De la "rejouabilité" des jeux

Bonjour,

Je trouve qu’on lit de plus en plus dans les tests et les avis des remarques à propos de la rejouabilité ou non d’un jeu. Souvent on lit qu’un jeu à une bonne rejouabilité si sa mise en place de départ change d’une partie à l’autre. Il me paraît péremptoire après 1 ou 2 parties de statuer sur la rejouabilité ou non d’un jeu sur le long terme sous prétexte que la mise en place de départ varie (c’est pourquoi à titre personnel je préfère parler de “variabilité”).

Mais qu’est-ce que la rejouabilité ? Pour moi c’est simplement l’envie que procure un jeu d’y revenir car on ne s’en lasse pas, souvent car aucune partie ne ressemble à une autre.

Déjà, la corollaire est-elle vraie, c’est-à-dire que si un jeu a une mise en place fixe, alors il est peu rejouable ? C’est bien entendu faux, de nombreux jeux prouvent le contraire, notamment les jeux abstraits (qui a dit les échecs ?) et les jeux où l’interaction est forte, où ce sont les actions des joueurs qui vont décider du déroulé de la partie (ex : Caylus), ou autrement dit :

[les] jeu[x] où on joue les joueurs (et pas le jeu) 

(citation de fdubois dans “Hier j’ai joué à” à propos de Yunnan)

Mais un jeu qui propose une forte “variabilité” est-il forcément très rejouable ?

Je me suis posé la question la première fois après 3 parties de Grand Austria Hotel (sur le coup mon jugement était peut-être  hâtif et certains ne seront pas d’accord sur l’exemple). D’une partie à l’autre, tout change : les clients que l’on devra servir, les pénalités si on ne satisfait pas l’empereur, le personnel qu’on peut recruter, les objectifs à atteindre pour scorer. Et pourtant, j’avais l’impression de toujours suivre le même déroulé : préparer des chambres puis servir des clients pour les y installer. Alors parfois il fallait certes que je serve du Strudel à un client bleu plutôt que du vin à un client jaune, mais cette variabilité des conditions de départ n’amenait pas pour moi la rejouabilité espérée.

Un autre exemple plus récent serait Pharaon. Le plateau n’est pas fixe (on assemble aléatoirement 5 quartiers pour former le plateau), ce placement modifie les objectifs de la partie qui peuvent rapporter des points. Et la roue centrale qui définit la ressource à payer pour accéder à une action n’est jamais placé de la même manière. Mais finalement est-ce que tout cela va grandement impacter notre manière de jouer ? Est-ce que ça change quelque chose que je doive placer une ressource rouge là où dans la partie précédente je devais en poser une verte ? Je m’arrangerais en fonction… Quant aux objectifs il ne m’est pas apparu qu’ils varient suffisamment pour influer sur notre manière de jouer. Finalement la variabilité est apparente, mais celle-ci génère-t-elle pour autant de la rejouabilité ?

Ces contre-exemples ne doivent pas occulter qu’il existe malgré tout des jeux dont la variabilité sert la rejouabilité. Je pense par exemple à ces jeux où la mise en place de départ va influer sur notre façon de jouer (typiquement les Voyages de Marco Polo dont la rejouabilité serait certainement assez faible avec une mise en place fixe). Personnellement j’adore ces jeux où la première chose à faire avant même de déplacer des pions va être de commencer par étudier la configuration proposée pour se donner un semblant de ligne directrice pour la partie !

La rejouabilité peut également venir du nombre limité d’actions auxquelles on aura accès lors d’une partie (je pense par exemple à Terraforming Mars où on ne verra qu’une fraction des cartes pendant la partie, et il faudra s’adapter à celles qu’on pioche [je pense même que ce facteur amène d’ailleurs plus de rejouabilité que la corporation de départ]).

La conséquence est que, si la rejouabilité théorique peut se deviner au doigt mouillé avec l’expérience, elle ne peut-être réellement évaluée qu’après plusieurs parties jouées. Il me paraît très compliqué de définir des critères objectifs de rejouabilité, d’autant plus que la notion reste très subjective (par exemple certains trouvent Pillards de la Mer du Nord répétitif alors que personnellement je ne m’en lasse pas [après ajout de l’extension Taverne]).

