Le prochain jeu de Matt Leacock, auteur de pandémie, s’attaque au changement climatique. Extrait d’un article de polygon :
“Les joueurs joueront le rôle de la Chine, de l’Europe, des États-Unis ou d’une coalition d’autres nations désignées dans le jeu sous le nom de « Global South ». Lorsqu’une partie de Daybreak commence, la température de la Terre est relativement basse. Puis, de la même manière que les cubes de maladie ont commencé à s’accumuler dans Pandemic, la température commencera à augmenter dans le monde entier. Des crises commenceront également à apparaître - la sécheresse s’installera, des feux de forêt éclateront et le niveau des mers augmentera - et l’intensité de ces crises sera aggravée par la hausse des températures mondiales. « Chacune de ces puissances a des capacités différentes », a déclaré M. Leacock. « Les États-Unis sont peut-être très bons en matière de recherche et de développement. La Chine peut avoir un meilleur contrôle sur son économie - un contrôle direct - et ainsi de suite. […] Vous avez cette responsabilité mondiale de trouver comment contribuer d’une manière ou d’une autre. Si vous ne le faites pas, si l’un de ces joueurs a trop de personnes en crise, vous perdez tous collectivement la partie. » Ensemble, les acteurs devront partager leur énergie entre l’atténuation et l’adaptation. D’une part, l’atténuation empêche les émissions de carbone de se retrouver dans l’atmosphère, faisant ainsi baisser la température de la Terre au fil du temps. L’adaptation, quant à elle, consistera davantage à renforcer les infrastructures et la société elle-même contre les dommages que la hausse des températures mondiales entraînera. Exemple d’un système national de purification de l’eau comme exemple d’adaptation. S’il ne rendra pas la planète plus froide, il permettra à un pays de faire face à une sécheresse et de maintenir une plus grande partie de sa population hors de la crise. La géo-ingénierie, quant à elle, représente une forme très radicale d’atténuation. En pulvérisant du soufre dans l’atmosphère, les chercheurs pensent que nous pourrions abaisser considérablement la température de la planète. Mais l’impact de la géo-ingénierie sur la vie végétale et animale - et les populations humaines qui en dépendent - est inconnu. M. Menapace a déclaré que le risque pouvait être représenté dans le jeu en tirant davantage de cartes du jeu de crise à chaque tour. Bien sûr, s’asseoir devant une partie de Pandemic est très différent aujourd’hui qu’en 2007. Daybreak sera-t-il capable de remporter le même succès lorsqu’il abordera un sujet aussi immédiat que le changement climatique ? Leacock et Menapace sont convaincus que oui.”
Biz20100 dit : Etant très versé dans les sujets energie-climat, content que le monde du jeu s'y penche.
C'est sûrement l'une des problématiques du monde du jeu aujourd'hui : une certaine difficulté à sortir d'un "carcan" purement récréatif. Pouvoir créer des jeux mécaniquement abouti mais porteur de messages, ça reste exceptionnel. Pourtant, ça se fait dans la plupart des milieux culturels et artistiques. Il existe une sorte de "barrière" qui fait que ceux qui pensent que le jeu ne peut avoir qu'une portée "récréative" sont assez majoritaires. Mais c'est en train de changer et des auteurs essayent de plus en plus d'intégrer des thématiques plus "adultes" dans leurs jeux. Ca va prendre un peu de temps, mais ça va se faire. Ce genre de projet est plutôt intéressant et montre que c'est possible.
Peut-être aussi que la plupart des joueurs jouent pour s’évader et oublier un peu toute la m… qui les entoure ! J’avoue que jouer à Pandémie en ce moment, je n’en ai pas vraiment envie !
Je sais pas, moi j’aime bien les thèmes sérieux. Pandémie justement, ou freedom le chemin de fer clandestin; this war of mine; voir matiné de fantaisie comme spirit island.
This War of Mine est excellent ! Mais je n’y jouerai pas avec des déprimés ou des réfugiés d’un pays en guerre, ou même avec un pote qui a fait la Yougoslavie au moment où ça ch… pas mal !
Moi aussi, ça m’intéresse, et j’ai d’ailleurs hâte de jouer mon premier Freedom (failli juste avant les vacances mais… plus tard).
Par contre à te lire j’ai l’impression que c’est un coop’ pur, notamment car si un joueur perd tout le monde perd (reste à voir si quelqu’un gagne « plus que les autres », en cas de victoire) ; on risque pas de passer à côté des principales raisons de la situation réelle ?
J’dis ça j’ai pas suivi ton lien, hein ; mais projet à suivre dans tous les cas, pour ma part. Merci.
