jmguiche dit:[Rechercher ce genre de plaisir dans le jeu n'est pas rechercher le plaisir de jouer, mais le plaisir de soumettre, de diriger, d'imposer. La recherche du pouvoir n'est pas l'essence du jeu, même si cela peut être un théme !
Je trouve moi aussi que la définition de Duflo est la plus aboutie jusqu’a présent. Cette notion de “règle permissive” est très bien trouvée.
Il me semble que le “plaisir” ne soit pas la pierre angulaire d’une définition du jeu. En effet, je crois qu’on peut dire que le jeu de société est avant tout un loisir. Et en général, on pratique un loisir parce qu’il nous apporte du plaisir, non? Sinon, le plaisir retiré du jeu me semble être lié au plaisir à utiliser des compétences qui ne sont pas ou peu sollicitées dans d’autres pratiques et à en retirer une certaine “reconnaissance” par ses pairs.
Ensuite, la réflexion sur le jeu et l’enjeu me semble très intéressante. Il me semble que si ces deux termes sont si proches ce n’est pas un hasard. Lorsqu’on étudie un peu l’histoire, on se rend compte que jouer sans enjeu est plutôt une pratique récente. Les jeux les plus anciens, comme les jeux de dés, le Jeu Royal d’Ur, le backgammon, le mah-jong… par exemple, étaient (et sont parfois encore) surtout pratiqués avec un enjeu, bien souvent monétaire. Aujourd’hui on compte des points de victoire virtuels ou l’on note des scores sur une feuille plutôt que de se répartir une mise, mais même si l’aspect “matériel” du gain de la partie a disparu du jeu de société moderne, il me semble que l’“enjeu” n’a pas disparu. Il s’est transformé avec l’évolution des jeux et des mentalités. L’enjeu est devenu plus social, mais il me semble que lorsqu’on accepte de se soumettre à une règle de jeu on sait parfaitement que gagner ou perdre risque d’impliquer un changement de perception des autres par rapport à nous. Maintenant, ce cela n’impliquera peut être rien de perceptible au niveau conscient, mais pas toujours.
Finalement, il me semble que dans le jeu de société moderne on “joue à jouer”. On fait semblant de jouer de l’argent ou une position sociale… Il me semble que cette façon de jouer vient des pratiques enfantines. Le jeu symbolique (le faire semblant) à pris une part plus importante dans les jeux de société modernes. Cela est très flagrant dans le Jeu de Rôle, en effet.
Enfin, j’ai l’impression que la notion de “compétition” ou plutôt de “confrontation” soit aussi quelque chose d’essentiel pour définir ce qu’est le jeu…
En espérant avoir apporté quelque chose, je continue à réfléchir…
xavo dit:... Qu'est-ce que le plaisir de jouer alors ?
Franchement , j'ai pas l'impression que la notion de plaisir ludique spécifique existe. Bien sur , on prend du plaisir à jouer, et je pense même que ces plaisirs sont très variés. Mais je n'irais pas juqu'a dire qu'on ne peut trouver tous ces types de plaisir que dans le jeu.
Partir du plaisir dans le jeu, me semble une bonne piste, mais plutôt sur le fait qu'il DOIT y avoir du plaisir et même que ça quand on joue. Bon je dit pas que c'est l'eclate totale à chaque partie, mais ç'est le critère essentiel (-votre plaisir) pour dire que c'était une bonne partie non? Donc définir le jeu comme activité qui ne vise qu'a produire du plaisir me semble une bonne caractéristique. Bien sur ce n'est pas exclusif au jeu, mais si ce n'est pas une condition suffisante, c'en est déjà une de nécessaire non ?
xavo dit:... Qu'est-ce que le plaisir de jouer alors ?
Franchement , j'ai pas l'impression que la notion de plaisir ludique spécifique existe. Bien sur , on prend du plaisir à jouer, et je pense même que ces plaisirs sont très variés. Mais je n'irais pas juqu'a dire qu'on ne peut trouver tous ces types de plaisir que dans le jeu.
100% d'accord. Mais Bruno et JM pensent que le plaisir de gagner n'est pas un de ces plaisirs ludiques pour certains individus,...d'ou ma question qu'est-ce qui, selon eux, fait qu'un jeu suscite du plaisir.
xavo dit:... Qu'est-ce que le plaisir de jouer alors ?
Franchement , j'ai pas l'impression que la notion de plaisir ludique spécifique existe. Bien sur , on prend du plaisir à jouer, et je pense même que ces plaisirs sont très variés. Mais je n'irais pas juqu'a dire qu'on ne peut trouver tous ces types de plaisir que dans le jeu.
