Je serais curieux de voir ce qu’il se passerait si le Dalaï- Lama remettait les pieds sur le sol du Tibet.
S’raient quand même bien emmerdés, les dirigeants chinois !
Ils n’oseraient pas en faire un martyre aux yeux du monde, non ? Un nouveau Mandela !
Denis dit:Je serais curieux de voir ce qu'il se passerait si le Dalaï- Lama remettait les pieds sur le sol du Tibet.
S'raient quand même bien emmerdés, les dirigeants chinois !
Ils n'oseraient pas en faire un martyre aux yeux du monde, non ? Un nouveau Mandela !
C'est peut-être plus des Tibétains que doit se méfier le Dalai lama,au risque d'être un nouveau Gandhi?
La menace de démission du Dalaï lama a été mal comprise : c'était davantage en réaction aux violences commises par les Tibétains radicaux qu'à la répression chinoise. « Il menace de démissionner de ses fonctions politiques »... pas ses fonctions religieuses.
« Il se bat en interne depuis des années avec notamment la ligue de la jeunesse tibétaine en exil, qui considère que le Dalaï lama est un vieux bonze dépassé par la situation et prônent la lutte armée. Ce qui est suicidaire pour le Dalaï lama »...
( Sources: Arrêts sur Images )
“Nous ne voulons pas les JO, nous voulons la démocratie”…5 ans de taule !
Un petit mot aussi sur les “individus” qui composent l’instance dirigeante du CIO : des aristo friqués, d’anciens franquistes, des descendants de facho…on a eu de tout au CIO. Réjouissant non ?
bertrand dit:...
C'est sûr que les divergences de vues intra-tibétaines semblent de plus en plus flagrantes. Ou de plus en plus médiatisées, ce qui doit bien arranger les dirigeants chinois.
Le Zeptien dit:"Nous ne voulons pas les JO, nous voulons la démocratie"....5 ans de taule !
Oui, j'ai aussi entendu ça aux infos. Horrible ! Vive la liberté d'expression !
Le Zeptien dit:
Un petit mot aussi sur les "individus" qui composent l'instance dirigeante du CIO : des aristo friqués, d'anciens franquistes, des descendants de facho....on a eu de tout au CIO. Réjouissant non ?
Il y a quelques années, à la télé, j'avais suivi l'élection de Rogue à la tête du CIO. J'avais alors été étonné du passé, des relations... de ce gars. Un grand pas en arrière pour l'olympisme.
Denis dit:Le Zeptien dit:"Nous ne voulons pas les JO, nous voulons la démocratie"....5 ans de taule !
mais le gars est déjà en prison depuis juillet dernier... il a déjà fait une partie de sa peine...

Le Zeptien dit:
Un petit mot aussi sur les "individus" qui composent l'instance dirigeante du CIO : des aristo friqués, d'anciens franquistes, des descendants de facho....on a eu de tout au CIO. Réjouissant non ?
Sans oublier Coubertin, grand admirateur d'Hitler.
Le sport se marie bien avec les idéologies inégalitaires les plus extrêmistes. Tout comme il fait très bon ménage avec le business.
panem et circenses…
Denis dit: C'est sûr que les divergences de vues intra-tibétaines semblent de plus en plus flagrantes. Ou de plus en plus médiatisées, ce qui doit bien arranger les dirigeants chinois.
c'est le contraire, en fait.
pour les autorités chinoises, le Dalaï Lama et les opposants radicaux, c'est la même chose. elles dénient ce clivage et elles le martellent, quand elles parlent du Dalaï Lama et de sa clique (ceux qui sont au Tibet et qui sont responsables des manifestations)
ils n'ont aucun intérêt à distinguer entre ces deux courants et à faire apparaître le dalaï Lama comme un interlocuteur modéré donc envisageable.
sinon pour éclairer certains aspects historiques et les enjeux chinois, un article de fond
Katia Buffetrille, tibétologue et ethnologue à l'Ecole pratique des hautes études (section sciences religieuses)
Chine et Tibet, une si longue histoire
LE MONDE | 22.03.08 | 12h44 • Mis à jour le 23.03.08 | 07h20
Le Tibet est agité de troubles depuis une semaine. Quel est le fondement historique de cette prétention chinoise sur le Tibet ?
Les sources chinoises ne s'accordent pas sur la date à laquelle, selon elles, le Tibet serait devenu une partie intégrante de la Chine. Disons brièvement qu'elles remontent soit à la dynastie mongole des Yuan (1277-1367), soit à celle mandchoue des Qing (1644-1911). Sous les Yuan, une relation très particulière avait été scellée entre des religieux tibétains et Kubilaï Khan, qui allait régner sur l'Empire mongol dans lequel la Chine et le Tibet étaient intégrés au même titre.
Il s'agissait d'une relation politico-religieuse entre un maître spirituel et un protecteur laïc dans laquelle le maître donnait enseignements et initiations, et le laïc assurait sa protection et faisait des dons. Les différents protagonistes jouèrent sur l'ambiguïté de cette relation qui se poursuivit, mais de manière beaucoup moins forte, avec certains empereurs de la dynastie chinoise des Ming (1368-1644). Ceux-ci ne considéraient d'ailleurs nullement le Tibet comme une partie intégrante de leur territoire puisque celui qui fonda cette dynastie envoya lors de son avènement une lettre au Tibet, comme il l'avait fait pour les autres pays.
Sous la dynastie mandchoue des Qing les relations entre le Tibet et la Chine connurent un changement. Cette relation de maître spirituel à protecteur laïc perdura, mais n'était pas comprise de la même manière par chaque partie. Pour les Tibétains, elle était purement religieuse, alors que les empereurs mandchous, bien que bouddhistes, l'utilisaient afin de se concilier les Tibétains et les Mongols. Cette relation est présentée actuellement comme une relation de subordination par les Chinois et est utilisée pour revendiquer le Tibet. Suite à de nombreux troubles, le pouvoir impérial intervint dans les affaires tibétaines et à partir de 1720, des administrateurs chinois et une garnison furent installés au Tibet.
Comment cet héritage a-t-il pesé au XXe siècle ?
Au début du XXe siècle, le Tibet devint le centre d'un enjeu géopolitique, notamment dans le cadre du "grand jeu" qui opposait en Asie centrale l'Angleterre à la Russie. Les Britanniques voulaient ouvrir des voies commerciales au Tibet. Ne recevant aucune réponse du gouvernement tibétain, en 1904, ils pénétrèrent au Tibet et parvinrent à Lhassa. Le treizième dalaï-lama s'enfuit en Mongolie puis en Chine. En 1910, peu après son retour au Tibet, la dynastie Qing chercha à prendre véritablement le contrôle du Tibet et envoya une armée. Le dalaï-lama trouva refuge en Inde.
L'effondrement de la dynastie Qing en 1911 lui permit de revenir au Tibet et de proclamer l'indépendance de son pays. En 1949, Mao proclama la République populaire de Chine. Il affirma la souveraineté de la Chine sur le Tibet et eut les moyens militaires de l'imposer. En, 1965, la "Région autonome du Tibet" fut fondée et les régions traditionnelles du Tibet - Kham et Amdo - furent définitivement intégrées dans les provinces chinoises du Qinghaï, Gansu, Yunnan et Sichuan.
Pour justifier l'ancienneté de leurs liens avec le Tibet, les Chinois évoquent aussi souvent l'alliance entre un monarque tibétain et une princesse chinoise.
Il est vrai que Songtsen Gampo, le premier grand roi tibétain, qui régna dans la première moitié du VIIe siècle, épousa une princessse chinoise qu'il avait obtenue sous la menace militaire. Cette princesse, une fervente bouddhiste, fit construire un temple à Lhassa et apporta de Chine une statue de Bouddha que les fidèles continuent d'honorer de nos jours dans le grand temple de Lhassa.
Les Chinois exploitent cet épisode pour faire remonter leur influence à une date ancienne alors que le Tibet était à cette époque une puissance considérable très crainte par la Chine. En moins d'un siècle, l'empire tibétain s'était alors taillé un territoire gigantesque allant du nord de l'Asie centrale à la Chine, dont la capitale Xian est même conquise. C'est à ce moment que le bouddhisme est introduit et deviendra religion d'Etat au VIIIe siècle. C'est une période de grand essor culturel et intellectuel que les Tibétains appellent la "première diffusion du bouddhisme".
Le Tibet était-il une théocratie ?
