Deux grosses découvertes pour moi ce week-end.
Le Secret de mon Père a plutôt été une grosse déception.
J’ai trouvé la sur-édition du jeu un peu ridicule (avec ces véritables fioles en verre pour représenter de simples ressources “produits chimiques”, mais aussi ces figurines pour faire simple du placement d’ouvrier). C’est joli mais impratique au possible, les figs sont bien trop grosses pour les emplacements sur le plateau par exemple.
Mais surtout, je trouve que le mélange jeu de gestion / jeu narratif ne prend pas.
Côté jeu de gestion, ça tourne pas trop mal mécaniquement, ça n’est pas révolutionnaire mais c’est très sympa. La meilleure idée étant cette notion d’héritage, on ne peut léguer qu’une partie très minime de ses acquis d’une génération à l’autre, donc ça implique de bien réfléchir à son timing pour réussir à terminer quelque chose de valeur avant de mourir et de passer à la génération suivante.
Sauf que ce jeu de gestion est entrecoupé de phases narratives très indigestes.
Quand je suis dans un jeu de gestion, je suis pas mal concentré sur mes actions et sur ce que je planifie d’un tour à l’autre. Le jeu m’oblige régulièrement à briser cette concentration pour me faire lire des pavés de textes énormes et imbitables. Et ce, à la fin de chaque manche, soit à 9 reprises dans le jeu !
Et excusez-moi, mais le gros pavé de texte comme ça, c’est vraiment le degré zéro de la narration dans un jeu de société. On est là pour jouer à un jeu ensemble, pas pour lire un roman. (J’aime bien lire des romans, mais ça ne me vient pas à l’idée de faire ça à plusieurs). Surtout que là, ce n’est pas très bien écrit, et franchement au bout de 4 heures de jeu on ne comprenait plus rien à l’histoire.
Pour prendre des autres exemples de narration en jeu de société, Paleo parvient à faire passer des évènements sans texte, avec juste des icônes, le Dilemme du Roi a le bon goût de faire tenir son texte narratif sur une carte 63x88 à chaque étape, Forgotten Waters a des bons gros pavés de texte mais au moins c’est drôle et bien écrit. Rien de tout ça dans le Secret de mon Père, le texte narratif est tellement long et hache tellement la partie qu’on n’a plus aucune envie de le lire.
C’est d’autant plus dommage que l’univers du jeu est vraiment ultra cool et qu’il y a plein d’idées géniales (par exemple les cartes expériences qui représentent les expériences qu’on fait en secret dans notre manoir, elles sont super drôles et pourtant c’est juste un titre, une illustration et un texte fluff de 2 ou 3 lignes, y a pas besoin de plus, bordel !).
Bref, c’est vraiment trop long et avec un rythme trop haché.
Heureusement, il y a eu la découverte de Alice Is Missing.
Le moins qu’on puisse dire c’est que j’étais sceptique (ainsi que tout le groupe de joueurs) à l’explication des règles. On comprend que ce n’est pas un jeu d’enquête et d’énigmes à la Sherlock Holmes, mais plutôt un jeu d’ambiance et d’improvisation d’histoire. Si on réduit le jeu à sa substantifique moelle, c’est même juste un Story Cubes avec un habillage un peu plus sophistiqué : le jeu nous fournit quelques éléments random autour desquels broder, et hop, inventez-vous une histoire avec ça. On ne voit pas trop comment on va pouvoir faire une vraie partie de 1h30 avec juste ça.
Surtout que je n’ai pas vraiment l’âme d’un rôliste et j’ai beaucoup de mal avec les jeux d’impro (je fuis les Petits Meurtes et Faits Divers et ce genre de truc). Je me sens ridicule à incarner un personnage devant des amis.
Sauf que là, toute l’astuce du jeu est de faire passer l’impro dans un chat de discussion écrite. Et ça, ça m’a complètement débloqué. Comme on ne regarde pas ses partenaires de jeu et qu’on n’entend pas leur voix, l’immersion se fait beaucoup plus facilement. J’ai l’impression de vraiment discuter avec les amis d’Alice et d’être l’un d’entre eux. On s’y croit, on s’attache petit à petit à cet univers, on s’implique de plus en plus émotionnellement, à chercher des explications aux rebondissements générés par le jeu. C’est une expérience qui devient de plus en plus intense et après 1h30, quand sonne le gong de fin, c’est super dur de redescendre immédiatement.
C’est très, très bizarre, et je suis vraiment soufflé par le fait que l’expérience de jeu marche aussi bien.
C’est très très malin, car vraiment le jeu ne repose sur à peu près rien mécaniquement, mais utilise plein de petites astuces pour jouer sur nos biais cognitifs et nous faire entrer dans le truc (le fait de passer par une discussion écrite, donc, mais aussi la bande-son géniale, le préliminaire à la partie qui permet de créer en commun une base pour l’histoire, les enregistrements de messages vocaux).
Je ne suis pas près d’oublier ça, j’ai eu l’impression de vivre une partie de Life Is Strange à plusieurs, c’était vraiment un moment suspendu.
Qu’est-ce que ça fait du bien de tomber sur des jeux comme ça qui ne ressemblent à rien de connu et qui font battre le coeur comme aucun autre.
Accessoirement, je n’ai jamais connu un tel grand écart entre “pas convaincu du tout” à “omg c’est le meilleur jeu du monde”.