Et pourquoi pas des auteurs de Jeux de Société décorés ?

bruno faidutti dit:Bon, ce sujet a gagné beaucoup de pages depuis la dernière fois que je l'ai lu, je ne suis pas retourné en arrière. Je voudrais juste répondre à El Comandante.
Si je pense qu'un jeu peut-être qualifié d'objet culturel, c'est parce que, quand je crée un jeu, je n'ai pas l'impression de faire un travail très différent de celui de l'écrivain ou du scénariste de cinéma. Une autre raison très pratique est que, si le jeu n'est pas un objet culturel, étant fonctionnaire, je n'ai tout simplement pas le droit de créer des jeux, et ce serait dommage !
Sinon, je ne comprends pas du tout ce que viennent faire ici les remarques sur la simulation. Je n'ai d'ailleurs jamais vraiment compris le lien que certains faisaient entre jeu et simulation.

Je pense que tout créateur, quelque soit son champ de travail, des maths à un scénario de pub en passant par le design d'un logiciel a ce sentiment.

Les remarques sur la simulation viennent de la relance d'un vieux débat houleux ou je demandais, aux tenants de la simulation ludique, comment ils justifiaient la chose. Le ton est monté haut, le débat est resté bas, et le mot simulation est toujours tristement galvaudé.

Maintenant, un objet culturel est il toujours une oeuvre d'art ?
jmguiche dit:Ca, c'est un manque d'honnêteté troublant.

non non, tu t'emballes juste un peu vite.
jmguiche dit:Je suis étonné du langage que tu emploie. "La validation d'un modèle que serait le jeu..." dans mon souvenir tu es de ceux qui considèrent pourtant certain jeu comme des simulation, et donc des objets scientifiques non ?

Non. Et c'est bien pour cela que je posais la question (c'est juste une question, pas "un langage que j'emploie" :roll: ), et non pas par manque d'honnêteté provocatrice comme tu le dis : le jeu, même dit de simulation, est-il apte/destiné/intéressé à être considéré dans certaines de ses variantes comme un objet scientifique, donc soumis à validation / réfutation. Personnellement je ne le pense pas, mais tes rapprochements avec les modèles de validation laissent supposer que tu entends le contraire.
jmguiche dit:Quant au débat, ce n'est ni le jeu comme oeuvre d'art ou scientifique, mais "pourquoi les auteurs de jeux n'ont ils pas le mérite agricole", et nous avons la réponse : "parce que les joueurs n'ont pas d'orthographe".
(je résume).

Les seuls débats intéressants sont ceux qui évoluent.
Sinon, sur les hochets freudiens, je n'ai pas grand chose à ajouter; "ne pas les demander, ne pas les refuser, ne pas les porter".
bruno faidutti dit:Si je pense qu'un jeu peut-être qualifié d'objet culturel, c'est parce que, quand je crée un jeu, je n'ai pas l'impression de faire un travail très différent de celui de l'écrivain ou du scénariste de cinéma.

OK avec ça.
bruno faidutti dit:Une autre raison très pratique est que, si le jeu n'est pas un objet culturel, étant fonctionnaire, je n'ai tout simplement pas le droit de créer des jeux, et ce serait dommage !

Etrange, la fois où je devais éditer, étant soumis à autorisation de mon ministère, ma demande avait spontanément été associée à celle de la publication d'un livre. Mais tout cela est peut-être encore trop flou au niveau des textes.

Le mot “simulation”, quand on parle d’un système, ce qu’est un jeu, est un mot, un concept scientifique. Parler de modèle et de validation est donc justifié, n’en déplaisent à ceux qui ne le comprennent pas.

Si ce sont des jeux de simulation au sens de “faire semblant”, en effet, le débat n’a pas lieu, mais le terme bien pompeux.

