[Merchants & Marauders]
J’ai fait ces deux derniers jours 2 parties de Fortunes de Mer et ce fut le bonheur.
J’adore ce jeu qui est toujours un grand moment d’aventures prenantes, ultra-thématiques et ultra-narratives. Je dois avoir une bonne 15aine de parties dans les jambes (de bois) et chaque partie, même quand je m’y suis fait exploser, a toujours été un grand moment d’immersion romanesco-hollywoodienne, de tensions, de prises de risques et de joies ludiques diverses.
Je dois avoir une bonne 12aine de parties avec son extension et ne me vois plus y jouer sans tant elle rend le jeu infiniment supérieur. Pour ceux qui ont la chance d’avoir l’extension et d’y jouer (au-delà de son fun et de son charme unique, c’est quand même un jeu complexe, exigeant et très touffu), je voulais ici échanger sur les variantes et modules que vous utilisez et pourquoi (merci de ne pas faire un catalogue des variantes sur ce post mais juste de donner celles que vous utilisez et votre ressenti sur ces options et les raisons qui font que vous les avez adoptées ou non).
De mon côté:
MODULES:
J’utilise systématiquement tous les Modules de l’extension sauf le 4 et le 11. Pourquoi?
-le Module 4 (améliorations de bateaux CNJ): la finalité et la force de cette extension est d’avoir rééquilibré les débats en faveur des pirates pour qu’ils aient plus de ficelles et de possibilités afin d’être plus compétitifs face aux marchands. Une des clés pour les pirates est d’avoir vite les moyens de vaincre les bateaux qui se mettraient en travers de leur route et/ou d’aller carrément les chercher pour s’en emparer et monter pertinemment en gamme (je reviendrai sur ce point en ce qui concerne la variante 4). Or, pour faire bref, les améliorations CNJ injectent une difficulté ajoutée potentiellement bien plus pénalisante que le fait de ne pas récupérer de navires CNJ avec améliorations en cas de victoire.
-le Module 11 (piste de Loyauté): là aussi, pour faire bref, elle complexifie à mon sens inutilement le jeu, alourdit également les manips. Bref, inutile. Le seul élément de l’extension qui à mon sens n’a vraiment pas lieu d’être.
Pour les Modules utilisés (je ne parlerai pas des 1, 2, 3 et 5 qui sont l’injection naturelle de matériel additionnel à intégrer aux éléments de base correspondants):
-le Module 6: Le Galion au trésor est dispensable mais apporte malgré tout une source annexe de se faire du fric/récupérer un gros bateau pour les pirates. Donc, toujours bon à prendre en fonction des circonstances.
-le Module 7: La Contrebande est à mon sens indispensable notamment pour permettre aux pirates d’être plus compétitifs quant au commerce tout en laissant la possibilité aux marchands d’y goûter aussi (c’est la bonne idée…) mais à leurs risques et périls. Dynamise et diversifie le système économique du jeu et ses implications quant à la gestion et planification de nos déplacements notamment.
-le Module 8: Vent et Météo tout comme Le Galion au trésor est dispensable mais je le prends toujours car, ici aussi, il diversifie les problématiques quant aux mouvements et ouvre la porte à des prises de risque et à des options thématiques, tactiques et/ou stratégiques différentes et rigolotes (foncer à travers la tempête pour semer des CNJ et/ou des joueurs potentiellement belliqueux, rallier via le plus court chemin un port fondamental pour une mission et/ou une rumeur et/ou un spécialiste et/ou une contrebande et/ou satisfaire une demande avant un adversaire, etc.). Par contre, petit ajustement maison, je fais entrer ce module en jeu à partir du début du 2ème tour afin que chacun ait pu faire une fois ses actions et prendre des décisions en connaissance de cause avant les 1ers mouvements possibles du cyclone à partir de son départ sur la mer des Caraïbes.
-le Module 9: Les Lieux sont absolument fondamentaux au-delà du fait qu’ils diversifient les problématiques, planifications et choix sur de nombreux niveaux (gestion des actions, des mouvements et Gloire notamment). Ils ajoutent une composante stratégique mais aussi tactique où en fonction des circonstances, elles peuvent s’avérer d’un précieux secours. Mais surtout, dans la ligne directrice de cette extension, elles permettent aux pirates une fois bien achalandés de faire efficacement main basse de manière plus contrôlable que les raids marchands sur des points de Gloire, source potentielle et additionnelle de points de victoire plus que bienvenue pour se remettre dans le sillage des marchands de ce point de vue. Maintenant, ils densifient encore plus le jeu et le complexifient indéniablement. Cependant, même en les intégrant, rien n’oblige personne à les utiliser (j’ai fait des parties où j’ai été compétitif sans utiliser un seul lieu) mais ils sont devenus une facette supplémentaire, incontournable pour moi, de la liberté immense durant une partie ou d’une partie à l’autre que te donne ce jeu d’ajouter à ta guise ou au contraire de passer outre certaines voies, certains choix, certaines options, etc.
-le Module 10: Les Faveurs sont avec la Contrebande et Les Lieux, le 3ème Module fondamental à intégrer selon moi et sans complexifier le jeu (ou du moins pas plus que la Contrebande et bien moins que les Lieux). Sans entrer dans les détails, pour 2 raisons essentiellement:
1-pour permettre plus souplement (mais avec un coût) aux pirates d’avoir accès aux ports où ils sont recherchés (si tu as par exemple 3 primes espagnoles, tu peux accoster dans un port espagnol en “graissant la patte” moyennant la dépense de 3 faveurs (soit 6 sous), etc). Sinon, sans les faveurs, on peut se retrouver dans des contextes où, pour les pauvres pirates, aborder dans un port ou se déplacer vers un port susceptible de les relancer peut devenir impossible et/ou suicidaire.
2-pour revaloriser et équilibrer les Missions face aux Rumeurs (1 Mission accomplie rapporte à présent un point de Gloire et 2 faveurs).
VARIANTES:
J’utilise systématiquement toutes les Variantes de l’extension sauf la 3 et la 5. Pourquoi?
-la Variante 3 (plus d’argent à accumuler pour gagner des PVs par ce biais): en soi, pourquoi pas. Sans vraiment avantager ni l’un ni l’autre camp (ça dépendra des circonstances), elle impliquera potentiellement surtout que chacun grosso modo ait plus d’intérêt à rester tête baissée dans sa voie (pour schématiser: marchands toujours plus de fric, pirates toujours plus de combats). Donc, je ne l’utilise pas (aussi parce qu’elle rallonge le jeu qui est déjà dense et long). De fait, c’est également pour cela que je n’aime pas jouer à Fortunes de Mer à 4 joueurs (trop long, trop d’attente entre les tours), 3 joueurs étant à mon sens d’assez loin la meilleure config à ce jeu.
-la Variante 5 (Reconnaissance et attaque possible hors de son tour): en soi, ici aussi, pourquoi pas mais là où la variante 3 à mon sens restreint l’intérêt des louvoiements de destinées et options, cette variante va potentiellement également pouvoir scripter le jeu mais d’une autre manière: faire que tout le monde n’ait d’autre option que de militariser à fond en suivant assez strictement les escalades militaires des uns et des autres (là où l’intérêt des marchands est de jouer sur la corde raide de ce point de vue pour faire la course en tête sur les points de Gloire et mettre la pression sur cet aspect: les marchands sont des poids plumes/sprinters rapides et léger là où les pirates sont des poids lourds/marathoniens qui nécessitent plus de temps pour se mettre en route et arriver à leur poids, puissance et rythme de forme).
