Tu me sollicite sur la question alors je vais en reparler plus précisément, mais je ne croit pas qu’il existe de solution sauf à passer par une modération structurée et quotidienne qui interviendrais bien en amont du moment où il te semble nécessaire de rentrer dans le lard, et c’est quelque chose que tu as dis ne pas souhaiter mettre en place, à mon grand regret. Je n’insistais plus trop là dessus puisque tu avais été assez clair sur ce refus.
Car une fois arrivé à cette étape de rentre-dedans il se produit assez invariablement une situation de ping-pong dans laquelle la motivation à répondre n’a plus de lien avec le sujet de départ, mais se situe dans le contenu de la dernière réponse rentre-dedans de l’interlocuteur. Et s’il se met soudainement à changer de registre et à ne plus nous rentrer dedans, on a accumulé bien assez de ressentiment pour continuer et lui redonner la motivation de nous rentrer dedans. C’est sans fin, et c’est le mécanisme habituel et tristement banal d’escalade des conflits, et c’est ce que vise à enrayer une équipe de modération.
Les avantages d’une équipe de modération par rapport à ta méthode (je ne dis pas que tu n’a pas toute légitimité à préférer ta méthode, simplement j’essaye de bien définir les avantages et les inconvénients), c’est que le modérateur peut se positionner de manière neutre et sans prendre part au conflit, il peut laisser s’exprimer chacun en recadrant sa façon de le faire lorsque c’est problématique et en faisant cesser les répétitions (“on a compris, merci de ne pas revenir à nouveau dessus”). Avec ta méthode, tu es mécaniquement identifié comme prenant part au conflit, en tenant des propos rentre-dedans, ce qui va l’exacerber et provoquer une nouvelle charge de ressenti.
Le modérateur peut intervenir bien avant que les choses dégénèrent et en couvrant tout le champs du forum (si l’équipe de modération est correctement dimensionnée par rapport au forum concerné), ce qui laissera qu’assez peu de ressenti (c’est jamais très agréable de se faire modérer, mais si c’est fait avec le plus de justesse possible ce sera toujours moins énervant que de se faire rentrer dedans en boucle).
Il dispose aussi d’outils techniques pour empêcher l’escalade lorsque quelqu’un va clairement au conflit : ban temporaire, définitif, scission en deux sujets lorsqu’un sujet pertinent parasite néanmoins un autre, éditions de propos visant à énerver des interlocuteurs pour éviter que ces derniers, justement, s’énervent et deviennent, malheureusement, eux aussi contributifs à ce que les choses dégénèrent, et j’en passe.
Après, c’est un outil délicat à manier. Il y a risque de se tromper, de trop modérer quelqu’un, pas assez un autre. L’équilibre est extrêmement ardu. Cependant, avant d’en arriver à générer autant de ressenti que n’en génère, à mon sens, ta méthode, il y aurais sans doute pas mal de marge.
C’est aussi quelque chose de compliqué à mettre en place : sur un forum de cette taille, il faut pas mal de monde, mettre en place des chartes, des façon de fonctionner homogènes, trouver assez de bénévoles motivés pour chacune des sections et ayant la possibilité d’acquérir les compétences requises pour modérer correctement, avoir des gens compétent et de confiance supervisant le tout, toujours bénévolement. Sur un des meilleurs forums en terme de fonctionnement de la modération que j’ai fréquenté, il y avais même une médiation de la modération, chargée d’examiner les plaintes des utilisateurs lorsqu’ils trouvaient une modération injuste. De façon surprenante, ils recevaient à l’époque relativement peu de demandes (pour un forum beaucoup plus fréquenté que celui de TT), et pratiquement toutes étaient fondées. La simple possibilité de la démarche évitait la plupart des abus de modération, et ça contribuait à la bonne ambiance de savoir que cet outil était disponible en cas de besoin.
L’autre “désavantage”, c’est qu’il ne serais plus possible d’avoir des joutes verbales à base de rentrer dans le lard comme tu les aime. Cela dis, une section consacrée à cela permet de s’y amuser comme on réserve certains espaces à un bon pogo lors de concerts. De façon encadré, et sans que ça parte en bagarre de rue.
Tu me demande par exemple ce que la “sagesse” te ferais répondre lorsque ThierryT te dis “désolé de ne pas t’avoir demandé l’autorisation d’ouvrir un site.” Je pense que la “sagesse” consiste sans doute à dire que la question ne devrais avoir aucun sens, parce que ThierryT ne devrais pas voir lu des sous-entendus concernant la création de son site, parce que tu n’aurais pas vu tout ce parasitage de discussion qui te fait te poser des questions, parce que ces personnes n’auraient pas un tel ressentiment, parce que tu ne leur serait pas rentré dans le lard, parce qu’ils n’auraient pas eu de comportement problématique, parce que les discussions seraient toujours restées raisonnables depuis le début.
A chacune de ces étapes, il y a des éléments méritant une modération, et c’est l’accumulation de tous ces éléments, venant de tout le monde, et je pense bien toi y compris dans une certaine mesure dont il faut prendre compte, qui contribue à ce que les choses aient autant dégénérées. La “sagesse” consiste peut être à dire que dès le départ la situation était foutue et qu’il faut intervenir à cet endroit là avec une modération structurée, plutôt qu’a chercher ce qu’il faut répondre quand les choses sont déjà au delà de toute raison.
Après, ce ne serait pas une solution miracle, il faudrait du temps pour le mettre en place et en ressentir les effets, et ça n’aurait pas d’influence sur les ressentiments déjà engrangés. Tu risquerais par exemple de te faire autant modérer que les personnes problématiques à tes yeux dans un premier temps, parce que les habitudes de registres de discussions sont déjà en elle même problématiques, et qu’il faudrait un temps d’habituation à restaurer du respect et de la mesure dans la communication par défaut.
Sans cela, et c’est parfaitement ton souhait de ne pas le faire et de préférer ta méthode, il restera néanmoins nécessaire de ne pas se mentir en pensant que tu es la cible d’une malveillance injuste à laquelle tu n’est en rien contributif.