L’idée de Bruno est interessante mais difficilement exploitable.
Interessante car elle rend bien compte du fait que certains jeux accèdent ou veulent accéder au statut de sport du fait de la reconnaissance sociale qu’ils ont suscité.
Diificilement exploitable car on va se demander à partir de quel niveau de reconnaissance sociale (qui reste à définir) place-t-on la limite qui fait qu’un jeu devienne sport ? Les joueurs de poker, bridge, échecs, jeux vidéos, jeux télévisés vont facilement être assimilé à des sportifs quand on voit le niveau de reconnaissance de certains jeux qui sont pourtant des sports.
Pour moi le sport est avant tout une activité physique et avant tout des jeux fait pour se dépenser ou s’affronter sur le plan physique. La remarque de Guyomar est à mon avis plus le reflet de la volonté de Bruel d’acquérir une reconnaissance sociale avec les pépettes qui vont avec qu’un critère du réel changement de cette activité.
Par contre Moz et Bruno ont raison, le lieu de pratique ne les différencie pas : on peut faire du bras de fer chez soi et c’est un sport ! Comme l’explique Christian les deux activités ont vite fait de se recouper.
J’ai l’impression que les différents jeux, dont les jeux de société sont restés bien trop longtemps sans définition pour englober aujourd’hui quelque chose d’homogène.
Pour Drax : je prends effectivement la définition de Duflo pour définir le jeu.
Je ne suis pas tout à fait d’accord sur le jeu qui introduit une notion de choix ou de liberté. Pour le jeu de l’oie, on n’a aucun choix. Ce qui fait le jeu c’est qu’on accepte de se soumettre au hasard pour déterminer un vainqueur parmi les joueurs.
Il me semble par contre important de préciser que le jeu a une capacité d’abstraction du réel : perdre ou gagner n’a pas d’impact dans notre vie. (sauf compétition comme dit plus haut)
Donc le jeu est une activité contrainte par des règles auxquelles on se soumet volontairement, sans impact dans le réel et dont le but est de tester les capacités des joueurs entre eux ou contre les règles.
Bon, c’est pas joliment tourné et pour le but, ce n’est pas forcément juste.
Pour le plaisir, il fait partie du jeu, mais pas forcément donc bon, je ne le mettrai pas dans la définition.
christian dit:Oui, un sport est parfois un jeu.
Un sport (activité physique) nécessite des règles pour devenir un "jeu sportif".
Mais justement est-ce que le fait de courir sur la plage sans but autre que de se dépenser est un sport ? Je ne pense pas. C'est certes une activité physique, mais ce n'est pas un sport. A mon avis, la notion de sport implique la notion de règle, comme le jeu. En ce sens, un sport est toujours un jeu.
Remarquez que l'un des rôles des fédérations (FIFA par exemple) est justement de fixer les règles des sports. C'est d'ailleurs souvent une étape importante dans le processus de légitimation d'une activité physique comme sport que la création d'une institution garante des règles.
xavo dit:Il faut évidemment distinguer jeu et sport puisque l'on cherche à définir les jeux de société et que ce ne sont pas des sports.
Voilà pourquoi je ne m'engagerai pas sur la voie d'une distinction jeu/sport. Par contre, à l'intérieur de la sphère des jeux, on peut tenter de distinguer les sports des jeux de société.

Selon moi, un jeu de société est une boite contenant du matériel le plus souvent conventionnel (plateau, cartes, pions, dés…) et une règle décrivant des mécanismes logiques permettant de confronter un nombre variable de participants autour d’une table.
Etant entendu qu’un jeu surdimensionné ne tiendra pas dans une boite ou qu’une garden party incitera davantage les joueurs à s’installer sur une pelouse…
BdC
bruno faidutti dit:Il faut, je pense, intégrer aussi l'idée de distanciation, plus précisément de coupure, par rapport au réel. Peut-etre quelque chose autour de l'idée de microcosme.
Je suis plus ou moins d'accord.

Complètement d'accord si on fait intervenir la notion de représentation. Les pièces d'un jeu sont à la fois des morceaux de bois ou de plastique et à la fois autre chose (des ouvriers, des matières premières, des unités, etc.). Un jeu fait appel à de la représentation. En d'autres termes, le ludique, c'est du symbolique. Comme dans l'art.