Je ne crois pas à l’efficacité de ce genre de démarches quand elles sont « militantes » ou pire opportunistes. C’est, à mon avis, aussi inutile que les jeux éducatifs. Ensuite, si cela vient naturellement, ou comme inspiration de la mécanique, pourquoi pas. Cela peut faire un bon jeu.
Mais je n’ai pas forcément envie de jouer à un jeu qui me rappelle qu’à échéance de quelques décennies les survivants seront dans la panade.
jmguiche dit : Mais je n’ai pas forcément envie de jouer à un jeu qui me rappelle qu’à échéance de quelques décennies les survivants seront dans la panade.
C'est pourtant un super jeu familial !
"Vous voyez mes enfants, on a tous perdu et donc nous allons tous mourir... exactement comme dans la vraie vie ! On vous laisse une planète que l'on a bien pourri, bon courage... mais on vous aime très fort !"
Les wargames sont dans leur genre un bon exemple de systématisations de conflits réels de toutes époques qui permettent de comprendre les enjeux, les mécanismes qui entraînent les situations de combats, leur gestion, leurs conséquences avec souvent des scénarios alternatifs.
Un très bon jeu de simulation de gestion de crise pré seconde guerre mondiale m’avait beaucoup marqué à une époque déjà ancienne : days of decision.
Dans le domaine du sauvetage de la planète, on entre dans une autre dimension.
Et là encore, il y a déjà des précurseurs. Je pense notamment à Vertigo, un des premiers jeux où il fallait essayer de ne pas faire perdre tout le monde en ne polluant pas complétement la Terre.
Mais, car il y a toujours un mais, créer ce type de jeu suppose pour les auteurs une grande connaissance des phénomènes physiques, géologiques, climatiques et géopolitiques tout en étant capable de synthétiser l’ensemble en mécanismes permettant une approche un tant soit peu crédible, surtout si on a une visée militante ou pédagogique.
Et là, je me demande juste s’il existe un moyen dans le jeu de gagner la partie.
Et dans l’affirmative, si la simulation ludique est réaliste, dans quelle mesure les solutions trouvées par les joueurs peuvent elles se réaliser dans le monde réel.
Mais aussi, s’il y a une voie vers le succès, celle ci n’est pas guidée plus par des intérêts doctrinaux ou militants que par des avis d’experts reconnus.
Et donc, dans la mesure où le hasard a une portée limitée dans l’orientation de la partie, la collaboration des joueurs n’entraîne pas une victoire prévisible une fois la courbe d’apprentissage terminée.
D’autre part, il faut toujours un coupable à une situation de crise. En jouant des organisations de grand états ou continents, dotés des leviers économiques et politiques, alors contre qui lutte-t-on ?
Tout cela est bien délicat pour juger d’un jeu qui n’est encore qu’un projet. Alors est-il en fait opportuniste ou sincère ? Quel sera son degré de profondeur ?
Donc pourquoi pas. Mais au final, effectivement, qui aura envie de jouer à un tel jeu ?
Je regarderai ce qui existe dans les serious games voir s’il existe quelque chose d’approchant.
A la lecture du blog, je confirme : - que c’est du full coop - que c’est sincère - que c’est realiste par rapport aux connaissances scientifiques; en simplifié bien sur - que c’est irrealiste et assumé au niveau de la politique (tout le monde s’allie)
Sur le côté qu’est ce qui est l’antagoniste : il faut gérer à la fois la baisse de ses émissions avec le fait de monter sa résilience face aux catastrophes climatiques pour resister aux événements. Les joueurs gagnent la partie si le monde est en neutralité carbone (autant de carbone emis qu’absorbé) et survit aux événements de fin de tour. Les joueurs perdent si un des joueurs a trop de population en difficulté. Population en difficulté si évènement climatique sans résilience et si les besoins en énergie ne sont pas atteints.
jmguiche dit : Mais je n’ai pas forcément envie de jouer à un jeu qui me rappelle qu’à échéance de quelques décennies les survivants seront dans la panade.
C'est pourtant un super jeu familial !
"Vous voyez mes enfants, on a tous perdu et donc nous allons tous mourir... exactement comme dans la vraie vie ! On vous laisse une planète que l'on a bien pourri, bon courage... mais on vous aime très fort !"
