-Tiens, je ferais bien une partie d’Hannibal et Hamilcar.
-Avec plaisir jeune Barcide avide de revanche, je chausse mes caligulas et je viens te botter le train.
Incipit d’une Deuxième Guerre punique que j’appréhende pourtant âpre.
La mise en place effectuée, j’avise mes légions et envisage une stratégie initiale inaccoutumée : relever le défi d’un affrontement quasi inévitable en Italie avec Hannibal. D’ordinaire, je laisse plus volontiers les hordes de mercenaires à la solde du général punique ravager les provinces d’Italie, harcelant dès possible les troupes isolées ou tentant quelques attaques limitées contre le gros des troupes ennemies, dans l’espoir, tout aussi limité, de leur causer quelques attritions. La faiblesse tactique comme la lourdeur stratégique des consuls romains ne permet guère d’espérer mieux quand la robustesse des fortifications de Rome et sa capacité à générer des renforts importants à chaque tour invite plus sereinement à envisager une Italie laissée sans défense. Dans tous les cas, l’important est de tenir, attendre l’arrivée de Scipio Africanus en limitant les pertes, à tous les niveaux. Mon intention, très risquée, n’est donc pas seulement de tailler des croupières à Hannibal pour limiter son pouvoir de nuisance, mais bien de tenter d’annihiler rapidement sa capacité d’action, voire de le détruire.
Pour cela je consacre l’essentielle de mes cartes stratégiques des deux premiers tours à augmenter mes recrutements, mobiliser mes légions en les concentrant en un lieu que j’estime stratégique au sortir des cols montagneux débouchant sur la Gaule cisalpine et desservant le Samnium : Ariminum.
De là, deux options : soit Hannibal accepte l’affrontement pour s’ouvrir la route vers le sud, soit il s’y refuse et emprunte la route vers l’Etrurie, ce qu’il implique un passage compliqué par un col, synonyme de nouvelles pertes. Outre que cette deuxième option ne le met pas non plus à l’abri d’une attaque à partir d’Ariminum, certes avec 10 UC maximum, mais dans un contexte de retraite impossible en cas de défaite, s’il n’a eu le temps préalable pour s’assurer des soutiens locaux en convertissant des CP. Conscient du danger, mais confiant dans ses capacités, Hannibal choisit l’affrontement direct qui pourtant m’est plutôt favorable sur le papyrus : le rapport de force initial me fera tirer plus de cartes de batailles, la taille de l’affrontement, si le combat n’est pas rompu, générera des pertes qui, sur la durée, me seront toujours moins douloureusement conséquentes que pour lui…bref, le risque est pour moi très acceptable et les auspices sont favorables.
C’était sans compter une malchance inouïe (et une audace rare de mon adversaire s’exposant à un retournement d’attaque) qui, sur environ 18 cartes tirées, fait que pas une ne me met en capacité de répondre à un double enveloppement qui atomise littéralement ma pauvre armée et me laisse déconfit. Mais Hannibal fait alors, sans doute et succombant à un péché d’orgueil, l’erreur de mettre le siège devant Rome, espérant en cas de succès une victoire immédiate, tout en éparpillant de maigres forces pour tenir les provinces, me permettant de reprendre espoir et de doucement reconstituer les miennes en attendant des jours meilleurs et l’élection de consuls plus compétents.
On ne soulignera jamais assez l’importance d’user de ses cartes stratégiques pour placer des CP dans toutes les provinces mineures, par exemple, pour compenser les pertes infligées par Carthage lors des combats et à la suite du différentiel de contrôle des provinces. Ce à quoi je me suis appliqué également en début de partie et qui m’a permis de tenir alors que le contrôle de l’Italie m’échappait peu à peu. Jusqu’à ce que, rongé par la maladie et amolli par les délices de Capou, Hannibal finisse par succomber, abonné par son frère, venu par la mer avec des troupes fraiches mais rentré depuis en Ibérie, sous les coups d’un assaut lancé par Scipio, annonciateur de l’arrivée (enfin !) de son parent, au cogonem prémonitoire de cette fin de partie.
Car soucieux de donner à cette victoire une jolie coloration historique, je décidai de porter le coup fatal en Afrique, leurrant mon adversaire sur mes intentions véritables en multipliant les actions hostiles en Ibérie par le biais d’événements stratégiques. Ce ne fut pourtant pas vraiment un épisode de la « Croisière s’amuse », l’ennemi jouant son va-tout en Sicile et me contraignant à détourner mon attention et des forces pour pallier cette sérieuse menace, ne faisant cependant que retarder l’échéance et/ou l’ampleur de son inexorable défaite : 11 – 7.