Remarque : en cherchant dans le forum si le sujet n’avait pas déjà été abordé récemment, je suis tombé sur ce message de manu0801 dans le défi solo (sujet que je ne lis pas) qui rejoint ma pensée, donc je le copie ici :

Pour moi la Rejouabilité est différente du Renouvellement.
Dans mes critiques, je fais un paragraphe pour chacun des deux aspects.

Le Renouvellement correspond pour moi à ce qui apporte du nouveau, donc ce qui change physiquement d’une partie à l’autre et la rend différente en terme de configuration de la précédente : des plateaux modulaires, un pouvoir de départ différent, une pioche de cartes événements, un marché de cartes ou une rivière pour un deckbuilding etc.

La Rejouabilité se rapproche plutôt de l’ensemble des éléments qui vont faire variété les stratégies à mettre en place ainsi que les niveaux de difficulté.
Une faible rejouabilité impliquerait donc un déroulé des parties identique, une stratégie unique ou un faible éventail des possibles, peu de choix…
J’inclue le niveau de difficulté dans la rejouabilité parce qu’il implique de jouer différemment selon le niveau (on prend moins de risques, on laisse pas telle ou telle carte en Difficile comme on le faisait en Facile). Donc on doit mettre en place d’autres stratégies et pour moi c’est de la rejouabilité.

Bon, évidemment, les plus taquins pourront jouer sur les mots en disant que tout les jeux sont fondamentalement rejouables à partir du moment où ils ne sont pas brûlés/détruits après leur première utilisation (mais ça veut dire qu’on exclu la notion “d’envie” d’y rejouer/plaisir de jeu).


Du coup, tu peux avoir un Renouvellement faible mais une énorme Rejouabilité (ex : les Echecs avec toujours les mêmes pièces installées de la même façon, aucune partie ne se ressemblera car il y a une diversité conséquente des coups et stratégies).

Et à l’inverse, tu peux avoir un Renouvellement énorme mais une Rejouabilité faible/moyenne (ex: Roll Player où tu commences par piocher une classe parmi 6, 1 carte Antécédent parmi 16, 1 carte alignement parmi 17, soit 61617=1632 possibilités de démarrage ce qui est pas mal, mais au final, tu te rends compte que tu fais toujours plus ou moins la même chose, tu suis la même logique d’une fois à l’autre, donc que le renouvellement a un impact faible sur la rejouabilité).

Mais c’est un vaste sujet qui n’est pas tranché dans le monde ludique. C’est dommage parce qu’au final on utilise des mots mais qui ont des définitions différentes d’une personne à l’autre. Du coup ça devient dur dur de faire une critique ““objective”” quand les critères sont sujets à interprétations…

(il utilise le terme “renouvellement” qui est sans doute plus joli que “variabilité”)
(à noter que l’exemple de Roll Player me fait plaisir car je soupçonnais une “fausse rejouabilité” )

Je pense malgré tout que la thématique mérite un sujet spécifique pour en discuter, dont acte.
Histoire de lancer le débat, avez-vous d’autres exemples de jeux qui vous paraissent “faussement rejouables” ? (ou au contraire, des jeux qui paraissent répétitifs mais qui en vérité sont très rejouable ?)
Quelle “formule magique” va faire que pour 2 jeux à variabilité/renouvellement important(e), l’un aura une rejouabilité forte et pas l’autre ?


Bin, je suis fondamentalement d’accord, la variabilité des configurations de départ ne préjugent pas de la rejouabilité d’un jeu, étant donné que finalement on jouera peut-être les mêmes stratégies fondamentalement. Et je suis d’accord que si une réflexion de départ est nécessaire avant de jouer, c’est un bon indice que cette variabilité va contribuer à une certaine rejouabilité. En général il s’agit de jeux stratégiques comme Gaia Project, mais il y a d’autres jeux ou la variabilité a un impact plus tactique comme Five Tribes.

Somme toute la rejouabilité réelle d’un jeu nécessite de l’expérience. Un jeu en apparence très rejouable peut être gâché par l’une au l’autre stratégie trop forte. De façon générale plus un peu est profond, plus il y aura de l’espace ludique pour faire varier la façon de jouer. Aussi plus un jeu est expressif et permet aux joueurs de développer leur style, plus il sera rejouable.

