J'ai été invité en dernière minute à une conférence débat sur l'euthanasie. Je dois "remplacer" le curé qui s'est décommandé une semaine avant et présenter une vision spirituelle et religieuse de la question. Il y a un conférencier et on me demande une intervention rapide (une dizaine de minutes quand même) après sa conférence.
Comme je voudrais voir comment passent les grandes ligne de ma courte intervention auprès d'une communauté profane, je me suis dit que Tric Trac, c'était bien comme communauté profane...
Alors voila je vous livre une première mouture de mon intervention et si d'ici ce soir (eh oui, c'est ce soir), par vos réactions, vos questions et vos incompréhension, vous m'aider à recalibrer un peu (ou beaucoup) celle-ci, je vous serai éternellement reconnaissant.
Attention ce texte contient des passages confessants. Anticléricaux sensibles, s'abstenir...
L’euthanasie
Une position protestante
L’euthanasie n’est pas une question facile, une question qui pourrait se trancher en une ou deux formules lapidaire. Les nuances entre les différents parti pris sont subtiles voire floues. Et il en va de même lors d’une approche religieuse ou spirituelle.
Tout d’abord la demande d’euthanasie est l’expression d’une souffrance extrême, insupportable. Il serait donc inacceptable de répondre à l’expression de cette souffrance par un jugement de la personne. On ne juge pas celui qui souffre, on essaye de l’accompagner, de l’aider à lutter contre sa souffrance.
De plus cette question nous renvoie à notre propre expression de la souffrance, il serait donc illusoire de penser que nous sommes capable d’avoir une vision objective de la question.
La Bible même nous interdit d’avoir une réponse trop rapide. Une interprétation possible (et relativement courante) du récit de la création est de comprendre que puisque l’homme s’est lui-même condamné à vivre loin de Dieu, une vie de souffrance et de peur, Dieu pose par miséricorde une limite à cette vie. Dieu offre la mort à l’homme afin de mettre un terme à ses souffrances. Je m’empresse de rajouter que cette mort n’est pas définitive mais qu’elle permet la résurrection d’un homme libéré de ses souffrances. La mort peut donc être lue dans la Bible comme une délivrance face à la souffrance…
Pour toute ces raisons, je ne peux ni ne veux poser aucun jugement (et à fortiori aucune condamnation sur des personnes impliquées dans des affaire d’euthanasie (je pense bien sûr au drame de Vincent Humbert)
Toutefois, le Dieu des chrétiens reste fondamentalement un Dieu de vie, un Dieu qui appelle l’homme à choisir la vie, un Dieu dont la mort est l’ennemie…
De plus, la mort-délivrance que j’ai évoquée reste l’attribut de Dieu. Que ce soit dans le domaine de l’acharnement thérapeutique qui consiste à (re)donner la vie, coûte que coûte, ou dans celui de l’euthanasie, donner, par miséricorde, la mort. Il nous parait toujours dangereux que l’homme veuille se prendre pour Dieu et prenne un tel pouvoir sur son prochain…
C’est pourquoi je reste opposé à toute dépénalisation de l’euthanasie. Sur ce point, en tant que pasteur, je rejoint assez facilement la position des évêques de France : si l’acharnement thérapeutique doit pouvoir être refusé, la légitimation et même l’acceptation de l’euthanasie ne constituerait pas un progrès pour notre société.
J’aimerai aussi souligner que l’euthanasie soulève aussi une question très en amont. Quelle est la valeur d’un individu dans notre société ? Il me semble que la société contemporaine insiste beaucoup sur le « faire ». Aujourd’hui, l’être humain trouve sa valeur dans sa capacité, dans ce qu’il fait… Il faut être utile, il faut produire, il faut être autonome. Mais alors, quel message donnons nous à ceux qui ne peuvent plus faire ? Quel message donnons-nous aux malades en phase terminale, aux personnes très âgées, aux grands handicapés ? Mettre la valeur de l’homme dans ce qu’il fait n’est ce pas dire que si nous sommes diminués dans notre possibilité d’action, nous le sommes aussi dans notre être ?
Dans les récits bibliques de guérison, bien souvent, avant de guérir le malade, Jésus lui rend sa dignité, lui affirme que sa maladie n’a rien enlevé à sa valeur. Je sais que le personnel soignant a la même préoccupation. Mais ce questionnement sur notre valeur ne devrait-il pas commencer bien avant l’hôpital, bien avant la maladie…
Afin d’éviter d’ajouter une souffrance morale terrible aux douleurs du malades, notre société ne devrait elle pas revoir son échelle de valeur, son discours ? c’est la question que je voudrais vous laisser…
C'est un peu décousu mais de toute façon je verrai aussi ce qui sera dit pendant la conférence