Flowers. Un skyjo-killer ? Un jeu qui peut vous faire aimer les Skyjo-like ?.. Ou rien de tout ça ?
Prononcé /skaïdjo/ par les ados, /skijo/ par mamie ou /skaïjo/ pour ceux qui ne savent pas trop, Skyjo séduit, plaît, se répand auprès de personnes qui ne jouent pas ou du moins pas souvent. Il sait réunir de l’enfant au grand-parent, du novice au joueur, de l’ado à ses parents autour d’une table où l’apéro a été servi ou bien quand les dernières bouchées du gâteau attendront un entre-tour pour être dégustées.
Pour tous, deux minutes d’explication de règles pour des manches voire parties qui s’enchaînent jusque parfois tard dans la soirée. Indéniablement son succès vient de sa capacité à réunir n’importe qui sous sa double bannière de simplicité et de jeu. D’ailleurs les initiés ont bien senti ce pouvoir et malgré quelques tacles par-ci par-là, la communauté ludique lui laisse vivre sa vie de jeu.
Pour ma part je trouve Skyjo hasardeux et ennuyant quand le tirage n’est pas avec moi. Mais je ne suis jamais contre une partie avec des amis non-ludiques car je sais qu’avec eux peu importe le flacon je passerai un bon moment.
Devant le succès que ce soit en boutiques spécialisées, en grandes surfaces/culturelles, jusqu’aux aires d’autoroute chaque éditeur a voulu exploiter le filon et sortir sa version twistée du jeu du Golf (petit tour par ici chez les cousins canadiens pour découvrir les règles officielles du jeu qui influence Skyjo et les autres).
- HiLo joue sur la couleur des cartes,
- Allegra empiète sur le voisin,
- Aetherya combine des pouvoirs, scorings etc…,
- Pixies propose du plus calculatoire,
- Cabo et son soupçon de taquinerie a ma préférence.
Chez trictrac il y a eu une petite discussion sur le sujet par ici
Est-ce que Actarus Edition aurait cédé aux chants des Skyjo-like avec ce premier jeu Flowers ?
Vous remarquerez qu’ici pas de problème de prononciation, on a tous dit /flaʊər/ (merci Madame Debray pour les cours d’anglais). Flowers adopte le format visuel de Skyjo : un boîtage allongé ainsi qu’une représentation des cartes du jeu le tout accompagné d’un graphisme aux couleurs basiques pas spécialement travaillé pour être beau. Dans les deux cas l’arrière de la boîte insiste sur la simplicité de prise en main et le « piochez, posez, comptez » de Flowers marche dans les pas du Skyjo.
Il n’en fallait donc pas plus pour que les boutiques, les articles et influenceurs sur internet en parlent çà et là comme d’un Skyjo-like, voire d’un Skyjo-killer :
Et donc, ont-ils raison ?
Eh béééééhh
Tout d’abord les règles :
On distribue à chaque joueur une carte qui sera son départ de tableau. Au centre de la table disponible à tous il y a 3 tas de cartes : 2 tas visibles et 1 fermé.
A mon tour je pioche dans l’un des tas et je pose cette nouvelle carte orthogonalement à une carte déjà posée devant moi. Je peux aussi éventuellement et sans condition écraser une carte déjà posée en la recouvrant.
Voilà c’est tout !
Aussi simple à expliquer que Skyjo !
Mais c’est différent puisque je ne démarre pas avec une main hasardeuse imposée devant moins.
Mais c’est différent puisque je construis un tableau au lieu de le détruire.
Et c’est différent puisque je dois faire ici un maximum de points. Et c’est là surtout là, au comptage des points, au scoring final, que réside l’intérêt mécanique de Flowers qui s’explique en deux étapes :
- Chaque carte comporte deux informations : une couleur et un chiffre. Seules les zones de couleurs donnent des points et pour cela il faut que la dite-zone soit au minimum composée de 5 cartes. Ce qui donnera 1 point par carte.
- Pour qu’une carte soit comptabilisée dans une zone de sa couleur elle doit également faire partie d’un groupe de cartes adjacentes ayant en commun leur chiffre, tout en sachant que la taille de ce groupe d’un même chiffre est strictement contrainte par ce même chiffre.
Gné ?!
Oui regardez…
Les zones de couleurs scorent à partir de 5 cartes. Chaque carte avec un chiffre doit faire parti d’un groupe de cartes adjacentes comportant le même chiffre à raison d’autant de cartes que le chiffre indiqué (regardez la ligne du haut avec les 3). Chaque carte qui ne respecte pas cette contrainte est retirée du tableau et viendra soustraire 1 point au total final.
Et c’est cette mécanique de contraintes qui fait sortir Flowers du champ des Skyjo-like pour le faire rentrer dans la catégorie des jeux casse-tête de pose de tuiles/cartes.
Partir de quasi zéro, piocher, poser, faire des choix, pendre des risques, attendre l’esprit léger la bonne carte oui c’est du skyjo-like mais en plus anticiper, optimiser, organiser ça ne l’est pas. Et ça c’est Flowers.
Flowerer n’est pas Skyjoter !
Au Skyjo chacun peut s’amuser à ne pas laisser telle ou telle carte à l’adversaire. Avec Flowers aucun intérêt de le bloquer, au risque de prendre une carte qui sera retirer avant le décompte et deviendra donc négative sur le score final.
Skyjo est immédiat alors que Flowers demande plusieurs parties pour en sentir les subtilités, et surtout comprendre ses doubles contraintes de points de victoire (et donc faire des points positifs en fin de partie).
Skyjo c’est une pioche fermée et une défausse qui devient pioche-poubelle dans laquelle on peut parfois y trouver des pépites. Flowers c’est trois vraies pioches.
OK ce n’est pas un Skyjo, mais c’est bien quand même ?
Oui et oui !
Ce qui est plaisant avec Flowers c’est qu’on sent bien que l’on construit un tableau de points, qu’on l’agrandit devant soi et qu’on fait des choix parfois déterminant, alors on prend souvent quelques instant de réflection.
On attend des cartes 1 pour souffler et agrandir une zone de couleur. On prend des risques avec des cartes 4 et les choix suivants seront faits pour les optimiser, les rentabiliser. On anticipe et visualise le placement des cartes que l’on attend, “ce 3 BLEU ou ce 2 VERT”. Et quand ils arrivent la réaction de satisfaction est difficile à dissimuler.
Mais donc pourquoi le comparer à Skyjo ?
Oui pourquoi ?
Peut-être que la motivation est celle du marketing, de la communication. Se (faire) comparer à Skyjo fait tilt dans les oreilles des joueurs. A l’écoute ou la lecture de « Skyjo, c’est fini ! » « Le jeu qui va détrôner Skyjo » … le joueur curieux de nature se dit « Allez on teste ! ».
Grand bien leur a pris ! Sans cette comparaison tendant vers le « c’est dans la catégorie des Skyjo mais en bien mieux » que j’ai tout d’abord entendu dans ma boutique je ne me serais pas arrêtée devant ce jeu qui pourtant m’a bien plu dans cette catégorie du casse-tête de pose de carte dans une ambiance chill du café du dimanche après-midi.