Puis il ne faut pas oublier de prendre en compte les jeux très modulaires à la Magic ou avec des decks de faction, où la rejouabilité est aidée par l’apport de contenu supplémentaire. C’est une autre forme de rejouabilité, un peut comme une série télé se regarde plusieurs fois mais via des épisodes différents. Peut-être que cette rejouabilité de contenu devrait être qualifiée autrement que la rejouabilité stratégique ou la variabilité des configurations de jeu.

La “rejouabilité” me semble une considération assez récente sur les jeux et globalement j’en ai plutôt une vision de cache-misère ou de rassurante (typiquement depuis les KS à l’arrivée et la déferlante avec les jeux ultra modulaire). Dans le sens où quand on met cet argument en avant, c’est que le jeu n’a pas grand chose à proposer finalement que de multiplier les paramètres. Ce que ça cache parfois c’est que finalement derrière a priori des chemins très différent on fait en gros la même chose. 2 exemples :
une chaîne de transformation, qui permet : 1 argent → 2 bois; pour 1 bois → 5 pierre; et pour 1 pierre → 3 PV; ça revient exactement au même que 1 argent → 1 pierre → pour 1 pierre → 2 bois; pour 1 bois → 15 PV.
un choix en début d’une partie se déroulant sur 10 manches : 10 PV ou 1 PV par tour ?

bien sûr c’est assez caricatural et je ne vois aucun jeu dans cet extrême, mais je trouve qu’il y en a quand même qui s’en approchent.

Parler techniquement de rejouabilité n’a pas de sens dans la mesure où , à part le cas délicat et finalement rare de jeu sans aucun hasard, tous les jeux sont rejouables vu que les paramètres vont changer.

En fait il faudrait plutôt parler d’envie de rejouer simplement. Et là la multiplicité de “rejouabilité” n’est pas forcément garante de plaisir de rejouer. Je verrais typiquement l’analogie entre une brasserie proposant plein de sortes de pizza, crêpes et divers boeufs bourguignon décongelés, et une autre brasserie proposant uniquement 2 plats du jours savoureux fait maison

Cédrick Lefebvre, de Ludonaute, avait publié une vidéo sur Facebook il y a quelque temps, où il disait peu ou prou la même chose que toi :
https://www.facebook.com/ludonaute/videos/410324789524290/

Moi aussi ça m’irrite un peu quand je lis dans un avis “la rejouabilité est assurée puisqu’il y a plein de mises en place différentes possibles”. La variabilité des situations de départ n’empêche absolument pas qu’on va peut-être jouer toujours de la même façon…
Et je crois que le meilleur moyen d’assurer une bonne rejouabilité est effectivement de s’assurer qu’on a un jeu où ce sont les joueurs qui font le jeu et où on doit réagir sans cesse à ce qu’ils font.

Idem que l’impression générale. Le mot rejouabilité est un peu surutilisé alors que le plus souvent je préfère parler de  “lecture”. 
Pour exemple je ne doute pas de la rejouabilité de newton, mais j’y vois plus de la lecture de configuration de départ, qui va orienter ma partie d’un point de vue stratégique, mais qui ne va pas changer fondamentalement ma façon de jouer.
Agricola et root sont pour moi des exemples de belles rejouabilités. Les cartes pour l’un,  les peuples pour l’autre, vont changer ma façon de jouer et me donner envie de me développer différemment d’une partie à l’autre

Merci pour ce sujet qui m’intéresse, étant toujours à la recherche de jeux à creuser, donc avec une courbe d’apprentissage importante, autrement dit une grande rejouabilité.

Je les recherche plus par gourmandise qu’autre chose, car j’en ai déjà quelques-uns qui tournent chez moi et dont, sans surprise, on ne se lasse pas, n’en ayant pas encore atteint les 1000 parties (et encore, se lasserait-on ?)

La plupart de ces bons jeux que j’aime ont une mise en place relativement identique d’une partie à l’autre, ce n’est donc assurément pas ce point qui est la cause de notre engouement, même s’il joue pour certains jeux, comme Troyes, en augmentant sensiblement le plaisir d’y rejouer encore et encore.