Quant aux Variantes utilisées:
-la Variante 1: indispensable, fondamentale, incontournable, point final. Sans cet ordre du tour flexible, les négociants pourront limiter leur jeu durant la grande majorité de la partie à du cabotage safe de port en port. L’incertitude générée par cette variante sera à prendre en compte par tout le monde et à gérer par des décisions et prises de risque en fonction des contextes, choix toujours estimables et à soupeser intelligemment.
-la Variante 2: pas grand chose à en dire, piocher 2 capitaines (voire 3) et choisir celui qu’on a envie de conserver est logique et naturel.
-la Variante 4: fondamentale pour plusieurs raisons. D’abord, avec l’annonce et connaissance d’emblée de l’entrée en jeu de 3 bateaux CNJ, elle influe également à sa manière (tout comme le Galion au trésor et la Météo) sur la topographie de la carte et diversifie aussi avec ses problématiques propres les histoires de mouvement et la planification de certains choix. A 2 joueurs, elle devient pour le coup absolument incontournable et permet à ce jeu d’avoir un intérêt dans cette config. Enfin, elle permet aux pirates dans l’âme d’avoir d’emblée un panel de choix de bateaux potentiels à attaquer/récupérer via le combat. Par contre, ici aussi petit ajustement maison, si je dévoile avant le début de la partie les 2 navires Nations qui entreront en jeu et le navire pirate comme stipulé dans la variante, je ne fais entrer ces 3 bateaux CNJ en jeu qu’à la fin du 1er tour (comme normalement quand un événement CNJ est tiré au début d’un tour), une fois que tous les joueurs auront fait leurs premières actions de la partie. Ici aussi, comme pour le Vent et Météo, ils auront alors pris leurs décisions en connaissance de cause avant les 1ers mouvements possibles des bateaux CNJ. Le premier tour à ce jeu avec les variantes que j’utilise se fait donc chez moi sans Météo/Vent et sans pioche de carte Evènement (le dévoilement des 3 bateaux CNJ de la Variante 4 étant pour moi cette pioche initiale). Comme ça, chacun ayant pu faire ses 3 premières actions du jeu tranquille, personne n’aura le droit de pleurnicher en disant qu’il démarre avec un bateau pirate dans sa zone maritime et/ou un cyclone sur le dos sans même avoir pu jouer.
RECAPITULATIF:
Pour plus de clarté et de concision, je récapitule les Modules et Variantes de l’extension que j’utilise:
Modules 1, 2, 3 et 5 qui sont l’injection naturelle de cartes et jetons additionnels à intégrer aux éléments de base correspondants.
Modules 6, 7, 8, 9 et 10 (cf détails et explications plus haut pour chaque Module correspondant).
Variantes 1, 2 et 4 (cf détails et explications plus haut pour chaque Variante correspondante).
Quant aux ajustements maison:
Entrée en jeu de la Météo, du Vent et de la 1ère carte Evènement à piocher normalement à partir du début du 2ème tour (cf détails et explications plus haut dans le Module 8 et la Variante 4).
Et dire que j’avais le jeu et son extension et que j’ai fait la connerie de le revendre, pauvre fou que je suis!
comme j’aimerais qu’ils réeditent ce jeu avec un autre système de combat…
J’ai fait du coup l’acquisition de SW bordure extérieure mais il lui manque un petit truc et il n’ a pas le charme de FDM pour ma part.
Et qu’est-ce que tu reproches au système de combat?
De ce que je me souviens, je trouvais pas assez intuitif,fluide, ou trop complexe alambiqué , ça plombait les parties si bien que les joueurs évitaient le plus possible les combats …
pense qu’aujourd’hui on pourrait mieux faire …
Oui. D’une certaine manière tu as raison. Le système de combat est comme beaucoup de choses à ce jeu ardu et, pour le dire gentiment, loin de l’épure… Mais, également comme beaucoup de choses à ce jeu, il a aussi son originalité et son caractère.
D’un point de vue ludique, il garantit une approche potentielle du combat sur plusieurs niveaux dont la finalité est à la fois de pouvoir peu ou prou maîtriser le hasard mais aussi de laisser constamment une option viable (qu’elle soit désespérée ou non). Le Tir au canon, l’Abordage ou la Fuite (au-delà du charme et de la visualisation romanesco-cinématographique qu’ils donnent au jeu) permettent de gérer et de tenter de peser sur le combat en fonction de nos forces mais aussi de nous laisser la latitude de nous adapter et de trancher en fonction des circonstances.
Cependant, la lecture en est du coup difficile et nécessite de l’expérience (il y a à ce jeu beaucoup de niveaux de lectures tant directes qu’indirectes et le combat en ajoute encore une couche avec ses caractéristiques propres et son système en marge des autres éléments, comme un jeu dans le jeu). Il faut en effet, au-delà de son fonctionnement intrinsèque (qui a sa logique propre une fois qu’on l’a comprise dans son ensemble), décoder les différents aspects qui permettent de le lire correctement et pertinemment afin de pouvoir prendre les bonnes décisions et éviter certains désappointements qui pourront être jugés comme injustes alors qu’ils étaient courus d’avance… La prise en compte dans leur ensemble des caractéristiques du bateau à affronter ainsi que des compétences en Manoeuvre et Leadership du CNJ ou du joueur à la lumière de nos capacités (incluant spécialiste(s), carte(s) Gloire, équipements, etc.) doit être décisif pour savoir si il vaut mieux éviter, provoquer, attaquer ainsi que comment préparer et mener le combat avant même qu’il ait commencé.
Si l’on déclenche des combats au petit bonheur la chance, il ne faut pas s’étonner si tout ne se passe pas comme on l’espérait. Et cela n’a rien à voir avec la taille des bateaux. Ce n’est pas parce qu’on a un Galion qu’on est certain de vaincre un Brick et ce n’est pas parce qu’on a un Sloop qu’on n’a que peu de chances de vaincre une frégate. Sans expérience, ce seront les à-priori que beaucoup auront (et ces à-priori ont la peau dure à ce jeu). J’ai déjà vaincu et vu vaincre à ce jeu Frégates, Galions et même Man-O-Wars par des Sloops et ces combats n’ont pas été gagnés par la chance (même si elle peut générer des rebondissements et rendre les choses plus simples ou plus compliquées mais c’est heureux car si on pouvait froidement certifier le résultat d’un combat et son ampleur, on se ferait chier à ce jeu…). Un combat se lit bien avant de le déclencher ou de potentiellement le subir et se prépare (via de pertinents mouvements et détours si nécessaire et/ou un ou plusieurs équipements adéquats).
D’ailleurs, puisqu’on parle ici des variantes et des modules, ce n’est à mon sens pas un hasard si Marcussen n’a aucunement “varianté” ou “modulé” cet aspect de son jeu.
PS: j’ai édité mon premier post en le complétant quant au pourquoi du non choix me concernant des Variantes 3 et 5.
il est plaisant de te lire car tu as bien résumé et compris ce que je pensais de ce jeu … Malheureusement ce manque de lecture directe des combats a eu raison de mon envie de m’aventurer à ressortir ce jeu, qui reste pourtant l’un des plus immersif jeu de pirates auquel j’ai pu jouer, par moment il me manque … Mais je n’ai toujours pas trouvé crochet à mon moignon et les bons jeux de pirates mâtures qui ne tombent pas dans la caricature ou le familial sont assez rares…
Je suis d’accord sur la piste de loyauté que je n’ai jamais intégrée, ça fait vraiment usine à gaz.