Le dalaï-lama est considéré comme l'émanation de la divinité protectrice du Tibet, le bodhisattva de la compassion Avalokiteshvara. Le nom de dalaï-lama apparaît au XVIe siècle à la suite de la rencontre en 1578 entre un chef mongol et le troisième maître d'une lignée de religieux éminents. Mais ce n'est qu'en 1642 que le cinquième dalaï-lama reçoit, des mains de Gushri Khan, chef des Mongols Qoshot, dont il est le maître religieux, la souveraineté sur le pays.
Le Parti communiste chinois prétend avoir "libéré" le Tibet de la noblesse esclavagiste. Existait-il un "esclavage" au Tibet avant 1949 ?
Le mot "esclave" est parfaitement impropre. Très schématiquement, on peut dire que le Tibet était une société à strates, très hiérarchisée, dans laquelle existait une séparation nette entre religieux et laïcs. Les laïcs étaient divisés en trois strates : la noblesse, le peuple, la strate inférieure (bouchers, pêcheurs...). Trois groupes seulement pouvaient être propriétaires : l'Etat, le clergé et les nobles. Le terme de "serfs", appliqué aux paysans, est contesté par certains tibétologues, qui préfèrent celui de "gens du commun" ou "sujets".
En fait, les paysans, la grande majorité du peuple, étaient héréditairement liés à la terre et devaient des taxes qui étaient versées en argent, en nature, mais la plupart étaient sous forme de travail, essentiellement le travail de la terre. En dépit de cette structure qui peut paraître rigide, il y avait en fait une grande flexibilité. Ces paysans avaient des devoirs mais jouissaient aussi de droits. Les seigneurs n'avaient aucunement pouvoir de vie et de mort sur eux. Il ne s'agissait pas du tout d'un système idéal, mais il n'avait rien à voir avec de l'esclavage.
Pékin invoque souvent les bienfaits économiques de sa présence. Qu'en est-il ?
S'il est vrai que de nombreux changements ont commencé avec l'arrivée des communistes, il est tout aussi vrai que même sans eux, le Tibet se serait modernisé. Un économiste anglais, A.M. Fischer, a montré combien la croissance, au Tibet, est génératrice d'exclusion, une grande part de la population, principalement les Tibétains, n'ayant pas les moyens de participer à cette croissance. Depuis une cinquantaine d'années, la politique de financement du Tibet par les autorités centrales est motivée par des stratégies militaires et place le Tibet sous la totale dépendance de ces subventions.
Les compagnies de construction viennent généralement d'autres régions de Chine. De plus, les ouvriers sont essentiellement des travailleurs chinois, souvent meilleurs du fait de leur formation. La construction du train reliant les grandes villes de Chine à Lhassa a facilité la venue de nombreux migrants chinois. Par ailleurs, la nécessité de devoir parler couramment le mandarin pour trouver un travail ne permet pas aux Tibétains d'entrer en compétition avec les Chinois sur le marché du travail. Les bénéficiaires de ce boom économique sont les migrants Hans et quelques privilégiés tibétains, ce qui explique l'énorme frustration que ressentent les Tibétains.
Peut-on vraiment parler de "génocide culturel" au Tibet, selon la formule du dalaï-lama ?
Je n'aime pas trop ce terme. Mais il est vrai que si la situation ne change pas, on s'achemine vers la disparition de la civilisation tibétaine. La langue est en danger : dans la Région autonome, l'enseignement est en chinois à partir du collège et le tibétain n'est pas utilisé dans l'administration. Il est vrai que la situation est meilleure en dehors de la Région autonome, car il existe des collèges et des lycées où le tibétain est la langue d'enseignement.
Une autre frustration vient des restrictions sur les questions religieuses. Certes, de nombreux monastères ont été reconstruits. Des activités religieuses s'y déroulent. Mais, depuis 1995, la situation s'est durcie. Les photos du dalaï-lama sont interdites aussi bien en public qu'en privé ; les fonctionnaires d'Etat n'ont pas le droit de pratiquer ; il y a des cours d'éducation patriotique dans les monastères ; il faut remplir certaines conditions pour entrer au monastère.
Pourquoi la Chine est-elle aussi intraitable sur le Tibet. Au fond, quel est l'enjeu pour elle ?
Outre une revendication idéologique qui s'inscrit dans l'histoire du nationalisme chinois, c'est certainement la position géostratégique du Tibet qui explique l'attitude de la Chine. On ne peut oublier l'immense superficie de ce pays. Le Grand Tibet, c'est-à-dire le Tibet historique, représente un quart de la Chine.
Si l'on ajoute à cela que dix des plus grands fleuves de l'Asie y prennent leur source et que les richesses minières y sont abondantes, on peut comprendre la position si intraitable des gouvernants chinois. A leurs yeux, perdre le Tibet porterait en germe la désagrégation de leur empire multiethnique. Après le Tibet, le Turkestan oriental (Xinjiang), qui connaît lui aussi des troubles endémiques, pourrait se manifester plus violemment. Si vous enlevez à la Chine le Tibet, le Xinjiang et la Mongolie intérieure, il ne lui reste plus qu'un espace considérablement réduit.
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Propos recueillis par Frédéric Bobin
Article paru dans l'édition du 23.03.08.
greuh.
Me fait rire, l’interview rapporté par kouykouyne. Vraiment. “Non, vopus comprennez, c’est un régime féodal, mais celui-là il est gentil, voyez, c’est pas pareil, les paysans ont des droits”. ben oui, comme en Europe au moyen âge. Qu’on les appelle “serfs” ou “gens du peuple” (ouais ! comme les techniciens de surface), fondamentalement, hein, la différence est pas flagrante. Donc non, le servage et l’esclavage c’est pas la même chose. Mais bon, ça ne fait pas du servage une condition idéale non plus, hein.
Ensuite, truc drôle, on reproche à la Chine d’utiliser des travailleurs chinois plutôt que tibétains, sauf que les chinois sont mieux formés. Bizarre, non ? Perso, je préférerais sûrement prendre les gens pas qualifiés du coin, histoire que les constructions se pètent la gueule. Un truc très fort, c’est d’arriver à faire passer pour une accusation le fait d’avoir construit la ligne de train. Ben oui, quoi, ç’aurait été plus respectable de les laisser enclavés dans leur montagne.
Tiens, une autre, au début, on dit que la culture tibétaine va disparaître parce que l’enseignement se fait en chinois, puis, plus loin, que les tibétains n’ont aucune chance sur le marché du travail parce qu’ils ne parlent pas chinois. C’est moi ou y’a comme une contradiction quelque part, là ?
bref, j’arrête là, y’en a d’autres.
— pouf pouf —
Précaution tout de même pour éviter les inévitables reproches et accusations de soutien à la Chine : je me suis contenté de réagir à l’article, pas à la situation au tibet, que je n’ai pas la prétention ni de comprendre, ni de savoir interpreter. Je présume que les faits rapportés sont exacts mais vus au travers d’un prisme déformant, lié à “l’effet panda” d’une part et d’autre part à l’intérêt économique des puissances occidentales qui ont tout à gagner à s’offrir à peu de frais par le biais de leurs population un moyen de pression sur les chinois.
En conséquence, je m’abstiens.
Keiyan, autruche
Kouynemum dit:Denis dit: C'est sûr que les divergences de vues intra-tibétaines semblent de plus en plus flagrantes. Ou de plus en plus médiatisées, ce qui doit bien arranger les dirigeants chinois.
c'est le contraire, en fait.
pour les autorités chinoises, le Dalaï Lama et les opposants radicaux, c'est la même chose. elles dénient ce clivage et elles le martellent, quand elles parlent du Dalaï Lama et de sa clique (ceux qui sont au Tibet et qui sont responsables des manifestations)
ils n'ont aucun intérêt à distinguer entre ces deux courants et à faire apparaître le dalaï Lama comme un interlocuteur modéré donc envisageable.
Je ne suis pas d'accord avec toi. Je pense que les dirigeants chinois sont satisfaits des divergences de vue entre Tibétains, même s'ils ne le disent pas. Il est toujours plus facile de maîtriser une force divisée qu'un grand mouvement uni.
Maintenant, que l'autorité chinoise mette les différents courants dans le même sac pour arranger leurs actions c'est un autre problème. Et je sais bien qu'il n'est pas question pour elle de négocier avec le Dalaï Lama.
L'avenir le dira mais, comme le souligne ton article, je ne la vois pas bien faire de grosses concessions sur le Tibet. Et le fait que les Tibétains eux-mêmes ne soient pas d'accord sur ce qu'ils souhaitent ne peut que l'aider dans cette voie.
Denis dit: Je ne suis pas d'accord avec toi. Je pense que les dirigeants chinois sont satisfaits des divergences de vue entre Tibétains, même s'ils ne le disent pas. Il est toujours plus facile de maîtriser une force divisée qu'un grand mouvement uni.
