J’entendais hier sur France Inter un homme (ça j’en suis sûr) s’appelant François… ? qui parlait de manière fort intéressante de la “question scolaire”. Entre autres choses, il regrettait que la question de l’école soit essentiellement débattue entre spécialistes et fonctionnaires, alors qu’il s’agit d’une question d’une importance cruciale qui devrait être débattue par toute la nation.
En ce sens, il en parlait comme dune question “sociale”, là où j’aurais, avec le même sens, employé le mot “politique”.
Cela me semble très vrai !
J’aimerais ici débattre de façon constructive, en évitant les anathèmes croisés, de l’école et de sa place dans la cité.
Je lance quelques pistes initiales qui me préoccupent :
- le but que l’on donne à notre école (souvenons-nous de l’importance de l’école dans le projet républicain de la IIIe République, mais aussi des attentes de tous en vue de l’entrée dans le monde professionnel) ;
- les difficultés des élèves entre apprentissage et situation familiale (mes élèves me parlent de leurs “beaux-parents” en des termes qui montrent à quel point les séparations familiales les font souffrir) ;
- l’écart entre les ambitions des enseignants (donner à tous une culture d’élite, finalement) et la réalité de terrain (la difficulté à obtenir de tous la maîtrise de la langue commune, une culture de base et une maîtrise élémentaire des mathématiques, par exemple).
Voilà ! “L’école est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux enseignants”, pourrais-je dire en plagiant Clémenceau, sachant que je suis enseignant moi-même. S’il-vous-plaît, donnez-moi votre avis, surtout si vous n’êtes pas du monde enseignant, que je connais assez bien pour en être. Merci d’avance ! ![]()
Un truc que je me suis toujours dit (mais c’est peut être faux, hein), c’est qu’on en demandait de plus en plus à l’école et de moins en moins aux parents, pour ce qui est d’éduquer les gamins.
greuh.
greuh dit:Un truc que je me suis toujours dit (mais c'est peut être faux, hein), c'est qu'on en demandait de plus en plus à l'école et de moins en moins aux parents, pour ce qui est d'éduquer les gamins.
greuh.
tu peux développer ?
J’ai entendu, plus d’une fois, des parents demander à l’école d’apprendre à leurs gamins la politesse, les bonnes manières, le civisme, la langue parlée, etc.
Or, c’est pour moi une éducation familiale que ces éléments là. Tout ou partie selon l’élément considéré.
Bien sûr, des familles s’en occuppent. Mais avoir entendu des parents dire à un prof “Mais c’est votre rôle d’apprendre la politesse à mon gamin”, ça m’a choqué. Littéralement.
Evidemment, j’ai généralisé un ou deux cas particuliers. Mais ce qui m’effraie, c’est justement que ça se généralise. Pour ça que je prenais des gants tout au début de mon message (“me suis dit”, “c’est peut être faux”, …).
greuh.
Moi, c’est plutôt la radio qui me transmet cela (sur des sujets comme la drogue, la sécurité routière, l’alcoolisme, etc.). L’intervenant sur France inter développait l’idée que l’école devait revenir à ses fonctions essentielles, “ce que l’on attend de l’école”. Il ne précisait pas, mais sans doute voulait-il opposer instruction et éducation, au moins dans une certaine mesure.
Philippe dit:J'entendais hier sur France Inter un homme (ça j'en suis sûr) s'appelant François... ? qui parlait de manière fort intéressante de la "question scolaire".
François DUBET
En effet. Merci !
Pour élargir un poil:
- on n’apprend pas à être parent. C’est fou qu’à l’époque où nous sommes, sans, bien sûr, enlever à chacun la liberté d’éduquer ses enfants comme il le souhaitent, il n’y ait pas vraiment de cours parentaux. Sous quelle forme? je n’en sais rien. Ceux qui en ont le plus besoin s’en préocuperaient-ils?
Etant jeune papa, j’ai reçu un livret officiel sur les droits et les devoirs du père. Il y a aussi des infos dans le carnet de santé de mon fils.J’ai apprécié ces aides, mais c’est peu.
- la société est ce qu’elle est devenue: sans valeurs et toujours aussi reproductrice. Je pense que l’école fait globalement ce qu’elle peu, mais qu’elle ne peut pas lutter contre le modèle global fourni par le monde des adultes. Si l’honnêteté et la connaissance étaient reconnues, on n’en serait pas là. Mais un monde libéral ne peut ériger de lois communes, même morales, par nature.