J’aime bien la contrebande, la piste de faveur je suis mitigé car ça rajoute encore une couche de complexité sur la gestion de son bateau (même si je suis d’accord qu’elle apporte des opportunité bienvenues pour les pirates et rendent plus appétissantes les missions).
Jamais encore testé les lieux car je joue souvent avec des gens qui n’ont jamais joué ou alors dont les précédentes parties remontent à un moment. J’ai peur également que cela surcharge encore plus la carte, qui est déjà difficile lisible quand il y a un paquet de CNJ.
Pour l’or j’ai pris le parti inverse (et je le faisais déjà avant l’extension), je rends encore plus difficile l’obtention de points de gloire par l’or : 10-30-60-100-150. Ca rallonge sans doute le temps de jeu et c’est effectivement critiquable mais l’échelle de base donne trop souvent des fins de parties en eau de boudin, où 2 ventes de marchandises d’affilée permettent de conclure sans panache.
J’utilise une petite variante sur le système de combat : chacun ne dispose pas d’autant de dé que la navigation de son capitaine mais à la place démarre un combat avec 2 dés, +1 si son capitaine a davantage de navigation que l’autre (et toujours +1 s’il y a 2 de manoeuvrabilité* en plus par rapport au vaisseau adverse). Ca rend jouable des capitaines vraiment faibles en navigation qui sinon seraient difficilement viables (je pense à la capitaine qui n’a qu’1 dé en navigation). Leur faible score en navigation les handicapent toujours pour les tempêtes et les raids marchands et les désavantagent toujours en cas de duel contre un capitaine mieux loti, mais ça évite les combats à sens unique et ça laisse une part d’incertitude.
*au passage quelle vraie connerie d’avoir choisi deux termes aussi proches, je suppose que ça vient de la traduction ça me rappelle le “combat” dans Horreur à Arkham 2ème édition, qui recouvrait deux choses différentes.
Merci beaucoup pour ton retour. C’est sympa de voir que FdM compte encore des joueurs qui y jouent.
Encore une fois, je ne suis pas d’accord quant aux modifs sur les combats.
Un autre des clichés récurrents qui a la peau dure à ce jeu (mais il est assez logique) est de croire que si un capitaine a peu de Manœuvre, il est condamné à se faire exploser et à perdre la partie. Chez moi, les commerçants-capitaines avec une forte Influence prennent très vite 2 à 3 points d’avance sur les pirates. J’espère donc bien que les Marchands galèrent et morflent si ils doivent se taper des cyclones (ou qu’ils perdent du temps en les évitant ou en restant en sûreté au port) et j’espère bien également qu’ils morfleront dès qu’un adversaire arrivera à leur mettre le grappin dessus. Sinon, la partie est vite pliée et le jeu peut prendre la poussière.
La pirate à 1 en Manœuvre je ne l’ai jamais jouée ni jamais vu jouée et elle ne parait effectivement pas palpitante, en particulier parce qu’elle semble engoncée et condamnée à ne faire grosso modo qu’une chose: des raids marchands (et ce d’autant plus qu’elle n’a pas une influence formidable). De plus, sauf cartes gloire spécifiques et/ou contextes particuliers, j’évite en ce qui me concerne au maximum les raids marchands que je n’aime pas beaucoup (au moins en début de partie)… Quant à l’autre capitaine à 1 en Manœuvre, je l’ai déjà joué et il est lui carrément redoutable et justement en combat naval… Par contre, tous les persos à forte influence (3 et à fortiori 4…) sont ultra dangereux et puissants. Leur Influence et/ou leur capacité propre leur permet très vite de pouvoir faire au moins une rumeur/mission + le classique commerce et vu que très vite ils se retrouvent avec 2 ou 3 cartes gloire en plus qu’un pirate dans l’âme, ils sont risqués à attaquer trop tôt et peuvent s’amuser avec un peu de réussite et de planification à enquiller sur une seule destination: point de gloire sur le commerce et/ou rumeur et/ou mission et/ou spécialiste. C’est très violent… Et si il n’y a pas de possibilités de faire de différence à la Manœuvre ou ailleurs, ça peut très vite sentir le sapin. La capacité pour moi la plus redoutable à ce jeu est l’Influence et si à un perso qui a cet avantage tu lui enlèves son déficit en Manœuvre ou ailleurs, tu fausses la partie selon moi.
Face à un capitaine en particulier fort en Influence, le salut d’un pirate ne viendra que si il parvient à lui faire mal (idéalement en le dessoudant ou en l’affaiblissant ou en lui mettant une pression suffisante pour l’obliger à perdre du temps) afin de se donner une marge pour refaire un retard en PVs qui sera d’une proportion différente en fonction des contextes mais inéluctable entre un Marchand et un Pirate. Après, un joueur commerçant qui se fait envoyer par le fond n’a pas forcément partie perdue loin de là (autre perception ici aussi fausse mais tout aussi logique quand on a peu d’expérience à ce jeu). Le choix de son futur capitaine (port de départ, caractéristiques, état de la demande, etc.) n’interdit pas loin de là de pouvoir l’emporter d’autant plus que les pirates qui t’ont coulé seront logiquement en proie à plus de primes, à plus de CNJs qui leur courront aux fesses et qui pourront peu ou prou les uns après les autres leur mettre le grappin dessus, avec le risque de se prendre un deuxième combat consécutif dans les dents alors qu’ils n’ont pas pu encore récupérer du premier (les marchands étant notamment redoutablement épaulés par les Forteresses, un des lieux à tort parfois le moins utilisés), etc., etc., etc.
Donc, une fois de plus, je ne toucherai à rien quant au combat même si tes ajustements ont leur logique et vont dans le sens d’une découverte du jeu et de certains à priori qu’il génère naturellement (le plus gros bateau gagne, si je me fais couler mon bateau j’ai perdu, si j’ai moins de Manœuvre que les autres j’ai aucune chance de pouvoir gagner à ce jeu, etc.).
Quant à l’or (ta variante dérivée de la Variante 3), il n’est quand même pas facile de faire des allers-retours à son port de départ pour y transvaser tranquilou des tonnes et des tonnes d’or. Les fins en eau de boudin que tu décris me semblent donc quand même anticipables (à moins évidemment de ne rien pouvoir faire contre un bateau bondé d’or et ici encore, c’est souvent le cas parce qu’on ne s’y est à mon sens pas suffisamment préparé souvent à cause des mêmes à priori (le plus gros bateau gagne, si je me fais couler mon bateau j’ai perdu, si j’ai moins de Manœuvre que les autres j’ai aucune chance). Mais bon, encore une fois sur cet aspect, c’est surtout me concernant la rallonge du jeu qui ne me plaît pas trop ici et l’argent est effectivement un accélérateur potentiellement important du jeu.
Mais tous ces ressentis (comme ceux que je mets dans mes interventions plus haut) n’engagent que moi et je peux parfaitement me tromper. Je n’ai après tout que peu de parties de ce jeu (une 20aine à ce jour) et mes réflexions sont donc sans doute limitées par une expérience de jeu trop faible même si j’y ai vu se dégager les tendances que je souligne. Mon point de vue peut aussi être faussé par le fait que j’ai très vite joué avec l’extension (j’avais acquis le jeu directement avec son extension) et que j’ai très vite utilisé les modules que je défends ci-dessus (même si lieux et faveurs ont été intégrés un peu plus tard). En tout cas, les 4 parties que j’ai encore faites ces derniers soirs (à 2 joueurs) m’ont confirmé que c’était tendu et que l’équilibre me semblait vraiment respecté entre Marchands et Pirates, entre l’option commerce + rumeurs/missions et l’option plus belliqueuse.