Les philosophes (Kant par exemple) distinguent présentation (Darstellung) et représentation (Vorstellung). Ce qu'une chose présente, c'est son apparence matérielle, physique. Ce qu'elle représente, c'est ce qu'elle symbolise, c'est-à-dire ce à quoi elle renvoie. Autrement dit, un jeu ne se contente pas de présenter mais représente aussi. Par exemple, un jeu comme Caylus présente entre autres choses un plateau de carton, des cubes de bois et des tuiles en carton. Mais Caylus est plus que ça ; il représente (ou renvoie à) la construction d'un château à une époque et à un lieu donné.
Là, on tient un argument de poids pour distinguer les sports d'avec les jeux de société. Il n'y a strictement aucune représentation dans les sports. Uniquement de la présentation. Au foot, un ballon est un ballon ; il ne représente rien. Les lignes, les buts, les maillots, tout est littéral.
Mais il y a une nuance à apporter. Et c'est là où je pense que l'équation « jeu = coupure par rapport au réel » ne tient pas. Il y a des jeux abstraits, c'est-à-dire des jeux où les pions sont des pions, où les cartes sont des cartes et où ces éléments ne représentent rien d'autre. Elles ne font que se présenter. On a parlé du poker. C'est évidemment son cas. Les cartes du poker ont des valeurs, mais ne symbolisent rien. De ce point de vue, je ne vois pas en quoi le poker serait abstrait du réel. Au contraire, il est hyper concret. Mais ce qui est valable pour le poker est valable pour tous les jeux abstraits, d'où le paradoxe de leur appelation.
Je distingue ce qu’est le jeu : un boite, du matériel au service d’un mécanisme et la représentation que se fait le joueur. On peut jouer à caylus et se prendre pour un grand seigneur. On peut “se prendre au jeu”. On peut aussi jouer à Caylus en appliquant les règles sans se soucier du thème. On peut jouer aux règles de caylus sans le thème, c’est moins sexy mais ca resterait un jeu de société.
BdC
Pas d’accord avec MoZ. Le jeu ne relève pas nécessairement du symbolique. Il y a du jeu de simulation (le jeu de rôles, essentiellement), du jeu avec représentation symbolique (la plupart de nos jeux de société en boite) et du jeu abstrait d’où toute idée de représentation est absente (les jeux de cartes par exemple). Pareil pour la musique, la peinture, etc…
L’idée de séparation du réel n’a rien à voir avec l’aspect symbolique ou non du jeu. Le jeu est distinct du réel parce que ses enjeux n’ont aucun rapport avec les enjeux réels (tiens? il y a des enjeux dans le réel… encore la langue qui nous joue des tours). Si je gagne une partie de jeu contre quelqu’un, ça 'a aucun impact sur la réalité extérieure, ni (sauf si l’un d’entre nous est un psychopathe) sur nos relations une fois la partie terminée. Donc, si le poker pose problème, ce n’est pas parce qu’il se joue avec des cartes, c’est parce qu’il y a de l’argent, et que le vainqueur finira plus riche - l’argent gagné à l’intérieur du cercle magique et selon les règles qui ne s’appliquent qu’à l’intérieur du cercle est capable de resortir du cercle après la partie. Ça me pose problème parce que, quand j’essaie de conceptualiser intellectuellement le jeu, je démontre aisément que les jeux d’argent ne sont pas vraiment des jeux - alors que mon expérience quotidienne montre que c’en sont, puisque je ne les vis pas différemment des autres jeux. C’est donc que ma définition n’est pas satisfaisante.
D’ailleurs, les joueurs qui refusent de pratiquer les jeux d’argent - ils sont nombreux - ne sont ils pas ceux qui perçoivent instinctivement cette impossibilité du jeu d’argent à être un jeu, impossibilité que je ne perçois qu’intellectuellement, après coup, et sans vraiment y croire.
Bref, on n’est pas sorti de l’auberge.
Boule de cristal dit:Je distingue ce qu'est le jeu : un boite, du matériel au service d'un mécanisme et la représentation que se fait le joueur. On peut jouer à caylus et se prendre pour un grand seigneur. On peut "se prendre au jeu". On peut aussi jouer à Caylus en appliquant les règles sans se soucier du thème. On peut jouer aux règles de caylus sans le thème, c'est moins sexy mais ca resterait un jeu de société.
