Pour la définition de freud, je pense que tu as raison.
Pour ton analogie avec le régime amaigrissant (pourquoi une femme ?) le militant ou autre, la différence avec le jeu est le but.
Le but de maigrir n’est pas de maigrir, c’est de se plaire, de plaire, de mieux vivre, le but du militant, c’est de faire des efforts pour vivre dans une société meilleure (de son point de vue). Le but du “joueur de société”, c’est de jouer et de gagner (jouer c’est essayer de gagner, même si essayer de gagner n’est pas toujours jouer*), mais le résultat n’a aucune valeur : gagné ou perdu… Quelle diférence ?
Alors que mince ou gros(se), c’est pas pareil ! Vivre dans une société meilleur ou pire, c’est pas pareil non plus. C’est en cela que le jeu “n’est pas dans le réel”. Il n’est pas le seul.
(jouer c’est essayer de gagner, même si essayer de gagner n’est pas toujours jouer*) on va m’opposer le jeu de rôle à cette formule, mais vivre une belle aventure, trouver des solutions ingénieuse, faire évoluer son perso… c’est gagner quelquepart non ?
jmguiche dit:Le but du "joueur de société", c'est de jouer et de gagner (jouer c'est essayer de gagner, même si essayer de gagner n'est pas toujours jouer*), mais le résultat n'a aucune valeur : gagné ou perdu... Quelle diférence ?
Je ne suis pas d'accord. Entre gagner ou perdre, il y a une réelle différence. Sinon pourquoi mobiliser toute cette énergie pour essayer de gagner ? Si gagner ou perdre nous sont indifférents, alors pourquoi jouer ? En effet, tu le dis toi même : jouer, c'est essayer de gagner. Je considère justement que l'anti-jeu, c'est-à-dire justement l'anti-thèse du jeu, commence à partir du moment où quelqu'un "joue" sans volonté de gagner. Et c'est à partir de là que je quitte la table.
bruno faidutti dit:En relisant mes interventions, je me demande si notre difficulté à définir le jeu ne vient pas de la volonté à établir une frontière claire entre le jeu et le réel (ou le reste du monde, ou le pratique, peu importe le nom qu'on lui donne). On a parlé sports, échecs, poker, vote, se demandant à chaque fois ce qui était jeu et ce qui ne l'était pas.
Ce n'est peut-être pas la bonne démarche. Il faudrait sans doute raisonner en terme de continuum, et introduire une certaine subjectivité de l'acteur-joueur. [...] Une partie de tennis entre copains sera plus un jeu qu'une partie entre champions, mais toutes deux l'être moins pour un joueur - celui veut gagner pour écraser son adversaire et passer à la télé - et plus pour un autre - celui qui est dans le jeu et ne veut gagner que parce que c'est le but du jeu.
Entièrement d'accord. Je pense qu'on se heurtera nécessairement à des obstacles insurmontables si on opte pour une approche objectale – on va dire ça comme ça – du jeu. Ce n'est pas pour rien si Wittgenstein, dans Les Investigations Philosophiques, a justement choisi les jeux pour illustrer le fait que certaines familles de choses n'étaient pas susceptibles de recevoir une définition réelle.
Je lance une piste de réflexion.
Je serais plus partisan d'une approche kantienne, c'est-à-dire une approche qui replace le sujet – en d'autres termes : le joueur en tant que subjectivité –, ou du moins la relation du sujet à l'objet, au coeur de la problématique. Cette relation pouvant varier d'un individu à l'autre, ce que certains considèrent comme un jeu, d'autres au contraire pensent que c'est très « sérieux ». Cela va dans le sens de ce que dit Bruno Faidutti. Dans ce cadre, il me paraît important de mettre en avant la notion de plaisir, ce que certains appelleront « amusement » ou « fun ». Le jeu est avant tout une activité qui procure du plaisir.