Bon sang, avec ton analyse digne d’un chercheur de la NASA tu m’as donné envie de resortir ce jeu épique!
J’ai enchainé entre 15 et 20 parties sur 5 ans, mais il prend hélas la poussière depuis 3 bonnes années…
En tout cas ce qui est sur c’est que c’est bien un titre que je ne revendrai jamais.
Si jamais je repasse assez longtemps du côté de Montpellier ce sera peut être l’occasion de croiser ensemble.
Hey barney! Vieux forban! Ça fait plaisir de te croiser au détour d’un post malfamé de TricTrac!
Les vents m’ont porté vers d’autres mers que celles de Montpellier mais si un jour tu accostes en rade de l’île de France, c’est avec plaisir que je m’attablerait avec toi autour d’une chope de Rhum, accompagné certainement par d’autres vieux flibustiers braillards…
Pour plus de clarté et de concision, je récapitule les Modules et Variantes de l’extension que j’utilise:
* Modules 1, 2, 3 et 5 qui sont l’injection naturelle de cartes et jetons additionnels à intégrer aux éléments de base correspondants.
* Modules 6, 7, 8, 9 et 10 (cf détails et explications plus haut pour chaque Module correspondant).
* Variantes 1, 2 et 4 (cf détails et explications plus haut pour chaque Variante correspondante).
Quant aux ajustements maison:
* Entrée en jeu de la Météo, du Vent et de la 1ère carte Evènement à piocher normalement à partir du début du 2ème tour (cf détails et explications plus haut dans le Module 8 et la Variante 4).
PS: j’édite mon post original en y intégrant ce récapitulatif
Je commenterais le reste plus tard car j’avais justement envi de discuter extension fDM donc ce topic tombe à point
Sur BGG il y a un mode qui me parait sympas:
si partie en 10 PG on doit scorer au moins 1 PG dans 5 des 7 catégories avec les limites suivantes
BoardGameGeek
Si partie en 12 PG on doit scorer au moins 1 PG dans 6 des 7 catégories avec les limites suivantes
BoardGameGeek
J’aime bien l’idée d’avoir à se diversifier.
Voici le CR d’une très belle partie hier soir encore entre cette fois-ci Geoffroi le French et Sikuma la belle (bien aimée des pirates, elle peut les obliger à relancer leur jet de reconnaissance contre elle).
Geoffroi démarre avec une frégate (ce qui est très fort…) mais avec 2 primes anglaises et l’impossibilité de marquer des points en achetant un gros navire. Dès le premier tour, j’irai à l’église des alentours de Tortuga (où j’allais voler l’aumône étant petit) pour absoudre moyennant monnaie sonnante et trébuchante mes pêchés passés au prêtre d’origine britannique qui y officiait. Il fut très touché de tant de grâce divine qui venait enfin m’habiter ne sachant (ou feignant de ne pas savoir…) que c’était parce mes collègues de la marine marchande française de Tortuga m’avaient informés qu’un Man O War britannique croisait dans les eaux de Port Royal où je comptais bien aller sans coup férir écouler massivement et lucrativement le Rhum dont ils étaient fortement demandeurs et dont mes cales étaient pleines. Je ne me méfiais pas trop de Sikuma à ce stade qui voyageait léger (en Sloop donc) et dont j’avais eu vent qu’elle se spécialisait dans le trafic d’animaux exotiques vers des destinations plus à l’est que mes projets. C’est donc avec une immense surprise que je vais la voir fondre vers moi, équipée de gréements et d’armes dont je ne m’étais pas immédiatement équipé pensant sans doute trop prématurément à des impératifs spirituels coûteux afin de montrer à mes amis anglais que je m’étais racheté une conduite (le temps d’un écoulement lucratif de marchandises…). Sikuma va m’aborder (de manière moyennement romantique), s’emparer assez logiquement de ma frégate vu ses compétences et appuis en arme et équipement et me jeter aux requins. Dieu, sans doute touché par ma subite résurgence de foi intense et (dés)intéressée, avait décidé de m’accueillir à ses côtés un peu trop prématurément à mon goût…
Sikuma, en m’agressant si vite par surprise prendra un peu de retard pour se refaire la cerise économiquement et ce d’autant plus que les cales de ma (sa) frégate avait été fortement endommagés par ses tirs d’approche de canons perdant ainsi toute ma cargaison qu’elle comptait bien, la coquine, récupérer par la même occasion. Ceci me permettra de maintenir l’écart en PVs entre elle et moi à un maximum de 3 avec Stéphane de Basse-Terre venu prendre la relève de son compatriote feu Geoffroi.
Stéphane, également appelé Langue Pendue tant par ses amis que ses ennemis (qui eux rêvent de pendre autre chose que sa langue), avec sa capacité de pouvoir se déplacer de 4 cases en un tour si il ne fait pas d’autre action est un marin redoutable et le prince des on-dit qu’ils soient confirmés ou non. Il a également une connaissance aigüe des demandes des différents ports des Caraïbes (on le soupçonne d’appartenir à une société secrète qui contrôlerait l’offre et la demande) ce qui, par sa rapidité à la satisfaire où que ce soit avant que d’autres aient le temps d’arriver, peut faire perdre beaucoup d’argent à beaucoup de marins (ce que beaucoup, ridiculement susceptibles, apprécient plus que moyennement). Faisant chanter les femmes infidèles de gouverneurs, dénonçant les malversations de certains dirigeants (enfin juste de ceux qui n’auront pas voulu monnayer son silence), sachant se taire quand il aura soutiré des profits préalables de son silence (et jusqu’à ce qu’on lui propose plus), sa renommée sur les Caraïbes est forte et galopante.
Sikuma de son côté, sans doute pour rendre un hommage posthume à Geoffroi, s’était emparée du Man O War anglais qui me faisait si peur mais elle ne parvient pas à mettre le grappin sur Stéphane qui plane potentiellement de plus en plus comme une ombre sur sa gloire Caraïbienne. Mais la profusion de navires qui veulent sa jolie peau et la vitesse de Stéphane lui rendent les choses compliquées. Depuis la déclaration de guerre entre l’Espagne et l’Angleterre, les mers grouillent de Man O Wars et elle doit de plus systématiquement graisser les pattes pour obtenir des faveurs et pouvoir entrer dans des ports qui lui sont très majoritairement hostiles (sauf si on les paie pour fermer les yeux évidemment), ce qui grève singulièrement le fonds de pension qu’elle aimerait bien mettre en place pour sa retraite dorée. Elle décide donc de faire main basse sur la fortune du Galion Espagnol qui ne pèse pas lourd face à ses talents de marin et aux forces diverses et massives de son navire. Là, elle devient dangereuse d’autant plus que Stéphane a été renseigné sur le fait qu’elle a massivement acheté de quoi inonder Port Royal d’un tissu dont la demande a flambée. Port Royal étant de plus très conciliant avec les pirates de tous bords, Stéphane est très embêté. En route vers Nassau pour faciliter l’infiltration de soldats espagnols dans le port britannique afin qu’ils en prennent possession, il décide de faire une rapide halte à Petit-Goâve pour expliquer à la forteresse militaire qui veille sur la pointe d’entrée du port de ses compatriotes que ce serait une super bonne idée si le Man O War français qui y stationne depuis un peu trop longtemps à son goût allait faire un tour dans les eaux si accueillantes de Port Royal. “Mais bien sûr Stéphane, très bonne idée Stéphane. Et chez toi, ça va?” Pas trop mal, mais ça ira encore mieux quand Nassau sera devenu Espagnol et quand Sikuma fera de la natation synchronisée par plusieurs centaines de mètres de fond.