100% d'accord. Mais Bruno et JM pensent que le plaisir de gagner n'est pas un de ces plaisirs ludiques pour certains individus,...d'ou ma question qu'est-ce qui, selon eux, fait qu'un jeu suscite du plaisir.
Je ne dis pas que gagner ne donne pas un peu de plaisir. Simplement que ce n'est pas pour gagner que je joue (même si jouer c'est essayer de gagner...). Le plaisir à jouer est du même ordre que celui que l'on a en lisant un livre, en voyant un film.... et tout autre loisir... Vivre une belle histoire... Avec des gens qu'on apprecie c'est encore mieux, il y a une notion de partage...
jmguiche dit: Je ne dis pas que gagner ne donne pas un peu de plaisir. Simplement que ce n'est pas pour gagner que je joue (même si jouer c'est essayer de gagner...). Le plaisir à jouer est du même ordre que celui que l'on a en lisant un livre, en voyant un film.... et tout autre loisir... Vivre une belle histoire... Avec des gens qu'on apprecie c'est encore mieux, il y a une notion de partage...
Tout à fait d'accord. C'est peut-être ce qui différencie le jeu du sport. Dans le cas du sport c'est le résultat qui compte en définitive.
J'avoue avoir déjà été frustré par une partie où j'avais gagné et emballé par une partie perdue mais riche en rebondissement, tendue au fort suspens.
bertrand dit: Tout à fait d'accord. C'est peut-être ce qui différencie le jeu du sport. Dans le cas du sport c'est le résultat qui compte en définitive.
bertrand dit:J'avoue avoir déjà été frustré par une partie où j'avais gagné et emballé par une partie perdue mais riche en rebondissement, tendue au fort suspens.
jmguiche dit:Je ne dis pas que gagner ne donne pas un peu de plaisir. Simplement que ce n'est pas pour gagner que je joue (même si jouer c'est essayer de gagner...). Le plaisir à jouer est du même ordre que celui que l'on a en lisant un livre, en voyant un film.... et tout autre loisir... Vivre une belle histoire... Avec des gens qu'on apprecie c'est encore mieux, il y a une notion de partage...
Je comprends mieux : toute la question est de passer d'une expérience personnelle à des expériences communes. Ce que nous vivons personnellement peut permettre de comprendre ce qu'est le plaisir ludique mais pas de dire ce qui n'il n'est pas.
Dans ma pseudo définition du plaisir de jouer, j’ai oublié une notion importante : contrairement au ciné, livre etc. , jouer est moins “passif”, plus créatif. Cela importe beaucoup dans le plaisir.
En fait je penses que c'est plutot "jouer et philosopher" de duflo auquel on fait référence ici, paru en 97 aux Presses Universitaires de Françe. Mais , il y a peut être plein de choses interessantes dans son précédent ouvrage que tu cites, "Le jeu de Pascal à Schiller" parru aux PUF également et en 96 je crois. Je peux pas dire , je l'ai pô lu.
Et sinon, il me semnble que sur le site de Ludo Le gars, il y a une bonne liste de référence bibliographique. Cberg devait nous en pondre une aussi , mais je ne sais ou il en est.
Ou l’on parle de l’importance de la victoire dans le plaisir de jouer. Ca montre bien à quel point ce plaisir de jouer est différent d’un joueur à l’autre.
drax dit:Franchement , j'ai pas l'impression que la notion de plaisir ludique spécifique existe. Bien sur , on prend du plaisir à jouer, et je pense même que ces plaisirs sont très variés. Mais je n'irais pas juqu'a dire qu'on ne peut trouver tous ces types de plaisir que dans le jeu. Partir du plaisir dans le jeu, me semble une bonne piste, mais plutôt sur le fait qu'il DOIT y avoir du plaisir et même que ça quand on joue. Bon je dit pas que c'est l'eclate totale à chaque partie, mais ç'est le critère essentiel (-votre plaisir) pour dire que c'était une bonne partie non? Donc définir le jeu comme activité qui ne vise qu'a produire du plaisir me semble une bonne caractéristique. Bien sur ce n'est pas exclusif au jeu, mais si ce n'est pas une condition suffisante, c'en est déjà une de nécessaire non ?