Quand ça ne nous amuse plus, on arrête de jouer, ce qui ne veut pas dire qu'on quitte de facto la table de jeu, mais qu'on entre dans une autre logique que celle du ludique. C'est ainsi qu'on peut douter du fait que les « jeux » pratiqués à haut niveau, comme le sport en général ou les échecs par exemple, restent véritablement des jeux pour ceux qui les pratiquent. Reste-t-il encore du plaisir ludique à ce degré de compétition ? Il y a du plaisir, probablement. Mais ce plaisir est-il encore un plaisir ludique ?
Tout le problème va donc être de réussir à distinguer le plaisir ludique des autres types de plaisir. Ce n'est pas une mince affaire. Mais, heureusement, Kant a déjà fait une partie du travail pour nous. Dans Critique de la faculté de juger, il distingue plusieurs types de plaisirs. Pour faire vite, il s'agit du plaisir lié à l'agréable, du plaisir lié au beau et du plaisir lié au bien. C'est une piste de réflexion à creuser – si ça vous intéresse, je pourrai développer – mais il est possible que le plaisir ludique soit une certaine espèce du plaisir lié au bien. En effet, l'une des spécificités de ce type de plaisir est justement de mobiliser les concepts de normes et de fin, autrement dit de règles et de but.
jmguiche dit:Le but du "joueur de société", c'est de jouer et de gagner, mais le résultat n'a aucune valeur : gagné ou perdu... Quelle diférence ?
Moi, je suis entièrement d'accord avec ça, et je pense que c'est là qu'il faut chercher la spécificité du jeu. Quand on joue; on fait tout, à l'intérieur des règles, pour gagner. C'(est pourquoi l'anti jeu, le joueur qui n'essaie pas vraiment de gagner, casse la partie. En même temps, une fois la partie terminée, le gagnant n'a plus aucune importance.
MOz dit:jmguiche dit:Le but du "joueur de société", c'est de jouer et de gagner (jouer c'est essayer de gagner, même si essayer de gagner n'est pas toujours jouer*), mais le résultat n'a aucune valeur : gagné ou perdu... Quelle diférence ?
Je ne suis pas d'accord. Entre gagner ou perdre, il y a une réelle différence. Sinon pourquoi mobiliser toute cette énergie pour essayer de gagner ? Si gagner ou perdre nous sont indifférents, alors pourquoi jouer ? En effet, tu le dis toi même : jouer, c'est essayer de gagner. Je considère justement que l'anti-jeu, c'est-à-dire justement l'anti-thèse du jeu, commence à partir du moment où quelqu'un "joue" sans volonté de gagner. Et c'est à partir de là que je quitte la table.
Mais c'est ça le jeu : dépenser de l'energie pour un truc qui n'a pas d'importance ! Tout le monde a "la volonté de gagner" puisqu'il joue et que jouer c'est essayer de gagner. Mais la victoire n'a pas d'importance. C'est là qu'il y a un paradoxe que fait la spécificité du jeu.
Comment peut on croire que gagner une partie de Caylus ou de Perudo a une importance quelconque ? Cela n'en a aucune. Ta soirée d'hier était raté ou reussi parce que tu as perdu ou gagné ou parce que tu t'es mal ou bien amusé ?
Pourquoi lis tu un livre ? pour le finir ? Pourtant à chaque ligne lue tu t'approche de ce qui semble le but : finir le livre. Pourquoi vas tu faire un tour dans la campagne ? pour rentrer chez toi ? Pourtant, c'est ce que tu fais... Gagner est le but d'un jeu comme lire un livre a pour but de le finir et se promener a pour but de rentrer chez soi !
Le jeu est une de ces activités ou l'important n'est pas l'arrivée mais le chemin parcourru.
Je ne comprend pas que l'on puisse trouver dans la victoire à un jeu de société quelque chose d'important. Je comprend pour maigrir ou militer, mais pas dans le jeu. Pour moi cela correspond à ne pas faire la distinction entre "monde du jeu" et "monde réel" dans le sens de Freud. (oui je sais, on boucle sur le sujet precedent... Tout et réel y compris l'imaginaire...).
Je pense que cette différence d'appreciation de la victoire à un jds rend l'experience ludique des uns et des autres totalement différente et interdit toute définition commune.
Pour ceux pour qui la victoire "est dans le réel" et ceux pour qui la victoire est accessoire ne peuvent pas se comprendre.
