Sherinford dit:Budnic dit:Imaginons que je crée un jeu. Un éditeur m’édite et me publie : il y a des cartes, une boîte et un prix. Mais une société qui fait dans l’événementiel prend mon jeu, l’utilise dans ses soirées et gagne de l’argent. Est-ce que je n’aurais rien à dire sous prétexte qu’ils ont acheté un exemplaire de mon jeu? Comme il y a exploitation commerciale, j’imagine que je peux avoir mon mot à dire…
OK, imaginons que tu crées un fauteuil original, et que ce fauteuil est acheté par une société et que les clients de cette société s'assoient dessus. Penses-tu pouvoir y faire quelque chose?
Justement, je crois que le débat ici tourne autour du fait qu'un jeu de société est plus à mettre dans le même sac qu'un disque/une chanson, un film, un livre, etc. et non un fauteuil, un yaourt, un vase. Lors de débats qui avaient opposé l'Europe et les Etats-Unis à propos du traité du GATT (si je me souviens bien), la France a réussi justement à faire se distinguer la culture comme un produit différent. C'est ce que l'on a appelé l'exception culturelle française. Alors peut-être que je mélange tout, c'est possible, je ne suis pas juriste ni au faîte de la question, mais c'est un peu sur base de cette idée-là que je me dis que le jeu de société est autre chose qu'un simple produit de supermarché. Et encore y a-t-il le droit à l'image pour toutes les célèbres marques qu'on y trouve.
Par ailleurs, ce serait bien que Mathieu d'Epenoux nous explique comment ils font pour "allumer" les boîtes d'événementiel qui utilisent ses jeux sans autorisation.
Sherinford dit:Pareil pour ton jeu: il fait partie de la collection d'une ludothèque ou d'une association et pourrait être utilisé lors des soirées jeux de cette association. Trouves-tu que c'est un usage anormal? Même dans le cas d'une société commerciale, comme un café jeu, par exemple?
La différence entre l'exemple que je donne et celui que tu cites est que dans un cas on gagne de l'argent, dans l'autre non, ou pas vraiment. C'est un point qui avait été mis en avant par Thot dans une de ces interventions, il me semble.
Sherinford dit:Je pourrais comprendre que tes droits soient protégés si un événement ne reprend que TON jeu, et utilise la marque de ce jeu comme marque. Là, OK, il y a sans doute un problème. De même si une émission télévisée reprend ton concept, etc... Mais juste acheter tes boîtes et les utiliser, je ne crois pas.
Sans doute faudra-t-il s'entendre sur ce que l'on entend/peut comprendre par "utiliser". Perso, je distinguerai "utiliser" au sens de jouer et "utiliser" au sens d' "exploiter et se faire du fric avec". Mais je ne suis pas juriste, je le répète.
Sherinford dit:
[quote:"Budnic"]
Deuxième exemple : imaginons.
Mon magasin de jeu favori a un exemplaire d’Antiquity. Un samedi sur deux une soirée jeu est organisée, le prix pour y participer est de 2 €. Pour 2 € je peux donc jouer à un jeu qui m’aurait coûté 70 (80 ?)€. Je vais donc pouvoir faire 35 parties avant de me dire « j’aurais mieux fait de l’acheter ». Mon vendeur de jeux favoris lui aussi est content. Au lieu d’avoir du mal à vendre des Antiquity, il en a acheté un et il empoche 8 € par partie. Il fait même du bénéfice à partir de la 4ème ? 5ème partie. Sauf que tout cela ça fait des jeux qui ne se vendent pas. On peut imaginer que cela puisse être considéré comme un manque à gagner.
Il est sold out, ce jeu, non? A priori, l'éditeur n'a plus aucun droit dessus si la licence est expirée. Même en admettant que l'auteur assigne le magasin (il a du temps et de l'argent à perdre - ça coûte cher, les avocats), à priori dans le cadre de la responsabilité délictuelle, vu qu'aucun contrat n'existe entre eux, quel est son préjudice? La boutique contribue à continuer à rendre son jeu populaire, ce qui pourrait aboutir à une réédition...
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Je crois que quelqu'un a déjà répondu là-dessus en signalant que ce n'est pas parce que le jeu est épuisé que les droits deviennent caduques. Encore une fois, si on place le jeu de société comme produit culturel, on peut comparer (comparaison n'est pas raison, certes), avec les films Disney ou les Chaplin. Il y a eu à un moment épuisement des produits. Epuisement voulu par les producteurs (qui ont fait revenir les exemplaires qui trainaient) afin de préparer le terrain aux nouvelles éditions remastérisées. Cela ne donnait aucunement le droit de copier les films en question. De même faire des photocopies d'un bouquin qui serait épuisé. A moins que l'auteur ne soit mort depuis 70 ans, ses droits sont en vigueur même si le livre n'est plus disponible.
Maintenant, ta parenthèse "
(il a du temps et de l'argent à perdre - ça coûte cher, les avocats)" marque sans doute la limite entre le droit des auteurs et le fait de l'appliquer...
Sherinford dit:Budnic dit:Troisième exemple.
