De la démocratie

Je reprends un sujet initié ailleurs :



La démocratie est pour l’instant le meilleur système qu’on connaisse pour gouverner La France, mais il n’est vraiment pas terrible.

Pas sûr que ce soit le meilleur.

Que proposerais-tu ?

Xavo,
Là, si je commence, je vais vampiriser le sujet et le détourner de son orientation première Clin d’oeil .
Disons, pour faire court, que je suis persuader qu’il faut arrêter de vouloir s’orienter vers des idéaux dits de gauche ou de droite et que la politique et le système social de nos sociétés doit être abordé selon l’axe d’une analyse organisationelle et non plus militante politique.
Radek
PS : Si tu veux on peut en discuter en MP ou dans un autre sujet.


Ca m’interesse d’autant plus que la démocratie me fait me poser beaucoup de questions.

Je t’invite, Radek, à aller doucement dans ton argumentation.

Je pense que pour beaucoup de personnes la démocratie est évidemment le meilleur système applicable actuellement à La France, prétendre le contraire demande une argumentation claire et précise si tu veux qu’on t’écoute sans penser que tu dis n’importe quoi.

D’accord, je vais commencer doucement.

Tout d’abord, je voudrais simplement indiquer que j’utilise comme base de réflexion le livre de Francis Fukuyama « La fin de l’histoire et le dernier homme » qui fait une belle analyse de l’absence actuelle de nouvel élan idéologique.

En fait, depuis les années 80, on assiste à des petits aménagements de la démocratie mais celle-ci ne permet plus de faire face aux défis ne nos sociétés actuelles.
En effet, malgré le droit de vote universel, la liberté d’expression et toutes les avancées de la démocratie, celle-ci montre ses limites car elle ne permet pas de combler des besoins devenus communs à tous (emploi, sécurité, éducation, formation, retraites, etc …).
Il apparaît que la démocratie, si elle a bien réussi au niveau des droits politiques, n’a pas réussi sur des plans sociologiques et économiques.
De plus, elle se retrouve attaquée par des mouvements prônant la violence et le rejet qui apparaissent comme des options possibles pour une partie de ses peuples.

C’est en partant de ce constat qu’on peut se demander si la démocratie occidentale n’a pas posé les mauvaises questions ou n’a pas su donner des priorités correspondant aux attentes de ses peuples.
Le bon point pour la démocratie est que, parmi tous les systèmes idéologiques proposés jusqu’à présent, elle a été la mieux à même de limiter la souffrance de ses peuples même si elle n’a pu leur assurer le bien-être.

Tu préconise la démocratie socialiste ?

Je connais assez bien Fukuyama, et je pense que sa thèse principale, interessante il y a une quinzaine d’années, est devenue totalement dépassée. Il faut la resituer dans son contexte: Francis a écrit son bouquin juste après la chute du communisme, c’est-à-dire qu’on pensait alors que la démocratie libérale n’aurait plus aucun adversaire.

Fukuyama, en bon disciple d’Hegel, pense en effet que l’histoire a une fin, et que cette fin est justement survenue à la fin des années 80. Il prétend que la pensée libérale et son système politique, économique et social n’ayant plus aucun concurrent sérieux, il n’y aurait plus aucune contradiction motrice à l’échelle planétaire: d’où la fin de l’histoire, due à la prédominance d’un modèle unique.

Cet aspect de sa thèse parait aujourd’hui complètement dépassé. On ne peut prétendre que le système libéral est accepté par tous: au contraire, les mouvements de protestation, parfois radicaux, se multiplient depuis
quelques années.

L’autre élément de sa thèse est que cette absence de contradictions induirait la post-modernité, caractérisée par une mélancolie générale, un sentiment d’exténuation. En d’autres termes, les individus deviendraient par là repliés sur eux-mêmes, désintéressés de la chose publique: il se contenterait de s’en remettre à la puissance tutélaire de l’Etat, à qui il incomberait de prendre soin d’eux. C’est le fameux
conformisme de masse, la mort de la vie de l’esprit.

Encore une fois, cet argument n’a plus aucun sens aujourd’hui. Allez expliquer le conformisme de masse petits jeunes qui défilent cette semaine, où aux banlieues embrasées du mois de novembre: la contestation est toujours là, elle est loin d’être morte, enterrée et oubliée par tous.

Je ne défend pas pour autant la démocratie, mais citer Fukuyama qui prétend que la démocratie s’est transformée en “tyrannie douce de la majorité” pour critiquer ce régime ne me paraît pas pertinent.

Bilbo,

Je suis d’accord avec le fait que certains aspects de la pensée de Fukuyama sont obsolètes mais cela n’enlève rien à la pertinence de son système d’analyse.
En effet, la démocratie occidentale n’a pas de contradiction motrice planétaire. Face à elle, elle trouve non pas de nouvelles alternatives mais des résurgences d’anciennes idées plus ou moins remises au goût du jour.

