[Philosophie] De la définition du jeu dit "moderne".

Modération : se trouve ici une discussion intéressante depuis le topic Exemplaires vendus où ça discute de la modernité ou non de quelques jeux, avec notamment XavO qui argumente que Les Aventuriers du Rail n’est pas nécessairement un bon représentant des “jeux modernes”.
La suite ici dans un topic dédié sur demande de la communauté. 


@XavO : peut être que tu peux expliciter les prérequis qui de ton point de vue sont nécessaires pour être « un jeu moderne ».
Ce qui fait que Les Aventuriers du Rail n’en serait pas un c’est :
 - le fait qu’un événement aléatoire (tirage de ticket) qui intervient au démarrage de la partie ait a ton sens trop d’impact sur le résultat ?
 - le fait que l’aléatoire global dans le jeu (indépendamment du fait qu’il intervienne au début, en cours ou en fin de partie) ait à ton sens trop d’impact sur le résultat ?
 - le fait d’avoir l’impression que t’es choix en cours de partie sont trop limités ?
 - autre ?

Ou si tu as d’autres exemples parlant d’un jeu « moderne » qui selon tes critères n’en serait pas un.

Je demande des précisions car pour moi il y a énormément de jeu dit « modernes » avec une part de hasard impactant le résultat bien plus élevée que LAdR, je me demandais s’il y a un détail spécifique à ce jeu qui le ferait sortir de cette appellation « moderne » ou si c’est bien un critère large et que du coup beaucoup d’autres jeux pourraient être sortis aussi.

Par exemple si tu connais le jeu, est ce que pour toi Race for the Galaxy serait un jeu moderne de ce point de vue ?

Pour répondre à ta question, à ma connaissance, les jeux de société dits modernes sont apparus sous ce vocable en France sous la plume de Ludo Le Gars en 2002 sur son blog. Il les a défini ainsi : jeux où « on contrôle ce que l’on fait et on joue maximum 2 heures ».

Tu noteras tout de suite que plein de jeux ne rentrent pas dans cette catégorie, comme de bons gros jeux kubenbois qui vont dépasser les deux heures. Hase und Igel de 1979 (de mémoire) rentre lui pleinement dans la définition… donc elle n’est pas simple du tout ta question. 

Je trouve que, de façon générale, avec les jeux, les catégories ne résistent pas deux minutes et plus le temps passe moins elles tiennent car des hybrides apparaissent. Je pense qu’il faut plutôt le penser en terme de courants. Plus haut, j’ai plus utilisé ce qualificatif pour me faire comprendre que pour mettre tel ou tel jeu dans une case. Je n’ai pas de définition précise du jeu moderne. Quand le terme apparait, il s’agit essentiellement de qualifier des jeux influencés par les jeux allemands qui arrivent chez nous depuis quelques années. Cette qualification vise surtout à les distinguer des jeux de la grande distribution type MB/Hasbro/Mattel ou des jeux des boutiques spécialisés nommés jeux de plateaux/de simulation. Les jeux allemands sont marqués par moins de conflits, moins de hasard, moins de thème et une durée maitrisée (il y a plein de contre-exemples hein, c’est le principe des courants) comparativement aux autres jeux. LADR avec ses tours de pioches, sa durée, son hasard des tirages, ses déclinaisons commerciales, … me fait plus penser à un bon vieux jeu de supermarché qu’à un jeu sous l’influence de l’école allemande ou simulationniste.

Pour répondre à ta question, à ma connaissance, les jeux de société dits modernes sont apparus sous ce vocable en France sous la plume de Ludo Le Gars en 2002 sur son blog. Il les a défini ainsi : jeux où « on contrôle ce que l'on fait et on joue maximum 2 heures ».

J'ai un gros doute là dessus bien que je ne sache pas de quand date cette expression ni par quel biais  elle nous est parvenue.
​​​​​J'ai plutôt l'impression que la définition la plus utilisée désigne d'une part les productions post 70 type ludodélire et descartes en France, et plus particulièrement la vague post Catane de 95 à nos jours. En parlant des jeux hors circuit des hypermarchés.
 

Rodenbach dit :

Pour répondre à ta question, à ma connaissance, les jeux de société dits modernes sont apparus sous ce vocable en France sous la plume de Ludo Le Gars en 2002 sur son blog. Il les a défini ainsi : jeux où « on contrôle ce que l'on fait et on joue maximum 2 heures ».