Bonjour,

Beaucoup de réflexions intéressantes dans ce sujet. Les ai-je trouvées intéressantes parce qu’ elles répondent aux miennes, sans doute.
Voici donc ce que j’en pense.
J’ai le sentiment que le débat de la forme du texte dans les jeux se rapproche de l’éternel polémique sur l’importance du style dans la littérature. Le style fait-il l’oeuvre ou est-ce le sens ? Je n’en sais rien !
En revanche, le style dans la rédaction des règles (orthographe, grammaire, construction…) est primordial dans la mesure où " il fait sens ". Il était fréquent le cas d’une mauvaise rédaction qui perturbait irrémédiablement la qualité d’un jeu. Les choses s’améliorent au fil du temps, et c’est bien ! La rédaction des règles d’un jeu, même simple, est un exercice oh combien ardu. Faites-en l’expérience, vous risquez d’être sidéré par les interprétations abusives !

Cet aspect de la chose joue-t-il un rôle important pour ce qui est de la reconnaissance de l’aspect culturel de notre passion?
Il me semble que oui. Je crois que que cela pourrait apporter un plus, sublimer le simple aspect mécanique un peu trivial du jeu.
Peut-être un supplément d’âme.

Nous autres auteurs, ne sommes-nous pas simplement frustrés de ne pas être écrivains, musiciens, plasticiens ou autres transmetteurs d’émotions ? d’où cette frustration qui parfois nous hante.

La reconnaissance “officielle” de l’aspect culturel des jeux ne se résume pas à une récolte de médailles, ou à l’envie d’auteurs et éditeurs d’être admirés. Pour moi, cette reconnaissance est une envie légitime de nous tous. Joueurs, bénévoles, chroniqueurs, auteurs … Nous méritons mieux qu’un haussement d’épaules des tenants du patrimoine culturel et du grand public.

Pour finir, il me semble que le jeu n’est pas une simulation de la réalité (dieux merci) mais une transposition.

Puisque nous parlons de jeu, je vous en propose un. Voici un petit questionnaire à la Proust (ou Pivot) pour le plaisir :

- Qu’est-ce qui vous fait aimer un jeu ?
- Qu’est-ce qui vous fait détester un jeu ?
- Qu’est-ce qui vous fait aimer un joueur ?
- Qu’est-ce qui vous fait détester un joueur ?
- Vous serait-il difficile de ne jamais plus jouer ?
- A l’occasion d’un jeu, avez-vous été envahi d’un sentiment puissant : haine, amour, enchantement …?
- Avez-vous exposé chez vous un jeu comme vous le feriez d’un tableau ?
- Votre ludothèque, est-elle mise en évidence ou l’avez-vous planquée dans un endroit discret ?
- Etre joueur vous a-t-il bonifié d’une façon ou d’une autre?
- Parlez-vous souvent de jeux à votre famille ou collègues de bureau ?
- Que pensent vos proches du fait que vous aimiez les jeux de société ?
- Accordez-vous une attention bienveillante à tel ou tel auteur de jeux ?

Ludiquement.

Merci beaucoup Hervé de ton intervention lucide et honnête.
Pour répondre à ton questionnaire :
- ce qui me fait aimer un jeu est avant tout à sa capacité à m’obliger à mettre en place une stratégie (j’aime beaucoup de jeux…)
- ce qui me fait détester un jeu est du coup une mécanique répétitive où il n’existe pas de richesse stratégique
- un joueur que j’aime est un joueur qui sait bluffer, qui sait perdre, qui anime une table un peu façon roleplay
- un joueur que je détesterais (c’est un peu dur car je ne suis pas du genre méchant), c’est le tricheur (mais du coup, ce n’est pas un joueur)… Je n’ai pas trop les lents ou les distraits, mais de là à les détester.
- je jouerai jusqu’à l’EHPAD !
- sur des gros jeux, bien longs - genre TI3, CoE2, Shogun, j’ai déjà eu des émotions énormes, de puissance, de désenchantement, de gloire !
- ma collection de jeux est bien en évidence mais je n’expose pas mes jeux comme des oeuvres (d’ailleurs, je n’en expose pas)
- je parle assez facilement des jeux autour de moi
- mes proches sont souvent amusés de me voir arriver avec une pile d’un mètre de hauteur de jeux pour un we. Ils sont bienveillants si les jeux ne sont pas trop geeks… J’en ai converti plusieurs dont mon épouse (reine de Dominion, de DL, d’Endeavor…)
- Oui les auteurs comptent beaucoup, surtout quand on a eu la chance de les croiser (pour tester un de leur proto par ex, souvenirs d’un skull & roses à Damvix :pouicok:). J’ai beaucoup d’admiration pour ceux qui arrivent à se faire éditer. Leur personnalité transpire souvent des jeux, on pourrait vraiment parler de style, du coup. A une époque, on s’était posé la question de faire une tric trac cup des auteurs puis on s’était ravisé en se disant que cela serait mieux de faire des fiches auteurs, pour bien mettre en valeur leur style. Il faudrait peut-être s’y coller, cela pourrait être une belle forme de reconnaissance finalement : des fiches auteurs créées par des joueurs !
A+