La solution à moyen terme envisagée par l’élite dirigeante est, à mon avis, une école de classe (sociale). Cela résoudra les problèmes d’adhésion à l’école, et le celui des valeurs (puisque celle des écoles chères et pauvres seront différentes).
Le débat se voulait ouvert sur des solutions pour l’éducation.
Changeons d’abord la société. (et pour cela, changeons l’âme humaine!!)
Pour info, je ne l’ai pas encore écouté:
Les grands débats de Sciences-Po
De l’école maternelle à l’université, éduquer ou former ?
LEMONDE.FR | 01.02.07 | 19h25 • Mis à jour le 01.02.07 | 19h25
La vidéo en ligne:
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-862607,0.html
greuh dit:J'ai entendu, plus d'une fois, des parents demander à l'école d'apprendre à leurs gamins la politesse, les bonnes manières, le civisme, la langue parlée, etc.
Or, c'est pour moi une éducation familiale que ces éléments là. Tout ou partie selon l'élément considéré.
Bien sûr, des familles s'en occuppent. Mais avoir entendu des parents dire à un prof "Mais c'est votre rôle d'apprendre la politesse à mon gamin", ça m'a choqué. Littéralement.greuh.
Ma moitié a enseigné en zones galères, dans le 9-3. Le problème est que l'école y est la dernière institution : les flics ne sont plus là, il y a peu de commerce, et surtout les parents sont décrédibilisés (bicoz chômage et peu d'argent). L'école est la dernière digue et on lui demande tout sans rien lui donner. Faire les flics, les psys, les parents. Accessoirement enseigner.
Solution : pénaliser les parents qui n'élèvent pas bien leurs enfants, genre suppression des allocs ? Moi je n'y crois pas; sur le fond ça me choque - mais El Comandante grand sensible, c'est pour ça
Maintenant je n'ai pas réfléchi plus loin que ça sur le rapport éducation / enseignement, je serais ravi des lumières des TTciens.
Philippe dit:- le but que l'on donne à notre école
J'entends école comme école primaire.
Pour moi, l'école de France doit avant tout apprendre la république française à ses élèves, leur mettre le modèle bien en tête, les valeurs républicaines et les valeurs démocratiques (Ca couvre pas mal l'Histoire et un peu la Géographie).
Ensuite, il faut les aider à gérer le quotidien de la vie : apprendre à lire écrire, compter.
Enfin, leur montrer le monde pour qu'ils voient où ils veulent être utiles, sciences de la nature, travaux manuels, cultures occidentale et autres.
Philippe dit: les difficultés des élèves entre apprentissage et situation familiale
Pour moi, je ne vois pas trop le lien avec notre problématique, les valeurs de la république permettent d'éviter cela.
Philippe dit: l'écart entre les ambitions des enseignants et la réalité de terrain.
L'enseignant doit chercher de la satisfaction personnelle dans son travail, mais accepter son impuissance partielle. Je ne peux dire que des banalités sur ce sujet.
Bon citons alors condorcet : (de mémoire)
L’école est là pour former des citoyens, c’est-à-dire des personnes capables de réfléchir par elle-mêmes, qui sauront ne pas se laisser influencer lorsqu’ils auront des choix importants à faire.
Il donnait en exemple quelqu’un n’ayant pas appris à compter : une telle personne est à la merci d’un commerçant peu scrupuleux … car ne sachant pas faire une soustraction il se fera avoir sur la monaie.
C’est pour ça que l’école n’est absolument pas là pour donner un métier.
L’école est là pour apprendre aux élèves qu’un jour ils seront citoyens et que ce jour-là il devront utiliser leur cerveau. Et pour faire des choix il faut savoir des choses.
Il faut par exemple savoir ce qui s’est passé avec Hitler, et comment, afin de ne pas refaire les mêmes erreurs.
MrGirafe dit:Philippe dit: les difficultés des élèves entre apprentissage et situation familiale
Pour moi, je ne vois pas trop le lien avec notre problématique, les valeurs de la république permettent d'éviter cela.
Non, il s'agit de détresses personnelles qui ont peu ou rien à voir avec les valeurs républicaines. Quand un élève ne travaille plus, ou mal, parce que sa situation familiale lui est insupportable, que doit-on faire ? Honnêtement, la réponse n'est pas facile.
Vieux chat dit:
C'est pour ça que l'école n'est absolument pas là pour donner un métier.