Maintenant, que l'autorité chinoise mette les différents courants dans le même sac pour arranger leurs actions c'est un autre problème. .
vu comme ça, finalement si, on est d'accord.
il y a bien deux aspects dans l'attitude chinoise : la façade diplomatique et le discours officiel d'un côté et les opportunités stratégiques d'affaiblissement de l'adversaire, de l'autre.
c'est ce qui rend la situation et les pressions sur la chine si complexes.
il n'est pas question pour le gouvernement chinois de perdre la face de quelque manière que ce soit, et tout ce qui renforce le sentiment nationaliste des chinois le sert.
@Keiyan, je n'ai pas repris en détail tous les points que tu as relevés mais il yen a deux que j'ai en mémoire :
de ce j'ai retenu de l'article par rapport à tes remarques :
-si les tibétains sont moins bien formés c'est bien parce qu'on les maintient dans cet état et qu'on importe une main d'oeuvre chinoise.
-sur les problèmes juridiques du servage : je crois qu'il faut être vigilant à ne pas faire d'européocentrisme sur certaines notions. qui peuvent être voisines en ayant pourtant un contenu différent.
Les spoliations de terres à l’origine de la révolte
Sous prétexte de défendre l’environnement, les autorités chinoises ont privé de leurs terres les paysans et les nomades tibétains. Cette situation explique en grande partie la mobilisation générale de la population locale.
…
Quels sont donc les griefs des Tibétains à l’égard de la Chine d’aujourd’hui ? Comment se fait-il que les Tibétains et les Chinois, deux peuples qui se côtoient depuis des millénaires, ne parviennent pas à s’entendre ? La couverture médiatique se focalise sur les causes immédiates du différend, mais l’histoire de cet antagonisme est bien plus ancienne.
Le modernisme capitaliste chinois est aujourd’hui pour les Tibétains aussi problématique que le fut par le passé la répression étatique. La Chine injecte des sommes faramineuses au Tibet, pour financer des lignes de chemin de fer, des routes, des infrastructures touristiques et payer de hauts fonctionnaires omnipotents.
On pourrait à première vue y voir l’effet du progrès. Si Lhassa ressemble désormais à n’importe quelle ville chinoise tentaculaire, ce n’est jamais, estiment beaucoup de non-initiés, que le prix de la modernité. Mais les retombées matérielles de cette modernisation échappent totalement aux Tibétains. La grande majorité d’entre eux vivent dans des zones rurales à peu près aussi vastes que l’Europe occidentale, avec leurs troupeaux de yacks, de moutons et des chèvres, vivotant tant bien que mal sur des lopins dont les limites ont été tracées au cordeau il y a plusieurs décennies par des bureaucrates chinois qui refusent de réviser ce cadastre à mesure que les familles s’agrandissent et que de nouvelles familles se forment. La pauvreté est endémique chez les Tibétains, même si les moyennes statistiques établies sur des provinces entières, mêlant l’expansion urbaine et l’état d’abandon des campagnes, prétendent que le niveau de vie a augmenté.
La dernière menace en date qui plane sur les modes de vie tibétains s’est parée des atours de l’écologie. Sous prétexte de protéger les cours supérieurs des grands fleuves chinois – le Yangtsé et le Fleuve jaune –, des milliers de nomades tibétains ont été expulsés de force de leurs terres et réinstallés dans des villes nouvelles misérables plantées au milieu de nulle part. Dès lors, leur savoir-faire et leur connaissance intime de la terre et de la gestion durable leur sont devenus inutiles. Mais il est rare qu’on leur propose une quelconque reconversion. Désormais, les nomades sont chassés d’une zone immense qui ne cesse de s’étendre, pour devenir des réfugiés écologiques sous l’allégation mensongère que, par ignorance et négligence, ils seraient les grands responsables de la dégradation d’une vaste superficie de prairies – la deuxième du monde.
Privés par la force de leur voix et du droit de constituer par eux-mêmes des associations, les nomades n’ont aucun moyen de manifester leur attachement à leur terre, dont ils ont maintenu pendant des millénaires la productivité et la faune sauvage. L’élite du Parti communiste, essentiellement composée de Chinois urbains, les considère comme des gens stupides et grossiers, n’ayant aucune éducation et aucune notion scientifique. Il n’existe aucun partenariat entre les autorités et les habitants de ces terres, car ce sont deux mondes fondamentalement différents, tant en termes d’appartenance nationale que d’histoire, d’expérience et de conception du monde.
L’adhésion ne s’obtiendra pas par la répression
C’est précisément là le fondement même de la révolte. Les autorités chinoises méprisent les paysans tibétains et se méfient des Tibétains urbains éduqués, mettant inlassablement à l’épreuve leur loyauté exclusive envers la Chine et le Parti par des campagnes extrêmes d’“éducation patriotique” qui les contraignent à dénoncer les lamas les plus vénérés. Les moines et les nonnes, entièrement consacrés à une vie de purification spirituelle, puisent leur inspiration dans l’exemple de leurs maîtres, et des maîtres de leurs maîtres, dont le plus haut dignitaire est le dalaï-lama.
Les dirigeants du Parti communiste chinois – à commencer par Hu Jintao (réélu président pour cinq ans le 15 mars dernier), qui a imposé la loi martiale en 1989, la dernière fois que le Tibet s’est soulevé – semblent voués à ne jamais comprendre qu’inciter des moines à piétiner et à cracher sur une image du dalaï-lama ne fera qu’aggraver le sentiment d’aliénation tibétain.
…
Les mesures qu’impose la Chine au Tibet sont profondément contradictoires et vouées à l’échec. Pékin veut que les Tibétains adhèrent à la mère patrie et au Parti et les aiment, mais l’acharnement à chercher la stabilité par la répression sape toujours les avancées – irrégulières et souvent exclusives – vers le développement. La Chine a besoin que ses amis lui disent que l’on ne peut transformer par la force un empire en une nation. .
…
Gabriel Lafitte, Conseiller en politique de développement auprès du gouvernement tibétain en exil.
Courrier International
Tiens, un truc que j’ai trouvé : http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2008-03-27%2016:23:01&log=lautrehistoire Je ne sais pas si c’est du lard ou du cochon, mais ça me semble tout aussi crédible que le reste.
Keiyan, fouille dans les deux sens
Keiyan dit:Me fait rire, l'interview rapporté par kouykouyne.
je voudrais juste préciser un truc important pour moi :
je n'envisage pas une seconde être qualifiée pour déterminer qui de la Chine ou du Tibet a tort ou raison, ou le bien-fondé de telle ou telle revendication territoriale.
cet article, je le trouve simplement un peu moins polémique sur une situation de fond.
par contre l'attitude du gouvernement chinois à l'égard des droits de l'homme en général, que ce soit au Tibet ou en Chine même, me semble totalement alarmante et nécessiter vigilance et mobilisation.
cela ne me fait pas oublier non plus que la Chine porte aussi d'autres problèmes sociaux, économiques et écologiques.
La vrai honte, c’est que l’opinion publique réagit aujourd’hui justement parce qu’il y a les JO en Chine. A mon avis, y’aurait pas eu l’organisation des JO, toute cette histoire aurait fait moins de bruit, ce qui est déplorable!
Kouynemum dit:cet article, je le trouve simplement un peu moins polémique sur une situation de fond.Ben justement, cet article, comme quasiment tous (y compris celui que j'ai cité) a le travers de vouloir faire passer pour manichéenne une situation qui est loin de l'être. On a pas d'un coté les gentils tibétains contre les méchants chinois (ou l'inverse). On a deux partis qui défendent leur bifteak, chacun avec ses moyens, discutables (ou pas).
Kouynemum dit:par contre l'attitude du gouvernement chinois à l'égard des droits de l'homme en général, que ce soit au Tibet ou en Chine même, me semble totalement alarmante et nécessiter vigilance et mobilisation.Là, on est tout à fait d'accord
Keiyan, partial
gloomy dit:La vrai honte, c'est que l'opinion publique réagit aujourd'hui justement parce qu'il y a les JO en Chine. A mon avis, y'aurait pas eu l'organisation des JO, toute cette histoire aurait fait moins de bruit, ce qui est déplorable!
pour l'impact de l'organisation des JO en Chine
voir cet article extrait de courrier International du 03/04
Pourquoi Pékin s’est trompé de date
Pour le tibétologue anglais Robert Barnett de l’université Columbia, les troubles montrent que la communauté tibétaine s’est soudée politiquement.
Pensez-vous que les mesures prises par la Chine pour contrôler la rébellion tibétaine réussiront cette fois à faire taire les protestations ?