Je pense trés sincerrement qu’il y a des tas de personnes qui jouent en considérant que gagner ou perdre a de l’importance. Je crois qu’il faut admettre que tout un chacun ne va pas chercher la même chose dans cet espace de liberté qu’est le jeu.
C’est pour cela que j’ai dit, en revenant son mon expérience propre de ma pratique des jeux de société et du sport (méthode kantienne ?) que je pratiquais bien d’avantage les jeux de société car je n’allais pas y chercher la même chose que dans le sport.
On est tous d’accord pour dire que :
- le jeu est indépendant de son matériel, de ce qu’il représente ou symbolise.
- le jeu est un espace artificiel et non matériel de moyens dirigés vers un but. Il apporte de nouvelles actions possibles (pas forcément de nouveaux choix possibles) pour atteindre de nouveau but sans valeur pratique dans la vie quotidienne.
- le jeu doit susciter du plaisir. Ce plaisir prend sa source dans des facteurs différents d’un individu à l’autre en fonction de ses motivations propres.
Il va être difficile de trouver une définition qui rende compte des appartenances de tous les jeux à telle ou telle catégorie. Le but est surtout de trouver le coeur de chacune d’elle. Je reprends l’idée de Moz : une fois déterminée la nature du plaisir ludique (!), il sera peut-être possible de catégoriser les jeux en fonction des facteurs qui créé le plaisir dans chacune des catégories. Ces facteurs sont innombrables : se développer sur le plan physique ou intellectuel, montrer sa supériorité physique (force, habilité, perception, vitesse…) ou intellectuelle (raisonnement, mémoire, connaissance…), s’intégrer à un collectif, partager un moment avec d’autre, relever un défi, surprendre ses partenaires de jeux, rentrer dans un univers ou dans un personnage, réaliser des choix ou ne plus avoir à choisir, vivre une aventure, boire de la bière…
MOz dit:Je ne suis pas d'accord. Entre gagner ou perdre, il y a une réelle différence. Sinon pourquoi mobiliser toute cette énergie pour essayer de gagner ? Si gagner ou perdre nous sont indifférents, alors pourquoi jouer ?Parce que ça donne un sens au jeu, nous somme tous d'accord, mais que le résultat en lui-même n'a pas d'importance, nous sommes tous d'accord aussi.
Cela me paraît très important...
Peut-être que cet aspect tautologique est une des composantes que nous recherchons dans cette "définition" justement, et que ne partagent pas d'autre activités (l'art : si je fais un concert, c'est pour le plaisir de chacun mais si j'assure pas personne ne sera content ; le sport : à un certain "niveau" le sport n'est plus un jeu, puisque visiblement pour certains il est important de gagner)
Ce qui est important dans le jeu, ce n’est pas de gagner, c’est de chercher à gagner. C’est pourquoi une partie est décevante pour tout le monde quand un joueur ne cherche pas vraiment à gagner, alors que quand tout le monde peut et essaie de gagner, elle est satisfaisante pour tous, quel que soit le vainqueur. Bien souvent, je me rappelle de l’ambiance d’une partie, mais ne me souviens pas du vainqueur, que ç’ait été moi ou un autre.
jmguiche dit:c'est ça le jeu : dépenser de l'energie pour un truc qui n'a pas d'importance ! Tout le monde a "la volonté de gagner" puisqu'il joue et que jouer c'est essayer de gagner. Mais la victoire n'a pas d'importance. C'est là qu'il y a un paradoxe que fait la spécificité du jeu.
Comment peut on croire que gagner une partie de Caylus ou de Perudo a une importance quelconque ? Cela n'en a aucune. Ta soirée d'hier était raté ou reussi parce que tu as perdu ou gagné ou parce que tu t'es mal ou bien amusé ?