J'ai un gros doute là dessus bien que je ne sache pas de quand date cette expression ni par quel biais  elle nous est parvenue.
​​​​​J'ai plutôt l'impression que la définition la plus utilisée désigne d'une part les productions post 70 type ludodélire et descartes en France, et plus particulièrement la vague post Catane de 95 à nos jours. En parlant des jeux hors circuit des hypermarchés.
 

En fait, j'ai fait une recherche approfondie de l'antériorité de cette appellation il y a quelques années maintenant pour un article sur Ludigaume. C'est pour cela que je peux la dater et l'attribuer à Ludo. Je n'ai trouvé personne qui en parle avant (en français). Après, j'ai pu louper quelques choses, je ne suis pas historien du jeu !
Il me semble clair que les jeux type Descartes (sauf leur période allemande avec Samurai ou El Grande) et Ludodélire ne rentrent pas là-dedans : on les trouvait chez nos revendeurs de JDR/FIG (et plus tard de cartes à collectionner) sous l'appellation jeux de plateaux/simulation. Certes, il n'y a pas un gramme de hasard dans FMP par exemple, un système de points d'action et un temps maitrisé pour une partie mais comme dit plus haut, je parle de courant, pas de catégories. Le jeu est très "moderne" mais n'a pas été qualifié de jeu moderne.
Je suis par contre complétement d'accord avec toi sur la vague allemande et le rôle de Catan (on pourrait aussi citer Knizia). C'est suite à la diffusion du jeu allemand que l'appellation est apparue.

Si je prends les exemples de supergang, formule dé ou SHDC ou Cosmic encounter, ça viendrait à personne l’idée de ne pas les qualifier de jeux modernes, pourtant (enfin pour supergang je sais pas…)

Je pense que si tu demandes à Croc il te dira ce que ça a commencé avec peaux rouges contre longs couteaux…

Rodenbach dit :Si je prends les exemples de supergang, formule dé ou SHDC ou Cosmic encounter, ça viendrait à personne l'idée de ne pas les qualifier de jeux modernes, pourtant (enfin pour supergang je sais pas...)

Je pense que si tu demandes à Croc il te dira ce que ça a commencé avec peaux rouges contre longs couteaux...

Pour ma part, je pense que ça viendrait à pas mal de monde l'idée de ne pas les qualifier de jeux modernes si on considère que cela correspond aux jeux influencés par l'école allemande. Formule Dé a un côté simulationiste et c'est long. Je le laisserai dans la famille des jeux de simu à thème fort. Cosmic Encounter est un pur produit américain avec un thème trés présent et des combats. Supergang, je ne m'en souviens pas assez ! 

Mais bon, je ne suis pas historien du jeu et effectivement ça se discute. A rebours, on pourrait rentrer pas mal de jeux dans la catégorie des jeux modernes même si la qualificatif n'existait pas quand ils sont sortis. 

Je n'ai pas joué à Peau rouge contre long couteaux mais je ne sens pas trop l'influence allemande... combats, lancer de dés, thème... pour moi c'est du jeu à l'ancienne. A ce rythme là, on va y mettre les échecs et l'awale !

Formule dé simulationniste, t’y va un peu fort quand même ! ça se joue aussi facilement que les petits chevaux (merde c’est pas un jeu moderne ça surprise)

D’ailleurs, petit aparté, l’autre jour j’étais quelque peu atterré d’entendre une collègue annoncer qu’elle allait offrir une malette de jeux avec les petits chevaux et tout ça, parce que “c’est trop bien”…

Je n’ai pas dit simulation, j’ai dit simulationiste. Ça mime le réel.

Je vois pas en quoi le fait d’être simulationniste est anti moderne, c’est un style de game design qui a ses aficionados. Même si beaucoup de jeux simulationnistes sont des vieilleries :grin:
D’ailleurs ça me semble un peu périlleux de decoréler simulation et simulationnisme même si je pense avec compris où tu voulais en venir.

mais je ne pense toujours pas que formule dé soit simulationniste, et si je te suis à ce moment Wallace est simulationniste et n’est pas non plus moderne. C’est ta position sur Wallace, pour que je comprenne ?

Un jeu comme Empires of the Ancient World de Wallace me semble clairement dans cette tendance oui. 

Après comme je l’ai dit plus haut, on va trouver des tonnes de contre-exemples et d’hybrides. Je parle de courants, pas de catégories. Un jeu peut très bien être influencé par plusieurs courants.