Cependant, son petit frère (il est né après lui), Black Angel, joue beaucoup moins sur cet aspect ; en effet, même si les tuiles techno de départ varient à chaque partie, celles disponibles au début sont assez variées parmi un nombre pas si grand de possibilités, faisant que cela n’assure pas un très grand renouvellement. Les cartes mission piochées au début puis tout au long me donnent le même sentiment, d’autant qu’on au moins autant les utiliser pour leur couleur que pour réaliser la mission décrite. Non, celui-là me donne envie d’y rejouer par l’impression qu’il me donne de mieux le maîtriser à chaque partie et d’y découvrir de nouvelles façons d’agencer tout le truc, à l’instar d’un Caylus par exemple.

Des exemples comme ces deux-là, j’en aurais pas mal à donner, et il est vrai que si certaines données de départ changent, ne serait-ce que la première action de chaque joueur et l’orientation que cela va donner à la partie, ce ne sont pas pour moi des jeux remplis de “gadgets” qui donnent une impression qu’à chaque début de partie on a un jeu différent sous les yeux.


Par contre, je m’interroge plutôt sur ce besoin de rejouabilité demandé par les joueurs. Je ne suis pas sûre que la plupart des jeux soient joués plus de cinq parties (et j’ai l’impression d’être large), en encore moins plus de dix, et pourtant ce critère de sélection ressort souvent.

J’ai donc plusieurs hypothèses expliquant l’importance de ce critère :

1) Les jeux sont devenus tellement chers aujourd’hui qu’on a envie de se baser sur ce critère pour en avoir pour son argent, ce serait donc un simple argument de vente (ou d’achat pour se justifier aux yeux de notre chèr(e) conjoint(e), par exemple) au même titre que la qualité du matériel ou que le lieu de production du jeu. Rien qui change notre manière d’y jouer, en somme.

2) Les autres joueurs ont un cerveau beaucoup plus gros et performant que le mien et il leur faut 5 parties pour comprendre et commencer à maîtriser la profondeur d’un jeu là où il m’en faut au moins 50. Ils vont donc se lasser même d’un jeu dit rejouable à la 8e partie, en ayant fait à peu près le tour, là où il m’en faudra plus de 200. Le jeu arrêtera de titiller leurs neurones parce qu’ils auront absolument tout compris en 15 parties là où il m’en faudra, je ne peux qu’imaginer, plus de 1000 à moi.
Pourquoi pas ?

3) Bof. Les gens confondent effectivement rejouabilité et renouvellement, ce dernier étant plus important que tout pour eux parce qu’ils en ont besoin pour se divertir. Après tout, dans une société où on nous gave de loisirs sans cesse renouvelés et d’avancées technologiques qui rendent leur obsolescence encore plus rapide que celle pourtant programmée, si notre cerveau ne voit pas de différence évidente telle la mise en place à chaque nouvelle partie, on est lassé, dégoûté, avant même de commencer à jouer. Un peu comme ces jeunes gens qui n’arrivent pas à se concentrer sur un seul écran plus de trente secondes, habitués qu’ils sont à passer de l’un à l’autre, un peu comme ces toujours jeunes gens qui ne supportent pas de regarder un film qui a plus de trois ou quatre ans parce qu’il est “vieux” (vous avez remarqué comme les images, les musiques, tout va beaucoup plus vite en rythme d’année en année, comme le fossé est énorme avec ce qu’on regardait et écoutait il y a trente ans – vous avez écouté le générique du dessin animé l’Araignée ? Vous l’avez pas trouvé super lent par rapport à vos souvenirs ?)
Bref, c’est dans l’air (ou l’ère, hihi) du temps, un besoin de renouvellement en rapport avec la dégénérescence provoquée de nos cerveaux.

4) Les gens s’excitent sur la rejouabilité, comme un graal ultime à atteindre dans un jeu, et qu’ils n’atteindront jamais d’ailleurs vu qu’ils n’y jouent pas assez pour cela. Mais ça les excite quand même.

5) Il y a peut-être encore des groupes de joueurs qui achètent un jeu par an pour y jouer deux à trois fois par semaine, et c’est le préposé à l’achat qui se renseigne sur la rejouabilité du jeu, à raison alors. Bien sûr, dans cette explication la durée et fréquence de jeu sont caricaturales, à dessein.