Jusqu'où va ta définition de l'école ?
Primaire ? secondaire ? université ? troisième cycle ?
Et puis, c’est très bien de citer Condorcet, mais on peut éventuellement envisager que l’école a développé d’autres buts. On parle beaucoup de l’apprentissage : là, clairement, sans nier la formation citoyenne, on parle d’abord de formation professionnelle, non ?
Philippe dit:Voilà ! "L'école est une affaire trop sérieuse pour la laisser aux enseignants", pourrais-je dire en plagiant Clémenceau, sachant que je suis enseignant moi-même. S'il-vous-plaît, donnez-moi votre avis, surtout si vous n'êtes pas du monde enseignant, que je connais assez bien pour en être. Merci d'avance !
Oui, cela m'intéresse aussi. Car oeuvrant pour le même ministère que toi Philippe, j'avoue n'avoir moi-même pas de véritable réponse aux questions fondamentales aujourd'hui sur l'école.
La seule que j'ai trouvé tient en un mot : adaptation. S'adapter en permanence aux gamins que l'on a en face de soi, à leurs parents, à la société qui évolue, à nos têtes (:roll: bien-)pensantes qui détiennent les soit-disant vérités et faire avec....
Je sais que cela revient à conduire de nuit dans le brouillard phares éteints, mais c'est la seule réponse naturelle qui me vienne.
Don Lopertuis
bigsam dit:Vieux chat dit:
C'est pour ça que l'école n'est absolument pas là pour donner un métier.
Jusqu'où va ta définition de l'école ?
Primaire ? secondaire ? université ? troisième cycle ?
Primaire et secondaire. Même si Condorcet ne parlait pas pour le bac car cela n'existait pas de son temps ^__^
@Philippe: oui de nouveaux objectifs ont été rajoutés : permettre l'insertion dans la société. C'est plus général que le simple travail.
L'université est à mon avis un débat à part de par la spécialisation de ce qui y est enseigné.
Philippe dit:MrGirafe dit:Philippe dit: les difficultés des élèves entre apprentissage et situation familiale
Pour moi, je ne vois pas trop le lien avec notre problématique, les valeurs de la république permettent d'éviter cela.
Non, il s'agit de détresses personnelles qui ont peu ou rien à voir avec les valeurs républicaines. Quand un élève ne travaille plus, ou mal, parce que sa situation familiale lui est insupportable, que doit-on faire ? Honnêtement, la réponse n'est pas facile.
Il y a des fois ou j'ai l'impression qu'il n'y a malheuresement pas de réponse. Certains parents ne viennent pas au reunion, attendent de l'autre coté de la rue car ils ne veulent pas parler et evoquer les troubles de leurs enfants. D'autre cas sont plus dramatique avec des enfants ayant subi des sevices (1 dans la classe de mon épouse). ect.. Le tout c'est essayer de faire de l'école un lieu d'égalité et dépanouissement en composant au mieux avec les enfants, l'experience des années aidant. Après, s'il y a une démission des parents qui attendent tout, l'école ne peut/doit pas se subsituer au parents. Peut-être pour la santé/protection/préservation de l'enfant faut-il demander l'aide des services sociaux mais cela peut representer un risque (coupure avec son milier familial auquel il s'identifie/se rattache). La voie de la hierarchie pour demander conseil (direction,inspection)?
L’Ecole c’est quelque chose de super vaste. Il n’y a que peu de points communs entre le fonctionnement des écoles primaires (mater et élémentaire), du collège, des lycées (généraux, pro…), de l’université, grandes écoles…
Quand je parle d’école, je pense surtout à l’école primaire et au collège, en fait tout ce qui se trouve avant les grandes orientations (BEP, CAP, lycées pro, lycées généraux…).
Quelle est pour moi la mission de l’école ?
Donner le goût de découvrir, de s’intéresser, d’apprendre.
Initier.
Apprendre à un enfant à construire un savoir.
Et là s’arrête la mission de l’école.
La question de l’Education (différent de ce qui touche aux savoirs, aux connaissances) ?
Il est reconnu, que les enseignants passent une grande partie de leur temps à faire de l’éducation au sens strict du terme. Cela à toujours été le cas et ce sera toujours le cas. Reste que la part de temps consacrer à cela à sans doute augmenter au détriment des temps d’apprentissages.
Bon maintenant, il faut bien que quelqu’un s’occupe des questions d’éducation.
