Nexus: Une brève histoire de l’information de l’âge de pierre à l’AI, de Yuval Noah Harari.
Pour le contexte, du même auteur, j’avais lu 21 leçons pour le XXIe siècle, dont je ne garde aucun souvenir si ce n’est que j’avais bien aimé sur le moment. Je ne crois pas avoir lu Sapiens mais on m’en a dit beaucoup de bien.
Sur celui-ci, mes sentiments sont partagés. Sur la forme, il sait tenir son lecteur en haleine avec des artifices qui le poussent à avancer, façon roman, malgré un thème pas hyper fun. Mais Harari n’est pas un littéraire, son style n’est pas terrible du tout. On va dire qu’on est en face d’un essai qui tente d’être accessible et agréable au plus grand nombre, et que ça implique des compromis. Le problème est que la structure de cet essai ne pas paru claire du tout. Autant dans la première partie, historique, tout semble couler de source et on le sent dans son élément, autant dans les deux suivantes où il imagine les conséquences que l’IA aura sur nos sociétés, c’est beaucoup moins le cas. Comme il verse volontiers dans le catastrophisme, j’ai eu le sentiment de parfois lire un excité en panique qui perd le fil de sa pensée en remettant n fois sur le tapis la même idée ou le même argument.
Pour détailler un peu, dans le 1er tiers, Harari brosse à grands traits un tableau de l’histoire des réseaux d’information chez l’homme, depuis les chasseurs-cueilleurs jusqu’aux débuts de l’ère informatique. Il insère judicieusement ici ou là des anecdotes historiques (généralement sanglantes et qui impliquent un grand nombre de morts) qui donnent corps à sa théorie. Plus spécifiquement, il s’intéresse au lien entre les technologies de la communication et les formes de gouvernement, avec la démocratie d’un côté et les régimes totalitaires de l’autre. C’est très intéressant, ça fait réfléchir et il prépare bien le terrain pour la suite.
Les parties 2 et 3 s’intéressent à l’informatique, aux réseaux sociaux, aux IA et à leur impact présent et futur sur les démocraties et les régimes totalitaires. Et là, même si je reconnais à l’historien une capacité à utiliser le passé pour mieux se projeter dans l’avenir, je vois qu’il touche à des domaines qui ne sont pas le sien. C’est sujet à débat mais il me paraît anthropomorphiser les IA un peu trop, même s’il s’en défend. Les IA d’aujourd’hui, à mon sens, n’ont pas les capacités qu’il leur prête. Alors bien sûr, il prend les devants et pose les définitions d’intelligence, de conscience, de créativité, etc qui sont les siennes, histoire de comprendre correctement son propos. Reste qu’il évacue tout côté positif des IA en disant qu’on en entend suffisamment de bien ailleurs et qu’il se concentre sur les risques. Ca manque de nuance. Aujourd’hui, ma plus grande inquiétude concernant les IA n’est pas qu’elles développent par elles-mêmes un agent biologique capable d’annihiler l’humanité. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il verse dans le sensationnalisme pour vendre plus de bouquins.
Tout n’est pourtant pas à jeter : beaucoup de choses vont me permettre d’alimenter ma réflexion sur ce sujet qui m’intéresse. Et je suis d’ailleurs plutôt d’accord avec beaucoup des risques qu’il évoque. Mais ce n’est pas un travail de recherche, c’est un essai qui est écrit avec l’objectif d’être un best seller et pour cela, il cherche en permanence à titiller l’émotion du lecteur (et pas ses émotions positives). Il est remarquable d’ailleurs qu’il propose assez peu de solutions pour éviter la myriade d’apocalypses qui nous attend.
Bref, à lire, mais en prenant la distance qui s’impose !