Je crois qu'il faut bien distinguer deux questions, qui sont probablement liées mais qui portent sur deux choses différentes. Tout d'abord, « est-ce que gagner ou perdre a une importance ? » Ensuite, « est-ce que gagner ou perdre influe sur le plaisir ludique? »
Commençons par la première question : est-ce que gagner ou perdre à une importance ? C'est vrai qu'il est tentant de répondre par un paradoxe : l'essence du jeu réside dans le fait de dépenser (parfois) beaucoup d'énergie pour obtenir quelque chose d'absolument futile. Le jeu serait comme l'expression paroxysmique de la liberté humaine, c'est-à-dire une activité dans laquelle il fait des choses qu'il n'est absolument pas contraint de faire, et même mieux : des choses qu'il serait raisonnable de ne pas faire puisqu'elles sont complètement inutiles. Donc on reste dans une approche freudienne : le jeu est une activité infantile, irrationnelle, qui nie le principe de réalité au profit du principe de plaisir. Vous ne serez probablement pas d'accord avec la façon dont je décris votre position, mais il me semble que si on la pousse au bout, on est obligé de concéder quelque chose de cet ordre. J'ai déjà exprimé mon doute profond quant à la synonymie du concept de jeu chez Freud et de l'activité que nous essayons de définir. Je pense que c'est terriblement rabaisser le ludique que de le cantonner à du paradoxal, donc à de l'irrationnel.
Avant de me contenter d'une définition paradoxale, j'aimerais quand même qu'on essaie d'épuiser les définitions cohérentes possibles. Je suis d'accord pour dire que perdre ou gagner n'a aucun importance – je dirais même n'a aucune existence – en dehors du cadre ludique – je parlais plus haut d'activités, mais peut-être que le terme de cadre est plus approprié. En effet, le cadre ludique comme tous les cadres normés met en place des règles et un but (à atteindre). Ces règles et ce but n'ont cours par définition que dans le cadre ludique. Ceci prouve au moins que la victoire ou la défaite ont une importance à l'intérieur du cadre ludique, ce qui n'est pas rien, j'insiste. Par conséquent, les règles et le but en vigueur dans le cadre ludique n'ont évidemment aucune valeur dans d'autres cadres normés ou a-normés. Par exemple, il est évident que dans le cadre de la vie animale (survivre et se reproduire) les règles et le but d'un jeu n'ont strictement aucune valeur, aucune importance. Là dessus on est d'accord.

Maintenant là où je ne vous suis pas c'est quand vous inférez, du fait que les règles et le but en vigueur dans le cadre ludique n'ont aucune valeur dans un autre cadre normé, que ces règles et ce but n'ont absolument aucune valeur. Là, désolé, mais je ne suis pas d'accord. Les normes sont comme les monnaies : ce sont des institutions – Bruno Faidutti l'a souligné à plusieurs reprises. Elles n'ont aucune valeur absolues, mais ont une valeur relativement à un certain système. Autrement dit, ce n'est pas parce que le Rouble n'a pas cours en France, c'est-à-dire dans le système monétaire français, ou plutôt européen, que le Rouble n'a strictement aucune valeur. Non, le Rouble a bel et bien une valeur à l'intérieur du système monétaire russe. Et cette valeur est réelle. De quel droit déclarerais-je que le système monétaire européen est le seul système légitime pour déterminer la valeur de l'argent ? Il n'y a strictement aucune raison de le faire. C'est exactement la même chose avec les règles et le but d'un jeu, les comportements qu'ils suscitent et la victoire ou la défaite. Pourquoi la vie animale serait le cadre légitime à partir duquel déterminer la valeur des éléments du ludique ?
J'irais même plus loin : ça n'a aucun sens de se placer dans un autre cadre que le cadre ludique pour juger de la valeur des ces éléments. A vrai dire, ces éléments n'ont même aucune existence en dehors du cadre ludique.
J'ai été un peu long, désolé. Je reprends mon souffle, et je réponds à la seconde question.

Je tente une réponse à la deuxième question soulevée dans mon précédent message.
jmguiche dit:Ta soirée d’hier était raté ou reussi parce que tu as perdu ou gagné ou parce que tu t’es mal ou bien amusé ?