Hervé Marly dit:
Nous autres auteurs, ne sommes-nous pas simplement frustrés de ne pas être écrivains, musiciens, plasticiens ou autres transmetteurs d'émotions ? d'où cette frustration qui parfois nous hante.

Alors ne soit pas frustré car des émotions vous nous en transmettez un paquet. :pouicok:

Hervé Marly dit:
Cet aspect de la chose joue-t-il un rôle important pour ce qui est de la reconnaissance de l'aspect culturel de notre passion?
Il me semble que oui. Je crois que que cela pourrait apporter un plus, sublimer le simple aspect mécanique un peu trivial du jeu.
Peut-être un supplément d'âme.


Pour moi une règle est un livret technique, pas un roman. Pour l'exemple, j'aime beaucoup le travail fait par Vlaada Chvátil dans ses règles mais la plupart des joueurs seront d'accord pour dire que si elles sont un régal à la première lecture c'est une horreur si tu dois y revenir en cours de partie.
Par contre là où pourrait s'exprimer cette envie d'écriture ,c'est dans le background qui est, pourtant, souvent réduit à sa plus simple expression. On est d'accord dans le party game et dans le gros jeu à thème plaqué ça n'a aucune utilité, mais je trouve vraiment dommage que dans les jeux qui ce veulent thématiques et immersifs cette partie background n'existe quasiment plus.

Je répondrai plus tard au questionnaire.
Mais, pour la qualité de rédaction d’un jeu, quelle esl l’importance?
Majeur ? C’est par elle que le jeu va pénétrer on public… Mineur ? Peu nombreux sont ceux qui la lisent, beaucoup se font expliquer.

En fait, de mon point de vue, si reconnaissance culturel il y a, ce n’est pas dans la rédaction de la régle, c’est dans la pratique, dans le fait de jouer. Contrairement a toutes les autres ‘activités culturelle’ : littérature, ciné, theatre, musique, opéra… Le ‘spectateur joueur’ est acteur. Le joueur est acteur de son jeu, il est créateur de sa partie. Tout ce qui est qualifié de culturel met avant tout le ‘client’ dans un rôle passif, de réception d’un message. Ce n’est pas le cas du jeu.
Cette originalité ne peut que lui nuire dans la vision actuelle de la culture, très orientée ‘éducation nationale’ ou des ‘sachants’ dispensent leur supériorité au pékin lambda.

Hervé Marly dit:
- Qu'est-ce qui vous fait aimer un jeu ?
- Qu'est-ce qui vous fait détester un jeu ?
- Qu'est-ce qui vous fait aimer un joueur ?
- Qu'est-ce qui vous fait détester un joueur ?
- Vous serait-il difficile de ne jamais plus jouer ?
- A l'occasion d'un jeu, avez-vous été envahi d'un sentiment puissant : haine, amour, enchantement …?
- Avez-vous exposé chez vous un jeu comme vous le feriez d'un tableau ?
- Votre ludothèque, est-elle mise en évidence ou l'avez-vous planquée dans un endroit discret ?
- Etre joueur vous a-t-il bonifié d'une façon ou d'une autre?
- Parlez-vous souvent de jeux à votre famille ou collègues de bureau ?
- Que pensent vos proches du fait que vous aimiez les jeux de société ?
- Accordez-vous une attention bienveillante à tel ou tel auteur de jeux ?