Tout va aller très vite. Sikuma comme prévu va aller voguer dans les eaux de Port Royal où le capitaine du Man O War français envoyé par Stéphane avait oublié de chausser ses binocles et a laissé tranquillement Sikuma rallier le port. Elle y déversait des caisses de tissus en toute impunité et était fêtée en bienfaitrice. Allez hop, il ne reste plus qu’à rentrer à la maison ce qui sera easy. Sauf que le capitaine français avait retrouvé ses binocles sous son oreiller au cours de sa sieste et là, frais, dispo, le regard vif et perçant, il va mener un combat féroce même si Sikuma va encore l’emporter…
Mon Stéphane, de son côté, serrait des paluches hispaniques à Nassau en lachant quelques vannes dans la langue de Cervantes à ses nouveaux (et forcément éphémères) amis. Gracias Stéphane! De nada, el placer es mio: los Ingleses Boum! HAha! Hahaha! haaaaa… qu’est-ce qu’on rigole amigos, bon faut que j’y aille. Et effectivement, il fallait qu’il y aille: Sikuma vu l’éloignement de Stéphane avait décidé de souquer ferme même avec un Man O War assez fortement endommagé suite à ses échanges d’amabilités avec le binoclard frenchy et était à présent aux portes de Curaçao, son port d’origine, où elle s’apprêtait à être reçue comme gloire locale et à couler une retraite peinarde en enquillant les grasses matinées sur un lit d’or. Les autres vaisseaux potentiellement dangereux étaient hors de portée et quant à Nassau, malgré des vents favorables, ce port était définitivement trop éloigné et elle était certaine que Stéphane ne pourrait la rattraper. Mais voilà, depuis le début et sachant que Sikuma était de Curaçao, Stéphane avait parfaitement étudié les courants et récifs du coin et, grâce à une navigation parfaite, il lui fondit dessus à sa plus grande surprise. Sa Flûte, au gré de ses lucratives, nombreuses et rapides escales, était massivement équipée et armée alors que le Man O War et l’équipage de Sikuma étaient vraiment en mauvais état…
Je vais défaire Sikuma, venger mon compatriote Geoffroi et mettre la main sur ses cales bourrées d’or. Sikuma qui avait quand même vaincu la bagatelle d’une frégate française, 2 Man O Wars (1 anglais et 1 français) et le Galion Espagnol, se faisait plier au final et in extremis par une Flûte (le degré 0 du bateau de combat)!!!
Je voulais faire un CR de ce type afin de pouvoir conclure mon apport sur ce jeu par un dernier message (que j’enverrai prochainement) sur les histoires de jeux narratifs.
Je vais donc, suite à mon CR romancé, conclure mon apport sur Fortunes de Mer en faisant à partir de ce jeu que j’apprécie tant une petite réflexion (toute perso et qui n’engage que moi…) sur le narratif dans le ludique, terme qui est utilisé un peu de partout dernièrement.
La motivation de base est assez simple et logique vu qu’après chaque partie de ce si beau jeu, je ressors de ces aventures et mésaventures Caraïbiennes avec un arrière goût d’effluves marins mâtinés de Rhum et la sensation qu’un vent de liberté ludique a soufflé pendant 2 bonnes heures autour de la table de jeu au gré d’escales dans des ports plus ou moins malfamés; guidés par des rumeurs ou missions plus ou moins glauques, fantaisistes ou mystérieuses; portés par un appât du gain dévorant; mis sous tension par des combats marins qu’on n’a pas choisis, rattrapés par des pirates belliqueux ou par notre passé peu avouable ou alors, au contraire, avec la volonté farouche de faire main basse sans pitié sur des navires, des vies et des richesses qui ne nous appartiennent pas, louvoyant au milieu des cyclones tropicaux et des guerres entre les nations coloniales, avec pour seul et unique guide, mentor ou idole notre propre intérêt de pirates et/ou de commerçants vénaux, braillards, violents et fêtards.
Et Fortunes de Mer est le seul jeu compétitif de ma ludothèque et à ma connaissance qui parvienne dans ces proportions à tant (nous) raconter quelque chose tout en nous laissant une telle liberté ludique, celle d’écrire dans le cadre d’un jeu notre destinée et la manière dont on veut l’écrire.
On utilise également beaucoup le terme narratif pour des jeux coops, Legacy et coops/Legacy.
Une des bases fortes et essentielles du narratif est l’écriture et cette caractéristique, à la base de FdM (ici, pas de symbolisations abstraites sur les cartes ou les tuiles), est également partagée avec certains coops et/ou Legacy. Mais les coops et/ou Legacy sont par la force des choses fortement et assez strictement encadrés et formatés par des scénarios et/ou déroulés pré établis et cadencés. L’écriture est donc dans ces jeux un habillage plaqué sur des déroulés étroitement contrôlés et à contrôler. A FdM, l’écriture est aussi évidemment un habillage mais avec ses plus de 300 cartes toutes écrites/narrées, on touche à une autre dimension. Au-delà de la garantie de renouvelabilité via le nombre et les possibilités de combinaisons (ou non) boulimiques, il y a aussi et surtout notamment par le travail colossal d’écriture derrière chacun de ses éléments (qui racontent tous en soi quelque chose), la garantie constante de mise en scène de cette renouvelabilité quelles que soient les combinaisons ou non qui surgiront de ces cartes, quels que soient les choix/voies que prendront les joueurs, quels que soient les aléas de tous types qui rythmeront la partie. A FdM, la diversité et renouvelabilité immense et virevoltante est toujours incarnée et cohérente. Dans les Coops/Legacy et même quand ils sont portés par une écriture poussée, la renouvelabilité est quasi nulle ou soumise à un cadre restrictif et appauvrissant (refaire le même scénario, suivre et resuivre d’une partie à l’autre le même squelette quant au déroulé, acheter une autre boîte si l’on veut rejouer à un Legacy, etc.). En cela, ils correspondent bien et sont même emblématiques de la culture Kleeenex.
Le hasard, particulièrement dans les coops, est fondamental pour garantir tension, intérêt et renouvelabilité. C’est aussi le cas pour FdM mais moins qu’une mécanique à la base même de son bon fonctionnement, elle est dans ce jeu un élément de plus au service de la narration. La source d’extrapolation(s) et d’indécision(s) propres à l’aléatoire nourrira et servira ici aussi de manière complémentaire et cohérente thématiquement le tissu narratif (cf mes assertions plus haut notamment quant aux combats) et surtout, ici aussi, nous aurons la liberté d’influer sur son degré de sollicitation. On n’est plus seulement face à un mécanisme plus ou moins froid et destiné à servir directement les finalités du jeu (propre à garantir la variété et diversification des adaptations nécessaires aux aléas par exemple), on est surtout face à un élément différent et supplémentaire qui nourrit d’une autre manière et à sa façon notre relation à la narration.