ROBERT BARNETT La présence des forces de l’ordre semble impressionnante, mais un tel déploiement est temporaire, et l’armée a de toute façon toujours été très présente au Tibet. Ce qui va avoir un effet plus direct, à moyen terme, c’est le système de contrôle politique [selon les autorités, au 28 mars, 660 personnes s’étaient rendues]. Les choses seront plus compliquées à la campagne, où le système de contrôle n’est pas très efficace, bien moins que dans les villes et dans les monastères en tout cas. Il n’y a pas de touristes à la campagne.
A votre avis, l’approche des Jeux olympiques a-t-elle joué un rôle dans l’explosion de la révolte ?
La Chine a joué gros avec sa candidature aux Jeux olympiques. En juillet 2001, je me trouvais dans une maison de thé sur la place centrale de Lhassa le jour où le Comité international olympique (CIO) a attribué l’organisation des Jeux à Pékin. Aucune radio ou télévision n’était allumée, mais j’ai immédiatement senti que quelque chose d’important se passait, car la place s’est remplie de brigades de police antiémeute. La Chine savait que quelque chose se passerait, et ce qui est drôle, c’est qu’elle avait raison, sauf sur le moment où ça arriverait. Cela a bien eu lieu, mais plus tard qu’elle ne le pensait.
La réaction internationale peut-elle faire évoluer la manière dont la Chine traite la question ?
Sur la scène internationale, l’action de la chancelière allemande Angela Merkel [qui a reçu le dalaï-lama en 2007] a été extrêmement importante : elle a essayé de formuler une nouvelle politique au sujet du Tibet. L’annonce de la réception du dalaï-lama par le Premier ministre britannique Gordon Brown en mai prochain est un geste significatif. Mais la Chine sait comment faire face à des initiatives non coordonnées de la part des gouvernements occidentaux. Elle sait qu’elle suscite la convoitise. A moins que les Etats-Unis et l’Union européenne ne s’accordent sur les mesures à prendre, la Chine gagnera toujours. Elle sait qu’elle peut diviser les Européens. [Le 28 mars, la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Europe en Slovénie n’a débouché sur aucune prise de position commune.]
Ne voit-on aucun signe d’évolution dans la manière dont les Tibétains se sont mobilisés depuis les premières manifestations, le 10 mars ?
Il est certain que le gouvernement chinois doit faire face à un nouveau défi dans les campagnes. On n’avait jamais vu [au cours des précédentes révoltes de la fin des années 1980] des gens charger à cheval contre des bâtiments gouvernementaux [des images d’un tel événement ont été enregistrées par un journaliste canadien]. Il y a environ 100 000 nomades au Tibet, il est possible de les écraser, mais ce serait difficile. La politisation de la campagne est un nouveau problème pour le gouvernement chinois. La violence interethnique était moins surprenante car les Chinois savaient que cela se produirait. Le fait que les campagnes se soulèvent maintenant est remarquable.
Qu’est-ce qui a changé pour que les nomades se mobilisent aujourd’hui ?
Les nomades sont devenus conscients politiquement, car ils peuvent écouter la radio, les stations ne peuvent être brouillées dans la campagne tout entière. Alors, ils apprennent des choses sur le reste du monde, et c’est un facteur important. Ils savent maintenant qu’ailleurs sur la planète les gouvernements sont soumis à la critique et qu’un gouvernement peut répondre à la critique. Ils savent que des gouvernements sont remplacés ou renversés. Auparavant, les services de sécurité tentaient de dresser des listes des postes de radio à ondes courtes qui étaient achetés, mais ils ont cessé de le faire il y a une dizaine d’années. Cela fait une énorme différence. Cela veut dire que la guerre de l’information n’est plus gagnée à 100 % par la Chine. Elle contrôle 90 % des images qui circulent. Elle brouille toujours la BBC et CNN, mais il n’y a pas de brouillage radio possible sur un territoire aussi vaste que le Tibet. Les stations de brouillage sont situées près des villes. Le véritable événement est donc qu’ils ne contrôlent plus entièrement la campagne.
L’autre élément remarquable est la localisation des manifestations, qui se sont étendues aux zones tibétaines incorporées dans les provinces chinoises. La Chine semble avoir contribué par son attitude à effacer les divisions existant entre populations tibétaines. L’existence d’un “Tibet historique” revendiqué par certains reste à prouver. Dans les années 1950, le nationalisme tibétain s’exprimait de manière locale autour des villes et des monastères, comme dans le cas de la révolte des Khampas [est du Tibet]. Or aujourd’hui les Chinois semblent avoir facilité l’émergence d’un but politique commun pour une population qui n’était pas si unie politiquement auparavant. Il y a toujours eu une unité culturelle et religieuse entre les différentes populations tibétaines. Mais on assiste aujourd’hui à la première unification politique du Tibet.
Propos recueillis par Agnès Gaudu
par contre comme le souligne Amnesty International, l’organisation des JO a été pour le gouvernement chinois l’occasion de durcir la répression et l’arbitraire à l’intérieur des frontières.(on parle aussi d’1 millions de personnes déplacées pour permettre la construction des éléments nécessaires au déroulement des JO)
extrait du site : Amnesty International France
JO de Pékin: quel héritage pour les droits humains?
31 mars 2008
En 2001, Liu Jingmin, vice-président du Comité de candidature de Pékin aux Jeux olympiques (JO), a déclaré que si l’organisation des JO était confiée à la capitale chinoise cela « contribuerait au renforcement des droits humains ». Sept années se sont depuis écoulées et le bilan de la Chine en matière de droits humains ne s’est guère amélioré, selon le nouveau rapport d’Amnesty International.
Beaucoup espéraient que les Jeux serviraient de catalyseur pour des réformes, mais l’on constate à présent que l’actuelle vague de répression qui s’abat sur les militants et les journalistes a lieu non pas malgré, mais bien à cause de l’organisation des JO, toujours d’après ce rapport intitulé People’s Republic of China: The Olympics countdown – crackdown on activists threatens Olympics legacy (à paraître en français).
Certaines évolutions positives telles que la réforme du système d’application de la peine de mort et une plus grande liberté d’information accordée aux journalistes étrangers sont éclipsées par le blocage de la réforme du régime de la détention sans procès, par la répression contre les défenseurs des droits humains et par la censure d’Internet.
Le rapport attire également l’attention sur la récente répression menée au Tibet par les autorités chinoises, qui a donné lieu depuis le 10 mars 2008 à de graves violations des droits humains. Les autorités chinoises auraient, entre autres, recouru à une force non nécessaire et excessive, notamment à la force meurtrière, à la détention arbitraire et à l’intimidation.
Des centaines de personnes ont été arrêtées à la suite des manifestations. Ces personnes, notamment celles qui sont soupçonnées d’« activités séparatistes », risquent d’être maltraitées ou torturées par les forces de sécurité chinoises.
Compte tenu du black-out quasi total sur le Tibet et les régions environnantes, il est difficile de vérifier les informations qui nous sont communiquées, et cette chape de silence vient bafouer l’engagement qu’avaient pris les autorités de garantir une « liberté totale des médias » à l’approche des Jeux.
En Chine aussi, de nombreux militants ont été incarcérés à l’issue de procès motivés par des considérations politiques, et sont des prisonniers d’opinion. Un nombre croissant de personnes sont placées en résidence surveillée. Des crimes contre la sécurité nationale définis en termes vagues, comme le « séparatisme », la « subversion » et le « vol de secrets d’État » sont utilisés pour engager des poursuites contre des personnes menant des activités légitimes et pacifiques de défense des droits humains.
Yang Chunlin, militant des droits à la terre, a été condamné à cinq ans de prison le 25 mars pour « incitation à la subversion ». Il avait fait circuler une pétition intitulée Nous voulons les droits humains, pas les Jeux olympiques. Il n’avait pas été autorisé dans un premier temps à consulter un avocat, au motif que cette affaire touchait à des « secrets d’États ». Il aurait été torturé par la police au cours de sa détention, mais on l’a empêché, devant le tribunal, de faire état de ses allégations de torture.
Ye Guozhu, un militant du droit au logement, purge une peine de quatre ans de prison pour avoir demandé l’autorisation d’organiser une manifestation contre les expulsions forcées à Pékin. Il a été condamné en décembre 2004 pour avoir « cherché à provoquer un conflit et troublé l’ordre public » car il s’était opposé à la saisie et à la démolition de bâtiments dans le cadre des travaux de construction liés aux JO de 2008.
