentionner le cas d' Edward Lasker, mathématicien proche d'Einstein et champion du monde de 1894 à 1921, qui était aussi Maître au Go.
Ou encore Karpov, qui la nuit hantait les couloirs de ses hôtels pour trouver un partenaire de Backgammon.
Dans l'autre sens maintenant, un des plus grands joueurs de Shogi, les échecs japonais, découvrit les échecs "classiques" vers 28 ou 30 ans et devint Maître International en seulement 4 ans! J'ai malheureusement oublié le nom de cet homme...
Il ne faut pas trop s'émerveiller de la longévité de E. Lasker en tant que champion du monde (27 ans). A cette époque, le titre appartenait en propre au joueur qui le remettait en jeu quand bon lui semblait allant jusqu'à choisir son adversaire. Cette information permet de relativiser un peu la performance...
Il me vient à l'esprit, à la faveur de cette journée de repos du match Anand-Carlsen, un cas tout à fait extraordinaire dans l'histoire du jeu d'échecs.

Dans les années trente, l'Inde est partie intégrante de l'empire britannique. En tant que colonisateur avisé, les autorités britanniques s'appuient sur l'aristocratie locale pour asseoir leur domination. Parmi d'autres, les seigneurs du Pundjab occupent souvent de hautes fonctions dans l'Empire. C'est le cas du Seigneur Naweb, qui a grade de colonel de l'armée britannique. Il compte parmi ses sujets (proche de l'état de servitude) un jeune paysan du nom de Mir Malik Sultan Khan, qui a la réputation d'être imbattable au Chatarunga, les échecs indiens. En 1928, il lui apprend les règles classiques et l'inscrit au championnat d'Inde. le jeune homme en sort vainqueur avec deux points d'avance sur le second.
En 1929, Naweb s'expatrie pour plusieurs années en Angleterre. Comme il l'a probablement fait de ses meubles favoris, il mis dans ses bagages Mir Sultan Khan.
Entre 1930 et 1933, le jeune paysan indien illettré, toujours vêtu de son traditionnel turban (vous imaginez le buzz?), fut sacré trois fois champion d'Angleterre et deux fois du Commonwealth! Incapable d'avoir accès à la connaissance livresque, il devait souvent concéder quelque avantage dans l'ouverture. Mais la puissance de ses plans dans le milieu de jeu et sa merveilleuse technique en finale eurent raison de bien des champions occidentaux.
Il s'offrit même le scalp du champion du monde Capablanca au tournoi d'Hastings en 1930.
Mais quand il ne jouait pas aux échecs, Mir Sultan Khan avait rang de domestique dans la maison de Naweb. Le grand joueur Ruben Fine, invité en ces lieux, témoigna avoir été servi à table par un Sultan Khan en gants blancs!
En 1933, le colonel regagna l'Inde et jamais plus personne n'entendit plus parler du paysan prodige. On dit qu'il reçut un lopin de terre en récompense du prestige qui rejaillit sur son maître. Il serait mort de la tuberculose en 1966.
Sacrée histoire, non?

C’est donc aujourd’hui à 10h30 que se joue la 5ème partie du match Anand-Carlsen.
Pour la troisième fois de la rencontre le norvégien va conduire les Blancs. Une couleur avec laquelle il n’a pas encore démontré grand-chose.
On peut suivre en direct et en images la partie assortie de très agréables commentaires en anglais sur ce site: http://chennai2013.fide.com/anand-carlsen-video-with-commentary/

La partie vient de commencer avec le coup de c4 de Carlsen.
elle peut s’orienter vers un Gambit Dame, une défense Nimzo-indienne ou une slave comme je le pensais hier. Et c’est une semi-slave en fait, puisque Vishy, après le naturel Cc3 de Carlsen, joue c6 gardant son fou Noir sur sa case initiale plutôt que de le jouer en f5 (EDIT: un coup qu’il aurait fallu évidemment jouer avant e6!).
Carlsen joue alors e4, ouvrant la position et proposant un sacrifice de pion!

Aux dépens de la paire de Fous et d’une structure de pions abîmée puisqu’il a 3 îlots contre 2 pour Anand, Carlsen a obtenu une position dynamique dans la quelle il contrôle fermement la seule colonne centrale ouverte avec sa batterie Dame-Tour.
Son roque sur l’Aile Dame promet des roques opposés, Vishy n’ayant vraisemblablement d’autre choix que le petit roque, entraînant une grande dissymétrie de la position où chacun des abris des deux Rois est sous la pression des pions adverses.
La position du champion du monde en titre est saine mais resserrée. Ses pièces doivent toutes trouver d’autres cases pour être efficaces. Toutefois si la partie se poursuit jusqu’en finale avec l’échange des pièces Magnus devra lutter pour la nulle.

Plutôt que de tenter de tirer parti de sa positon plus dynamique, Carlsen, dans son style habituel, échange les Cavaliers, de sorte que maintenant les deux joueurs ont 3 îlots de pions, puis les Dames, et s’apprête probablement à jouer une finale où il va devoir prouver que son cavalier et son Fou valent autant que la paire de Fous d’Anand.