En d’autres termes : est-ce que la victoire ou la défaite conditionne le plaisir ludique ? Dire que seul le vainqueur éprouve un plaisir ludique est absurde. Nous sommes parfaitement d’accord. Une telle proposition est infirmée par nos expériences personnelles de joueurs. Comme le dit Bruno Faidutti, « ce qui est important dans le jeu, ce n’est pas de gagner, c’est de chercher à gagner ». Autrement dit – c’est une hypothèse qui découle du précédent constat – le plaisir ludique provient de la mobilisation de nos facultés intellectuelles et/ou de nos capacités physiques pour la réalisation d’un but. Ainsi que le but soit réalisé ou non, c’est-à-dire que le joueur gagne ou non, n’intervient pas directement – je pense qu’il intervient indirectement tout de même – dans le plaisir ludique ressenti par ce joueur. Tout ce qui compte c’est qu’il mette en oeuvre tout ce qu’il peut pour tenter de réaliser ce but.
Mais il me semble tout de même que la victoire apporte un plus de plaisir et que la défaite diminue un peu le plaisir. Pourquoi ? Non pas que gagner ou perdre procure un plaisir ou un déplaisir en soi. Non. La victoire ou la défaite sont un indice de la façon dont nous avons engagé nos facultés intellectuelles et/ou nos capacités physiques. Autrement dit, si tous les joueurs étaient à égalité au départ et si nous avons gagné, c’est qu’il est probable que nous avons bien joué donc que nous avons su engagé nos facultés intellectuelles et/ou nos capacités physiques (en tout cas plus que les autres joueurs/ en tout cas de manière suffisante). Gagner permet de prendre pleinement conscience de cela et donc augmente le plaisir. A l’inverse et par conséquent, perdre le diminue.
MOz dit:Donc on reste dans une approche freudienne : le jeu est une activité infantile, irrationnelle, qui nie le principe de réalité au profit du principe de plaisir. Vous ne serez probablement pas d'accord avec la façon dont je décris votre position...
Si, je suis à peu près d'accord! Et je ne vois pas en quoi ça rabaisse le jeu, bien au contraire!
Je nuancerai simplement en disant qu'il s'agit moins de nier le principe de réalité que de prendre ses distances momentanément - et uniquement pour le plaisir, ou plus exactement, pour le repos parce que le monde réel est vraiment trop fatiguant.
xavo dit:une fois déterminée la nature du plaisir ludique (!), il sera peut-être possible de catégoriser les jeux en fonction des facteurs qui créé le plaisir dans chacune des catégories. Ces facteurs sont innombrables : se développer sur le plan physique ou intellectuel, montrer sa supériorité physique (force, habilité, perception, vitesse...) ou intellectuelle (raisonnement, mémoire, connaissance...), s'intégrer à un collectif, partager un moment avec d'autre, relever un défi, surprendre ses partenaires de jeux, rentrer dans un univers ou dans un personnage, réaliser des choix ou ne plus avoir à choisir, vivre une aventure, boire de la bière...
Ma grande question est justement de savoir s'il y a une unicité du plaisir ludique ou s'il y a plusieurs types de plaisirs ludiques. Effectivement, s'il y a plusieurs types de plaisirs ludiques, on devrait réussir à catégoriser les jeux en fonction des types de plaisir qu'ils génèrent. Mais il n'est pas dit qu'il y a réellement plusieurs types de plaisirs ludiques. D'un point de vue conceptuel, je pense qu'on aurait moins de problème s'il y avait une unité du plaisir ludique. Parce que s'il y en a plusieurs, il faut commencer par les dénombrer, puis trouver un moyen de s'assurer qu'on en a oublié aucun – c'est toujours un exercice difficile que de s'assurer à partir du visible qu'il n'y a rien qui reste dans l'invisible sans connaître a priori l'ensemble – pour enfin en faire une typologie. C'est un vrai casse-tête.

Ce qui est certain, c'est que les jeux, comme pas mal d'activités humaines, génèrent plusieurs types de plaisirs, mais ces plaisirs ne sont pas forcément des plaisirs ludiques. Autrement dit, quand nous disons faisons un Caylus, nous ne faisons jamais que faire un jeu. Il y a toujours d'autres aspects qui viennent se rajouter au ludique. Par exemple, la compétition. Est-ce que le plaisir du compétiteur est le même plaisir que le plaisir du joueur ? Est-ce que l'ivresse de la compétition est de nature ludique ? Je ne veux pas me lancer dans ce débat tout de suite, mais la réponse ne me paraît pas évidente.