Passons à présent aux jeux compétitifs, catégorie dans laquelle boxe FdM. Quels sont les jeux immortels et parmi mes préférés et les plus joués de ma ludothèque? Puerto Rico, Euphrat, Caylus, Tikal, Carson City, Brass, Age of Steam pour ne citer que certains des plus célèbres d’entre eux. Et pourtant, ils ne racontent rien (au sens où après 1 ou x+1 tours, on a oublié de quoi ils parlent et on est concentré sur l’exercice intellectuel qu’ils nous soumettent). On s’amuse autour d’une mécanique où l’on fait techniquement toujours la même chose, machinerie huilée et déclinée pour renouveler un défi cérébral et compétitif. A FdM, la mécanique est ouverte: libre à chacun à tout moment de suivre ou non telle ou telle voie, d’ignorer complètement telle ou telle option, de choisir même de s’approprier des éléments non compétitifs mais qui tous, raconteront au final quelque chose de cohérent et duquel on pourra tirer satisfaction et amusement pour avoir influé par nos choix sur des événements incarnés et qui vont du coup au-delà du ludique stricto sensu. On ne s’amuse pas (seulement) autour d’une mécanique, on s’amuse à vivre quelque chose. La liberté créative que propose FdM est unique parce qu’elle nous laisse (et nous pousse à…) écrire notre propre histoire à partir d’un cadre ludique. Il se joue comme on ouvre un livre d’aventures.
Si FdM est un grand jeu et ne quittera jamais ma ludothèque, c’est parce qu’il est donc totalement à part et qu’aucun jeu ne lui arrive à la cheville en terme de liberté et force narrative dans ces proportions. Il n’y a même aucun autre jeu comme ça, jeux qui souvent dans la production actuelle déclinent jusqu’à plus soif les mêmes recettes depuis maintenant pas mal d’années (les Caylus like, les Feld like, les Pfister like, etc.). Maintenant, ceci étant dit, c’est aussi un jeu complexe (tant à bien jouer qu’à aborder), touffu, long, ampoulé et tout sauf élégant et sobre (à l’image des pirates somme toute…).
Voici un bel hommage rendu à Fortune de mer et je partage tes réflexions concernant les qualités de ce jeu pas facile d’accès en terme de règles, mais dont les parties racontent vraiment quelque chose. D‘ailleurs dans un topic qui demandait à chacun de citer ses 10 jeux préférés de la dernière décénie, j’avais fait figurer FdM dans mon top 10.
Sinon, quoi rajouter ? Je trouve que tu as tout dit sur cette création de messieurs Marcussen & Aagaard, je vais donc me contenter de quelques petits commentaires personnels sur des critères que tu as retenus et qui qualifient bien FdM :
Liberté d’action. Pour reprendre une expression utilisée parfois par des amis rôlistes, Fortunes de mer est selon moi un exemple de jeu de plateau “bac à sable”, tant la liberté d’action laissée aux joueurs est effectivement importante. On peut certes alterner (ou pas) entre la vie de pirate et celle de marchand, mais les choix ne se limitent pas à cela : il y a des possibilités de vivre des choses très différentes par le commerce, des attaques de navires, des quêtes, la richesse du jeu tient aussi dans la variétés des cartes Gloire, Rumeur, Mission, Evènement et même les combats eux-même, au processus complexe certes, mais qui demande décisions et engendre du suspense.… et puis j’aime bien le principe des tests de compétences comparée, un peu comme dans un JdR.
Compétitif . Ah oui, c’est pas du coopératif c’est certain et il m’est arriver de me réjouir de voir un joueur traqué par plusieurs nations ou de m’attaquer à un navire adverse bien chargé, sorte de mano à mano dans un jeu qui est déjà redoutable avec les joueurs . On ne se fait pas de cadeau et entre les navires des joueurs, parfois, ça chauffe !.. et pourtant : je me souviens d’un combat épique mené par un joueur contre un navire espagnol qui le poursuivait partout depuis de nombreux tours. Il a fait volte-face avec son navire, suite à un mouvement qui semblait dire “Bon maintenant, y’en a marre ! Viens te battre !” Jets de dés crispants après jets de dés crispants, il en est venu à bout ! On a alors poussé un “OUUUAAAI !” de victoire tous ensemble… avant de réaliser qu’on venait d’encourager un adversaire proche de la victoire finale !
Narratif. Indéniablement. Ayant rédigé pendant des années des CR sur un autre site, je peux certifier que raconter une partie de Fortune de mer est plus facile et enthousiasmant que de parler d’une partie par exemple de Bora-Bora. Cela ne veut pas dire que ce jeu de S. Feld est mauvais, je le trouve même brillant dans son genre (peut-être mon préféré de cet auteur), mais ça raconte rien, comme beaucoup de jeux au thème trop plaqué ; Certains sont formidables, mais quelle frustration au moment d’en parler ! “La partie de T&E ? Super. Bon, c’était tendu hein et ça c’est terminé sur un gros conflit externe où Machin a pris plein de cubes bleus, la couleur qui lui manquait et il gagne avec 15 point, alors que Bidule finit à 14 et moi à peine 9…”Avec Fortunes de mer, à moins d’avoir l’imagination au placard, il suffit de reprendre quelques moments forts pour y lire toute une histoire. J’ai perdu un texte que je rédigeais pendant une partie et qui était formulé comme un journal de bord, genre “Jeudi 8 avril : nous quittons Cartagena, Vent du N-O favorable. Le navire est réparé et chargé d'épices et de rhum. Destination Trinidad. Les anglais sont toujours à notre recherche et le sloop de cette diablesse de Frances Wright, à été signalé au large de Caracas. Prudence”
Aventure. Oui, et à FdM, il n’y a rien d’écrit à l’avance. Le jeu vous propose de multiples mécanismes pour créer de l’inatendu et fabriquer un récit, tout cela s’ajoutant aux décisions de vos imprévisibles adversaires En plus, cerise à l’eau de vie dans le verre de rhum, le jeu vous cherche aussi des noises, avec des CNJ pirates qui aimeront bien le marchand que vous êtes, ou bien des CNJ servant un Etat qui vous recherche activement pour faits de piraterie. Il y a évidemment d’autres jeux qui procurent ce sentiment d’aventure ; il ne tient à leurs fans que d’en parler avec gourmandise sur TT pour nous donner envie, mais sur le thème de la piraterie, je connais pas mieux.
PS : Lors de ma première partie de FdM, j’ai eu un petit effet “madeleine de Proust” : Jamaïca, J&S n° 9, 1981. Mais c’est l’ histoire d’un vieux joueur des années 80…
Merci pour ton apport que je superplussoie. Vivement que la vie et les circonstances nous permettent de pouvoir prochainement recroiser le fer autour d’une boîte de FdM.
palferso dit :Si FdM est un grand jeu et ne quittera jamais ma ludothèque, c'est parce qu'il est donc totalement à part et qu'aucun jeu ne lui arrive à la cheville en terme de liberté et force narrative dans ces proportions.
Alors en y réfléchissant, il y en a quand même un qui vient titiller FdM en terme de force narrative: NEMESIS. Et de plus, je trouve intéressant de les comparer tant ils sont chacun à des côtés opposés du spectre depuis de multiples aspects. NEMESIS est mon coup de cœur le plus récent et plus j’y joue, plus il me plaît et me semble se rapprocher de ce qui pour moi est un grand jeu.
J'en resterai ici dans le cadre d'une comparaison avec FdM. Si vous ne voulez réagir que par rapport à NEMESIS, merci par avance de créer un autre post et de ne réserver pour celui-ci que vos commentaires ayant trait de près ou de loin avec FdM et/ou la comparaison entre ces deux jeux (ou entre FdM et d’autres).
NEMESIS est moins touffu et moins alambiqué que FdM, bien moins écrit (sur les cartes, il y a d’abord des représentations et aussi du texte mais on est loin des proportions de FdM sur cet aspect et le texte à NEMESIS synthétise de manière épurée ce que la carte permet stricto sensu en terme d'action/utilisation sans contextualisations narrées) et surtout, NEMESIS est plus guidé (les joueurs ont un objectif à remplir). Donc, à priori, pas gagné pour arriver à la cheville du monstre qu'est FdM en terme de narration et liberté ludique. Le point commun à ce stade est que les 2 sont des jeux de course (le premier à marquer x points pour FdM; parvenir à remplir son objectif dans un temps imparti pour Nemesis).