Ce que je raconte c’est ma lecture de ce qu’il s’est passé dans les années 90 en France. A l’époque on allait en boutique acheter des jeux de plateaux/simulation et la tendance était à la brouette de dés et des mécanismes qui collent au thème (simulationiste). Ou alors on allait au supermarché acheter des classiques ou des jeux grands publics. Il s’est passé quelque chose à cette période : un nouveau style de jeux s’est imposé issu de la “ludiculture” allemande. Oui il était déjà présent dans certains titres, mais début 2000, ça a vraiment explosé. L’appellation jeux modernes cherchent à qualifier ce changement. Cela ne vise pas à dire si tel ou tel jeu est moderne ou pas.

Je vois ce que tu veux dire.

je trouve cette vision étriquée et très centrée sur la France ou l’Allemagne . Ou trop centrée sur le marché / le public , plutôt que sur le médium lui-même. 

Indépendamment de sa présence en supermarchés ou en boutiques , le jeu moderne pour moi ça démarre avec la reconnaissance du métier d’auteur , dans les années 60 avec Sackson & Randolf (Twixt, Acquire). 

On a ensuite la grosse vague moderne 70s-80s de jeux 
Ameritrash (Cosmic, Junta, Dune, Civ, fief, survive, Talisman, Fireball , FMP, HQ, spaceHulk, T:I) , ou pas (SHDC, Scotland y , Labyrinthe…)

Catane c’est beau certes, mais la révolution était déjà en marche bien avant. Pour moi 1995 c’est plutôt le début d’une période contemporaine avec l’essor des Eurogames (El grande, T&E, tikal, Puerto…) , et des jeux coopératifs (lotr, pandemic…). 

c’est dans cette période contemporaine que l’on observe l’explosion du marché du j2s et sa casualisation (party games…)

Pour moi l’appellation jeu moderne est pertinente si l’on parle d’évolution du jeu en lui même , des mécaniques , etc. Surtout pas de son marché ou de son public (phénomènes trop dépendant d’autres paramètres  économique,  politique,  ou societal, mondialisation toussa)

Je partage assez cette vision et en particulier celle de l’ère contemporaine (cette idée a popé dans ma tête il y a quelques jours mais j’ai pas pris le temps de pousser la réflexion donc merci à toi de l’exposer)

Édit : j’en venais à cette réflexion car je remarquais qu’il y avait parfois de la confusion quand on parle de jeux datés, pour moi il faut décorréler (j’aime bien décorréler) le sentiment de vieillissement d’un design de son appartenance à une ère ou un mouvement.

C’est marrant ça. Moi aussi, j’aime bien ce mot. Souvent, je dis à AtomVal " Tu vas voir toi, je vais te décoreller" (En tout bien tout honneur évidemment). 
Et c’est moi qui perds :joy::grin:

Rodenbach dit :Formule dé simulationniste, t'y va un peu fort quand même ! ça se joue aussi facilement que les petits chevaux (merde c'est pas un jeu moderne ça surprise)

D'ailleurs, petit aparté, l'autre jour j'étais quelque peu atterré d'entendre une collègue annoncer qu'elle allait offrir une malette de jeux avec les petits chevaux et tout ça, parce que "c'est trop bien"...

J'espère que tu es intervenu. T'aurais sauvé un gosse. 

Alfa dit :je trouve cette vision étriquée et très centrée sur la France ou l’Allemagne . Ou trop centrée sur le marché / le public , plutôt que sur le médium lui-même. 

Indépendamment de sa présence en supermarchés ou en boutiques , le jeu moderne pour moi ça démarre avec la reconnaissance du métier d’auteur , dans les années 60 avec Sackson & Randolf (Twixt, Acquire). 

On a ensuite la grosse vague moderne 70s-80s de jeux 
Ameritrash (Cosmic, Junta, Dune, Civ, fief, survive, Talisman, Fireball , FMP, HQ, spaceHulk, T:I) , ou pas (SHDC, Scotland y , Labyrinthe…)

Catane c’est beau certes, mais la révolution était déjà en marche bien avant. Pour moi 1995 c’est plutôt le début d’une période contemporaine avec l’essor des Eurogames (El grande, T&E, tikal, Puerto…) , et des jeux coopératifs (lotr, pandemic…). 

c’est dans cette période contemporaine que l’on observe l’explosion du marché du j2s et sa casualisation (party games…)

Pour moi l’appellation jeu moderne est pertinente si l’on parle d’évolution du jeu en lui même , des mécaniques , etc. Surtout pas de son marché ou de son public (phénomènes trop dépendant d’autres paramètres  économique,  politique,  ou societal, mondialisation toussa)
 

