Dimanche, une partie d’Asgard à trois joueurs. Mes deux adversaires découvrent le jeu.
Score :
Jaune : 131
Rouge : 123
Bleu (moi) : 116
Cette partie a montré un visage que je ne vois que très peu de la config trois joueurs d’Asgard et que j’aimerais voir bien plus souvent !!
Quelle partie fantastique !!
Certes, mes adversaires découvrent Asgard, mais ce sont des vétérans du JdS : ils ne sont pas nés de la dernière pluie ludique…
La prudence s’impose donc… Oui, j’ai tendance à trop souvent sous-estimer ceux à qui je fais découvrir ce jeu car il est exigeant et quand on débute, on ne pense pas forcément à certaines “astuces” qui ne viennent qu’avec une certaine pratique.
MAIS, comme le montre le scoring final, mes adversaires ont réussi à tirer leur épingle du jeu malgré la grosse pression que je leur ai mise tout du long de la partie.
On va voir comment…
Tout d’abord…
J’ai toujours considéré la config 3 joueurs comme la config d’initiation à Asgard alors que le “vrai Asgard” se joue à quatre.
Pourquoi ? Et bien parce que :
- Il y a moins de joueurs pour se “disputer” le même nombre de places sur les Mondes et sur les Dieux) qu’à quatre
- Le premier principe du jeu est qu’il ne faut jamais thésauriser les ressources sous peine de se les faire reprendre par ses adversaires quand les réserves générales sont vides. A trois joueurs, il y a moins de joueurs pour construire des temples, donc il y a moins de demande sur les Pierres runiques, donc moins de pression sur ces ressources (Pierres runiques).
On le voit, cela semble a priori plus “mou” mais quand on découvre et qu’on veut donc se faire ses armes à ce jeu, ce n’est pas un défaut, cela permet de pouvoir prendre le temps d’assimiler les rouages du jeu. A quatre joueurs, c’est une guerre sans merci, donc en fonction de l’expérience des joueurs, j’ai tendance à déconseiller de découvrir
Asgard avec la config 4 joueurs qui revient à un véritable “Baptême du feu”…
Pourtant, il y a moyen de bien s’amuser, revenons à la partie…
L’ordre des joueurs au premier tour est le suivant : rouge - jaune - bleu.
Je resterai en dernière place jusqu’à la fin de la partie malgré une tentative de passer premier au tour 4 rapidement contrée…
La partie commence de suite avec des Temples construits et des jetons d’actions récupérés par mes adversaires. Comme dit, spécificité du jeu à trois, on a relativement de la place, il devient donc possible de bien se répartir le terrain sans trop se marcher sur les pieds (un peu de vigilance est tout de même nécessaire, n’exagérons pas
).
Étant dernier, les possibilités de construire des Temples est délicate à entreprendre : les Temples partant comme des petits pains, si je voulais en construire aussi, il faudrait se lancer à l’aveuglette car je ne connais pas à les Temples suivants qui se révèlent donc, je ne connais pas les différents jeux de pierres runiques requis pour les construire.
Hors de question de me mettre ainsi à la merci du hasard…
Je décide donc d’exploiter le fait d’être dernier pour résoudre après tout le monde des actions à Asgard afin de récupérer mes jetons.
Ce faisant, j’applique tout simplement les préceptes que j’ai formulés dans le retour ci-dessus sur l’achat de ces jetons : venir récupérer des jetons tôt, ça coûte cher, venir plus tard, ça coûte moins cher mais on vient plus tard…
Mes adversaires parviennent malgré tout à rester à trois jetons d’actions, le reste leur sert à construire des Temples. Bon pour eux… J’avais donné le conseil de ne pas chuter à moins de deux actions, mais leur intuition leur a soufflé de rester à pas moins de 3 actions…
Excellente idée… Deux actions ne donnent pas des tours très efficaces en réalisations faites…
De mon côté, vu qu’ils font des Temples, je sors mes jetons pour en faire des actions supplémentaires.
La flexibilité et le rendement de mes tours suivants suscitent l’envie autant que l’inquiétude : je parviens à maintenir un écart faible entre eux et moi sur le scoring (des Temples) et à mener ma stratégie : c’est en cela que je leur mets la pression.
Le temps est d’ailleurs venu de parler de mon plan… Je suis dernier, autant continuer à exploiter cette situation…
Dans
Asgard, il est crucial de lire le jeu adverse (et c’est très faisable !!!) car, à l’instar de
Dungeon Lords ou
Trickerion, jeux de la même “famille” de jeux de placement d’ouvriers, il y a une grande part de guessing pour éviter d’être Gros-Jean comme devant lors de la résolution du placement d’ouvriers.
Donc, étant dernier, je bénéficie d’informations sur les intentions adverses sur le tour en cours qu’eux n’ont pas sur moi…
Je constate donc, par le jeu des Pierres runiques récupérés, et par le fait qu’ils se sont lancés dans une stratégie très orientée Temples, ce qu’ils délaissent… Qu’à cela ne tienne, puisque, dans un WYG, c’est une très mauvaise idée de copier ses adversaires quand on a un temps de retard, je me lance donc dans les Batailles et ferai plus tard quelques Temples en décalage de timing par rapport à eux…
Stratégie payante : je finirai la partie avec cinq jetons placés dans les zones de Victoire et 46 PVS de Tuiles de Batailles (de fin de tour : à ne pas confondre avec le Ragnarok lui-même) : 46 = 3 + 9 + 14 + 20… presque la moitié de mes PVs !
En plus de faire main basse sur trois Sortilèges et une Arme face à zéro pour le joueur rouge et un sortilège pour le joueur jaune.