Nouvel écrin pour un indémodable classique : une merveille tant il est vrai que c’est dans les vieilles amphores que l’on fait le meilleur garum.
-Tiens, je ferais bien une partie de Polis : fight for the hegemony.
-Avec plaisir jeune éphèbe au corps huilé, je chausse mes spartiates et je viens te botter le train.
Incipit des Guerres du Péloponnèse que j’aborde plus sereinement.
J’entame sur une ouverture classique en accumulant suffisamment d’argent pour envoyer mon proxène en Sicile, renverser une cité, lever des hoplites et ainsi me constituer un grenier à blé en ravageant systématiquement l’île à chaque tour. Mais ce n’est certes pas suffisant pour faire face aux besoins toujours énormes en blé que justifie une politique expansionniste ; aussi me montrai-je très agressif dès le début en déplaçant mes phalanges d’hoplites vers des territoires à conquérir qui, s’ils ne pouvaient être pris immédiatement, du moins ne tomberaient pas dans la mouvance de mon adversaire, plus concentré à commercer en quête de blé et encore peu enclin à recruter. Le voyant de fait de moins en moins pourvu en ressources multiples, je décidais d’assurer aussi ma domination sur mer (un comble) afin de gêner ses voies de navigation commerciale.
Parallèlement je saute sur toutes les opportunités d’entamer la construction de projets, qui comptent beaucoup pour le gain de points de prestige immédiat et la victoire finale.
Malgré tout, tous ces mouvements m’ont coûté fort cher en prestige et je décide de passer assez vite. Attention à ne pas passer trop vite cependant, car mon adversaire en profite alors pour dépenser la ressource olive dont il dispose en abondance (et qui est périssable, donc inutile à conserver) pour enchaîner les actions en solitaire et assaillir quelques cités dont il ravage immédiatement le territoire pour engranger du blé.
De fait, tout est question d’équilibre dans ce jeu. Equilibre entre l’expansion nécessaire et le coût engendré en prestige par celle-ci qui limite de facto les capacités d’actions ultérieures. Equilibre entre l’accroissement des cités (nécessaire à la victoire) et le développement, par la mobilisation de troupes terrestres et maritimes et la création de marchand (nécessaire à la capacité d’action).
Dans les tours suivants, Athènes, moins timorée, se prend à envahir le Péloponnèse, s’offrant le luxe de capturer un port mais n’ayant heureusement pas le temps d’en piller le territoire : les « fidèles » hilotes sachant ce qu’ils doivent à leur maîtres bien-aimés de Lacédémone leur ayant déjà versé leurs redevances. La réciproque se produit et j’envahis à mon tour l’Attique, prenant une cité, en toute fin de tour cependant, m’assurant ainsi que mon adversaire ne puisse la reprendre à ce tour et voyant qu’à égalité de point de prestige, j’entamerai le tour suivant, ce qui me permettra de piller son territoire sans qu’il n’y puisse rien.
Je suis à l’accoutumée peu enclin à soutenir un siège pour prendre les cités, préférant la voie plus fourbe, mais plus chère de l’intelligence partisane possible grâce au proxène. Cela évite les aléas d’un dé qui, je le crois, me sont assez peu favorable. Je dois cependant m’y contraindre parfois, notamment si les coûts engendrés par le déplacement du proxène sont justes prohibitifs ou si les risques de sa capture sont trop grands (ce qui arrivera à Athènes). Et là : c’est le drame. Une cité de valeur 2 m’échappe, me faisant perdre un hoplite.
La course au blé continue cependant jusqu’au dernier tour ou je recherche avidement le combat terrestre pour mettre à mal mon adversaire en le privant de moyens d’action. C’est souvent à ce moment de la partie que le cerveau fume littéralement, les enchaînements d’actions devant se multiplier, obligeant à des planifications et des calculs savants sur plusieurs actions pour aboutir à la combinaison qui nous semblera la plus efficace possible. Et là, il n’y a jamais assez de rien, et surtout jamais assez de blé ! Continuer à agir en dépensant des points de prestiges qui sont aussi les points de victoire ou s’arrêter au risque que l’adversaire continue ? Créer de nouvelles troupes pour agir et générer de nouveaux revenus et points de victoires ? Ou garder sa population actuelle, synonyme déjà de points de victoire ? Ai-je assez de blé pour nourrir tout ce petit monde ou vais-je devoir en trouver plus pour espérer en outre faire grandir ma population ? Oui, mais comment si je n’ai pas les moyens ou si je ne prends pas le risque d’agir ?
Encore une fois, je prends le risque de passer plus tôt au dernier tour, estimant que si mon adversaire peut continuer à agir il n’a guère plus grand chose à faire, étant surtout en quête d’un blé désormais introuvable. 38 – 26
Ce jeu est une perle.