Sur base d’un jeu de société, je crée un jeu télévisé. Cela fait de l’audience, il y a des recettes publicitaires. La chaîne gagne de l’argent, le présentateur aussi... et nada pour l’auteur et l’éditeur du jeu ? J’ai du mal à le croire et je pense que les versions télé de Trivial Pursuit et consort ont dû au minimum être avalisées par les éditeurs et/ou auteurs.
Il y a une différence dans ce cas: on ne se contente pas d'acheter et d'utiliser une boîte. On reprend le concept et les idées de l'auteur pour créer une émission télévisée. C'est sans doute la meilleure hypothèse.
A cela je poserais quelques questions complémentaires :
1° Est-ce que la fréquence de l'émission a de l'importance? Si c'est un émission hebdomadaire ou si c'est un one-shot...
2° Est-ce que le nombre de spectateurs a de l'importance? émission régionale ou nationale...
Parce que, à considérer qu'il y a créatioon d'une sorte de "spectacle" autour d'une boîte de jeu de société, je ne vois pas bien la différence qu'il pourrait y avoir entre le jeu télévisé en question et les vidéos de M. Phal où une partie est mise en scène : show, pub, recette publicitaire...
(PS : aucune attaque envers quiconque et surtout pas M. Phal. J'essaie de comprendre le niveau juridique de l'histoire, et je comprends bien qu'en réalité les éditeurs ont tout intérêt à laisser Phal faire ses vidéos, c'est de la pub pour eux et d'ailleurs ils sont souvent là eux-mêmes ce qui, de facto, vaut pour une autorisation. Mais c'est l'exemple excessif de la SACEM et de la chanson d'Hugues Aufray qui me vient encore à l'esprit.)Sherinford dit:Budnic dit:Quatrième cas particulier. Je me fais faire des T-shirts « Puerto Rico » avec des visuels du jeu d’Andreas Seyfarth. Est-ce que je viole la loi dans ce cas. Est-ce que je fais de posséder le jeu y change quelque chose ?
Oui. Mais sans doute pas au sens où tu le penses. Les dessins utilisés sur une boîte appartiennent au dessinateur, et pas à l'éditeur du jeu. Sauf exception, l'éditeur a une licence limitée par rapport à ces illustrations et ne peut en faire que certains usages. Le fait d'acheter une boîte sur laquelle il y a un dessin ne te donne donc pas de droit sur ce dessin.
En pratique, j'imagine mal qui que ce soit te poursuivre parce que tu t'es fait un T-Shirt personnalisé, mais bon...
Je ferais la même remarque sur le "en pratique" que sur la parenthèse citée plus haut ("il a du temps et de l'argent à perdre - ça coûte cher, les avocats"), à savoir qu'il y a bien une différence entre avoir un droit et l'appliquer et même encore pourvoir l'appliquer : il y a des limitations de vitesse sur les routes, elles sont fréquemment franchies mais on n'est pas sanctionné pour autant parce que 1° il n'y a pas des flics tous les cent mètres pour constater ces infractions et 2° si toutes les infractions étaient constatées et verbalisées, les tribunaux seraient paralysés et ne pourraient donner suite avant qu'il y ait prescription. D'où, souvent, une tolérance officieuse de 10% de la vitesse autorisée sur les routes.
Sherinford dit:"Budnic]Et si maintenant je vends ces T-shirts ?
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Là, tu te prépares à de gros ennuis.
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Pourquoi? Parce qu'il y a exploitation commerciale? Nous sommes donc bien d'accord. Sauf que personnellement je vois aussi une exploitation commercial possible (voire théorique) dans l'utilisation d'un jeu par une société qui se charge d'animer une soirée, ou même par le magasin qui permet aux joueurs de jouer sans acheter des boîtes mais en leur faisant payer un droit d'entrée : où s'arrête le coup de pub pour l'éditeur? où commence le manque à gagner?
[quote="Sherinford dit:[quote=""Budnic]
Pierre Palmade a fait un sketch sur le Scrabble,
Il y a des exceptions à certains droits intellectuels en ce qui concerne la parodie, mais je sais pas si ça peut s'appliquer à ce cas...
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Je sais qu’il y a une exception pour une exploitation pédagogique d’une partie du contenu : en tant que prof, je peux utiliser un extrait de texte et travailler dessus avec mes élèves, mais je ne peux leur donner tout le texte, il faudrait qu’il l’achète. Idem pour un film : les petits clubs de cinéphiles amateurs qu’il y a dans les lycées ou à l’université sont dans l’illégalité quand ils diffusent un film in extenso sans en demander l’autorisation préalable (et ce même si le film n’est pas disponible à la vente/n’a pas été édité en format vidéo, DVD ou Blue Ray). Mais pour illustrer un cours sur le cinéma, j’ai le droit de montrer un extrait.
Mais encore une fois, ce raisonnement se base sur le fait que le jeu de société est à considérer comme un produit culturel (livre, film, etc.)
Cela dit, j’imagine que le jour où un procès aura lieu (Mathieu d’ICP peut peut-être nous donner un exemple perso), le jugement qui sera rendu mettra un terme à nos tergiversations… (C’est le fameux cas de jurisprudence réclamé à cor(p)s [sic] et à cris par Sherinford.)