N'importe quel créateur, dans la mesure où il livre une partie de lui aux autres, a besoin de reconnaissance. Une médaille, c'est du gadget. Qu'on reconnaisse par contre une production pour ses vertus, quelles qu'elles soient, c'est important, et ceci au plus haut niveau institutionnel.

Et donc pour répondre au questionnaire :
- son esthétique, son thème et la sensation d'évasion qu'il va me procurer.
- un matos pourri, s'il est trop "excitant" ( jungle speed par exemple ) ou avec un système qui ne m'intéresse absolument pas ( bluff, désolé Hervé ), ou encore si j'arrive à faire ma liste de courses pendant la partie en oubliant des choses parce que vraiment ce jeu, pfffff, tellement naze qu'on n'arrive même pas à faire correctement autre chose en même temps pour faire semblant.
- s'il est impliqué, discret, rapide et efficace.
- sa lenteur et surtout s'il fait de l'anti-jeu, ce que je déteste par dessus tout.
- je joue peu et ça m'est difficile. Alors plus du tout, n'en parlons même pas.
- pendant, pas forcément, après oui. Un jeu peut me procurer un réel sentiment de bien-être après une partie agréable.
- pas d'exposition mais si c'était possible en terme d'espace, je pourrais le faire, oui.
- ludothèque dans MON espace pour éviter des grosses pattes dégueulasses de n'importe qui dessus.
- être joueuse me détend, c'est plus qu'une bonification !! ( mais avec le revers de la médaille dans les périodes de vaches maigres ludiques )
- oui, j'en parle souvent.
- pas de réaction particulière de mes proches
- trop "jeune" dans le milieu, mais je commence à repérer certains noms avec bienveillance, oui.

Peut-être découper cette nouvelle direction de sujet dans un autre post ?
jmguiche dit:
Contrairement a toutes les autres 'activités culturelle' : littérature, ciné, theatre, musique, opéra... Le 'spectateur joueur' est acteur. Le joueur est acteur de son jeu, il est créateur de sa partie. Tout ce qui est qualifié de culturel met avant tout le 'client' dans un rôle passif, de réception d'un message. Ce n'est pas le cas du jeu.


Pas vraiment d'accord sur la passivité dans les activités culturelles autres que le jeu !! Il y a là-aussi le spectateur et l'acteur !! Alors sans doute moins commun en littérature ou au ciné puisque tout le monde n'a pas son petit atelier d'écriture ou sa caméra à la maison, mais pour la musique par exemple, je pense qu'il y a énormément d'acteurs !! Et c'est d'ailleurs en l'ayant vécue dans ce rôle qu'on devient un spectateur qui prend encore plus de plaisir. Idem pour le théâtre. Et en plus il y a souvent des jeux que l'on subit et où là pour le coup on devient spectateur. Je trouve cette partie de ton argumentation quelque peu inexacte, ou plutôt je n'y adhère pas du tout.
JM Guiche : Le 'spectateur joueur' est acteur. Le joueur est acteur de son jeu, il est créateur de sa partie. Tout ce qui est qualifié de culturel met avant tout le 'client' dans un rôle passif, de réception d'un message. Ce n'est pas le cas du jeu.
Cette originalité ne peut que lui nuire dans la vision actuelle de la culture, très orientée 'éducation nationale' ou des 'sachants' dispensent leur supériorité au pékin lambda.


Je partage cette analyse. Et c'est également ce qui fait toute la beauté des jeux. En illustration de cette opinion, je ferai le parallèle avec le théâtre d'improvisation qui souffre de ce même genre de condescendance.
En revanche je désirai passer le message de la transmission d'une certaine émotion, de la création d'un univers et cela ne se limite bien entendu pas à la rédaction d'une règle aussi littéraire puisse-t-elle être.
Le jeu est en ensemble hétéroclite d'éléments dont l'association des saveurs en donne tout la substance.

Pour aider Hervé Marly à faire son prochain jeu. :mrgreen:

- Qu’est-ce qui vous fait aimer un jeu ?
Le thème ou les mécanismes.

- Qu’est-ce qui vous fait détester un jeu ?
Le thème ou les mécanismes et parfois son esthétisme si il est vraiment moche de chez moche.