6) Il doit y avoir un 6, parce que je ne me reconnais tout à fait dans aucune de ces hypothèses ci-dessus, et un peu dans toutes quand même (sauf le 2, je ne cerne pas un jeu en deux parties, encore que, je prenne quand même un vrai plaisir dans ma réflexion dans le jeu au bout de la troisième partie).

Question intéressante. Pour ma part et à aujourd hui la rejouabilité est plus un indicateur du nombre de partie avant de me lasser du concept. Des mises en places de départ différentes ne sont pas forcément liées à la lassitude.

Proute dit :
Par contre, je m'interroge plutôt sur ce besoin de rejouabilité demandé par les joueurs. Je ne suis pas sûre que la plupart des jeux soient joués plus de cinq parties (et j'ai l'impression d'être large), en encore moins plus de dix, et pourtant ce critère de sélection ressort souvent.

 

C'est un truc qui me fait souvent tiquer aussi, et pourtant, quelque part, je comprends.
Si je regarde ma ludothèque, il y a effectivement énormément de jeux que je n'ai joué que 2 ou 3 fois.
Mais il y a en a aussi quelques uns, rares, que j'ai poncés à fond avec plusieurs dizaines de parties et auxquels j'ai toujours envie de revenir.
Je pense que c'est pareil pour tout le monde, on a tous nos deux ou trois jeux-fétiches dont on ne se lasse jamais (et surtout, on a un groupe de joueurs qui ne s'en lasse jamais).

Et quand j'achète un nouveau jeu, j'ai souvent le secret espoir que ce soit un jeu de cette trempe, et que j'y jouerai des dizaines de fois avec mon groupe.
Dans les faits, c'est rarement le cas, mais cet espoir perdure et entre en considération lors de l'achat. Je suppose.

On a tendance à incriminer les jeux sur ce point, mais la rejouabilité est aussi imputable à la manière de jouer des joueurs (je dirais même que c’est un facteur assez déterminant).

Un joueur qui joue un jeu toujours de la même manière, sans “tenter autre chose”, va forcément trouver le jeu chiant très rapidement…

Chakado dit :
Proute dit :
Par contre, je m'interroge plutôt sur ce besoin de rejouabilité demandé par les joueurs. Je ne suis pas sûre que la plupart des jeux soient joués plus de cinq parties (et j'ai l'impression d'être large), en encore moins plus de dix, et pourtant ce critère de sélection ressort souvent.

 

C'est un truc qui me fait souvent tiquer aussi, et pourtant, quelque part, je comprends.
Si je regarde ma ludothèque, il y a effectivement énormément de jeux que je n'ai joué que 2 ou 3 fois.
Mais il y a en a aussi quelques uns, rares, que j'ai poncés à fond avec plusieurs dizaines de parties et auxquels j'ai toujours envie de revenir.
Je pense que c'est pareil pour tout le monde, on a tous nos deux ou trois jeux-fétiches dont on ne se lasse jamais (et surtout, on a un groupe de joueurs qui ne s'en lasse jamais).

Et quand j'achète un nouveau jeu, j'ai souvent le secret espoir que ce soit un jeu de cette trempe, et que j'y jouerai des dizaines de fois avec mon groupe.
Dans les faits, c'est rarement le cas, mais cet espoir perdure et entre en considération lors de l'achat. Je suppose.

Oui, bien vu.
J'ai oublié dans mes hypothèses aussi de considérer la notion de groupe : l'acheteur peut apprécier le jeu mais taper à côté pour son groupe. Ou même pour lui-même. Donc on devrait incriminer le fait de ne pas pouvoir essayer un jue avec notre groupe avant de pouvoir l'acheter.

Mais même dans ce cas, ça resterait intéressant de savoir combien de groupes jouent réellement des dizaines de parties aux jeux, je n'ai aucune idée de ce que les uns et les autres entendent par poncer un jeu, et le nombre de parties au bout desquelles ils estiment l'avoir fait. Tout en ayant l'impression que là, on parle de gros jeux.

Ensuite, en écrivant tout ça, j'ai l'impression de donner l'impression qu'on donne plus d'importance à la décortication du jeu qu'au simple plaisir qu'on peut prendre en y jouant.

Et que selon le jeu, le raisonnement ne tient pas la même route : à Time's up par exemple, je prends toujours du plaisir à jouer avec mes copines, on est pliées de rire sous la table, mais c'est vrai que si on tombait toujours sur les mêmes cartes à faire deviner, ce ne serait plus drôle. C'est donc un jeu dont la rejouabilité est assurée par le renouvellement du matériel, typiquement les deux sont liés.