Ma récupération de tuiles de Batailles préoccupe mes adversaires… Le joueur Jaune en viendra à fléchir sa stratégie Temples pour m’accompagner sur les Batailles : il a pris sa décision suffisamment tôt pour engranger des victoires comme moi et a réussi à maintenir un peu de rendement sur les Temples : son scoring final lui a donné raison.
Le joueur Rouge, lui, a décidé de faire l’impasse complète sur les batailles : choix audacieux que l’on peut penser suicidaire mais… Ce n’était pas sans une idée compensatoire…
Il se lancera donc dans une stratégie “Full Temples” et en construira 6…!!
Énorme, je n’avais jamais vu ça avant !
Quelle est l’idée derrière cette stratégie ?
Soutenir le maximum de Dieux au Ragnarok !
Il en fera d’ailleurs la remarque : sur les 7 Mondes impliqués dans le Ragnarok, il a participé à 6 Batailles d’entre eux ! Et a empoché des PVs pour chacune !
Cette idée lui est venue d’un “détail” que j’avais évoqué durant l’explication : l’écart entre les PVs gagné de la première place et ceux de la seconde place sur chaque monde est de plus en plus faible (quand on prend les Mondes du n°1 au n°7)
Donc peu importe si on est premier ou second, il suffit de participer comme dirait Pierre de Coubertin… Et de participer au maximum…
Mais il y a une autre conséquence heureuse pour lui et dont moi-même, je n’ai pas mesuré l’importance
:
En étant tellement présent, le joueur Rouge n’avait plus trop besoin de déterminer quel côté sur chaque Monde devait l’emporter… Donc, il n’avait pas besoin de s’approvisionner en Sortilèges et Armes : cela allait dans le sens de son choix de ne pas en récupérer et le justifiait…
L’écart faible de PVs des deux places de chaque Monde a fait que le Ragnarok n’a pas pu me servir à réduire l’écart de scoring avec lui autant que je l’espérais malgré le fait que, largement mieux pourvu en Sortilèges et Armes que mes adversaires, j’ai pu orienter les victoires en ma faveur (m’octroyer le max de PVs) dans les Mondes de bataille me concernant
.
Très malin de sa part…
Et le joueur Jaune alors ?
Il a fait un mélange des deux stratégies en face de lui : celle du joueur rouge et la mienne…
Il a d’ailleurs réussi, cerise sur le gâteau, à retarder des constructions de Temples, au dernier tour, pour rester seul dans ces Mondes et s’assurer l’ensemble des PVs (en allant soutenir des dieux dont personne ne voulait)…
Notamment le Monde n°1, octroyant 7 et 2 PVs, qui n’avait intéressé personne jusque là… Une fois la première place d’un dieu occupé et le dieu envoyé dans ce monde, qui va se battre pour 2 PVs ?? Personne… Et allez, 9 PVs dans la poche si on gagne (ce qu’il a fait)
Il nous a fait “ce coup” sur deux Mondes…
Bien vu…
Tactiquement aussi, j’ai eu droit à quelques “pointes”…
Par exemple, le joueur Rouge s’est payé le luxe de renoncer à trois de ses jetons à Asgard… Mais j’avais besoin de tous mes jetons…
Résultat : Un surcoût pour moi ! il ne m’a manqué qu’un sceau pour réussir à terminer ma récupération au tour IV et j’aurais pu récupérer deux fois 20 PVs en tuiles de batailles au lieu de 14+20 PVs…
Comme on voit, grâce à mes Tuiles de Batailles, j’ai pu faire une belle remontée… Mais que m’a-t-il manqué ?
Réponse : j’ai péché par excès d’optimisme en pensant que les Temples adverses ne suffiraient pas… J’aurai dû en construire plus.
Au lieu de cela, j’ai dépensé des actions à utiliser les pouvoirs des Dieux (en particulier Loki qui vole des unités aux Dieux les affaiblissant lors du Ragnarok) pour m’assurer d’avoir un Ragnarok le plus confortable possible…
Là, j’en clairement fait dans l’excès de zèle… J’aurai du retourner dans l’arène de la construction de Temples sur la fin…
L’intérêt est double : je réduis encore l’écart ET je gêne mes adversaires dans leur plan…
Voilà ce que j’ai raté…
Conclusion :
Très belle partie…
Mais je n’en attendais pas moins de mes deux adversaires que je connais depuis un peu plus de 5 ans maintenant…
Les principes généraux (Temples + Batailles) n’ont pas été remis en cause par cette partie malgré les apparences (stratégie du joueur rouge).
Je dirai plutôt qu’on y a vu un autre moyen de contourner le pouvoir de nuisance des Sortilèges : tout simplement ne pas en dépendre en étant partout ! Il ne faut non plus oublier que ceci ne marche qu’à trois joueurs. A quatre joueurs ce n’est pas possible car plus que les Temples, on manque rapidement de place sur les Mondes pour y caser nos Dieux…
Bref, grâce à cette partie, j’ai revu à la hausse l’intérêt de la config à 3 joueurs : elle autorise des stratégies “dégénérées” qui ne sont pas envisageables à quatre joueurs…
Dans
Asgard, il faut bien avoir à l’esprit que si “quelque chose ne tourne pas rond”, la stratégie qu’on adopte ne fonctionne pas, par exemple, il faut :
- avoir l’humilité de le reconnaitre
- laisser au jeu le bénéfice du doute (Asgard a un design ad hoc et propose des outils suffisants)
- prendre de la hauteur et trouver une nouvelle approche (par exemple, je n’ai pas insisté sur la construction de Temples en début de partie car trop hasardeux)
C’est pourquoi, ce n’est souvent pas du jeu que vient le problème (trop chaotique, trop ci, trop ça, etc.), c’est du joueur…
a++
Manubis.