- Qu’est-ce qui vous fait aimer un joueur ?
Le fait de passer un bon moment quand on joue.

- Qu’est-ce qui vous fait détester un joueur ?
Qu’il soit très mauvaise perdant et mette sa défaite sur le compte de raisons toujours autres que sa façon de jouer.

- Vous serait-il difficile de ne jamais plus jouer ?
Je pense que oui, faudrait que j’essaye mais je n’ai pas le courage.

- A l’occasion d’un jeu, avez-vous été envahi d’un sentiment puissant : haine, amour, enchantement …?
A part un énorme fou rire une ou deux fois, non.

- Avez-vous exposé chez vous un jeu comme vous le feriez d’un tableau ?
Non, tout est rangé dans les boîtes mais je vais y réfléchir.

- Votre ludothèque, est-elle mise en évidence ou l’avez-vous planquée dans un endroit discret ?
En fait il y en a un peu de partout, il faut vraiment que je range.

- Etre joueur vous a-t-il bonifié d’une façon ou d’une autre?
Je suis peut-être plus patient pour expliquer les choses à force d’expliquer des règles.

- Parlez-vous souvent de jeux à votre famille ou collègues de bureau ?
Oui, j’essaye toujours de faire du prosélytisme mais ce n’est pas facile avec certains.

- Que pensent vos proches du fait que vous aimiez les jeux de société ?
Maintenant ils ne font plus de commentaires, ils jouent avec moi.

- Accordez-vous une attention bienveillante à tel ou tel auteur de jeux ?
Ça m’arrive avec certains auteurs que je trouve injustement attaqués, comme par exemple l’auteur de Skull & Roses.

Cher Monsieur Hervé,

Juste quelques petites réflexions sur quelques points évoqués.

Provoquer de l’émotion, à mon sens, ne fait pas œuvre ou culture. Devant un meurtre, par exemple, on peut être écœuré, ou excité si on est l’assassin de type sérial killer.

Il est des œuvres artistiques, plutôt contemporaine, où le spectateur n’est pas passif, il est inclus dans le projet. Inclus en tant que “objet”, outils, “pigment” ou en tant que créateur annexe (en musique par exemple ou on va le faire passer sur des zone pour créer des sons…).

Bref, de quoi compliquer, creuser la réflexion :)

Bien à vous de cordialement

Monsieur Phal

Bonjour à tous,

je me permets de donner mon avis sur cette question de la décoration des auteurs de jeu, malgré les réponses, fort intéressantes et déjà nombreuses de professionnels et d’amateurs éclairés.

En ce qui concerne l’ordre des chevaliers des arts et des lettres, je m’abstiendrai de tout jugement sur les personnes citées à ce titre, mais il faut reconnaître que la médiatisation et les effets de mode sont parfois plus déterminants que l’impact réel des activités des nommés sur le public. Ou alors tout simplement de la cooptation plus ou moins honorable. J’ai vu dans la liste des chevaliers le chauffeur d’un ancien ministre de la culture, par exemple… Peut-être chante-t-il du bel canto en conduisant? Il y a aussi un maître d’hôtel, toujours du ministère de la culture.

Du coup on a deux points de vue qui peuvent s’affronter sur cette distinction:
1/ Le point de vue puriste (que certains trouveront radical): il existe selon la terminologie “classique” sept arts, voire officieusement un huitième avec la bande dessinée, et le jeu ne fait pas partie de ces catégories.
2/ Tout produit de création peut être considéré comme culturel (la cuisine, le jeu, la haute couture, par exemple).

Curieusement, le jeu semble pouvoir évoluer à la fois dans les deux catégories: pour Bruno Faidutti, le travail de créateur de jeu est comparable à celui de cinéaste, ou d’écrivain. Pour d’autres membres du forum, le jeu est un produit culturel et a droit de cité dans les distinctions honorifiques. Hervé Marly parle d’émotion comme vecteur d’identité artistique.