Je l'ai expliqué par ailleurs concernant NEMESIS, on est intégré à une mécanique assumée, incarnée, présentée d’emblée à l'état brut et dans sa globalité: notre vaisseau spatial. Et ce vaisseau est une sympathique machine à broyer, un gros organisme dont la finalité est de nous digérer inexorablement petit à petit et dont les fonctionnements, les caractéristiques, les nuances et les aléas vont nous obliger à être constamment réactifs, pertinents et/ou créatifs dans une urgence constante (directement et indirectement puisqu’on va inévitablement influer de différentes manières et avec différentes intensités sur de multiples aspects de l’organisme en soi mais aussi sur tous les autres joueurs: nos objectifs ne sont pas seulement des objectifs classiquement déclinés mais ils sont aussi et surtout tous forcément antagoniques tout en ayant un but commun (survivre…) ce qui imbrique étroitement les choses tout en les diversifiant/opposant). Et le vaisseau créé par l’auteur de NEMESIS est une machine à créer en autarcie de l’action, de la tension, des rebondissements (on n’est pas dans du scénario/déroulé cadré et planifié de l’extérieur comme dans un Dungeon Crawling classique). Au-delà de l’étonnante renouvelabilité en huis-clos que génère le NEMESIS (en terme de surprises et/ou émotions et/ou adaptations/réactions à adopter pertinemment), il y a aussi et surtout la mise en scène de cette renouvelabilité qui est constamment générée, assurée et contrôlée de manière brillante. La finesse de la conception mécanique de cet organisme fait qu’à la fois elle garantit des rythmes et évènements inattendus tout en faisant que l’intensité des différents aspects qu’elle impose soit préservée (il n’y aura jamais une disproportion démesurée entre la moule, l’ambiance, le rythme, la dynamique, la tension).
On est donc dans le "Micro", l'enfermement (dynamique centripète : le confinement, la claustrophobie, l’étau qui se resserre inexorablement, etc.) là où avec FdM, on est dans le "Macro" (dynamique centrifuge : l'ouverture vers des espaces, choix et options de destinées multiples et constamment ouvertes). A NEMESIS, notre plus belle destinée dans le meilleur des cas, sera notre futile et douloureuse survie et l'action, la tension, les choix vont tous devoir se faire de l'intérieur et obéir très strictement à des urgences nombrilistes alors qu'à FdM tout explose et scintille dans moult directions vers l'extérieur, vers des extérieurs multiples.
On ne décide pas d'emblée à NEMESIS comme à FdM de la teinte que l’on va donner à nos choix et évolutions. Pour schématiser et donner un exemple, tout le monde a peu ou prou intérêt au moins en début de partie à se séparer et à foncer afin de vite voir se préciser la configuration/géographie même partielle du vaisseau (connaître un peu l’environnement gastrique afin de pouvoir planifier comment pouvoir s’en extraire de la moins mauvaise des manières à la lumière de nos objectifs). Chacun aura alors en fonction des circonstances à vite et bien estimer quand et comment rectifier timing, directions à prendre et orientations de jeu en fonction des éléments dévoilés et de leur agencement (sachant qu’à partir de là, pour tenter de percer les objectifs des uns et des autres, chaque décision va être scrupuleusement épiée et interprétée par chacun quant à choix, actions, demi-tours, ralliement à un perso (re)croisé, etc.). Evidemment, dans cette gestion, devra intervenir la réflexion quant à comment tenter de rendre la vie plus "rigolote" à ceux qui semblent être un peu trop gâtés par le destin (ne plus seulement subir l’organisme mais percer comment on pourrait l’utiliser à notre avantage…). Mais notre liberté ludique, toujours, va constamment être soumise à la pression extrêmement forte que le jeu va nous imposer sans arrêt (pas de pression établie et constamment pesante à FdM, juste choisir au milieu d'une foultitude d'options données et accessibles d'emblée dont certaines peuvent provoquer de la tension mais dont il nous appartient dans une large mesure de décider si on veut la provoquer ou y être soumis). Ceci étant dit, NEMESIS nous laisse libre et ne nous interdit pas non plus de prendre notre temps (pas très bon dans un jeu de course), de marcher sur la pointe des pieds en début de jeu (peu pertinent à mon sens), que tout le monde reste groupé (peu pertinent à mon sens), que quelqu’un s’éjecte très vite par une nacelle de secours si ça le chante (peu pertinent et peu passionnant à mon sens), etc. mais il ne faudra pas alors venir se plaindre et dire qu’on a bien peu de contrôle sur les événements tant ces types de choix ont moins de chances de s'avérer productifs et efficaces pour espérer l'emporter (dans le sens où on aura moins de prise pour peser sur le microcosme). Trop se soustraire à la pression revient à risquer d’être contreproductif à NEMESIS: il faut accepter de se soumettre à l’organisme si on veut espérer le vaincre. Comme tout à NEMESIS, la liberté est contenue et contrôlée par la peur et la tension qu’on nous impose et qu’on doit s’imposer, ainsi que par le fonctionnement, contraintes et aléas de notre vaisseau (le tout étant finement imbriqué et indissociable). La conséquence de tout ceci? Chaque choix, chaque action, chaque rebondissement va être émotionnellement incarné et donc, très fortement participer à la narrativité de l’ensemble. Là où FdM est littéraire, NEMESIS est plus dans l’immédiateté cinématographique. Là où FdM se joue et se vit comme on ouvre un livre d’aventure, NEMESIS se joue et se vit comme on regarde un film d’action et d’horreur. On tourne des pages à FdM, on enchaîne à NEMESIS des plans où tout ce qui constitue le hors-champs fait peur.
Au-delà de la comparaison entre le littéraire et le cinématographique, le parallèle culturel est également intéressant. FdM est bien un jeu "européen" au sens où plus que l’individu, c’est le contexte global qui prime avec ses couches géographiques, culturelles, littéraires, historiques, fantasmagoriques, pragmatiques, etc. NEMESIS est un jeu plus à "l’américaine" au sens où l’individu seul peut et doit s’en sortir et surpasser toutes les barrières et obstacles (le rêve et le héros américain), le contexte global n’étant là que pour servir de tremplin et de valorisation à des exploits, réussites ou échecs personnels. La narration dans un cas (FdM) y est globale et dans l’autre (Nemesis), elle est individualisée.
Il me semble enfin intéressant de conclure par un court CR de NEMESIS dans le même esprit que celui de FdM plus haut afin de boucler la boucle et de peut-être faire sentir plus clairement et immédiatement ce que j’ai voulu évoquer à travers les pavetons que j’ai essaimés sur ce post:
"Le capitaine du NEMESIS a perdu la tête. Il veut rentrer sur terre alors que ces choses sont à bord. Il est hors de question de mettre en danger l’humanité plus qu’elle ne se met en danger si habilement toute seule et je vais renvoyer ces Aliens d’où ils viennent: dans une autre dimension en m’assurant que le NEMESIS explosera avec eux à l’intérieur.