Là où je veux en venir, c'est qu'avant de réussir à définir le plaisir ludique – et à travers lui le jeu – il faudra probablement commencer par dégager ce ou ces plaisirs ludiques des autres types de plaisirs non ludiques qui sont ressentis parfois ou souvent dans les mêmes occasions.
MOz dit:Mais il me semble tout de même que la victoire apporte un plus de plaisir et que la défaite diminue un peu le plaisir.
Je suis d'accord avec cela et je pense que ce n'est ni le cas de JM ni celui de Bruno. Il y a une différence entre nos conceptions personnelles du jeu et ce qu'est le jeu pour tout un chacun.
Pour certains, je pense à une personne en particulier, le rôle de la victoire et de la défaite joue néanmoins bien plus que MOz le dites.
D'autres, auront beaucoup de plaisir dans la manière de gagner (belle lutte, beau coup, domination totale, ...) ou de déplaisir dans la façon dont ils ont perdu (sentiment d'injustice, gaffe,...). Certains ne supportent pas le risque et aime jouer à des jeux où ils sont sur de gagner ou presque (ce comportement se voie surtout dans le domaine des jeux vidéo).
Tous prennent tout de même du plaisir à jouer.
Pourquoi prendre ce type de plaisir serait incompatible avec le jeu ? Il n'y a plus jeu à partir du moment ou il n'y a plus de plaisir. Il n'y a plus jeu à partir du moment ou l'exigence de victoire est si stressante et impérieuse qu'elle nous place en situation de déplaisir. Mais sinon... laissons à chacun prendre du plaisir comme il l'entend. Le jeu n'est pas un univers clos bon à faire passer un moment agréable pour tous. Chacun y apporte de lui-même et va y chercher ce qui l'interesse. C'est surement pour cela que tout le monde ne pas pas jouer avec tout le monde.
MOz dit:Mais il me semble tout de même que la victoire apporte un plus de plaisir et que la défaite diminue un peu le plaisir.
Si le plaisir est dans la victoire, autant jouer à plein de jeux rapides et ne pas perdre 3 heures à Caylus pour 15 secondes de plaisir à la fin !
Plus sérieusement, je pense que le plaisir est dans la recherche de la victoire et non dans la victoire elle-même. Un jeu où l'on sait que l'on est en train de gagner perd tout intérêt.
Dans certains cas, et là je pense surtout mais pas seulement aux jeux d'argent, il peut même y avoir plus de plaisir à perdre, la perte créant une sorte d'ivresse lorsque l'on prend de plus en plus de risques pour tenter de la surmonter. L'ivresse, et le plaisir qu'elle entraîne, disparaissent malheureusement quand ça marche. Tous les vrais joueurs de poker jouent pour perdre - même et surtout ceux qui gagnent toujours.
Et je m'excuse si c'est encore freudien - ça a bien un peu la tête à ça -, je ne le fais pas exprès, je ne connais pas vraiment Freud.
bruno faidutti dit:le plaisir est dans la recherche de la victoire et non dans la victoire elle-même.
Je ne dis que ça.

bruno faidutti dit:Plus sérieusement, je pense que le plaisir est dans la recherche de la victoire et non dans la victoire elle-même. Un jeu où l'on sait que l'on est en train de gagner perd tout intérêt.
Pour toi peut-être mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Certains prennent plaisir à prendre l'ascendant, se grisent de savoir qu'ils vont l'emporter et jubilent lors du dernier coup qui les consacre. S'ils continuent à jouer, c'est que cela ne perd pas tout intérêt.