Cette approche a plusieurs défauts majeurs selon moi :
1/ tu éludes la dimension économique (marché/public) sous prétexte que ce serait "dépendant d’autres paramètres" alors que cet argument peut s'appliquer à tout et n'importe quoi. Je pense au contraire de toi qu'il faut replacer la production ludique dans un contexte plus large et ne pas se focaliser sur les caractéristiques d'un jeu : ce serait pour le coup une vision vraiment étriquée et pas du tout historique. Les jeux développés dépendent du public, des circuits de distribution et de tonnes d'autres paramètres sociétaux et c'est aussi ce qui en fait un produit culturel. D'ailleurs le fait de rendre compte de l'auteur d'un jeu, ce qui serait la caractéristique des jeux modernes selon toi, est très en lien avec la dimension économique. 
2/ avec ta définition on peut mettre énormément de jeux dans la catégorie des jeux modernes : du JDR, du wargames, du kubenbois, de l'ameritash... tout ce qui a un auteur. Ainsi, on ne distingue plus aucun courant, aucune rupture. C'est intéressant de relever cette caractéristique des jeux apparue après guerre mais ça n'a rien à voir avec ce pourquoi on a qualifié certains jeux de jeux modernes.
3/ tu refais l'histoire car tu fais remonter à 40 ans plus tôt une appellation apparue autour du changement de siècle et qui a eu pour volonté de décrire un type de jeux sous influence germanique. Personne ne dit d'ailleurs que certains jeux n'avaient pas déjà les caractéristiques des jeux modernes au sens où je le décris. Ton point de vue centré sur le jeu est logique et cohérent mais ce n'est pas de ça dont il s'agit. J'ai l'impression que tu essayes de redéfinir après coup ce que nous avons voulu mettre derrière ce terme à l'aube du XXIe siècle. Je dis nous parce qu'à l'époque j'écrivais déjà sur le sujet, comme Ludo Le Gars, et d'autres. Il s'est passé quelque chose dans la production ludique à ce moment-là et cela ne date pas du milieu du XXe. Je n'en parle pas comme un spécialiste mais comme un témoin. Je ne dis pas que le terme était bien choisi ou même bien défini mais simplement qu'il s'agissait de marquer une rupture avec les jeux de nos boutiques de rôlistes (celle avec les jeux de supermarché étant depuis longtemps consommée). Le terme "Jeux modernes" voulait décrire ce mouvement.

Là où je suis d'accord, c'est que ce que je décris est trop centré sur l'Europe. Ailleurs je ne sais pas trop ce qu'il s'est passé.

Ce que tu décris XaVo , quand tu parles de jeux modernes,  ce n’est pas le type de jeu , mais la maturité du marché. 

Ne faudrait-il donc pas plutôt parler de marché mature ? De public moderne ? De grand public tout simplement.

Oui il y a eu un tournant à ce sujet mi-90s. 
Mais je n’ai pas le sentiment que ce sont les jeux de société qui soient devenus modernes. Ce sont les typologies de joueurs qui ont changé , c’est le public qui s’est modernisé.

AtomChris dit :
Rodenbach dit :Formule dé simulationniste, t'y va un peu fort quand même ! ça se joue aussi facilement que les petits chevaux (merde c'est pas un jeu moderne ça surprise)

D'ailleurs, petit aparté, l'autre jour j'étais quelque peu atterré d'entendre une collègue annoncer qu'elle allait offrir une malette de jeux avec les petits chevaux et tout ça, parce que "c'est trop bien"...

J'espère que tu es intervenu. T'aurais sauvé un gosse. 

Que nenni mon bon. C'était de toute évidence une bataille perdue d'avance. Je préfère économiser mon énergie dans ce cas.
Je me suis dit pauvre gosse, ça a duré 2 secondes, puis je suis passé à autre chose et ça allait beaucoup mieux 🤣

J’aurais fait pareil en fait hein.,. :wink:

Alfa dit :Ce que tu décris XaVo , quand tu parles de jeux modernes,  ce n’est pas le type de jeu , mais la maturité du marché. 
 

Je décris un mouvement global dont les jeux modernes font partis et qu'ils ont impulsé : les jeux, le public, les événements, les boutiques, les réseaux de distribution, les sites de production, les directions artistiques, les médias, ...etc ont évolué de concert. Il n'en reste pas moins que l'on a qualifié de jeux modernes, des jeux, pas la maturité d'un marché. On peut s'accorder sur 'idée que je décris un courant ludique.

Après, je ne dis pas que l'on ne peut pas mieux nommer les types de jeux, je décris juste ce qu'il y a eu derrière ce terme.