C'est certain qu'on peut regarder un tableau de grand maître comme étant juste une toile avec des tâches de peinture dessus...

bruno faidutti dit:Donc, si le poker pose problème, ce n'est pas parce qu'il se joue avec des cartes, c'est parce qu'il y a de l'argent, et que le vainqueur finira plus riche - l'argent gagné à l'intérieur du cercle magique et selon les règles qui ne s'appliquent qu'à l'intérieur du cercle est capable de resortir du cercle après la partie.Peut-être que la frontière du cercle magique est plus ou moins "perméable" selon les jeux ou les façons d'y jouer. Dans le cas du poker, le cercle englobe aussi une partie du réel (l'argent gagné ou perdu). C'est valable aussi pour des jeux comme Magic où le méta-jeu est important mais pour d'autres raisons (plus l'argent aussi parfois, mais c'est indépendant).
bruno faidutti dit:Pas d'accord avec MoZ. Le jeu ne relève pas nécessairement du symbolique..
C'est ce que je dis. Donc nous sommes d'accord sur ce point. Donc nous ne sommes pas d'accord sur le fond.

bruno faidutti dit:Il y a du jeu de simulation (le jeu de rôles, essentiellement), du jeu avec représentation symbolique (la plupart de nos jeux de société en boite) et du jeu abstrait d'où toute idée de représentation est absente (les jeux de cartes par exemple). Pareil pour la musique, la peinture, etc...
Complètement d'accord sur la typologie des jeux. Si vous voulez l'appliquer à l'art, je ne vous suis pas. L'art est symbolique par nature. Tout art est symbolique. A noter que le symbolique n'est pas seulement le figuratif. L'art abstrait est bien sûr symbolique. Mais on s'écarte du sujet.
bruno faidutti dit:Le jeu est distinct du réel parce que ses enjeux [..] n'ont aucun rapport avec les enjeux réels. Si je gagne une partie de jeu contre quelqu'un, ça 'a aucun impact sur la réalité extérieure, ni (sauf si l'un d'entre nous est un psychopathe) sur nos relations une fois la partie terminée.
C'est ici que nous ne sommes pas d'accord. Je trouve qu'il est étrange de définir le réel par ses enjeux. On ne va pas se lancer dans un débat pour savoir ce qu'est le réel et par opposition ce qu'est le fictif, mais il ne me semble pas que quand je joue à un jeu, ce soit de la fiction. Quand je joue à un jeu, je joue bien à un jeu, et je le fais dans le réel. Je ne rêve pas, je ne le fais pas en imagination. Non, non, il me semble bien que c'est bel et bien réel – je joue donc je suis ?

C'est exactement la même chose pour ce qui est du sport. D'ailleurs, votre définition – mais essayait-elle de le faire ? – ne permet absolument pas de distinguer le sport amateur ou le sport entre copains du jeu de société. Quels enjeux supplémentaires pourrait-il y avoir dans une partie de tennis entre deux amis par rapport à une partie d'échec entre ces deux mêmes amis ? Aucun, il me semble.
Un jeu a des tas d'impacts sur le réel. Il change les choses, et je pense que vous êtes forcément d'accord avec moi sinon vous ne feriez pas ce que vous faites. Par exemple, après une partie de Trivial Pursuit, je suis généralement plus cultivé. Après une partie de Time's Up, j'en sais plus sur mes amis, je suis plus proche d'eux, etc.
Bien plus que d'une coupure avec le réel, le jeu suppose, à mon avis, une coupure avec la vie pratique, c'est-à-dire animale (survivre et se reproduire). Le jeu est en effet une activité purement gratuite, en ce sens qu'elle est non nécessaire, qu'elle se contente d'apporter du plaisir, etc. Mais, de mon point de vue, le jeu n'est en aucun cas une activité abstraite du réel (sauf à considérer l'aspect symbolique de certains jeux).
Effectivement, on n'est pas sorti de l'auberge. Mais cette discussion est passionnante !

On est tous d’accord pour rester dans l’auberge et on ne se fait pas trop d’illusion sur le fait de la quitter, on dirait
Bien plus que d’une coupure avec le réel, le jeu suppose, à mon avis, une coupure avec la vie pratique, c’est-à-dire animale (survivre et se reproduire). Le jeu est en effet une activité purement gratuite.