Personnellement, je pense que toute création n’est pas forcément artistique. C’est un débat philosophique, et qu’on me pardonne de ne pas entrer dans les détails de mon avis, ce serait rébarbatif! Je me contente de le donner. Cependant, le jeu est pour moi un produit hautement culturel, que je place dans l’art à la croisée de plusieurs chemins (littérature, théâtre, et même musique: des jeux de rôles ont proposé des musiques composées pour certains scénarios: AD&D en son temps, Maléfices, et aujourd’hui Les Ombres d’Esteren).

Certains évoquaient plus haut la question du langage et de l’orthographe. J’ai remarqué que bien souvent certaines personnes dont la participation à ce forum se résume à la polémique stérile aiment à stigmatiser l’orthographe défaillante, les fautes de syntaxe, etc. Je leur répondrai qu’il eût fallu qu’ils songeassent eux-mêmes à soigner leur écriture faussement “parfaite” et parfaitement ampoulée! Je vise des individus qu’on trouve régulièrement dans la catégorie “médiévale” du forum.
Malheureusement, ce point Godwin de l’orthographe semble impliquer que le joueur est forcément un fin lettré et que seule la beauté du style importe, et que les forums devraient être des lieux où l’on respire la figure de style et la perfection grammaticale. Cela dit, Tric Trac n’a pas à rougir, le niveau général est plutôt élevé dans la rédaction! Allez donc sur d’autres forums, vous aurez des sueurs froides parfois.
Ce n’est pas dans cette optique que je vois la qualité littéraire du jeu: certes, les règles pleines de fautes sont peu agréables à lire (mais ne sont-elles pas en réalité des coquilles? Je suis critique littéraire et jury de prix littéraire, et je suis confronté bien souvent à des romans ou des études historiques bourrées de fautes, dûes à une paresse éditoriale sans limites. L’auteur ne saurait être incriminé, c’est une question de qualité d’impression et d’édition). L’écriture d’un jeu et la création de son matériel, c’est un processus dérivé de la littérature, cela me semble évident.
Imaginer un contexte, un univers, une mécanique, c’est littéraire: Racine, lui-même, le grand auteur de tragédies, faisait des schémas, des plans pour ses pièces. Il disait qu’écrire des vers était la partie la plus simple, et pour cause: un vocabulaire limité (mais oui, peu de mots) et des rimes préétablies! Comme quoi, il écrivait “le système de jeu” avec plus d’attention que la formulation de ses règles. Alors oui, écrire un jeu, établir un système, c’est un acte littéraire. Que chacun accomplit avec ses moyens: tout le monde n’est pas Shakespeare…
Le jeu de rôle, évidemment, entre dans cette catégorie, même s’il mériterait une discussion à part entière.

Donc, oui, je pense qu’un créateur de jeu pourrait être récompensé. Cela me ravirait, même. Mais les distinctions nationales sont une affaire souvent biaisée dès le départ, un peu comme la légion d’honneur donnée au tout venant, ou comme les dépouilles qu’on fait entrer au Panthéon: avez-vous remarqué, par exemple, qu’il n’y a aucun compositeur au Panthéon?
Et malheureusement, je partage le pessimisme de certains: le poids économique serait pris en considération avant la qualité intrinsèque du produit…

J’ai dû abréger tout ce que je voulais dire, et encore ce fut bien long… désolé, mais je suis bavard!

Monsieur Phal dit:Cher Monsieur Hervé,
Juste quelques petites réflexions sur quelques points évoqués.
Provoquer de l'émotion, à mon sens, ne fait pas œuvre ou culture. Devant un meurtre, par exemple, on peut être écœuré, ou excité si on est l'assassin de type sérial killer.
Il est des œuvres artistiques, plutôt contemporaine, où le spectateur n'est pas passif, il est inclus dans le projet. Inclus en tant que "objet", outils, "pigment" ou en tant que créateur annexe (en musique par exemple ou on va le faire passer sur des zone pour créer des sons...).
Bref, de quoi compliquer, creuser la réflexion :)
Bien à vous de cordialement
Monsieur Phal