Un article long, intéressant et non dénoué d’humour sur le championnat du monde :
http://www.telerama.fr/monde/neuf-raisons-plus-ou-moins-capitales-de-suivre-le-championnat-du-monde-d-echecs,105024.php#xtor=EPR-126-newsletter_tra-20131115
Il y a néanmoins une petite erreur :?
Ce n’est pas Judit Polgar, meilleure joueuse de tous les temps, qui participe aux commentaires mais sa soeur Susan. Judit, elle, est en ce moment occupée à défendre les couleurs de la Hongrie au championnat d’Europe des nations en équipe.

Ca arrive souvent les nuls à ce niveau-là? Car du peu de vidéos YouTube que j’ai pu voir + les matches déjà joués par Magnus & Anand, ça me semble assez fréquent.
Bientôt, sur Trictrac : Les échecs, un jeu bancal?

Dans un tournoi fermé de haut niveau le ratio de nulles tournent autour de 70% (dans un tournoi d’amateurs, on est plutôt dans les mêmes conditions de tournoi fermé, à 30% de nulles.
Mais dans un match, a fortiori un match de championnat du monde, les deux joueurs savent qu’une seule victoire suffit. Non seulement les joueurs prennent moins de risques mais en plus leur très haut niveau conduit souvent à une neutralisation des plans adverses. La partie se joue donc sur des détails infimes.
mais je ne crois pas que le jeu soit buggé :mrgreen:

Et que se passe-t-il si le score est nul au bout des 12 rencontres? Anand conserve son titre?

Il y a une autre série de partie rapide, non?

Quand déclare-t-on qu’une partie est nulle ?

Non, cette règle a été abandonnée il y a quelques années au profit d’un mini-match de 4 parties rapides (25min/joueur).
Si il y a encore égalité ils joueront un mini-match de 4 blitz (5min/j).
Si il y a encore égalité ce sera un blitz Armaggedon qui les départagera.
Carlsen choisira une couleur, parce qu’il a tiré les Blancs a la première partie. Le tenant des Noirs aura 4 minutes et les Blancs 5 minutes avec l’obligation de gagner. Si c’est nul, les Noirs gagnent.
Une partie est nulle
- par insuffisance de materiel ex: R+F contre R+F
- par répétition de trois fois la même position
- par convention entre les joueurs au delà du 30ème coup
- par un pat

beleg26 dit:Non, cette règle a été abandonnée il y a quelques années au profit d'un mini-match de 4 parties rapides (25min/joueur).
Si il y a encore égalité ils joueront un mini-match de 4 blitz (5min/j).
Si il y a encore égalité ce sera un blitz Armaggedon qui les départagera.
Carlsen choisira une couleur, parce qu'il a tiré les Blancs a la première partie. Le tenant des Noirs aura 4 minutes et les Blancs 5 minutes avec l'obligation de gagner. Si c'est nul, les Noirs gagnent.
Une partie est nulle
- par insuffisance de materiel ex: R+F contre R+F
- par répétition de trois fois la même position
- par convention entre les joueurs au delà du 30ème coup
- par un pat

Merci pour tout ça, beleg. Le blitz Armageddon, c'est un peu la mort subite des échecs ?
beleg26 dit:
Une partie est nulle
(...)
- par répétition de trois fois la même position
- par convention entre les joueurs au delà du 30ème coup

En tant que profane, j'aurais tendance à dire que ça revient au même, sans le seuil des 30 coups évidemment.
Je profite de mon intervention pour te féliciter Beleg. Ton sujet est absolument passionnant.
deepdelver dit:
Merci pour tout ça, beleg. Le blitz Armageddon, c'est un peu la mort subite des échecs ?

oui, c'est la config ultime :wink:
@Govin
non ce n'est pas pareil. une répétition de position ne se présente pas toujours et même rarement en fait même si on en a vu deux dans ce match au cours des rondes 1 et 2.
la nulle par convention est beaucoup plus large: les deux joueurs sont d'accord pour constater que la position n'offre plus de chance de gain, ni à l'un, ni à l'autre.
la répétition, c'est plutôt se mettre d'accord sur le fait que les complications qui résulteraient de la poursuite de la partie sont difficilement appréhendables et sont dangereuses pour les deux camps. Ou alors c'est le coup de sauvetage d'un joueur menacé.
J'ajoute que la nulle par convention est encadrée par les règles pour ne pas que les joueurs poussent un coup chacun avant de se serrer la main: il faut jouer au moins trente coups.

Je me suis mal exprimé. Ce que je voulais dire, c’est que dans les deux cas, les deux adversaires s’entendent sur le postulat du nul, surtout que la répétition des positions peut découler d’une attaque/défense figée par le manque d’alternatives.
Mais, je conçois que pour les puristes la nuance soit plus marquée.