A Dominion aussi, j'y joue plutôt de manière détendue, et sans être une grande analyste, je m'en serais lassée au bout d'une cinquantaine de parties si je m'étais contentée de la boîte de base, sauf à essayer à dessein certaines combinaisons pour voir, j'aurais peut-être atteint là la centaine de parties. Donc déjà un jeu avec une grande rejouabilité, augmentée clairement par le renouvellement en proposant de nouvelles cartes (et règles) dans ses extensions.

Chakado dit :
Proute dit :
Par contre, je m'interroge plutôt sur ce besoin de rejouabilité demandé par les joueurs. Je ne suis pas sûre que la plupart des jeux soient joués plus de cinq parties (et j'ai l'impression d'être large), en encore moins plus de dix, et pourtant ce critère de sélection ressort souvent.

 

C'est un truc qui me fait souvent tiquer aussi, et pourtant, quelque part, je comprends.
Si je regarde ma ludothèque, il y a effectivement énormément de jeux que je n'ai joué que 2 ou 3 fois.
Mais il y a en a aussi quelques uns, rares, que j'ai poncés à fond avec plusieurs dizaines de parties et auxquels j'ai toujours envie de revenir.
Je pense que c'est pareil pour tout le monde, on a tous nos deux ou trois jeux-fétiches dont on ne se lasse jamais (et surtout, on a un groupe de joueurs qui ne s'en lasse jamais).

Et quand j'achète un nouveau jeu, j'ai souvent le secret espoir que ce soit un jeu de cette trempe, et que j'y jouerai des dizaines de fois avec mon groupe.
Dans les faits, c'est rarement le cas, mais cet espoir perdure et entre en considération lors de l'achat. Je suppose.

Comme souvent, Chakado parle vrai. Je pense que personne n'achète un jeu en se disant "j'y jouerai une fois ou deux et c'est tout" (en laissant de côté les jeux dont c'est le principe, legacies et enquêtes...). On achète un jeu en se disant qu'on y jouerai 100000 fois. Mais des fois, ça coince, le groupe n'apprécie pas, on n'apprécie pas (mais dans ce cas, c'est plus facile de revendre), ou, notamment pour KS, on pledge et reçoit le jeu à des moments différents de notre vie. (J'ai pledgé le 7ème quand j'étais célibataire, j'ai reçu quand je ne l'étais plus, et qu'il m'était plus difficile de laisser un jeu sur la table du salon à ce moment...)

C'est un peu différent avec les extensions et la collectionite... (Je pense à Dominion, et ses boîtes qui n'ont pas ou peu servies, mais les premières ont bien tourné en leur temps...)


Le nombre de parties dépend aussi de la longueur du jeu. Un jeu de 3h sortira moins facilement qu'un jeu de 30 minutes, même sur une session de 4h qui verra plusieurs jeux/parties s'enchaîner.

Liopotame dit :
La conséquence est que, si la rejouabilité théorique peut se deviner au doigt mouillé avec l'expérience, elle ne peut-être réellement évaluée qu'après plusieurs parties jouées. Il me paraît très compliqué de définir des critères objectifs de rejouabilité, d'autant plus que la notion reste très subjective (par exemple certains trouvent Pillards de la Mer du Nord répétitif alors que personnellement je ne m'en lasse pas [après ajout de l'extension Taverne]).

 

Cette phrase, à mon avis, exprime l'une des grandes parties du problème. Il existe, je pense, une rejouabilité "objective". Plusieurs en ont déjà parlé. Le fait de varier les conditions de départ peut en faire partie, mais, ce n'est pas parce qu'on a ça qu'on aura une rejouabilité. Et "sentir" si certains éléments variables vont amener une réelle rejouabilité ou pas ne nécessite pas forcément d'y jouer 20 fois.
A contrario, comme tu le soulignes ici, le plaisir qu'on va prendre à jouer fait qu'on aura envie de rejouer à un jeu. Mais, ça n'augmente pas la rejouabilité. 