Merci Monsieur Phal pour votre contribution.
Je pense m'être expliqué d'une façon un peu maladroite. J'ai la certitude ( elles sont peu nombreuses) que l'art doit provoquer une émotion, mais que toute émotion n'est pas art. Du coup j'imagine que nous avons plus ou moins le même avis.
Je n'aurai pas la prétention de penser que mes jeux ont un caractère artistique, mais il me semble que pour certains autres la question mérite d'être posée.
Effectivement il existe de nombreuses expressions artistiques qui demandent une participation du public/auteur. Mais il faut bien constater que dans une certaine classification "classico-académico-corico", ces oeuvres sont mésestimées. Et tout principalement parce qu'elles présentent justement un caractère ludique.
Les principes d'élitiste et d'ermétisme reste fondamental pour beaucoup de "cultureux", même s'il n'est pas une volonté mais plutôt un constat. Nous somme évidement mal barré à leur yeux ;-) Tant pis, pour eux !
Undead Grumly dit:Bonjour à tous,
je me permets de donner mon avis sur....
... ce que je voulais dire, et encore ce fut bien long... désolé, mais je suis bavard!


La manipulation de cette citation est ironique, juste pour éviter de faire trop consensuel avec Undead Grumly . Mais je suis pour l'essentiel d'accord.

Le jeu est un enfant bâtard de la culture, il est vivant, parfois rebelle ou politiquement incorrect, parfois consensuel et puéril. Mais me semble-t-il, toujours vain et paradoxalement avec des "enjeux" limités.

Il est toujours difficile de résumer ce qu'est le jeu de société en une seule définition. Comment exprimer une règle simple qui trace la frontière que nous dressons tous instinctivement entre jeu et non-jeu ?
Je crois qu'une des réponses est l'importance de l'"enjeu".
Par exemple, le poker perd sa qualité de jeu à mesure de l'importance de l'argent misé. Le sport à partir de l'instant ou seule la victoire est belle. Le code de la route parce que la vie des usagers est "en jeu".

L'expression artistique est objectivement vaine et sans enjeux (hormis pour les auteurs, bien entendu).
Alors, ne sommes-nous pas dans la même famille ?

Allez, bonne journée à tous.
Amour, longue vie et prospérité…

Cher Monsieur,

Il est une chose amusante aussi, c’est que le discours globalise. On est tous d’accord pour dire que la musique est un Art. Mozart, Sati… Mais quid de “Machin la taupe” et autres tubes de l’été là pour faire que de l’argent l’été… La peinture est un Art, Léonard de Vinci, Duchamps, Picasso… Mais quid du gars qui fait des portraits à Montmartre pour 30€ ? Et pour les jeux, lesquels seraient à même d’être des oeuvres et ceux qui n’en sont pas ?

En fait, l’idée est, en peinture par exemple, je fais, je montre. Si le marché de l’Art dit “c’est de l’Art”, si des experts disent “c’est de l’Art”, je fais donc de l’Art. S’il ne le disent pas, je n’en fais pas, ou alors je le saurais après ma mort et en général l’artiste s’en tape, il créé :mrgreen: Une des vies d’artiste les plus intéressantes à ce sujet, pour moi, est celle de Mondrian qui a vu sa reconnaissance quelques année seulement avant de mourir.

Bien à vous de cordialement

Monsieur Phal

Monsieur Phal dit:Cher Monsieur,
Il est une chose amusante aussi, c'est que le discours globalise. On est tous d'accord pour dire que la musique est un Art. Mozart, Sati... Mais quid de "Machin la taupe" et autres tubes de l'été là pour faire que de l'argent l'été... La peinture est un Art, Léonard de Vinci, Duchamps, Picasso... Mais quid du gars qui fait des portraits à Montmartre pour 30€ ? Et pour les jeux, lesquels seraient à même d'être des oeuvres et ceux qui n'en sont pas ?
En fait, l'idée est, en peinture par exemple, je fais, je montre. Si le marché de l'Art dit "c'est de l'Art", si des experts disent "c'est de l'Art", je fais donc de l'Art. S'il ne le disent pas, je n'en fais pas, ou alors je le saurais après ma mort et en général l'artiste s'en tape, il créé :mrgreen: Une des vies d'artiste les plus intéressantes à ce sujet, pour moi, est celle de Mondrian qui a vu sa reconnaissance quelques année seulement avant de mourir.
Bien à vous de cordialement
Monsieur Phal

+1 (m'avez gentiment griller le discours monsieur Phal :wink: )

Hervé Marly dit:
Le jeu est un enfant bâtard de la culture, il est vivant, parfois rebelle ou politiquement incorrect, parfois consensuel et puéril. Mais me semble-t-il, toujours vain et paradoxalement avec des "enjeux" limités.