Qu'un jeu soit amusant, c'est-à-dire qu'il procure du plaisir, me parait également nécessaire. Je ne vois pas comment ne pas partir de ce postulat. D'où mon hypothèse qu'il est possible de définir le jeu ou plus précisément l'acte de jouer par le plaisir qu'il procure. Cette hypothèse me vient de ma lecture de Kant. Dans une de ses oeuvres majeures, la Critique de la faculté de juger, le philosophe allemand définit le beau, c'est-à-dire l'expérience esthétique, la contemplation d'une oeuvre d'art, par le plaisir qu'il procure, plaisir esthétique, plaisir bien spécifique.
A partir de là je suppose sans pouvoir le démontrer pour l'instant que l'acte de jouer se définit par un type spécifique de plaisir : le plaisir ludique. Je pense également que la plupart du temps le fait de faire une partie de Caylus, de Age of Steam ou de La Guerre de l'anneau génère plusieurs types de plaisirs et que la plupart de ces types ne sont pas ludiques. Par exemple, le plaisir lié au fait de battre ses adversaires, d'être le meilleur, que certains joueurs éprouvent lorsqu'il gagne une partie ne me semble pas particulièrement ludique. Il est plus lié comme on l'a déjà remarqué à l'émulation que génère la compétition, qu'on retrouve dans de nombreuses activités humaines, dans le milieu professionnel par exemple.
Toute la difficulté de l'exercice consiste à raffiner, au sens où on raffine le pétrole, le plaisir éprouvé par tout un chacun au cours d'une partie pour ne garder que le plaisir proprement ludique. Et ça, ce n'est pas évident.
MOz dit:.... Toute la difficulté de l'exercice consiste à raffiner, au sens où on raffine le pétrole, le plaisir éprouvé par tout un chacun au cours d'une partie pour ne garder que le plaisir proprement ludique. Et ça, ce n'est pas évident.
C'est la que je ne te suis pas. Si j'ai bien compris (ce qui est pô sur!), ton parallélle avec le beau te fait suposer qu'il existe au moins un plaisir qui est spécifiquement ludique. Mouais, une analogie avec un autre domaine (ici le beau) ne me semble pas suffisant pour le dire. M'enfin soit, on peut toujours prendre cette hypothèse. A partir de la, tu proposes de rechercher ce plaisir uniquement ludique par élimination de ceux qui , si ils sont générés par le jeu, n'en sont pas spécifiques. Et, autant je peux concevoir qu'une cause unique (l'experience esthétique) entrainant un effet unique(le plaisir esthétique), le second suffise donc à définir le premier, autant si les effets sont multiples (les plaisirs ludiques) , la prise en compte d'un seul d'entre eux me semble insuffisant pour definir sa cause (l'activité ludique) ! Bon je sais pas si j'ai été très clair, mais en gros , j'aimerais que tu developpe quoi !
Notre rapport aux oeuvres d’art n’est pas uniquement déterminé par l’expérience esthétique qu’elles nous offrent. Tout comme un jeu est susceptible de générer d’autres plaisirs que le plaisir ludique, une belle oeuvre d’art est également susceptible de générer d’autres plaisirs que le plaisir esthétique. Autrement dit, je suis capable de considérer un beau tableau selon une autre optique qu’une optique esthétique. Mais ce faisant je ne considère pas l’oeuvre d’art comme une belle oeuvre d’art. Par exemple, si je me gratte le dos avec une statuette de Giacometti, je tire un certain plaisir de mon rapport avec cette statuette mais ce plaisir n’est pas esthétique. Ce plaisir n’est pas lié au fait que cette statuette est belle, mais au fait qu’elle possède une certaine forme adaptée au grattage de dos.
Je pense - c’est une hypothèse - que c’est la même chose pour le jeu. Autrement dit, certaines personnes quand elles font une partie de El Grande, Modern Art ou autres ne font pas que jouer. Certes elles s’amusent, c’est-à-dire qu’elles prennent du plaisir, mais ce plaisir n’est pas uniquement d’ordre ludique. Comme je l’écrivais dans mon message précédant, un exemple assez probant est le plaisir lié au fait de battre de ses adversaires, d’affirmer qu’on est le meilleur. Est-ce que ce plaisir est proprement ludique ? Je ne pense pas. Dans ce cas, le jeu est une sorte de prétexte à l’expression de la volonté de domination de la personne.