Il faut bien comprendre que ce n'est pas parce qu'un jeu est "rejouable" qu'on va y rejouer. Et inversement.
On joue à un jeu parce qu'il nous procure du plaisir. Ce plaisir peut revenir de la rejouabilité (c'est mon cas, par exemple, sur Dominion avec toutes ses extensions), mais il peut venir ne plein d'autres facteurs. Le jeu n'a alors pas de "variabilité", ce qui va saouler certains car ils ont l'impression de faire tout le temps la même chose, mais pas d'autres car ce jeu leur procure une autre forme de plaisir.

Donc, je pense qu'il y a une forme d'objectivité dans la "rejouabilité". Mais les qualités d'un jeu ne se mesurent pas à sa seule rejouabilité (sinon, Unlock serait considéré comme un  très mauvais jeu). Et comme, ça a déjà été évoqué, il y a pas mal de fausse rejouabilité, mis en avant sur certains critères, mais on peut voir assez vite ce qu'il en est avec de l'expérience.

J’ai l’impression que la rejouabilité dans les jeux a commencé à faire parler d’elle à la sortie de jeux comme pandémie legacy et unlock où on a découvert des jeux “non rejouable”. Bon il y en avait avant mais depuis les jeux legacy, d’escape room et à scénario/d’enquête ont le vent en poupe. Il y a qu’à voir les demandes des joueurs pour des stickers repositionnables sur les jeux legacy qui sortent.
Le jeu Arkeis actuellement sur Kickstarter en est le parfait exemple je trouve. À la demande des backers ils ont rajouté et les stickers repositionnables et un mode dungeon crawler aléatoire pour assurer de la “rejouabilité”…

Avant la mécanique suffisait à proposer de la rejouabilité (ou pas, sur puerto rico par exemple, nombreux joueurs prennent toujours les même bâtiments et basta). Maintenant qu’il y a beaucoup plus de jeux à scénario il faut rassurer le joueur sur le fait qu’il pourra jouer à son jeu même une fois fini comme charterstone l’a fait par exemple ou d’une on peut acheter un module pour réinitialiser son jeu et de 2 on peut jouer avec son jeu comme avec un jeu pas legacy même une fois fini.

Oui c’est très contradictoire. On est à la fois dans une période où les jeux “à la mode” sont des jeux très scénarisés, voire Legacy. Tout en ayant une demande forte de “rejouabilité”.

Pour le premier point, mon ressenti est que cela vient d’une indigestion de jeux qui malgré parfois leurs qualités sont très proche les uns des autres. Typiquement, un Teotihuacan n’est pas mauvais, mais une impression de déjà vu s’installe dès la première partie, sans que ça donne envie de creuser à fond le jeu. Peut être que dans un contexte moins boulimique, avec uniquement ce jeu dans ma ludothèque, j’en aurais fait des centaines de parties et trouvé pleins de stratégies et d’intérêt au jeu. Du coup les jeux plus scénarisés m’attirent plus en ce moment dans le sens où ils renouvellent l’expérience ludique.

Le second point, sur la demande de “rejouabilité” des joueurs, crée des choses totalement artificielles. Typiquement les “modules” à ajouter à un jeu, qui souvent ne présentent pas d’intérêt, ne sont pas bien testés, etc. Personnellement, j’ai fait plus de 1000 parties d’Agricola, mais ça ne me dérange pas de jouer 10h à Histoires de Peluches ou Pandémie Legacy et d’en avoir fini avec le jeu. Ce sont des expériences de jeu différentes.

De mon point de vue, la rejouabilité est quelque chose de très dépendant du contexte. Et le manque de rejouabilité un phénomène sociétal.
La belote, par exemple, n’a pas une énorme rejouabilité, même si la main de départ et les atouts changent à chaque fois. Et pourtant, j’ai vu mes parents et grands parents en faire des centaines et centaines de parties, sans jamais s’en lasser.

A l’époque il y avait peu d’offre ludique, et finalement un jeu simple procurait beaucoup de plaisir.

Peut-être que ce qu’on appelle la rejouabilité de nos jours, ça serait la capacité d’un jeu à nous accrocher, en nous “empechant” d’avoir envie d’aller voir ailleurs? Tout simplement l’envie d’y revenir. Ce qui n’est pas chose facile avec les centaines de jeu qui sortent chaque année.

Génération zapping, meetic, netflix, rejouabilité, tout ça serait lié?