MOz dit:... des choses qu'il serait raisonnable de ne pas faire puisqu'elles sont complètement inutiles. Donc on reste dans une approche freudienne : le jeu est une activité infantile, irrationnelle, qui nie le principe de réalité au profit du principe de plaisir. Vous ne serez probablement pas d'accord avec la façon dont je décris votre position, mais il me semble que si on la pousse au bout, on est obligé de concéder quelque chose de cet ordre. J'ai déjà exprimé mon doute profond quant à la synonymie du concept de jeu chez Freud et de l'activité que nous essayons de définir. Je pense que c'est terriblement rabaisser le ludique que de le cantonner à du paradoxal, donc à de l'irrationnel....
Freud et la citation données n'a rien à voire là dedans.
Dépenser du temps, de l'argent, de l'énergie est peut être infantile, je ne sais pas, que signifie infantile... Qui a rapport à l'enfance... Qu'est ce qui est spécifique à l'enfance et pas à lage adulte ? C'est une question hors sujet.
En tout cas, si ma conception du jeu : "le jeu ne sert à rien si ce n'est a donner du plaisir, et s'il sert à autre chose, c'est un effet secondaire" est infantile (pourquoi pas), il y a plein de trucs infantiles. En fait, tout ce qui ne sert qu'a donner du plaisir : lecture de romans, de bd (quelque soit la couverture intellectualisante...), ciné, théatre, bien des spectacle télé, discuter sur tric trac...
Je prefere être infantile que d'avoir à expliquer que gagner une partie de Perudo est un enjeu important ! (là, je crois que je serais vraiment infantile, en donnant de l'importance à qq chose qui ne l'est pas).
MOz dit:Avant de me contenter d'une définition paradoxale, j'aimerais quand même qu'on essaie d'épuiser les définitions cohérentes possibles. Je suis d'accord pour dire que perdre ou gagner n'a aucun importance – je dirais même n'a aucune existence – en dehors du cadre ludique – je parlais plus haut d'activités, mais peut-être que le terme de cadre est plus approprié. En effet, le cadre ludique comme tous les cadres normés met en place des règles et un but (à atteindre). Ces règles et ce but n'ont cours par définition que dans le cadre ludique. Ceci prouve au moins que la victoire ou la défaite ont une importance à l'intérieur du cadre ludique, ce qui n'est pas rien, j'insiste. Par conséquent, les règles et le but en vigueur dans le cadre ludique n'ont évidemment aucune valeur dans d'autres cadres normés ou a-normés. Par exemple, il est évident que dans le cadre de la vie animale (survivre et se reproduire) les règles et le but d'un jeu n'ont strictement aucune valeur, aucune importance. Là dessus on est d'accord.![]()
Maintenant là où je ne vous suis pas c'est quand vous inférez, du fait que les règles et le but en vigueur dans le cadre ludique n'ont aucune valeur dans un autre cadre normé, que ces règles et ce but n'ont absolument aucune valeur. Là, désolé, mais je ne suis pas d'accord. Les normes sont comme les monnaies : ce sont des institutions – Bruno Faidutti l'a souligné à plusieurs reprises. Elles n'ont aucune valeur absolues, mais ont une valeur relativement à un certain système. Autrement dit, ce n'est pas parce que le Rouble n'a pas cours en France, c'est-à-dire dans le système monétaire français, ou plutôt européen, que le Rouble n'a strictement aucune valeur. Non, le Rouble a bel et bien une valeur à l'intérieur du système monétaire russe. Et cette valeur est réelle. De quel droit déclarerais-je que le système monétaire européen est le seul système légitime pour déterminer la valeur de l'argent ? Il n'y a strictement aucune raison de le faire. C'est exactement la même chose avec les règles et le but d'un jeu, les comportements qu'ils suscitent et la victoire ou la défaite. Pourquoi la vie animale serait le cadre légitime à partir duquel déterminer la valeur des éléments du ludique ?
J'irais même plus loin : ça n'a aucun sens de se placer dans un autre cadre que le cadre ludique pour juger de la valeur des ces éléments. A vrai dire, ces éléments n'ont même aucune existence en dehors du cadre ludique.
J'ai été un peu long, désolé. Je reprends mon souffle, et je réponds à la seconde question.