Le capitaine peut vérifier et modifier les coordonnées de navigation tant qu’il veut dans le cockpit, je vais enclencher la procédure de destruction du vaisseau à partir de la génératrice. J’endosse ma combinaison et sort dans l’espace afin de rallier la génératrice sans avoir à passer par les couloirs du vaisseau où ces bestioles déambulent, hantent les conduits d’aération et où mes petits camarades semblent avoir perdu la boule. Comme feu le mécano qui avait été pris d’une soudaine passion zoologique et avait transporté un œuf de ces trucs jusqu’au laboratoire pour l’étudier. Etudier quoi? Découvrir quoi? Que ces Aliens sont sensibles aux phosphates? C’est vain. Ils sont trop forts, trop nombreux, trop monstrueux…
Ce moment de tranquillité au sein de l’espace autour du NEMESIS contraste avec l’enfer que l’on y vit à l’intérieur depuis qu’on a été éveillé de l’hibernatorium par l’ordinateur central. Je déverrouille le sas et pénètre directement dans la génératrice. Elle est en panne. Ces saloperies détruisent tout. J’hôte ma combinaison et me mets au travail afin de pouvoir la réparer et lancer enfin le processus d’autodestruction. Je repense encore au mécano et à ses cris quand j’ai enclenché presque sans hésiter la dépressurisation de la salle où il faisait face à un bel adulte de plus de 2 fois sa taille. Pas le choix mon gars. Ton amour de l’étude anatomique de ces bestioles était trop prononcé à mon goût. Et quand je vois ce que fait le capitaine, je me dis que j’ai bien fait de me débarrasser du mécano et d’un Alien par la même occasion. En plus, les Aliens me semblent de plus en plus intelligents depuis qu’ils nous ont rencontrés, comme si ils apprenaient de nous à chaque instant. C’est sans doute une vue de mon esprit mais depuis que le mécano n’est plus, j’ai la sensation que les Aliens m’ont pris en chasse, comme s’ils savaient que j’avais participé à éliminer un des leurs. Ma jambe continue d’ailleurs à saigner abondamment et même si je suis parvenu à semer le dernier que j’ai croisé, il m’a bien amoché. Je ressens de plus à des fréquences chaque fois plus rapprochées un mal être et des nausées de plus en plus fortes…
J’enclenche la séquence d’autodestruction. Ça marche! Il faut maintenant que je m’extirpe de cette antichambre de l’enfer. Direction les nacelles de secours. Subitement, j’entends la porte qui me séparait du nid qui s’ouvre et celle qui me menait via le chemin le plus court à la section d’évacuation qui vient de se fermer. Le capitaine a quitté le cockpit et s’amuse à ouvrir et à fermer les portes depuis la centrale de commandement. Et je sais bien qu’il ne le fait que pour précipiter ma fin. Pas surprenant: il n’a jamais pu me blairer. La reine arrive. Je l’entends, je la sens. Je fouille désespérément et tombe sur quelques outils qui me permettent de confectionner à la-va-vite un lance-flamme avec le combustible récupéré dans le dépôt. Ma jambe blessée amenuise mes chances de fuite. J’estime mes probabilités de survie à 1%. Plus que suffisant pour garder de l’espoir dans de telles circonstances. La reine surgit. Je lui envoie une volée de flammes dont je doute qu’elle puisse faire très mal à une chose aussi colossale, monstrueuse et inhumaine…"
Encore une fois, si vous ne voulez réagir que par rapport à NEMESIS, merci de créer un post et ne réserver celui-ci que pour vos commentaires ayant trait de près ou de loin avec FdM.
excellente idée que ce parallèle entre Fortunes de mer et Nemesis, je n’y aurais pas pensé et bravo pour la petite nouvelle dans Nemesis. quel talent
C’est intéressant à plusieurs titres je trouve, le fait que les deux utilisent des procédés très différents pour raconter une histoire. Mais cela permet également de mettre en lumière que le “narratif” recouvre bien des choses entre la saga en haute mer et le huit clos poisseux dans l’espace entre le dit et le non dit …
Bref autant de plaisirs divers et variés. C’est marrant moi j’aurais fait un parallèle entre Nemesis et the 7th continent.
Merci Palf pour ce morceau de bravoure
palferso dit :un joueur commerçant qui se fait envoyer par le fond n’a pas forcément partie perdue loin de là
J'aimerais revenir sur ce point à mon sens très important et que je n'ai pas abordé dans ma comparaison entre FdM et Nemesis.
A FdM, les agressions entre joueurs (si il y en a) sont directes et frontales. Si un capitaine se fait dessouder, le joueur enchaînera directement avec un autre capitaine (cf mon CR de partie de FdM plus haut). Quelles que soient les implications ludiques et concrètes du décès de notre capitaine (et pour continuer sur la métaphore du livre), le jeu nous permettra de tourner une page, de passer à un autre chapitre.
A Nemesis, les agressions sont multiples et constantes mais, contrairement à FdM, il ne pourra y avoir d'agression directe entre joueurs. Or, nombre d'objectifs persos demandent par exemple à ce que tel ou tel joueur ne survive pas... C'est un des aspects les plus culottés, rigolos et originaux de ce jeu et, comme expliqué dans mon dernier message sur ce post, parfaitement cohérent avec le travail et la volonté de l'auteur de soumettre chaque aspect de son jeu à l'angoisse, la tension et la parano (source de densité narrative et dramatique). L'utilisation retorse des arcanes, des modes de fonctionnement et des possibilités d'utilisation perso du vaisseau afin de mettre en difficulté les uns et les autres (tant en ce qui concerne le fait de menacer indirectement leur intégrité physique que de leur mettre des bâtons dans les roues pour ce que l'on devine être leurs objectifs potentiels) est le coeur du jeu et un des principaux vecteurs de l'ambiance horrorifico-paranoïaque de ce jeu. Le moindre fait et geste, la moindre décision de chacun sera constamment épiée et (sur)interprétée parce qu'il en va de notre survie.
L'autre énorme originalité de Nemesis est que contrairement à FdM, la mort sera définitive: pas de page à tourner ni d'autre histoire à écrire, on sort violemment du film dès le raccord "cut" suivant notre décès et l'action reprend sans temps mort se concentrant sur les derniers survivants... Ici aussi et encore une fois, cette crainte de la sortie pure et simple du jeu est un aspect de plus qui miroite constamment et renforce angoisse, tension, etc. et donc, la densité narrative et dramatique du jeu.
Dernière originalité enfin, très étroitement liée au point précédent, le premier joueur à mourir va jouer les Aliens qui vont à partir de là avoir un game play totalement différent, bien moins aléatoire et, évidemment, s'avérer bien plus efficaces et intelligents (en plus, c’est thématiquement cohérent: les Aliens en connaissant de mieux en mieux leurs victimes deviennent de plus en plus aptes et efficaces pour les buter...). Ainsi, tout en continuant à s’amuser dans un contexte et depuis un point de vue radicalement distinct, le joueur "victime" va ainsi pouvoir faire souffler encore plus violemment un vent de terreur et d’urgence sur ses petits camarades. L’ambiance en sera encore renforcée et l’éventuelle victoire de l’un ou l’autre membre d’équipage encore plus belle et épique.
Bref, ces 2 jeux dans le cadre de jeux compétitifs arrivent à atteindre des sommets en terme de dramaturgie et de mise en scène narrative en utilisant un univers, des moyens, une vision et des conceptions très différentes. Chapeau! Bravo! Merci!
Perso je voyage dans peau d’un cowboy dans Western Legend et au moyen âge dans Fief
Pour revenir à FdM je n’ai pu faire qu’une seule partie : j’ai touché du doigt l’ivresse d’un rhum pirate mais j’ai dessoûlé trop vite devant une gestion des combats incomprise par tous les joueurs de la table.
je rêve donc d’une nouvelle partie avec un joueur expérimenté pour me faire basculer.
reste que ce jeu est difficile à trouver (pas impossible on est d’accord)