Si par "enjeux limités" vous voulez dire que le problème du jeu c'est que sa vocation est principalement ludique et manque donc de profondeur. Je suis persuadé cette impression qui est dominante dans notre société ne repose que sur des préjugés élitistes. Je n'est jamais compris pourquoi l'amusement ou encore la joie devraient être des émotions moins profondes que la mélancolie ou la tristesse par exemple.
Monsieur Phal dit:Provoquer de l'émotion, à mon sens, ne fait pas œuvre ou culture. Devant un meurtre, par exemple, on peut être écœuré, ou excité si on est l'assassin de type sérial killer.


Celà ne contredit pas le propos d'Hervé Marly, avec qui je suis plutôt d'accord.
Vous démontrez que susciter une émotion n'est pas une condition suffisante pour faire une œuvre, et c'est assez évident (on se fait peur avec un bon thriller mais aussi simplement en ratant une marche). En revanche, c'est je pense une condition nécessaire.

Sur le fond, je me fous des décorations et même du concept d’œuvres d'art. On sait très bien par exemple que l'explosion du marché de l'art et du prix des œuvres a beaucoup plus répondu au besoin de créer un marché spéculatif qu'à une réelle reconnaissance de l'Art (CoIncidence : je viens de lire "Le mystère Modigliani", roman de Ken Follett trés rigolo sur le sujet).

Le jeu est profondément culturel car il a profondément changé ma vie, point barre ! Top départ au lycée par la découverte du numéro 4 de J&S, j'en garde un souvenir précis. Et un jeu comme Europa Universalis m'a procuré des heures d'émotions, de curiosité historique et de satisfaction intellectuelle. Et je montre volontiers ma boite de Citadelles à des amis amateurs d'illustrations ou de BD pour le trés beau travail de Magnin ou de Delval. Et et etc...
C'était mon point de vue purement égocentrique 8)

Cher Monsieur XRipper,

Oui, j’entends bien que Monsieur Hervé n’a pas dit que c’était suffisant. Juste, j’apportais cette précision pour avoir des réaction et en arriver à ceci. Je pense que l’Art peut se dispenser d’émotion. Et je pense même que si on affirme le contraire, le propre de l’Art est de le démontrer (qu’il peut se passer d’émotion) en faisant un travail sur ça justement. Faire une oeuvre sur la disparition d’émotion.

Étudiant, j’avais entamé un “travail” sur le beau et le laid. L’Art, la peinture, est souvent jugé sur le côté décoratif, le Beau. Mais le beau sans le laid ne veut rien dire. Donc, j’avais, par pure provocation intellectuelle, décidé volontairement de produire du laid pour “sublimer le travail des autres” :kwak: . La démarche était purement intellectuelle (et un peu plus complexe que ces quelques lignes lachées sur ce forum). Mais, et c’est le drame, il m’a été très difficile de produire du laid qui tenait la route. C’est un paradoxe très plaisant et il n’est pas dit qu’à la fin de ma vie je ne retourne pas tater du paradoxe (j’en ai un paquet en réserve) :pouicintello: :mrgreen: Pire, je me suis même dit que produire les oeuvres ne servait à rien, écrire le discours suffisait… J’en étais arrivé à la destruction totale de l’Art “matériel”… Je suis un monstre ! :twisted:

Après, le truc avec l’émotion, c’est de définir ce qu c’est. Est-ce qu’adhérer à un raisonnement purement intellectuel est une émotion ? Est-ce que la pure démarche intellectuelle suffit ? Y’en a des questions dès que l’on parle d’Art. Le jeu peut-il en produire autant ?

Bien à vous de cordialement

Monsieur Phal