Ben oui, le rouble à de la valeur en Russie. Il a de la valeur parce qu'il permet de vivre en Russie. Et vivre peut être considéré comme qq chose d'important. Mais les billets de monop n'ont de valeur que pour jouer au monopoly, ce qui me parait beaucoup moins important que vivre. J'ai donc du mal à comprendre le paralele.
MOz dit:Je tente une réponse à la deuxième question soulevée dans mon précédent message.jmguiche dit:Ta soirée d'hier était raté ou reussi parce que tu as perdu ou gagné ou parce que tu t'es mal ou bien amusé ?
En d'autres termes : est-ce que la victoire ou la défaite conditionne le plaisir ludique ? Dire que seul le vainqueur éprouve un plaisir ludique est absurde. Nous sommes parfaitement d'accord. Une telle proposition est infirmée par nos expériences personnelles de joueurs. Comme le dit Bruno Faidutti, « ce qui est important dans le jeu, ce n'est pas de gagner, c'est de chercher à gagner ». Autrement dit – c'est une hypothèse qui découle du précédent constat – le plaisir ludique provient de la mobilisation de nos facultés intellectuelles et/ou de nos capacités physiques pour la réalisation d'un but. Ainsi que le but soit réalisé ou non, c'est-à-dire que le joueur gagne ou non, n'intervient pas directement – je pense qu'il intervient indirectement tout de même – dans le plaisir ludique ressenti par ce joueur. Tout ce qui compte c'est qu'il mette en oeuvre tout ce qu'il peut pour tenter de réaliser ce but.
Mais il me semble tout de même que la victoire apporte un plus de plaisir et que la défaite diminue un peu le plaisir. Pourquoi ? Non pas que gagner ou perdre procure un plaisir ou un déplaisir en soi. Non. La victoire ou la défaite sont un indice de la façon dont nous avons engagé nos facultés intellectuelles et/ou nos capacités physiques. Autrement dit, si tous les joueurs étaient à égalité au départ et si nous avons gagné, c'est qu'il est probable que nous avons bien joué donc que nous avons su engagé nos facultés intellectuelles et/ou nos capacités physiques (en tout cas plus que les autres joueurs/ en tout cas de manière suffisante). Gagner permet de prendre pleinement conscience de cela et donc augmente le plaisir. A l'inverse et par conséquent, perdre le diminue.
Oui, c'est agréable de gagner, mais ce n'est pas je pense pour gagner que l'on joue, même si jouer c'est essayer de gagner. Cela ne change rien au fait que c'est déconnecté d'un certain réel, que c'est pour des adultes aussi futile que de ragarder un match de foot... Peut être moins en fait

On est loin de la définition du jeu de société !
xavo dit:bruno faidutti dit:Plus sérieusement, je pense que le plaisir est dans la recherche de la victoire et non dans la victoire elle-même. Un jeu où l'on sait que l'on est en train de gagner perd tout intérêt.
Pour toi peut-être mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Certains prennent plaisir à prendre l'ascendant, se grisent de savoir qu'ils vont l'emporter et jubilent lors du dernier coup qui les consacre. S'ils continuent à jouer, c'est que cela ne perd pas tout intérêt.
On n'est plus là dans le jeu, mais dans une relation sociale, soit l'expression d'un caractère dominant, soit d'une frustration.
Rechercher ce genre de plaisir dans le jeu n'est pas rechercher le plaisir de jouer, mais le plaisir de soumettre, de diriger, d'imposer. Le jeu est pris ici comme un outil pour arriver à une position de "supérieur". Ce n'est qu'un succédané de la violence ou d'une recherche de pouvoir.
La recherche du pouvoir n'est pas l'essence du jeu, même si cela peut être un théme !
MOz dit:...
Mais il me semble tout de même que la victoire apporte un plus de plaisir et que la défaite diminue un peu le plaisir. ...Gagner permet de prendre pleinement conscience de cela et donc augmente le plaisir. A l'inverse et par conséquent, perdre le diminue.
MOz dit:bruno faidutti dit:le plaisir est dans la recherche de la victoire et non dans la victoire elle-même.
Je ne dis que ça.
T'es dur à suivre des fois.