Je ne suis pas d’accord avec ton approche de la post-modernité qui, selon moi, est d’actualité. Ce ne sont pas quelques manifestations de colère portées par une réaction épidermique ponctuelle (un nouveau contrat, un mot de trop d’un politique) qui vont signifier la montée d’une alternative politique durable à la démocratie.
Les résultats des dernières élections française avec l’absentéisme des votes de gauche qui provoque la lutte entre l’extrême droite et la droite au second tour en sont une belle preuve.
Les gens se sont bel et bien retirés du débat politique de fond.
Ni la gauche ni la droite ne sont vues comme capables de répondre aux attentes des électeurs, d’où l’alternance entre les deux orientations dans la démocratie française.

De plus, dans les revendications diverses actuelles, on retrouve cette volonté de remise à la puissance tutélaire de l’état (fournir un emploi, fournir un logement, fournir une qualification, fournir un support médical gratuit, etc …) qui est assez caractéristique.

C’est sur ce constat d’échec que je me base pour imaginer une alternative à la démocratie occidentale (quelle soit de droite ou de gauche).
C’est d’ailleurs pour moi cet aspect-là de la politique qui est obsolète, considérer les politiques et les idées selon des concepts du passé (la gauche et la droite) alors qu’aucun des deux (et même leurs extrêmes) n’ont pu répondre aux besoins des peuples.
L’avenir est aux idées nouvelles basées sur des engagements et des principes communs à l’humanité et qui accepteront de voir l’homme tel qu’il est et pas tel qui doit être pour être catalogué dans un dualisme artificiel.

Radek

Je ne comprends pas en quoi l’échec (relatif) à satisfaire ses peuples et le nécessaire changement des repères politiques (gauche-droite) remet en question la démocratie.

Cher Monsieur Radek,

La démocratie occidentale n’a certes pas de contradiction planétaire, mais les mouvements latents de contradiction sont bel et bien là au niveau local. L’Iran, l’Albanie, la Corée du Nord : autant de pays qui n’ont pas encore accepté le triomphe de la démocratie libérale, sans qu’on puisse supposer qu’ils l’accepteront un jour. Rien n’exclut donc la possibilité de résurgence d’un système de pensée alternatif ; j’en veux pour preuve le fait qu’Hegel lui-même, avant Fukuyama, avait prétendu que l’histoire s’était arrêtée en 1806, avec l’universalisation des idées de la Révolution française. C’était sans compter sur l’émergence du fascisme et du communisme au XXème, qui ont bel et bien tenté de remettre en cause ce modèle. Si Hegel s’était trompé en envisageant la fin de l’histoire trop tôt, je ne vois pas comment on pourrait affirmer que Fukuyama, pour sa part, est dans le vrai. D’ailleurs, depuis le 11 Septembre, il est difficile d’affirmer qu’il n’y a plus de contradiction motrice au système libéral : on a bien vu que le tout libéral n’était pas prêt d’asseoir son influence sur le monde. La contradiction est certes devenue plus floue qu’auparavant sur le plan économique, mais pas sur le plan politique et encore moins culturel. Je me base pour ma part sur les analyses d’Huntington, et sa crainte du choc des civilisations.

Concernant le désengagement occidental du débat politique, en particulier avec l’exemple français, je pense qu’il est du coup essentiellement lié à la convergence plus ou moins masquée des politiques de droite ou de gauche depuis quelques décennies, hormis quelques détails que l’on peut considérer comme des épiphénomènes. L’accession de l’extrême droite au second tour est du coup liée à la fois au désengagement des blasés de l’alternance, mais aussi au report des voix des contestataires de plus en plus nombreux au système vers les partis extrêmes (à droite, comme à gauche). Ce n’est pas pour rien que le thème de la rupture, à droite comme à gauche, est particulièrement à la mode. Quant à l’assistance tutélaire de l’Etat, elle atteint un degré paroxysmique en France, mais ce n’est certes pas une réalité vérifiée à l’échelle mondiale. Donc encore une fois, j’admets que ce désengagement est particulièrement marqué aujourd’hui, mais je pense que rien ne peut exclure un retour du débat de fond dans les prochaines années. Supposons que ni la droite et la gauche « modérées » n’accèdent au pouvoir dans un pays occidental, la remise en cause du système pourrait être profonde.

Ce n’est donc pas à mon sens l’idée même de la démocratie qui est à remettre en cause, mais ce qu’on en fait : tant que la démocratie se bornera à asseoir le triomphe du modèle américain sur les autres systèmes de pensée, son utilité pourra être remise en cause. Mais dès lors qu’on permet une résurgence du débat de fond, l’histoire ne risque pas de s’arrêter pour autant.

