En 2023 Gigamic localisait le jeu Evergreen de Hjalmar Hach et nous promettait de « construire un écosystème luxuriant en plantant des pousses, en faisant croître des arbres, et en plaçant d’autres éléments naturels sur notre planète, pour tenter d’en faire la plus verte et la plus fertile de toutes ». Deux ans ont passé et trois extensions ont vu le jour, signe d’un succès certain auprès des aficionados. La sortie toute récente de Cherry Blossoms & Bamboos est l’occasion de remettre un peu de lumière sur ce jeu.
Les mécaniques clés.
Avec Evergreen on joue sur notre planète partagée en 6 biomes. Pour y faire pousser buissons, arbustes et arbres il faut choisir avec soin l’une des cartes proposées dans le draft ouvert. Avec soin car chacune a trois intérêts selon si je la prends ou la laisse.
Evergreen, c’est du dilemme en permanence.
« Prendre cette carte pour placer dans ce biome une pousse que je ferai grandir grâce à mon action bonus, ou bien la laisser pour qu’elle rejoigne le scoring final de fertilité et m’assurer plus de points pour chaque arbre dans ce biome… »
Et si vous aimez les couches de casse-tête Hjalmar Hach a pensé à vous en rajoutant un scoring intermédiaire. A la fin de chacune des 4 saisons, marquées par un soleil qui tourne autour de notre planète, on collecte des points pour la plus grande forêt présente dans notre écosystème mais aussi pour l’ensoleillement que nos arbres reçoivent en partant de la position du soleil. Et comme vous l’aviez repéré, le soleil tourne autour de notre plateau, donc il faudra dompter le jeu d’ombre et de lumière que captent nos arbustes et arbres.
C’est casse-tête, mais ce n’est pas prise de tête.
Evergreen, c’est une mécanique simple à comprendre, mais exigeante à maîtriser, car elle demande de l’anticipation couplée à de l’optimisation.
Le couple thématique/mécanique
Sorti en plein dans la tendance des jeux sur la nature, Evergreen n’y a pas échappé et inspire la tranquillité, la balade dans la forêt et cette légère brise qui fait vibrer les feuilles tendres du printemps. Et ça tombe bien car cette mécanique de réflexion a besoin de zénitude.
Evergreen fait penser à Photosynthesis et pour cause : même auteur, même mécanique de lumière et de pousse. Pour autant Evergreen propose autre chose en allant plus loin, en étant plus élégant, plus abouti et plus immersif… peut-être aussi grâce à son matériel. Oui, parce que c’est lui qui donne de la vie au plateau de ce jeu qui reste abstrait mais dont la mécanique pousse/soleil/ombre est à 100**% crédible**.
La thématique de l’ombre reste visible tout au long de la partie : elle n’est pas qu’un prétexte esthétique
Et c’est là son gros point fort
Son matériel !
Il est un véritable plaisir à manipuler (pour ceux qui aiment « la cuisine de ressources » comme dirait @aurelh-0 ), à jouer et aussi à photographier. Les treeples sont épurés, colorés, clairs et à l’image du graphisme : sans faux pas du jeu. Les illustrations de Wenyi Geng sont mi-enfantines mi-oniriques et même si elles peuvent passer au second plan pendant la partie y arrêter son regard quelques instants transporte ailleurs. Je vous invite d’ailleurs à feuilleter son portfolio par ici.
Evergreen offre une belle ergonomie, un très beau confort de jeu.
Sa lisibilité en fait un atout fort, mais attention aux mains maladroites : un simple frôlement peut tout renverser. Heureusement, le plateau en double couche limite la casse.
La thématique de l’ombre, elle, reste visible jusque pendant la partie : elle s’incarne à la fois dans la mécanique et dans la sensation de jeu, renforçant cette impression d’harmonie naturelle.
Pour finir, dans un contexte où la réflexion écologique occupe une place grandissante, un jeu sur la nature aurait pu facilement commettre un faux pas. Ce n’est pas le cas ici : l’éditeur apporte une touche éthique avec un insert en carton et des jetons en bois. Bon, on ne va pas faire l’autruche non plus, la production de jeux n’est jamais totalement écologique, mais autant la rendre la plus éco-responsable possible.
Et pourquoi en parler en automne 2025 alors que le jeu date de 2023 ?
Parce que ce jeu fait son petit bonhomme de chemin, et que Gigamic localise les extensions régulièrement sorties par Horrible Guild. Pour le moment 3 au total ; et 3 extensions ce n’est pas rien pour un jeu, c’est qu’il vit encore sur les tables des joueurs. Et aussi sur le net : régulièrement des fils de discussion s’ouvrent sur BGG, sur TT nous sommes plusieurs à poster des photos de nos plateaux et des posts poppent sur les réseaux sociaux à la faveur des commentaires positifs qui vont avec. Un portage numérique a été créé et est disponible sur les stores de votre téléphone, et ça tous les jeux ne peuvent s’en vanter !
Evergreen a aussi son public parmi les joueurs solo. Et pour cause : il s’installe facilement, se joue rapidement tout en proposant un casse tête renouvelé et une marge de progression que le ludico-soliste apprécie. D’ailleurs Zeugma en fait une review flatteuse et l’a récemment classé dans les 20 meilleurs jeux de société à jouer en solo.
Peut-on pour autant parler de communauté autour du jeu Evergreen comme elles peuvent exister autour d’Everdell ou Wingspan ? Pas vraiment je crois, il existe des échanges entre joueurs mais pas au point d’en créer des pages spéciales ou de dédier du temps perso à créer des variantes fan-made. Evergreen c’est surtout un jeu qui a des affcionados discrets mais que Horrible Guild a su repérer et choyer avec des extensions régulières (qui par ailleurs sont imprimées une fois, pas deux).
Et elles disent quoi ces extensions ?
En attendant de mettre à jour cet article avec de potentielles futures extensions voici un résumé des apports de chacune car toutes développent à sa manière un point de la mécanique de base.
les pins jouent sur l’ombre et grandissent lorsqu’ils sont cachés par d’autres arbres.
à l’inverse les cactus vivent et collectent des points seulement s’ils sont ensoleillés, sinon ils meurent.
les arbres géants sont majestueux et rapportent gros, mais leur pousse lente oblige le joueur à s’armer de patience et à préparer le terrain.
les champignons s’étendent vite et rapportent des points s’ils sont invisibles à l’œil du cueilleur.
les cerisiers japonais sont prestigieux et apportent beaucoup de fertilité à vos biomes en fin de partie.
les bambous grandissent vite et deviennent pénalisant pour votre forêt qu’ils ombragent mais ils comptent et rapportent dans l’étendue de celle-ci.
