De la religion, du créationisme et de l'interprétation

Je remets le contexte :

Au sujet de la définition du croyant (de laquelle découlerait l’analogie) :
Eric dit:Est croyant toute personne qui fonde une vision, un raisonnement, une approche sur un postulat qu’il ne peut pas démontrer


Retranscrite dans un langage moins propre à des disciplines spécifiques, est croyant celui qui admet une vérité sur laquelle il ne peut porter un fondement rationnel.
En ce sens, par nature, l’être humain est croyant :
i) En tant qu’être empirique, tous les faits observables que lui autorisera sa perception seront de telles acceptations.
ii) En tant qu’être vivant doté de raison, sa raison pourra porter sur elle-même (en se prenant pour objet) mais sera dans l’impossibilité d’établir une vérité première par elle-même, puisque cette éventuelle raison première demanderait à nouveau une nouvelle tortue comme socle.
Cette définition contient donc en germe “l’homme est croyant”. Toutes ses activités commenceront par : “il croit que…”

Proposition de définition :
Est croyant celui qui admet quelque chose pour vrai, indépendamment de la raison.



Selon cette définition la croyance est arbitraire (comme n’étant pas conditionnée par la raison).

La raison est donnée comme le fait que j’ai un corps, une subjectivité, etc… La raison n’est pas indépendante d’elle même, par un principe d’identité.
Par ailleurs :
i) Si je n’ai pas confiance en ma raison, alors je n’ai pas plus de raison d’avoir confiance en ma subjectivité (on en revient à Grolapinos qui disait que dans ce cas - à base d’un tel relativisme, autant s’arrêter de penser)
ii) Scientifiquement, le temps faisant, ma raison m’a donné de nombreuses raisons d’avoir confiance en elle.

Et même si tu préfères mettre le préfixe “je crois que” partout, ça ne fait que déplacer le schmilblick sur la subordonnée : je crois que je crois vs je crois que je sais.

le ii) me paraît faux. Le temps faisant, ma raison m’a donné beaucoup de raisons de douter d’elle (ce qui est d’ailleurs ce qui me pousse à lui faire un peu confiance)

Cassiel dit:
Et même si tu préfères mettre le préfixe “je crois que” partout, ça ne fait que déplacer le schmilblick sur la subordonnée : je crois que je crois vs je crois que je sais.

Je crois que (:wink:) j’ai déjà admis le principe en disant que le savoir reposait d’abord sur un croire (et que la croyance n’était pas un savoir).
Mais, si je suis d’accord avec toi (et Grolapinos) sur le danger d’un relativisme qui finirait par pousser à abandonner toute pensée, je suis aussi persuadé qu’oublier le “je crois” du départ c’est aussi interdire toute pensée (ou en tout cas, toute progression de la pensée)

Bref, je ne suis pas tout à fait sûr que nos deux définitions du “croire” soient incompatibles. Seulement, nous poursuivons deux buts différents : je rappelles aux “savants” qu’ils sont d’abord, eux aussi, des croyants, et tu rappelles aux “croyants” que leur croyance n’est pas du même domaine que le “savoir”.
Je pourrais dire que tous les deux, nous essayons de réfuter les “sachants” (j’entends par là, ceux qui afirment “savoir”) mais nous ne visons pas le même sous-groupe de “sachants”

Au sujet de la foi que nous mettons dans la raison, n’oubliez pas que nous discutons après ceux que l’on a surnommé les “maîtres du soupçon” : Nietzsche, Freud, Marx aussi… et avant, Kant a ouvert la voie.

Nietzsche : vous défendez la raison / la science / la religion etc… parce que vous y voyez un avantage pour vous.

Freud : vous défendez la raison / la science / la religion etc… pour des raisons qui vous échappent en bonne partie et qui sont issues d’un monde non-rationnel.

Marx : vous défendez la raison / la science / la religion etc… en raison de votre situation sociale et de vos intérêts de classe.

Kant : vous ne connaissez le monde qu’au travers des catégories de l’entendement - en fait votre connaissance du monde reflète votre organisation.

Tout ceci est résumé à gros traits, et cette présentation est hautement critiquable. Mais enfin l’idée est que la recherche pure et désintéressée de la vérité est bien souvent un rêve - nous sommes très conditionnés ; nous avons du mal à accepter quelque chose qui ne provient pas de nous mêmes -ego, ego, ego !! Les gens qui s’opposent aux croyants repèrent bien tout cela dans l’histoire des religions : les intérêts drapés dans les beaux discours, les raisons mal à propos, comme l’attitude vis-à-vis de la sexualité, etc. Mais l’histoire des sciences montre que les scientifiques doivent également lutter en permanence contre cela - si du moins ils en sont conscients. Il n’y a pas dans l’usage de la raison qu’une question de raison, mais aussi un équilibre du caractère, une certaine modestie, qui doit pourtant se doubler d’audace, etc. Dur-dur.

Sinon, les gars, qu’est-ce que vous avez contre la philo ? Je viens d’obtenir ma licence ce mois de juin… dois-je essayer de vous prouver l’intérêt AUSSI de la philo ?! :lol: Pfff…

Spèce de chrétien post moderne aussi, va… :wink:

Philippe dit:
Sinon, les gars, qu’est-ce que vous avez contre la philo ? Je viens d’obtenir ma licence ce mois de juin… dois-je essayer de vous prouver l’intérêt AUSSI de la philo ?! :lol: Pfff…


Meuh non, j’ai rien contre la philo (et je n’aurais jamais pensé à te traîter de baleine), c’est juste que je lis de la théologie, des ouvrages de vulgarisation scientifique et aussi de la philosophie (la plupart du temps en vulgariser ou en réputé facile) et que je trouve que la philo (même vulgarisée ou même quand elle est chrétienne ) relève d’une toute autre forme de gymnastique intellectuelle que la science ou la théologie…

L’importance de la raison pour des croyants a été soulignée dans le discours de Benoit XVI au Parlement Britannique :

http://www.la-croix.com/Discours-de-Ben … 9617/47602