C’est bien compliqué tout cela.
Comme d’habitude, j’ai plus de questions que de réponse.
La question du jours est : “sommes nous toujours en démocratie ?”

On pourrait penser que ce qui, aujourd’hui, nous touche le plus et qui est politique, c’est notre système commercial. Définition de libre échange, mondialisation, libre concurrence, réglementations supra nationale… Plein de truc sur lesquels je ne crois pas avoir été consulté, qui n’a fait l’objet de discours electoraux qu’après que les systèmes soient en place, trop tard.

Bref, on peut penser que ce qui nous touche le plus et qui continuera à nous toucher encore longtemps a été décidé en dehors de toutes consultation démocratique et fonctionne de façon autonome sans que des consultations démocratiques soient necessaires.

Donc, sommes nous toujours en démocratie ?

Tout cela n’est qu’une question. Mais il me semble délicat d’avoir des reflexions philo sans y répondre. A part ça, comme Churchill, je pense que c’est le moins mauvais des systèmes.

Monsieur Bilbo dit:
plein de trucs interessants ...
. En d'autres termes, les individus deviendraient par là repliés sur eux-mêmes, désintéressés de la chose publique: il se contenterait de s'en remettre à la puissance tutélaire de l'Etat, à qui il incomberait de prendre soin d'eux. C'est le fameux
conformisme de masse, la mort de la vie de l'esprit.
Encore une fois, cet argument n'a plus aucun sens aujourd'hui. Allez expliquer le conformisme de masse petits jeunes qui défilent cette semaine, où aux banlieues embrasées du mois de novembre: la contestation est toujours là, elle est loin d'être morte, enterrée et oubliée par tous.


Le model en france est en peu special par rapport au reste: on va dans la rue au moindre petit probleme. ce qui est admirable en soit car on a toujours la libertee de le faire.

Juste pour reprendre ton concepte de conformisme de masse, jusque la, de la vision que j'ai de la vie aux US, on est en plein dedans. outres les gens un peu marginaux comme on aimreait en voir plus, je pense que la monoculture debilisante est en pleine expension.

(et non je ne fais pas de l'anti-americanisme primaire, merci de ne pas me sauter dessus)

Tiens, je me faisais la même reflexion que toi JmGuiche…

Il me semble que les dirigeants économiques quel qu’ils soient (gros PDG, état, directeur de PME…) possèdent un pouvoir très fort sur les autres: celui de gérer leur travail donc celui de gérer facilement un tiers de la vie éveillée des gens.

Et pourtant quel contrôle démocratique?
Aucun.

Il faudra bien un jour que ce contrôle atteigne un jour les sphères économiques qui ont toujours été séparé de la vie publique.

Bubu dit:Tiens, je me faisais la même reflexion que toi JmGuiche...
Il me semble que les dirigeants économiques quel qu'ils soient (gros PDG, état, directeur de PME...) possèdent un pouvoir très fort sur les autres: celui de gérer leur travail donc celui de gérer facilement un tiers de la vie éveillée des gens.
Et pourtant quel contrôle démocratique?
Aucun.
Il faudra bien un jour que ce contrôle atteigne un jour les sphères économiques qui ont toujours été séparé de la vie publique.


Je ne pensait pas aux "gros pdg" ou autre patrons de PME mais aux instances du genre OMC, FMI, Commissions européennes etc...

Les "patrons" ne font qu'utiliser ce que le droit leur permet. De plus en plus, le droit auquel ils se référent est supra national et défini par des instances qui ne sont peut etre pas démocratiquement désignées.
radek dit:L’avenir est aux idées nouvelles basées sur des engagements et des principes communs à l’humanité et qui accepteront de voir l’homme tel qu’il est et pas tel qui doit être pour être catalogué dans un dualisme artificiel.

Tu as des exemples d'idées nouvelles ?
Si la division droite/gauche est le dualisme dont tu parles, il me semble que tu ne puisses parler ici que du cas de la France. Les USA sont une démocratie libérale par exemple qui ne connaît pas réellement ce dualisme. Le Japon est une démocratie libérale mais dirigée par un partie unique, comme la Suède et la Malaisie.
xavo dit:Je ne comprends pas en quoi l'échec (relatif) à satisfaire ses peuples et le nécessaire changement des repères politiques (gauche-droite) remet en question la démocratie.


Moi non plus.

Moi, je ne vois pas de contradiction avec mon affirmation initiale.
Je disais clairement que la démocratie n’était pas terrible (nous sommes quelques uns à pouvoir vivre dans un système politique bien plus avancé).

Mais, si pour gouverner la population complète de La France, quel système pourrait convenir aujourd’hui si ce n’est la démocratie ?

Il me semble que c’est rééllement le seul qu’on connaisse et qui fonctionne. Il est criticable mais n’a pas d’alternative satisfaisante aujourd’hui. Si oui, laquelle ?