Je suis pour ma part en désaccord avec cela car je pense qu’il y a une confusion entre le jeu et l’activité de jeu ou une exagération dans l’expression “purement gratuite”. Atteindre le but du jeu ne sert à rien dans la vie courante (dans le sens ou les billets de monopoly ne rendent pas plus riche). La pratique du jeu de société est pourtant une activité trés productive sur le plan psychologique voire importante. Vous le dites vous même, on apprend à se connaitre, à connaitre les autres et à se connaitre dans l’interaction avec les autres. On construit son identité par le plaisir à jouer tel jeu, de telle manière mais aussi par l’émotion née de la victoire et la défaite. Si “l’espace de liberté” que génère le jeu ne produira jamais rien de concret, il n’empêche que l’activité elle-même se déroule dans la réalite et que l’homme y place toute son humanité, tout comme dans sa vie pratique, voire bien plus. La pratique de jeu n’est pas une activité gratuite et reste en partie bien réelle, même si les jeux eux-mêmes ne sont qu’une invention abstraite avec un but inutile.
Je reste persuadé que le bon plus petit dénominateur commun pour définir le jeu est la définition de Duflo. Il faut ensuite comprendre dans quel contexte un jeu devient jeu de société plutôt qu’un casse-tête, un sport ou encore un jeu vidéo par exemple.
Je vais essayer d’interroger ma propre pratique pour avancer sur la question. J’ai des tas de jeux chez moi alors que je dois me pousser pour avoir des activités sportives. Si je me pose personnellement la question pourquoi je pratique beaucoup de jeux de société et pourquoi je pratique peu de sports, je m’aperçois que mes gouts ludiques correspondent mieux au premier qu’au second.
J’apprécie les activités intellectuelles, sociales, divertissantes, basées sur l’habilité manuelle ou la perception. J’apprécie moins les activités basées sur la force, la vitesse, utilisant des moteurs, avec des confrontations physiques directes… Ainsi, les jeux de société me correspondent mieux que les activités sportives. Je vais pourtant facilement faire quelques sports : la pétanque ou le billard par exemple. Et je vais avoir du mal avec quelques jeux de société, comme Jungle Speed ou le Fou Volant.
On peut se demander pourquoi Jungle Speed est disponible dans les boutiques de jeux de société et pas dans les boutiques de sport. Il a été conçu pour être un jeu de société et proposé à ce réseau. Ceux qui vont acheter des jeux de société ont acheté JS. JS est un jeu de société car il vient de cet univers économique et social. Cela aurait pu être un sport s’il était passé par un autre réseau.
En l’absence de définition claire et défendue, j’ai l’impression que les catégories ont fluctué avec le temps et que l’histoire de chaque jeu a déterminé son appartenance. Les bordures des catégories sont ainsi forcément floues, mais le coeur doit bien se situer quelque part.
MOz dit:C'est ici que nous ne sommes pas d'accord. Je trouve qu'il est étrange de définir le réel par ses enjeux. On ne va pas se lancer dans un débat pour savoir ce qu'est le réel et par opposition ce qu'est le fictif, mais il ne me semble pas que quand je joue à un jeu, ce soit de la fiction. Quand je joue à un jeu, je joue bien à un jeu, et je le fais dans le réel. Je ne rêve pas, je ne le fais pas en imagination. Non, non, il me semble bien que c'est bel et bien réel – je joue donc je suis ?
C'est exactement la même chose pour ce qui est du sport. D'ailleurs, votre définition – mais essayait-elle de le faire ? – ne permet absolument pas de distinguer le sport amateur ou le sport entre copains du jeu de société. Quels enjeux supplémentaires pourrait-il y avoir dans une partie de tennis entre deux amis par rapport à une partie d'échec entre ces deux mêmes amis ? Aucun, il me semble.
La différence est bien dans les enjeux. Quand je joue, je me fixe arbitrairement, en accord et en commun avec les autres joueurs, un but qui ne fait pas sens en dehors du jeu, et que je cherche à atteindre par des moyens qui ne font pas sens en dehors du jeu. Si ce n'est pas sortir du réel dans sa tête, qu'est-ce que c'est !