En mai 2006, Pékin a étendu le recours à la forme de détention sans jugement appelée rééducation par le travail, dans le but de « nettoyer » la ville avant les Jeux. Cette pratique vise ceux qui ont commis des infractions mineures mais qui ne sont pas considérés comme des criminels au regard de la loi. Ces personnes sont contraintes à travailler durant de longues heures et peuvent être détenues jusqu’à quatre ans. La rééducation par le travail fait l’objet de nombreuses critiques en Chine. La réforme de ce système, annoncée de longue date mais aujourd’hui dans l’impasse, constituerait une amélioration notable sur le plan des droits humains.
Wang Ling, une militante du droit au logement de Pékin, aurait été condamnée à quinze mois de rééducation par le travail en octobre 2007 pour avoir signé des pétitions et fabriqué des banderoles afin de protester contre la démolition de son habitation, destinée à faire de la place pour la construction des sites olympiques. Elle serait détenue dans le centre de rééducation par le travail de Daxing, dans la capitale.
En dépit des promesses qu’elles ont faites en juillet 2001 de laisser une « liberté complète aux médias », les autorités continuent d’utiliser le délit d’« incitation à la subversion » et d’autres infractions relatives à la sécurité de l’État pour poursuivre et emprisonner les écrivains et les journalistes qui exercent leur droit fondamental à la liberté d’expression.
Internet fait également l’objet d’une vaste censure. Des affichettes de la police avertissent désormais un grand nombre des 210 millions d’internautes chinois de ne pas se rendre sur les sites « illégaux ». Cette police virtuelle est visiblement destinée à encourager l’autocensure en rappelant aux utilisateurs que les autorités surveillent de près les activités sur la Toile. Il semble également que la Chine ait mis en place le système de censure et de filtrage sur Internet le plus étendu, le plus sophistiqué et le plus vaste au monde.
L’envoi de SMS est lui aussi contrôlé. En décembre 2007, les autorités de la ville de Pékin ont publié un avis afin de faire savoir que les personnes utilisant des SMS pour « mettre en danger la sécurité publique » ou « répandre des rumeurs » feraient l’objet d’une enquête.
La Chine reste le pays du monde qui a le plus recours à la peine de mort, même si les autorités chinoises ont déclaré que le rétablissement du contrôle judiciaire des condamnations à mort par la Cour populaire suprême avait entraîné une réduction importante du nombre d’exécutions en 2007. Pour étayer de telles affirmations, encore faudrait-il publier des statistiques nationales complètes et d’autres informations détaillées sur la peine capitale dans le pays. La baisse du nombre d’exécutions pourrait en effet s’expliquer en partie par le fait que de plus en plus de prisonniers sont en attente de leur exécution pendant que la Cour populaire suprême examine leur dossier.
Le rapport d’Amnesty International demande à la Chine d’autoriser immédiatement les enquêteurs de l’ONU et les observateurs indépendants à se rendre au Tibet et dans les régions voisines ; de mettre un terme aux arrestations arbitraires, à l’intimidation et au harcèlement des militants ; de mettre fin à la détention administrative punitive ; d’autoriser tous les journalistes à rendre compte de la situation sur l’ensemble du territoire chinois de manière exhaustive et en toute liberté ; de relâcher tous les prisonniers d’opinion et de réduire le nombre d’infractions passibles de la peine capitale, en prélude à l’abolition de ce châtiment.
pour en savoir plus :
Les droits humains en Chine et les Jeux olympiques de Pékin
Mélenchon s’est exprimé sur ce sujet … avec brio.
http://www.mediapart.fr/club/blog/lesli … lange-tout
Les JO, la Chine et la question tibétaine : Mélenchon mélange tout !
10 avr 2008Par Leslie Goldfin
Au sujet de la Chine et de la question tibétaine, Jean-Luc Mélenchon vient de faire plusieurs déclarations détonantes, dont la teneur était déjà en ligne depuis le 7 avril 2008 sur son blog (www.jean-luc-melenchon.fr). Extraits et analyse d’un discours polémique à l’approche des Jeux Olympiques…
Une majorité de Français soutiennent la cause tibétaine. Le parcours de la flamme olympique à Paris l’a confirmé, montrant la détermination des manifestants à ne pas passer sous silence les agissements actuels de la Chine. Le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon prend ce mouvement à contre-courant. Et expose d’une manière très personnelle la situation au Tibet, son histoire, tout en attaquant violemment la personne du Dalaï lama :
« Je ne partage pas du tout l’enthousiasme béat pour le Dalaï lama ni pour le régime qu’il incarne. Pour moi, le boycott des jeux est une agression injustifiée et insultante contre le peuple chinois. (…) L’autorité communiste a mis fin aux luttes violentes entre chefs locaux du prétendue paradis de la non violence ainsi qu’aux divers châtiments sanglants que les moines infligeaient à ceux qui contrevenaient aux règles religieuses dont ils étaient les gardiens. La version tibétaine de la Charria a pris fin avec les communistes. »
D’autres idées - tout aussi discutables - sont développées, entre énumérations approximatives de faits historiques, dénonciation « d’un régime théocratique tibétain », et considérations économiques sur les fabuleux avantages matériels et sociaux apportés par la Chine au Tibet.
PENSEE UNIQUE ET REACTION
Cette prise de position a entrainé des centaines de réactions sur le blog de M. Mélenchon, d’ailleurs majoritairement positives (voir annexe 1). Elles semblent toutes partager un point de vue commun : ce que dit le sénateur socialiste est « courageux » et « opposé au politiquement correct et à la pensée unique ». La cause des Tibétains serait « partout défendue » alors que les Chinois « ne peuvent pas s’exprimer. »
Pourtant, être « contre » le politiquement correct ou n’importe quelle pensée unique n’a en soi aucun sens. L’importance est l’argumentation, qui doit être capable de provoquer le débat (s’il semble figé) et de remettre en cause n’importe quelle idée (si elle est dominante). La plupart du temps, se dire « contre » le politiquement correct revient à s’installer dans une situation bien confortable qui exonère de toute démonstration : « je dis le contraire, j’ai donc raison et j’incarne le bons sens ». Or, dire le contraire d’une pensée unique, ce n’est pas avoir inévitablement raison. Sans arguments valables et vérifiables, c’est juste créer une autre pensée unique, c’est juste être en réaction.
Cette posture est révélatrice de deux éléments :
-La possibilité de réaliser un « coup médiatique » en étant provocateur, en s’opposant gratuitement à l’opinion générale, sans pour autant apporter de faits ou de raisonnements sérieux. C’est l’habitude des réactionnaires ;
-L’étouffement de certaines personnes devant la ritournelle parfois excessive faite par les médias sur tel ou tel événement. Même si la cause peut être « juste », la répétition de l’information fatigue, voire exaspère. Une raison de cet agacement est l’impuissance d’une bonne partie de l’opinion publique, incapable d’agir concrètement sur les événements qu’elle constate, se sentant démunie de prise sur le réel et sans représentation politique efficace. La réaction peut donc aller jusqu’à une forme de déni, parfois couplé à un détournement gratuit du sens commun pour se faire entendre. Là encore, les arguments sont absents.
APPROXIMATIONS DOUTEUSES
A ce titre, les arguments de M. Mélenchon semblent douteux. Tout d’abord, que veut-il dire par le « régime » qu’incarnerait le Dalaï lama ? Rappelons que ce dernier a été obligé de fuir en Inde sous la menace des armes d’un régime bien réel pour maintenir un semblant de parole politique et culturelle tibétaine. Précisons aussi que le Dalaï lama n’a jamais été vu portant des armes ou à la tête d’une armée. Il n’a jamais invité à la violence. Il a condamné tout agissement au Tibet qui irait en ce sens, y compris de la part des tibétains. Dans ses déclarations, il soutient les Jeux Olympiques à Pékin, pourvu qu’il y ait un début de dialogue.
M. Mélenchon insiste sur ce qui serait un desideratum du Dalaï lama : l’obtention d’un Etat au Tibet. « Je demande: pourquoi pour exercer sa religion et la diriger le Dalaï Lama aurait-il besoin d’un Etat ? Un Etat qui pour être constitué demanderait d’amputer la Chine du quart de sa surface! Son magistère moral et religieux actuel souffre-t-il de n’être assis sur aucune royauté ? » Pour qui s’intéresse un peu à la diplomatie et à la géopolitique, chacun sait que le Dalaï lama a renoncé depuis longtemps à toute velléité d’indépendance du Tibet. Il demande l’autonomie. C’est-à-dire non pas la constitution d’un Etat, mais l’affirmation et la reconnaissance d’une culture en vue de sa préservation.