Je n’ai pas l’impression qu’il existe un plaisir proprement ludique identique pour tous, comme je ne pense pas qu’il existe un plaisir esthétique propre aux oeuvres d’art. L’art n’est pas limité au beau à mon avis. Ca peut l’être pour certaines personnes comme être bien autre chose pour d’autre. Il me semble plutôt que ces deux domaines, l’art et le jeu, on la particularité de permettre d’y trouver/projeter ce que l’on souhaite. J’aime ne pas réfléchir et rester passif ? Je joue au jeu de l’oie avec plaisir. Je me dispenserai d’une analogie avec l’art, vu que je n’y connais rien. Tout cela contribue à la variété des gouts en matière de jeu et d’art et au fait qu’il n’existe pas en soit de bonnes oeuvres d’art et de bons jeux.
xavo dit:Je n'ai pas l'impression qu'il existe un plaisir proprement ludique identique pour tous
C'est sûr que le relativisme est assez tentant. Il a le mérite de résoudre simplement le problème. On ne s'embête pas à essayer de dégager l'essence du plaisir ludique en la distinguant d'autres plaisirs qui apparaissent à l'occasion d'un jeu mais qui ne relèvent pas proprement du ludique. Les hommes prennent du plaisir en jouant et la nature de ce plaisir peut différer d'un homme à un autre.
Le relativisme ludique a un gros défaut conceptuel, c'est qu'il fait exploser la notion de jeu. Si on ne suppose pas une unité du plaisir ludique, outre le fait qu'il va être très difficile de dénombrer avec exactitude tous les types de plaisirs ludiques, il va être difficule de garantir une unité du jeu. Autrement dit, on va se retrouver non pas avec le jeu, c'est-à-dire une attitude humaine spécifique que nous essayons de définir, mais un éventail d'attitudes ludiques. Le jeu perd alors toute consistance.
Mais le plus embêtant, c'est qu'en essayant de résoudre rapidement un problème on en crée de nouveaux. En effet, avec le relativisme, le défit définitionnel est reporté sur les innombrables attitudes ludiques. S'il n'est pas pertinent de vouloir définir le jeu, il faudra alors se coller à définir chacune des attitudes ludiques différentes. Et quand on aura fait cela, il restera encore un problème : définir ce qui les lie toute entre elles et qui nous permet de dire que malgré leurs différences elles sont toutes des attitudes ludiques.
Je pense qu'on a beacoup à perdre à supposer qu'il n'y a pas une unité du plaisir ludique. C'est soit se créer beaucoup de difficultés théoriques, soit carrément abandonner l'idée qu'on puisse définir le ludique. L'un comme l'autre, ça ne me satisfait pas.
MOz dit: Autrement dit, on va se retrouver non pas avec le jeu, c'est-à-dire une attitude humaine spécifique que nous essayons de définir, mais un éventail d'attitudes ludiques. Le jeu perd alors toute consistance.
Je ne comprends pas. Ce n'est pas la spécificité du plaisir qui le définit. Néanmoins le jeu conserve les caractéristiques spécifiées par Duflo et l'attitude ludique spécifique peut être autre chose que du plaisir.
xavo dit:Ce n'est pas la spécificité du plaisir qui le définit.
C'est une hypothèse que je formule que le jeu en tant qu'acte de jouer peut être défini par le plaisir qu'il procure. Comme toute hypothèse, elle doit être confirmée ou infirmée. Pour le moment, nous n'avons aucun élément qui permet d'aller dans un sens plutôt que dans l'autre. Il faudrait avancer des arguments pour ça.
xavo dit:Néanmoins le jeu conserve les caractéristiques spécifiées par Duflo
C'est vrai qu'il y a d'autres approches. Comme je n'ai pas lu le livre de Colas Duflo, je me garderai bien de me prononcer sur sa définition. Tout ce qu'on peut dire, c'est que, sortie de son contexte, cette définition ne renseigne pas beaucoup sur ce qu'est le jeu ou du moins elle nous renseigne sur le jeu et sur d'autres activités humaines auxquelles elles peut très bien s'appliquer. Par exemple, la vie citoyenne, c'est-à-dire la vie dans la cité, me semble typiquement être l'invention d'une liberté dans et par une légalité. Elle n'a pourtant rien d'un jeu. Je crois - je le répète : je n'ai pas lu le livre de Colas Duflo - que cette définition est bien trop générale. Elle ne serre pas son sujet d'assez près. Elle définit le jeu mais pas que le jeu.
xavo dit:l'attitude ludique spécifique peut être autre chose que du plaisir.
C'est possible. La spécificité de l'attitude ludique peut reposer sur autre chose qu'un certain type bien particulier de plaisir. Néanmoins, cela paraît un élément tellement central - le jeu disparaît à partir du moment où on ne s'amuse plus - qu'il me parait difficile de ne pas partir de lui pour élaborer une définition du ludique. Après libre à toi de te compliquer la tâche - en tout cas, cela me semble moins aisé - et de te baser sur un autre élément de la subjectivité du joueur pour chercher la définition.