C'est Freud, je crois, qui a dit le premier que "le contraire du jeu, ce n'est pas le sérieux, c'est le réel". Il avait d'autant plus raison que le jeu est une activité dont la pratique demande un certain sérieux.
Sinon, bien sûr, une partie de tennis ou d'échecs entre amis est un jeu de société. Ça me semble une évidence. Un tournoi d'échecs ou de tennis, c'est moins évident. Ça l'est un peu - l'arbitraire insensé des règles est toujours là - mais pas compètement - l'enjeu fait sens en dehors du jeu.
Un jeu a des tas d'impacts sur le réel. Il change les choses, et je pense que vous êtes forcément d'accord avec moi sinon vous ne feriez pas ce que vous faites. Par exemple, après une partie de Trivial Pursuit, je suis généralement plus cultivé. Après une partie de Time's Up, j'en sais plus sur mes amis, je suis plus proche d'eux, etc.
Ça peut être un effet annexe, et tout à fait marginal, de certains jeux. Mais dans 99% des cas, il ne se produit rien de tel. On a juste passé un bon moment.
Plus encore, à partir du moment où on se donne ce genre d'objectif dans un jeu, ce n'est plus pour moi un jeu - ce qui explique ma haine de tout ce qui se prétend "jeu éducatif", concept que je trouve obscène.
MOz dit:Boule de cristal dit:Je distingue ce qu'est le jeu : un boite, du matériel au service d'un mécanisme et la représentation que se fait le joueur. On peut jouer à caylus et se prendre pour un grand seigneur. On peut "se prendre au jeu". On peut aussi jouer à Caylus en appliquant les règles sans se soucier du thème. On peut jouer aux règles de caylus sans le thème, c'est moins sexy mais ca resterait un jeu de société.
C'est certain qu'on peut regarder un tableau de grand maître comme étant juste une toile avec des tâches de peinture dessus...
Ou voir dans un jet de dé ou dans le tirage d'une carte une représentation symbolique de je ne sais pas quoi.

Je me sens un peu idiot d'avoir écrit des choses aussi basiques.
j'ai du louper quelquechose sur le cercle magique...
BdC
En relisant mes interventions, je me demande si notre difficulté à définir le jeu ne vient pas de la volonté à établir une frontière claire entre le jeu et le réel (ou le reste du monde, ou le pratique, peu importe le nom qu’on lui donne). On a parlé sports, échecs, poker, vote, se demandant à chaque fois ce qui était jeu et ce qui ne l’était pas.
Ce n’est peut-être pas la bonne démarche. Il faudrait sans doute raisonner en terme de continuum, et introduire une certaine subjectivité de l’acteur-joueur. Continuum, parce qu’il n’y aurait plus e jeu absolu ni de réel absolu - ce qui n’équivaut pas aux truismes ridicules u style “tout est jeu” ou “la vie est un jeu” - mais simplement des activités plus ou moins ludiques, selon le degré de séparation du réel, l’épaisseur et l’imperméabilité du cercle magique. Une partie de poker peut être un jeu pour moi si je parviens à faire abstraction de la réalité de l’enjeu, et pas pour un autre joueur qui ne pensera qu’à ça. Une partie de tennis entre copains sera plus un jeu qu’une partie entre champions, mais toutes deux l’être moins pour un joueur - celui veut gagner pour écraser son adversaire et passer à la télé - et plus pour un autre - celui qui est dans le jeu et ne veut gagner que parce que c’est le but du jeu. Et beaucoup de comportements de détachements considérés comme pathologiques reviennent alors à prendre pour un jeu ce que les autres ne considèrent pas comme tel.
Vous parlez du réel sans parler de la même chose.
Si le jeu est dans le réel parce qu’il “l’influ” par l’aspect relationnel ou autre, tout est dans le réel, y compris le rêve !
Si tu “es dans le jeu de façon concrete”, tu peux aussi dire cela du roman, du ciné, du jeu vidéo ou de n’importe quoi… Quand on pratique “on y est” et pourtant ce n’est pas le “réel” au sens de bruno.
pour la citation :
freud dit:(In : La création littéraire et le rêve éveillé passage de 1908) : « L’occupation préférée et la plus intensive de l’enfant est le jeu. Peut-être sommes-nous en droit de dire que tout enfant qui joue se comporte en poète, en tant qu’il se crée un monde à lui, ou, plus exactement, qu’il transpose les choses du monde où il vit, dans un ordre nouveau tout à sa convenance.