Biz20100 dit :A la lecture du blog, je confirme : - que c’est du full coop - que c’est sincère - que c’est realiste par rapport aux connaissances scientifiques; en simplifié bien sur - que c’est irrealiste et assumé au niveau de la politique (tout le monde s’allie)
Sur le côté qu’est ce qui est l’antagoniste : il faut gérer à la fois la baisse de ses émissions avec le fait de monter sa résilience face aux catastrophes climatiques pour resister aux événements. Les joueurs gagnent la partie si le monde est en neutralité carbone (autant de carbone emis qu’absorbé) et survit aux événements de fin de tour. Les joueurs perdent si un des joueurs a trop de population en difficulté. Population en difficulté si évènement climatique sans résilience et si les besoins en énergie ne sont pas atteints.
Si c'est irréaliste, a quoi ça sert? A montrer que si tout le monde il était beau tout le monde il était gentil, le monde irait mieux?
Pour l'aspect scientifique, ça prend en compte l'inertie énorme, de plusieurs décennies entre actions et conséquences ?
Il y a eu des pandémies avant la sortie du jeu Pandémie du coup je ne vois pas le problème de ce jeu sur le changement climatique…
A l’oppose Évolution retranscrit certaines choses concernant l’évolution et pourtant est irréaliste sur d’autres (déterminisme…) parce que…c’est un jeu…
Donc simplifié et ludique…ou est le problème ?
c’est du militantisme ? autant que Pandémie…du coup…
Si tout le monde était beau et gentil le monde irait mieux …il y a vraiment besoin de le démontrer … ou alors c’est tellement utopique que tu ń arrives pas à te faire à l’idée ?
Si c’est irrealiste à quoi ça sert —> je considère pas que terraforming mars ou pandemie soient réalistes, pourtant ce sont de bons jeux. mais les auteurs se posent aussi ces questions à vrai dire, cf passage traduit ci dessous de : DAYBREAK
Les pays du Nord devraient montrer la voie en décarbonisant tous les aspects de leurs économies et utiliser leurs pouvoirs financiers et technologiques pour soutenir une transition juste dans le monde entier. Au lieu de cela, on assiste à une adaptation musclée : on se vante de plans visant à améliorer les infrastructures et à renforcer la réponse aux catastrophes, tout en ignorant la cause première, qui est (il faut le répéter) l’accumulation des émissions de carbone. C’est la logique de l’adaptationnisme musclé : puisque les causes ne sont jamais traitées, les symptômes qui se multiplient doivent être écrasés avec une force accrue, accompagnée d’une rhétorique de la puissance militaire et nationale qui peut maintenir un semblant de normalité sûre.
Dans Daybreak, les catastrophes peuvent rapidement devenir incontrôlables. À moins d’avoir développé une certaine résilience, vous ne serez pas en mesure de les supporter. La plupart des joueurs identifient ce problème après avoir perdu un match. Donc la résilience, c’est-à-dire l’adaptation, c’est-à-dire la protection des gens, est essentielle pour éviter de perdre la partie. Mais construire une forteresse autour de vos propres communautés ne sera pas d’une grande aide, si vous ne soutenez pas les joueurs plus vulnérables : si quelqu’un se retrouve avec 12 communautés en crise, tout le monde perd la partie.
Dans un monde interconnecté, nous ne sommes aussi forts que le plus faible (joueur).
Parfois, je me demande si Daybreak n’est pas trop utopique, presque délirant. Quel est l’intérêt d’un jeu ancré dans la science du climat, mais dont la couche géopolitique semble être une pure fiction ? Eh bien, en ces jours sombres, me rappeler que le soleil est toujours là, même si je ne peux pas le voir, peut aider à empêcher mon humeur de s’enfoncer davantage dans l’obscurité. Le but de ce mélange ludique de climatologie, de technologie, de politique et d’internationalisme est peut-être de nous rappeler que tout cela est possible. Si nous pouvons l’imaginer, nous pouvons y arriver.
J’ai été sélectionné pour tester et faire tester le proto en ligne (tabletopia…), est-ce que ça en intéresse certains ? C’est en anglais les règles sont bien avancées et puis c’est matt leacock donc nul doute que des non allergiques aux jeux coop passeront du bon temps.
Je te rejoins sur les points que tu cites. La " transition énergétique" est une jolie fable qu’on nous raconte pour ne pas à avoir à changer de modèle de société. Je suis curieux de voir les mécanismes mis en place, la part d’aleatoire et content il va différencier les différentes nations, la rejouabilité.
En tout cas un grand bravo à M. Leacock pour s’être lancé dans ce projet.
Un petit à côté, dans ce genre il y a aussi Terristories de Bioviva issu d’un serious game du Cirad utilisé dans la vraie vie pour faire réfléchir des populations sur le partage des ressources et l’aménagement du territoire…