M. Mélenchon s’attache à exposer un Tibet au passé tyrannique, coupable des pires exactions envers son peuple… Le Dalaï lama a publiquement reconnu que les ancestrales méthodes de gouvernance n’étaient pas les meilleures. Un devoir de mémoire que bien des dirigeants à la surface de la Terre n’ont pas encore fait pour leur propre pays. Plus profondément, est-il besoin d’expliquer à quel point il est ridicule et intellectuellement inepte d’expliquer ou pire de justifier les souffrances actuelles d’un peuple par les méfaits éventuels d’ancestrales méthodes de gouvernance ? L’analyse ne peut se faire que sur des faits qui appartiennent au rapport de force humain actuel. Sauf à considérer que la responsabilité s’hérite et que les victimes restent éternelles. Pourquoi comparer les souffrances d’hier pour passer sous silence celles d’aujourd’hui ?
Le sénateur met sans cesse en avant la personne du Dalaï lama. Il ne parle pas du peuple tibétain d’aujourd’hui, colonisé ou exilé. Il ne parle pas non plus des démarches politiques inexistantes des dirigeants chinois. Voilà pourtant l’essence même de la politique : trouver des solutions en faisant des compromis. Sans cet exercice, elle trouve d’autres moyens d’exister, en se prolongeant dans la guerre… ou la révolte.
TROP TARD POUR LES DROITS DE L’HOMME ?
M. Mélenchon affirme qu’il ne fallait pas donner les Jeux Olympiques aux Chinois. Que s’en plaindre maintenant est inutile. On compte sur lui pour nous transmettre sa déclaration à l’époque, en tant que représentant du peuple français, qui condamnait sans appel cette attribution. Dans le cas contraire, est-il trop tard pour défendre les droits de l’homme ? Ou sommes-nous condamnés à nous résigner lorsque le rapport de force est défavorable ? A nous résigner lorsque les conditions géostratégiques semblent inextricables ?
A quelques semaines de la cérémonie d’ouverture, M. Mélenchon préfère remarquer que « ce qui se fait est une insulte gratuite et injustifiée contre les millions de chinois qui ont voulus et préparent activement les jeux. Pour moi il flotte un relent nauséabond de racisme sur cette marmite !» Les « millions de Chinois », c’est-à-dire, les ouvriers ne bénéficiant pas toujours « activement » des conditions sociales ? Les mingong, qui n’ont aucune protection, ni législation pour eux ? Les Jeux Olympiques seront aussi un très bon moment pour parler de l’état de la société chinoise.
Est-ce être raciste que d’émettre des critiques concrètes sur un pays dans lequel l’oppression existe jusqu’à provoquer le massacre de la place Tian’anmen ? A cet argument précis, beaucoup de commentaires du blog proposent l’idée qu’il faut que la Chine évolue « à son rythme », qu’en France, « tout ne s’est fait en un jour », etc. Certes. A considérer qu’on ne peut faire pression de l’extérieur sur la classe politique d’un pays, l’Apartheid serait toujours en vigueur en Afrique du Sud.
Outre mesure, depuis le temps qu’on nous affirme que les Chinois volent le travail des Français à cause des délocalisations (comme au temps de l’immigration maghrébine, alors que ce qui diminue les emplois, ce sont les machines et la spéculation financière), faut-il s’en étonner ? Où est vraiment l’hypocrisie ? Ne faudrait-il pas plutôt parler des finances et utiliser ce levier ?
ECONOMIE… DE MORALE
Le courageux M. Mélenchon en parle. C’est à peu près la seule remarque audible de son billet : « Si un boycott devait être organisé, dans une logique agressive conséquente, ce n’est pas celui du sport qui est un moment d’ouverture et de fraternisation. Pourquoi pas plutôt celui des affaires et de la finance? Naturellement aucun des activistes mondains actuels ne le propose ni n’entreprend quoique ce soit dans ce sens. Si l’on devait vraiment se facher avec le gouvernement chinois, pourquoi le minimum de ce qui se fait dans les relations normales entre les nations ne se fait-il pas à cette occasion? » L’idée est en effet très bonne ! Mais est-ce vraiment aux « activistes mondains » d’agir ? Ne serait-ce pas aux politiques ? Ne serait-ce pas à M. Mélenchon de se servir de tout son poids d’intrépide sénateur pour faire des propositions en ce sens ? Critiquer les Chinois est inutile ? Très bien, agissez !
Si rien n’est fait, M. Mélenchon sait très bien pourquoi : c’est impossible. Les Etats-Unis n’ont plus les moyens de pénaliser économiquement la Chine, celle-ci finance leur dette et par extension la nôtre. La vraie solution aurait été de voir une troisième force émerger, en situation de moindre dépendance économique, capable d’entretenir une parole politique libre. Cela aurait pu être l’Europe. Sa construction politique étant au point mort depuis 40 ans, ce n’est pas le cas. Et on attend toujours que le sénateur propose un plan B qui fonctionne…
Agir économiquement est donc infaisable. Est-ce une raison pour que l’opinion publique n’ait pas son mot à dire sur la situation au Tibet ? Est-ce une raison pour ne pas défendre une culture qui est menacée de disparition ? Il est assez étrange de voir les contorsions de M. Sarkozy au sujet de sa présence ou non à la cérémonie d’ouverture. Bien que ce symbole soit aussi futile qu’inutile, bien que l’interdiction d’antenne en France de cette cérémonie soit bien plus dommageable pour les autorités chinoises, l’opinion parvient à peser sur ses dirigeants. Il n’y a là pas de pensée unique dictée par l’Etat à la rescousse du Dalaï lama. Les drapeaux tibétains arrachés par la Police française le long du parcours de la flamme olympique en témoignent.
Jean-Luc Mélenchon préfère justifier les répressions policières au Tibet : « Seule l’enquête « d’arrêt sur image » rapporte que les « évènements du Tibet » ont commencé par un pogrom de commerçants chinois par des « tibétains ». Dans quel pays au monde de tels évènements restent-ils sans suite répressive ? » Cet argument était exactement le mêmeutilisé par l’ambassadeur chinois lors d’une émission télévisée sur France 2. Ajoutons qu’une « suite répressive » dans un pays démocratique n’est pas censée faire plusieurs dizaines de morts.
L’HISTOIRE SELON MELENCHON
Reste l’histoire selon M. Mélenchon : un exposé rempli d’imprécisions. Au vu du nombre de fautes d’orthographe parsemant son texte initial (voir annexe 2), on peut excuser le sénateur à ce sujet : débordé de travail, obligé d’écrire à la va-vite, il n’avait sans doute pas le temps de vérifier ses sources. « Cela jusqu’au jour de 1956 où le régime communiste a décidé d’abolir le servage au Tibet et régions limitrophes. Dans une négation des traditions, que j’approuve entièrement, les communistes ont abrogé les codes qui classaient la population en trois catégories et neuf classes dont le prix de la vie était précisé, codes qui donnaient aux propriétaires de serfs et d’esclaves le droit de vie, de mort et de tortures sur eux. On n’évoque pas le satut des femmes sous ce régime là. Mais il est possible de se renseigner si l’on a le coeur bien accroché. L’autorité communiste a mis fin aux luttes violentes entre chefs locaux du prétendue paradis de la non violence ainsi qu’aux divers châtiments sanglants que les moines infligeaient à ceux qui contrevenaient aux règles religieuses dont ils étaient les gardiens. La version tibétaine de la Charria a pris fin avec les communistes. (…) Depuis la scolarisation des enfants du Tibet concerne 81% d’entre eux là où il n’y en avait que 2% au temps bénis des traditions. Et l’espérance de vie dans l’enfer chinois contemporain prolonge la vie des esclaves de cette vallée de larmes de 35, 5 à 67 ans. En foi de quoi l’anéantissement des tibétain se manifeste par le doublement de la population tibétaine depuis 1959 faisant passer celle-ci de un million à deux millions et demi. »
Ce discours est très proche de celui des parlementaires ayant divagué sur les « bienfaits de la colonisation ». Puisque, selon eux, la France a amené la civilisation à l’Algérie, devrait-elle toujours gouverner son territoire ? Sans la France, l’Algérie ne se serait donc jamais modernisée ? Pour quelle raison ? Les Algériens comme les Tibétains en étaient-ils incapables ? Pour rétablir quelque bon sens, voici l’analyse à ce sujet de Katia Buffetrille, tibétologue et ethnologue à l’Ecole pratique des hautes études (extrait d’une interview au Monde par Frédéric Bobin, article paru dans l’édition du 23 mars 2008) :
« Le Parti communiste chinois prétend avoir “libéré” le Tibet de la noblesse esclavagiste. Existait-il un “esclavage” au Tibet avant 1949 ?