Il serait alors injuste de dire qu’il ne prend pas ce monde au sérieux, tout au contraire, il prend au sérieux son jeu, il y emploie de grandes qualités d’affect. Le contraire du jeu n’est pas le sérieux, c’est la réalité. En dépit de son investissement d’affects, l’enfant distingue fort bien de la réalité le monde de ses jeux. Il cherche volontiers un point d’appui aux objets et aux situations qu’il imagine dans les choses palpables et visibles du monde réel. Rien d’autre que cet appui ne différencie le jeu de l’enfant du rêve éveillé. »
Par ailleurs, l’opposition sport et jeu me gêne un peu.
Pour moi, sport, c’est une “activité physique sans but financier” (simplification).
Cela n’inclut pas la compétition, qui peut être basée sur du sport our sur n’importe quoi d’autre.
Quant au sportifs professionnels, il ne font de ce que d’autres pratiquent comme sport un travail. Tout comme on peut peindre, faire du théatre ou de la musique “gratuitement”, pour le plaisir, on peut en faire un métier.
Je n’oppose pas la notion de métier ou de travail à la notion de plaisir.
Mais jouer au tennis entre copains pour le plaisir et garder la forme n’est en rien comparable à ce que fait un champion. Dans les 2 cas on parle de sport.
Les échecs de hauts niveau ne sont pas un sport, c’est de la compétitions basée sur ce qui peu n’être qu’un jeu.
bruno faidutti dit:Une partie de poker peut être un jeu pour moi si je parviens à faire abstraction de la réalité de l'enjeu...
Ce qui prouve bien que , pour toi, le jeu n'est pas dans le réel : l'aspect réel de l'argent disparait quand tu joue au poker. On purrait aussi dire cela d'autre choses qui perdent de leur réalité dans le jeu : ton meilleur ami devient un adversaire, le temps passé à jouer est perdu pour le réel...
bruno faidutti dit:Et beaucoup de comportements de détachements considérés comme pathologiques reviennent alors à prendre pour un jeu ce que les autres ne considèrent pas comme tel.
Je crois que, surtout, tout le monde n'est pas d'accord sur ce qui est important et ce qui ne l'est pas ! Je pense qu'il y a plus de pathologie à prendre le jeu au sérieux, à être mauvais perdant, qu'a ne pas prendre aux sérieux des choses que la majorité (la normalité ? ) prend au sérieux.
jmguiche dit:Vous parlez du réel sans parler de la même chose.
Si le jeu est dans le réel parce qu'il "l'influ" par l'aspect relationnel ou autre, tout est dans le réel, y compris le rêve !
Si tu "es dans le jeu de façon concrete", tu peux aussi dire cela du roman, du ciné, du jeu vidéo ou de n'importe quoi... Quand on pratique "on y est" et pourtant ce n'est pas le "réel" au sens de bruno.
La séparation nette que Bruno a fait entre réel (il parle d'argent, de reconnaissance) et jeu n'existe justement pas, donc oui, tout est dans le réel.
L'idée du continuum qu'il développe ensuite entre réel et jeu, ou le réel aurait plus ou moins d'emprise sur le jeu prend cela en compte mais conserve l'idée qu'il peut y avoir autre chose que le réel.
Le réel n'est peut-être pas le bon terme et je pense que le terme utilisé importe. On a d'ailleurs l'impression que c'est le virtuel qu'il faut mettre en face (on croirait retrouver la dichotomie réel-virtuel du monde du jeu vidéo ou de la réalité virtuelle, un piège conceptuel dans lequel il vaut mieux éviter de tomber).
Je ne crois pas à cette séparation une fois le jeu en pratique. Un jeu consiste à ajouter de nouveaux buts et de nouveaux réglements complétement artificiels au quotidien, mais cela ne signifie pas qu'une fois que le joueur le pratique, il se détache de la réalité.
Il adopte simplement de nouveaux buts et acquièrent de nouveaux moyens pour les réaliser, sachant que cela va s'intégrer à ses buts et ses moyens d'une vie bien réelle.