Si j’en crois mes enregistrements de parties jouées entre adultes sur MyLudo de cette année, chez nous l’un des jeux qui a le plus été rejoué est … HIPPO ! 

Tout y est dit de l’asymétrie et de la courbe d’apprentissage de nos soirées jeux. 

Chakado dit :
Proute dit :
on a tous nos deux ou trois jeux-fétiches dont on ne se lasse jamais (et surtout, on a un groupe de joueurs qui ne s'en lasse jamais).

 

Tu touches à mon avis un point essentiel: le groupe de joueuses-eurs!

Qu'un jeu soit rejouable, c'est bien,
​​​​​​mais rejoué, c'est encore mieux!



​​​​

Chakado dit :
Proute dit :
Par contre, je m'interroge plutôt sur ce besoin de rejouabilité demandé par les joueurs. Je ne suis pas sûre que la plupart des jeux soient joués plus de cinq parties (et j'ai l'impression d'être large), en encore moins plus de dix, et pourtant ce critère de sélection ressort souvent.

 

C'est un truc qui me fait souvent tiquer aussi, et pourtant, quelque part, je comprends.
Si je regarde ma ludothèque, il y a effectivement énormément de jeux que je n'ai joué que 2 ou 3 fois.

Revends-les! C'est la période de l'ordure barbu au costume rouge avec son traîneau à rennes.

niamor78 dit :La belote, par exemple, n'a pas une énorme rejouabilité, même si la main de départ et les atouts changent à chaque fois. Et pourtant, j'ai vu mes parents et grands parents en faire des centaines et centaines de parties, sans jamais s'en lasser.
 

Ça dépend de ce qu'on cherche dans un jeu.
Le footing, c'est hyper répétitif et certains sportifs peuvent trouver ça chiant. Mais voilà, des tas de gens le pratiquent,parce qu'il suffit d'une paire de baskets, qu'on peut le faire presque partout et tout le temps.
Idem pour la belote, tu sors les cartes, tu joues.

Parfois,il m'arrive d'en avoir marre d'expliquer les règles de de nouveaux jeux à de nouveaux joueurs. Avoir quelques basiques que tu sors et hop tu joues,c'est agréable.
Le jeu de société ,c'est un % de hors jeu, de social.




 

Comme ça vient d’être dit, pour moi la rejouabilité dépend de ce que les joueurs attendent du jeu.

Pour moi, un Time’s up est tout autant rejouable qu’un Dungeon Twister ou un Dungeon Saga. Mais pour des raisons différentes généralisées dans ma 1ère phrase.

J’attends de Time’s up de faire rire la tablée en devant faire deviner des mots ou personnages difficiles à faire deviner. Le jeu perdrait clairement en rejouabilité s’il n’y avait que 40 cartes car l’ensemble finirait rapidement par être connu de tous et tout le monde utiliserait tout le temps les mêmes “définitions”. Sans parler des même blagues qui reviendraient tout le temps. Le seul moyen de le rendre rejouable serait alors de changer de groupe de joueurs ou d’espacer les parties (ce qui me fait prendre conscience que du coup j’en attends également de pouvoir enchaîner plusieurs parties avec les mêmes joueurs). 

Pour Dungeon Twister, en tournoi, je cherche à créer une composition ultime qui m’assure une victoire écrasante quelle que soit ce que fera mon adversaire. Cette “composition” étant faite d’une équipe de 8 personnages, 6 objets, 2 paires de salles, d’une façon de se placer initialement et de jouer, je ne l’ai pas encore trouvée. Mais il est sur que le jeu aurait été beaucoup moins rejouable si cette “composition” avait été trouvée au bout de 2 parties.

Dungeon Saga ne fait pas rire la tablée (quoi que c’est déjà arrivé une fois). Stratégiquement/ tactiquement, c’est un peu toujours la même chose. Mais à chaque fois, ce jeu me raconte une histoire différente ou m’aide à m’en raconter. C’est sur que s’il me racontait chaque fois la même histoire, là encore il ne serait pas beaucoup rejouable.

Du coup, la rejouabilité d’un jeu dépend avant tout de ce qu’on en attend. Après c’est un critère d’achat ou pas qui dépend de chacun, et je pense que c’est pour ça qu’on voit de plus en plus un petit laïus dessus dans les tests.