Et, pour jmguiche, on considère ici la démocratie comme système en toute généralité où le peuple exerce le pouvoir, pas la plus belle des démocraties.
Car nous ne sommes pas dans la plus belle des démocraties, mais nous sommes bien actuellement en démocratie.

Pour rebondir sur ce que dis monsieur Girafe : il y a peut-être des améliorations à apporter à la république pour qu’elle soit une démocratie plus représentative.

Sinon je suis en tout point d’accord avec JMGuiche : le monde n’est pas démocratique et des décisions prises dans les instances internationales s’appliquent trés directement à nos démocraties, pour des raisons économiques. Si échec il y a aujourd’hui, c’est l’échec de ces instances.

Et j’ajouterai que les lois économiques n’existent pas, ce sont nos gouvernants qui les inventent.
A n’importe quel moment on peut quitter ce système économique mondial, sans demander quoi que ce soit à personne…

Mais le peuple français ne le veut pas car nous voulons de l’argent et beaucoup de biens à consommer.
En choisissant nos gouvernants nous choisissons aussi notre système économique… Certains partis proposent de changer de modèle économique, mais on ne vote pas pour eux.

On peut penser que l’économie est au dessus de tout, intouchable, mais c’est parce qu’on le veut bien ! Parce qu’on estime que leur liberté génère plus de richesse que leur contrôle… On se trompe peut être de richesses à produire… Il suffit de quelques élections pour faire machine arrière.

Se trouver un ennemi intouchable au dessus de tout le monde qui contrôle notre vie c’est faire le jeu de la rumeur et du complot. Ce sont quelques années d’Histoire qui nous ont donné ce système économique et tout ce que l’Homme invente, il peut le détruire.

Nous sommes tout puissants !

jmguiche dit:
A part ça, comme Churchill, je pense que c'est le moins mauvais des systèmes.


Oui, mais Churchill disait aussi : "En réalisant que ceux qui jouent au loto, qui lisent leur horoscope tous les matins et qui regardent les émissions de télé-réalité sont les mêmes que ceux qui votent, je me suis toujours fait une certaine idée de la démocratie".
jmguiche dit:
A part ça, comme Churchill, je pense que c'est le moins mauvais des systèmes.


Moi j'aime bien citer Desproges: La démocratie c'est la tyranie d'une faible majorité sur d'immenses minorités

Je sais ça n'apporte rien au débat... oké je :arrow:

Quelques remarques et puis quelques questions aussi :

La première erreur est de croire que nous vivons réellement dans une démocratie (je parle bien ici de nous en Europe). Nos système législatifs, électoraux, judiciaires sont en réalité des survivances des anciens régimes royalistes, napoléonien, etc. qui n’avaient rien de démocratique.

Ce que nous appelons démocratie n’est donc clairement qu’une démocratie de façade qui cache en réalité un système basé sur la cooptation intra-parti et le népotisme. Ce système n’a d’autre but que de s’auto-justifier afin de s’auto-préserver … pas une once de démocratie là dedans. Certes on peut voter … mais voter pour des partis qui sont en place depuis 1945 et qui n’ont pas changé -sauf cosmétiquement- depuis.

Le problème de l’abstentionisme découle directement de là : pas de nouveau parti émergeant avec de nouvelles idées donc pas d’alternance. Et ici je mets dans le même sac les partis de gauche et de droite car leur politique est en fait exactement la même sauf qu’on caresse tantôt le patronat, tantôt les employés, ouvriers. En pratique leur politique est totalement identique et je défie quiconque de trouver des différences. Ces partis ne défendent pas des idées mais un système établi qu’ils ne veulent pas voir changer -ou ne peuvent pas changer-.

Le problème me semble encore plus grave : on est tellement habitué à ce qu’on nous désigne comme la démocratie qu’on a du mal à imaginer un système différent de celui qui existe aujourd’hui alors que retrospectivement des systèmes différents ont existé, preuve qu’il existe des alternatives mais dont la physionomie m’échappe totalement.

RenaudD dit:Certes on peut voter ... mais voter pour des partis qui sont en place depuis 1945 et qui n'ont pas changé -sauf cosmétiquement- depuis.


Chacun peut créer son parti, communiquer ses idées et gagner des élections si les idées sont bonnes. Petit à petit, les idées font leur chemin dans les sociétés...

Si les partis traditionnels gagnent les élections, c'est parce qu'ils conviennent aux français. On a pourtant le choix !

Si les autres partis n'émergent pas, c'est parce qu'ils ne conviennent pas aux français...

Ce n'est pas parce que les résultats des élections ne nous plaisent pas que ce ne sont pas des élections démocratiques. Il n'y a pas de trucages des résultats. Nous n'avons que les gouvernants que nous méritons...