Je ne pense pas que les bénéfices du jeu soient "marginaux" et qu'il s'agit juste de passer "un bon moment". Cela voudrait dire que les jeux peuvent par essence faire passer un bon moment. Ce n'est pas une activité sexuelle masculine

xavo dit:Bien plus que d'une coupure avec le réel, le jeu suppose, à mon avis, une coupure avec la vie pratique, c'est-à-dire animale (survivre et se reproduire). Le jeu est en effet une activité purement gratuite.
Je suis pour ma part en désaccord avec cela car je pense qu'il y a une confusion entre le jeu et l'activité de jeu ou une exagération dans l'expression "purement gratuite". Atteindre le but du jeu ne sert à rien dans la vie courante (dans le sens ou les billets de monopoly ne rendent pas plus riche). La pratique du jeu de société est pourtant une activité trés productive sur le plan psychologique. On apprend à se connaitre, à connaitre les autres et à se connaitre dans l'interaction avec les autres. On construit son identité par le plaisir à jouer tel jeu, de telle manière mais aussi par l'émotion nait de la victoire et la défaite.
En fait, contrairement à ce que tu penses, nous sommes parfaitement d'accord ! C'est exactement ce que je sous-entendais, d'où la nuance que j'instaurais entre le réel, terme employé par Bruno Faidutti, et la vie pratique, c'est-à-dire animale, avec ses préoccupations que certains qualifierons de bien concrètes.

bruno faidutti dit:La différence est bien dans les enjeux. Quand je joue, je me fixe arbitrairement, en accord et en commun avec les autres joueurs, un but qui ne fait pas sens en dehors du jeu, et que je cherche à atteindre par des moyens qui ne font pas sens en dehors du jeu. Si ce n'est pas sortir du réel dans sa tête, qu'est-ce que c'est !
Je fais une nouvelle tentative, sous un angle différent.

N'est-ce pas le propre des activités normées que de susciter des comportements qui n'ont aucun sens en dehors ? Ce que je veux dire, c'est que la distinction n'est pas à opérer entre le réel (concept si vaporeux qu'il me paraît périlleux de baser une définition sur lui) et le jeu, mais entre le jeu et les autres activités déterminées par des règles et un but à atteindre. Les moyens qu'une jeune femme met en oeuvre pour maigrir n'ont de sens que par rapport à l'objectif qu'elle s'est fixée : maigrir. Les moyens qu'un militant politique met en oeuvre pour faire élire le candidat de son parti n'ont de sens que par rapport à cet objectif. Est-ce pour autant toutes ces activités sont hors du réel ? Non, j'ai bien l'impression que tout cela est très « concret ». Tout cela fait partie du réel. Alors, est-ce que toutes ces activités sont des jeux ? Je ne pense pas non plus.
On peut effectivement mettre en avant que les jeux génèrent des comportements qui n'ont pas de sens en dehors du jeu. Je pense qu'on est tous d'accord sur ce point. Par contre, je pense que ce n'est ni quelque chose de spécifique à l'activité ludique, ni une raison pour affirmer que le jeu est hors du réel. Je vois difficilement comment on peut faire un lien logique entre les deux choses.
Je ne suis pas sûr que mobiliser Freud nous aide vraiment à résoudre ce problème. Les notions de « jeu » et de « réel » sont à prendre dans des sens très précis, il me semble. Il s'agit bien du jeu de l'enfant seul avec lui-même, dans un rapport d'exploration du monde. S'agit-il de la même activité que le jeu (de société) de l'adulte ? Je ne suis pas spécialiste de Freud, mais on peut fortement en douter.
bruno faidutti dit:à partir du moment où on se donne ce genre d'objectif dans un jeu, ce n'est plus pour moi un jeu - ce qui explique ma haine de tout ce qui se prétend "jeu éducatif", concept que je trouve obscène.
Complètement d'accord.

MOz dit:En fait, contrairement à ce que tu penses, nous sommes parfaitement d'accord ! C'est exactement ce que je sous-entendais, d'où la nuance que j'instaurais entre le réel, terme employé par Bruno Faidutti, et la vie pratique, c'est-à-dire animale, avec ses préoccupations que certains qualifierons de bien concrètes.
J'avais mal pigé : nous sommes effectivement sur la même ligne
