Bonjour,
Je trouve qu’on lit de plus en plus dans les tests et les avis des remarques à propos de la rejouabilité ou non d’un jeu. Souvent on lit qu’un jeu à une bonne rejouabilité si sa mise en place de départ change d’une partie à l’autre. Il me paraît péremptoire après 1 ou 2 parties de statuer sur la rejouabilité ou non d’un jeu sur le long terme sous prétexte que la mise en place de départ varie (c’est pourquoi à titre personnel je préfère parler de “variabilité”).
Mais qu’est-ce que la rejouabilité ? Pour moi c’est simplement l’envie que procure un jeu d’y revenir car on ne s’en lasse pas, souvent car aucune partie ne ressemble à une autre.
Déjà, la corollaire est-elle vraie, c’est-à-dire que si un jeu a une mise en place fixe, alors il est peu rejouable ? C’est bien entendu faux, de nombreux jeux prouvent le contraire, notamment les jeux abstraits (qui a dit les échecs ?) et les jeux où l’interaction est forte, où ce sont les actions des joueurs qui vont décider du déroulé de la partie (ex : Caylus), ou autrement dit :
(citation de fdubois dans “Hier j’ai joué à” à propos de Yunnan)[les] jeu[x] où on joue les joueurs (et pas le jeu)
Mais un jeu qui propose une forte “variabilité” est-il forcément très rejouable ?
Je me suis posé la question la première fois après 3 parties de Grand Austria Hotel (sur le coup mon jugement était peut-être hâtif et certains ne seront pas d’accord sur l’exemple). D’une partie à l’autre, tout change : les clients que l’on devra servir, les pénalités si on ne satisfait pas l’empereur, le personnel qu’on peut recruter, les objectifs à atteindre pour scorer. Et pourtant, j’avais l’impression de toujours suivre le même déroulé : préparer des chambres puis servir des clients pour les y installer. Alors parfois il fallait certes que je serve du Strudel à un client bleu plutôt que du vin à un client jaune, mais cette variabilité des conditions de départ n’amenait pas pour moi la rejouabilité espérée.
Un autre exemple plus récent serait Pharaon. Le plateau n’est pas fixe (on assemble aléatoirement 5 quartiers pour former le plateau), ce placement modifie les objectifs de la partie qui peuvent rapporter des points. Et la roue centrale qui définit la ressource à payer pour accéder à une action n’est jamais placé de la même manière. Mais finalement est-ce que tout cela va grandement impacter notre manière de jouer ? Est-ce que ça change quelque chose que je doive placer une ressource rouge là où dans la partie précédente je devais en poser une verte ? Je m’arrangerais en fonction… Quant aux objectifs il ne m’est pas apparu qu’ils varient suffisamment pour influer sur notre manière de jouer. Finalement la variabilité est apparente, mais celle-ci génère-t-elle pour autant de la rejouabilité ?
Ces contre-exemples ne doivent pas occulter qu’il existe malgré tout des jeux dont la variabilité sert la rejouabilité. Je pense par exemple à ces jeux où la mise en place de départ va influer sur notre façon de jouer (typiquement les Voyages de Marco Polo dont la rejouabilité serait certainement assez faible avec une mise en place fixe). Personnellement j’adore ces jeux où la première chose à faire avant même de déplacer des pions va être de commencer par étudier la configuration proposée pour se donner un semblant de ligne directrice pour la partie !
La rejouabilité peut également venir du nombre limité d’actions auxquelles on aura accès lors d’une partie (je pense par exemple à Terraforming Mars où on ne verra qu’une fraction des cartes pendant la partie, et il faudra s’adapter à celles qu’on pioche [je pense même que ce facteur amène d’ailleurs plus de rejouabilité que la corporation de départ]).
La conséquence est que, si la rejouabilité théorique peut se deviner au doigt mouillé avec l’expérience, elle ne peut-être réellement évaluée qu’après plusieurs parties jouées. Il me paraît très compliqué de définir des critères objectifs de rejouabilité, d’autant plus que la notion reste très subjective (par exemple certains trouvent Pillards de la Mer du Nord répétitif alors que personnellement je ne m’en lasse pas [après ajout de l’extension Taverne]).
Remarque : en cherchant dans le forum si le sujet n’avait pas déjà été abordé récemment, je suis tombé sur ce message de manu0801 dans le défi solo (sujet que je ne lis pas) qui rejoint ma pensée, donc je le copie ici :
(il utilise le terme “renouvellement” qui est sans doute plus joli que “variabilité”)Pour moi la Rejouabilité est différente du Renouvellement.
Dans mes critiques, je fais un paragraphe pour chacun des deux aspects.
Le Renouvellement correspond pour moi à ce qui apporte du nouveau, donc ce qui change physiquement d’une partie à l’autre et la rend différente en terme de configuration de la précédente : des plateaux modulaires, un pouvoir de départ différent, une pioche de cartes événements, un marché de cartes ou une rivière pour un deckbuilding etc.
La Rejouabilité se rapproche plutôt de l’ensemble des éléments qui vont faire variété les stratégies à mettre en place ainsi que les niveaux de difficulté.
Une faible rejouabilité impliquerait donc un déroulé des parties identique, une stratégie unique ou un faible éventail des possibles, peu de choix…
J’inclue le niveau de difficulté dans la rejouabilité parce qu’il implique de jouer différemment selon le niveau (on prend moins de risques, on laisse pas telle ou telle carte en Difficile comme on le faisait en Facile). Donc on doit mettre en place d’autres stratégies et pour moi c’est de la rejouabilité.
Bon, évidemment, les plus taquins pourront jouer sur les mots en disant que tout les jeux sont fondamentalement rejouables à partir du moment où ils ne sont pas brûlés/détruits après leur première utilisation (mais ça veut dire qu’on exclu la notion “d’envie” d’y rejouer/plaisir de jeu).
Du coup, tu peux avoir un Renouvellement faible mais une énorme Rejouabilité (ex : les Echecs avec toujours les mêmes pièces installées de la même façon, aucune partie ne se ressemblera car il y a une diversité conséquente des coups et stratégies).
Et à l’inverse, tu peux avoir un Renouvellement énorme mais une Rejouabilité faible/moyenne (ex: Roll Player où tu commences par piocher une classe parmi 6, 1 carte Antécédent parmi 16, 1 carte alignement parmi 17, soit 61617=1632 possibilités de démarrage ce qui est pas mal, mais au final, tu te rends compte que tu fais toujours plus ou moins la même chose, tu suis la même logique d’une fois à l’autre, donc que le renouvellement a un impact faible sur la rejouabilité).
Mais c’est un vaste sujet qui n’est pas tranché dans le monde ludique. C’est dommage parce qu’au final on utilise des mots mais qui ont des définitions différentes d’une personne à l’autre. Du coup ça devient dur dur de faire une critique ““objective”” quand les critères sont sujets à interprétations…
(à noter que l’exemple de Roll Player me fait plaisir car je soupçonnais une “fausse rejouabilité”

Je pense malgré tout que la thématique mérite un sujet spécifique pour en discuter, dont acte.
Histoire de lancer le débat, avez-vous d’autres exemples de jeux qui vous paraissent “faussement rejouables” ? (ou au contraire, des jeux qui paraissent répétitifs mais qui en vérité sont très rejouable ?)
Quelle “formule magique” va faire que pour 2 jeux à variabilité/renouvellement important(e), l’un aura une rejouabilité forte et pas l’autre ?