Le mot “esclave” est parfaitement impropre. Très schématiquement, on peut dire que le Tibet était une société à strates, très hiérarchisée, dans laquelle existait une séparation nette entre religieux et laïcs. Les laïcs étaient divisés en trois strates : la noblesse, le peuple, la strate inférieure (bouchers, pêcheurs…). Trois groupes seulement pouvaient être propriétaires : l’Etat, le clergé et les nobles. Le terme de “serfs”, appliqué aux paysans, est contesté par certains tibétologues, qui préfèrent celui de “gens du commun” ou “sujets”.
En fait, les paysans, la grande majorité du peuple, étaient héréditairement liés à la terre et devaient des taxes qui étaient versées en argent, en nature, mais la plupart étaient sous forme de travail, essentiellement le travail de la terre. En dépit de cette structure qui peut paraître rigide, il y avait en fait une grande flexibilité. Ces paysans avaient des devoirs mais jouissaient aussi de droits. Les seigneurs n’avaient aucunement pouvoir de vie et de mort sur eux. Il ne s’agissait pas du tout d’un système idéal, mais il n’avait rien à voir avec de l’esclavage.
« Pékin invoque souvent les bienfaits économiques de sa présence. Qu’en est-il ?
S’il est vrai que de nombreux changements ont commencé avec l’arrivée des communistes, il est tout aussi vrai que même sans eux, le Tibet se serait modernisé. Un économiste anglais, A.M. Fischer, a montré combien la croissance, au Tibet, est génératrice d’exclusion, une grande part de la population, principalement les Tibétains, n’ayant pas les moyens de participer à cette croissance. Depuis une cinquantaine d’années, la politique de financement du Tibet par les autorités centrales est motivée par des stratégies militaires et place le Tibet sous la totale dépendance de ces subventions.
Les compagnies de construction viennent généralement d’autres régions de Chine. De plus, les ouvriers sont essentiellement des travailleurs chinois, souvent meilleurs du fait de leur formation. La construction du train reliant les grandes villes de Chine à Lhassa a facilité la venue de nombreux migrants chinois. Par ailleurs, la nécessité de devoir parler couramment le mandarin pour trouver un travail ne permet pas aux Tibétains d’entrer en compétition avec les Chinois sur le marché du travail. Les bénéficiaires de ce boom économique sont les migrants Hans et quelques privilégiés tibétains, ce qui explique l’énorme frustration que ressentent les Tibétains. »
Plus globalement, la pensée de M. Mélenchon reflète une idée selon laquelle le développement matériel d’une société est plus important que la préservation de sa culture et de son identité. Peu importe les souffrances tant que la société progresse en moyenne soit dans une occidentalisation, soit dans une mondialisation « béate »… Peu importe alors les écarts qui se creusent en Chine avec un argument sans cesse répété de l’avènement d’une classe moyenne alors que les disparités sociales deviennent abyssales, les souffrances des plus pauvres intolérables. Peu importe les Tibétains persécutés, puisque le PIB de la Chine s’éveille…
Cette vision ethno centrée est troublante. Il est vrai qu’en France, y échapper tient du miracle, tellement nous avons été habitués à considérer notre système comme le meilleur, héritier des Lumières et naturellement éclairé. Cette propension à donner des leçons de morale peut sembler arrogante. La Chine représente une force économique bien plus en devenir que la nôtre… La France ne représente plus qu’un demi-pourcent de la population mondiale… Mais est-ce une raison pour ne plus rien dénoncer sur le plan politique ? Est-ce une raison pour se coucher devant les tyrannies ?
Si certains profitent du trouble tibétain pour s’afficher, au moins est-ce pour parler d’une cause valable. Par contre, dénoncer la forme d’une omniprésence médiatique en abandonnant le fond est inexcusable. S’il faut sortir d’une vision « droit-de-l’hommiste », est-ce pour oublier les droits de l’homme ? Ceci est une erreur intellectuelle majeure, souvent commise par M. Zemmour, éditorialiste au Figaro.
Terminons par le plus (tristement) drôle, une autre réflexion historiciste de M. Mélenchon : « A propos du Tibet. Le Tibet est chinois depuis le quatorzième siècle. Lhassa était sous autorité chinoise puis mandchoue avant que Besançon ou Dôle soient sous l’autorité des rois de France. Parler « d’invasion » en 1959 pour qualifier un évènement à l’intérieur de la révolution chinoise est aberrant. Dit-on que la France a « envahi » la Vendée quand les armées de notre République y sont entrées contre les insurgés royalistes du cru ? »
Nouvelle précision de Katia Buffetrille :
« Les sources chinoises ne s’accordent pas sur la date à laquelle, selon elles, le Tibet serait devenu une partie intégrante de la Chine. Disons brièvement qu’elles remontent soit à la dynastie mongole des Yuan (1277-1367), soit à celle mandchoue des Qing (1644-1911). Sous les Yuan, une relation très particulière avait été scellée entre des religieux tibétains et Kubilaï Khan, qui allait régner sur l’Empire mongol dans lequel la Chine et le Tibet étaient intégrés au même titre. Il s’agissait d’une relation politico-religieuse entre un maître spirituel et un protecteur laïc dans laquelle le maître donnait enseignements et initiations, et le laïc assurait sa protection et faisait des dons. Les différents protagonistes jouèrent sur l’ambiguïté de cette relation qui se poursuivit, mais de manière beaucoup moins forte, avec certains empereurs de la dynastie chinoise des Ming (1368-1644). Ceux-ci ne considéraient d’ailleurs nullement le Tibet comme une partie intégrante de leur territoire puisque celui qui fonda cette dynastie envoya lors de son avènement une lettre au Tibet, comme il l’avait fait pour les autres pays. Sous la dynastie mandchoue des Qing les relations entre le Tibet et la Chine connurent un changement. Cette relation de maître spirituel à protecteur laïc perdura, mais n’était pas comprise de la même manière par chaque partie. Pour les Tibétains, elle était purement religieuse, alors que les empereurs mandchous, bien que bouddhistes, l’utilisaient afin de se concilier les Tibétains et les Mongols. Cette relation est présentée actuellement comme une relation de subordination par les Chinois et est utilisée pour revendiquer le Tibet. Suite à de nombreux troubles, le pouvoir impérial intervint dans les affaires tibétaines et à partir de 1720, des administrateurs chinois et une garnison furent installés au Tibet.
Au début du XXe siècle, le Tibet devint le centre d’un enjeu géopolitique, notamment dans le cadre du “grand jeu” qui opposait en Asie centrale l’Angleterre à la Russie. Les Britanniques voulaient ouvrir des voies commerciales au Tibet. Ne recevant aucune réponse du gouvernement tibétain, en 1904, ils pénétrèrent au Tibet et parvinrent à Lhassa. Le treizième dalaï-lama s’enfuit en Mongolie puis en Chine. En 1910, peu après son retour au Tibet, la dynastie Qing chercha à prendre véritablement le contrôle du Tibet et envoya une armée. Le dalaï-lama trouva refuge en Inde. L’effondrement de la dynastie Qing en 1911 lui permit de revenir au Tibet et de proclamer l’indépendance de son pays. En 1949, Mao proclama la République populaire de Chine. Il affirma la souveraineté de la Chine sur le Tibet et eut les moyens militaires de l’imposer. En, 1965, la “Région autonome du Tibet” fut fondée et les régions traditionnelles du Tibet - Kham et Amdo - furent définitivement intégrées dans les provinces chinoises du Qinghaï, Gansu, Yunnan et Sichuan. Pour justifier l’ancienneté de leurs liens avec le Tibet, les Chinois évoquent aussi souvent l’alliance entre un monarque tibétain et une princesse chinoise. Il est vrai que Songtsen Gampo, le premier grand roi tibétain, qui régna dans la première moitié du VIIe siècle, épousa une princessse chinoise qu’il avait obtenue sous la menace militaire. Cette princesse, une fervente bouddhiste, fit construire un temple à Lhassa et apporta de Chine une statue de Bouddha que les fidèles continuent d’honorer de nos jours dans le grand temple de Lhassa. Les Chinois exploitent cet épisode pour faire remonter leur influence à une date ancienne alors que le Tibet était à cette époque une puissance considérable très crainte par la Chine. En moins d’un siècle, l’empire tibétain s’était alors taillé un territoire gigantesque allant du nord de l’Asie centrale à la Chine, dont la capitale Xian est même conquise. C’est à ce moment que le bouddhisme est introduit et deviendra religion d’Etat au VIIIe siècle. C’est une période de grand essor culturel et intellectuel que les Tibétains appellent la “première diffusion du bouddhisme”. »
Voilà qui renseignera peut-être le sénateur socialiste au sujet du Tibet. M. Mélenchon en parle comme d’une « théocratie indéfendable ». Défendre le plus fort, dénigrer le plus faible est si aisé… Si nous parlions plutôt de la Chine, comme d’une « dictature néocapitaliste indéfendable » ? Et si M. Mélenchon se décidait à construire l’Europe politique pour vraiment s’opposer au néocapitalisme au lieu de produire des tribunes pour faire parler de lui ? Le jour où la Droite ne produira plus de réactionnaires, la Gauche s’en occupera. C’est chose faite.
LG
Liens pour poursuivre la réflexion :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Tibet
http://www.irenees.net/fr/fiches/analys … se-53.html
http://www.courrierinternational.com/ar … j_id=84316
ANNEXE 1 : QUELQUES COMMENTAIRES SUR LE BLOG DE M. MELENCHON
Voici en annexe, quelques-unes des réactions au billet de M. Mélenchon, postées sur son blog. L’orthographe n’a pas été modifiée, là n’est pas la question. En italique : un commentaire au commentaire.
Lina : Les chinois savent très bien ce qu’il s’est passé à Paris , soit par les témoignages sur internet, soit par la télé, les journaux ou les sites d’info. Ce genre de spectacle n’est pas l’objet de la censure, contrairement à ce que croyez les français, ils sont au courant de tous.
C’est un fait : la censure n’existe pas en Chine. D’ailleurs tout le monde a accès à Internet.
Marianne durand : Merci beaucoup pour cette brèche dans la pensée unique ! je partage entièrement votre analyse et jusqu’à la publication de votre texte, j’avais bien du mal à me faire entendre dans ce concert de bien-pensance. Moi aussi, je suis affligée par cette montagne de préjugés, de mépris et de méconnaissance de la Chine et des Chinois. Je suis allée en Chine à l’automne dernier et j’ai pu mesurer concrètement le décalage entre la perception occidentale, qu’on peut effectivement qualifier de raciste, et la réalité. On se gausse sur les désordres de la vie urbaine dans la capitale chinoise. Moi, j’ai plutôt vu de grandes avenues bordées de pistes cyclables, équipées de cheminements pour handicapés et de souterrains pour traverser. La collecte des déchets y est mille fois mieux organisée qu’à Naples, par exemple. Les parcs et jardins sont innombrables et magnifiques.
Critiquer un régime dictatorial, c’est être raciste ? Il n’y a donc aucun opposant démocrate en Chine au régime néocapitalo-communiste ? Heureusement en tout cas qu’il y a des parcs et jardins innombrables et magnifiques et pas que des places comme Tian’anmen.
Claude Nadjari : Mr. le Sénateur, Consultant sur la Chine depuis 42 ans, diplômé des Langues Orientales en russe et chinois, ancien diplomate à l’Ambassade de France à Pékin et Oulan-Bator (1966-1969) je sillonne ce pays plusieurs mois par an et j’adhère à vos commentaires à 100%. Depuis les “évènements” au Tibet, vous êtes le premier à aller contre le courant médiatique. J’ai moi-même envoyé un article au journal “Le Monde” allant dans votre sens, mais bien entendu n’étant pas dans l’air du temps actuel, il n’a pas été publié! Bravo aussi pour votre interview donnée ce matin à JP Elkabbach: vous avez su imposer vos idées avec vigueur! Pour la plupart des “interviewers” il semble que leurs questions soient plus importantes que les réponses données qu’ils écoutent peu ou pas! Mais vous avez su aller jusqu’au bout de vos idées….et de vos réponses ! Avec ma haute considération
CLAUDE NADJARI Directeur Général de ACN China Consulting
Les « événements »… Niveau vocabulaire, cela ne vous rappelle rien ?
Xiaoyang : “Pour un monde meilleur” — quelques mots d’une artiste chinoise vivant en France
1. Cela fait 1000ans que le Tibet fait partie de la Chine.
2. La Chine est composée de 56 ethnics différentes.
3. Il ne faut pas mélanger les Jeux Olympiques avec la politique.
4. Tout le monde sait qu’en Chine, les Han (la majorité) n’ont le droit d’avoir qu’un enfant ; Est-ce que tout le monde sait que les tibétains ont le droit d’en avoir autant qu’ils veulent ?
5. La Chine est 25 fois plus peuplée que la France, elle n’est sortie d’une société impériale que depuis 50 ans, il est certain que les autorités et les medias ont beaucoup de progrès à faire, mais il est faux de penser que le peuple chinois ainsi que les tibétains vivent dans un enfer pareil à celui décrit par certains medias occidentaux ! En plus, le processus de développement de chaque pays est différent, n’est-ce pas ??
6. Les medias donnent beaucoup la parole aux Tibétains de France, en donnent-ils autant aux Chinois de France ?
7. Il faut laisser aux chinois tracer leur chemin vers la démocratie, et surtout leur en donner le temps. Cette marche vers la démocratie doit venir d’eux-mêmes!
8. Si on veut aider un pays pour construire un monde meilleur, le minimum est d’apprendre puis comprendre que chaque pays a sa propre histoire et son propre chemin.
Tout d’abord, soyons fiers que tous les artistes chinois puissent s’exprimer librement en France et sans aucune menace ou censure. 1. Historiquement discutable. 2. Et alors ? 3. Cela a toujours été mélangé. En 1936 par exemple.4. Avoir beaucoup enfants, c’est mieux en cas de guerre ? 5. Respecter quelque processus de développement, est-ce se condamner au silence ? 6. C’est vrai, surtout que les Tibétains ne nous font signer aucun contrat. Plus sérieusement, le manque d’expression est toujours à déplorer. Pour autant, en France, personne n’est empêché de prendre la parole. 7. et 8. Dans un premier temps, faire de la politique serait bien plus facile. Les dirigeants chinois ne font pour l’instant que l’ignorer et font là une erreur colossale.
Branchi Michel : Bravo M. Jean-Luc Mélanchon pour votre lucide et courageuse prise de position sur l’affaire du Tibet et le boycoot des JO ce matin sur Europe n° 1 face à un Jean-Pierre El Kabach plus pro-impérialisme américain et agressif que jamais dès lors qu’on ne défend pas la “pensée unique”. Il est clair que des milliers de pesrsonnes ont découvert, grâce à vos propos clairs et argumentés, certaines des données de ce probléme complexe, loin de la caricature qu’en donnent les médias occidentaux. Effectivement on se croit revenus aux belles heures des caricatures anticommunistes de la guerre froide. Merci et tenez bon.
Il y a encore un vrai communiste en Chine ?
Clama : Je suis bien trop ignorant de la situation tibetaine pour discerner qui sont les bons et qui sont les méchants. Le le texte de JL Mélenchon est rafraichissant, il va à l’encontre de la “bien-pensance clé en main” qui nous assomme tous les jours.
Il provoque des réactions interressantes et enflammées qui réveillent ce blog. Je ne peux pas juger des faits énoncés dans le texte de JL Mélenchon mais je reconnais sa clairvoyance et sa pertinence dans le contexte actuel. Sans rentrer dans le détail mais pour aller dans le sens de notre sénateur, il est interressant de constater que “c’est dans l’air du temps” de pousser les feux de tous les indépendentismes de façon à morceler les territoires et affaiblir les état nations fortement centralisés. Les exemples commencent à être de plus en plus nombreux. Il y a des théoriciens de la régionalisation du monde, ils sont nombreux aux Etats Unis, en Europe… et peut-être aussi en France…
Une fois de plus, le Tibet ne demande pas l’indépendance, mais l’autonomie. Un règlement politique est donc possible. Quand à la « régionalisation » du monde, si l’Europe a laissé naître le Kosovo au sein d’un pays déjà morcelé (avec un Bernard Kouchner enthousiaste), pourquoi pas laisser tranquille le Tibet au sein d’un pays-continent ?
Anonyme : Reflechissez a notre place!
Si vous etiez prets d’organiser un JO apres avoir attendu dizaines annees, et quelqu’un fesait expres de vous embeter, vous seriez contents?
C’est vrai ça, ces Tibétains ils font exprès d’attendre les JO après avoir été colonisés des dizaines d’annéespour embêter tout le monde…
OD4 : Voici une tres bonne analyse, bien argumentee et osant aller a contresens de la norme de pensee que l’on nous impose en ce moment. Residant en Chine depuis quelques annees et connaissant qq journalistes correspondants de nos grands quotidiens, je peux vous assurer que la plupart de leurs papiers relevent d’un amateurisme certain (presence en Chine depuis trop peu de temps, aucune connaissance du contexte politico-historique et a la solde de leurs superieurs parisiens leur ordonnant de pondre des articles dans un sens bien precis).
Tout à fait, ces journalistes ignorants, on devraitles mettre en prison.