On aurait tendance à dire que c’est la faute des parents et à vouloir les sanctionner (retraits des aides…). Je ne suis pas favorable à cela (même si dans les cas extrêmes, d’abus, pourquoi pas) tout simplement parce que la majorité des parents dont les enfants sont en difficulté éducative (ils ne sont pas tous dans les quartiers difficiles) sont dépassés (ne savent pas faire, n’ont pas le temps, ont peur).
Pour autant ce n’est pas une raison de faire à leur place, de prendre leur place, mais plutôt de les aider (concrêtement et non financièrement).
Dans les villes, on a de plus en plus de centre sociaux, de structures éducatives et culturelles (centre de loisirs, ludothèque, médiathèque, écoles de musique, centres culturels…). Ce que je souhaite, c’est que ces professionnels, en partenariat avec les écoles/collèges se donnent les moyens d’agir sur la dimension éducative : vie en collectivité, éducation à la citoyeneté, travail avec les parents, orientation, projet de vie…
D’un point de vue politique, je milite pour un réel partenariat entre toutes les structures de l’enfance (pré-ados, ados compris) et une réflexion collégiale sur les problèmes et les réussites. Mais la route est longue à ce niveau pour de nombreuses raisons :
- les coorporatismes divers ( de l’école, des animateurs, des parents…).
- l’absence de politique territoriale consernant la question de l’éducation.
- le manque de formation de nombreux professionnels ou bénévoles (enseignants compris)
- le manque de moyens (financier, humains…) car de tels politiques à l’échelle des communes demandent un réel investissement (mais c’est un investissement sur l’avenir : ça coûte moins cher que de réparer les diverses dégradations, les départs en dépression d’enseignants, …).
Sinon, pour revenir, sur du “diagnostic”. D’où vient le problème de l’école ? Je donne juste une piste, qui sans doute n’explique pas tout, et qui n’est que mon humble avis.
Il y a quelques dizaines d’années (je ne saurais plus dire exactement), a été décidé de démocratiser l’accès à l’école. Autrement dit, d’ouvrir les portes des écoles, collèges, lycées… à tous. Je trouve ça très bien car j’estime normal que dans une démocratie républicaine chacun puisse avoir accès à l’ensemble de ces structures. Pour autant, démocratiser l’accès à l’école fut et sera toujours quelque chose de facile à faire. Ce qui est plus difficile et à l’origine d’un certain nombre de difficulté, c’est de démocratiser la réussite scolaire.
Aujourd’hui, qu’est ce que réussir à l’école. En shématisant à peine, ça donne ça :
primaine, collège, lycée général, Bac S, prépa, grande école (ou brillant parcours universitaire).
Et les autres ? ceux qui n’y arrivent pas (ils sont très très majoritaires); que deviennent-ils ?
Tant que sera survalorisé la réussite scolaire (bons résultats, parcours intellectuels), je suis convaincu que de nombreux élèves et parents (qui ont connu les mêmes parcours) n’arriverons pas à trouver leur place à l’école et n’arriverons pas à se constituer un parcours de vie.
N’oublions pas que de nombreux pré-ados sont orientés “de force” vers des CAP ou des BEP dès 13/14/15 ans. Est-on vraiment en capacité de choisir à cet âge là ? Faut-il désigner les CAP, BEP (et les professions qui en découlent) comme des rebuts. Pour faire simple, un médecin vaut-il mieux qu’un mécanicien, parce que lui a “réussi” à l’école ? Un homme politique (grandes écoles, sciences po, ENA…) vaut-il mieux que le type qui nettoie le parc à côté de chez moi ?
Je suis convaincu qu’il est important de revoir complètement l’échelle de valeur des professions, de dire que tout travail est important, essentielle au bien collectif. On aurait l’air malin sans mécanicien, ou avec des parcs plein de merde parce qu’il n’y a personne pour s’en occuper…
Je milite donc pour que l’école et plus largement la société soit un jour globalement capable (je sais que ça existe parfois) de reconnaitre la valeur des gens pour ce qu’ils sont, ce qu’ils savent faire et non plus uniquement sur leur parcours scolaire ou leur simple capacité intellectuelle.
On condamne l’utilisation de la force brutale, physique pour s’imposer. Je condamne de la même façon l’utilisation de la force intellectuelle pour s’imposer.
Je me souviens d’un remarque de ce François, là. Pour lui finalement, on continue à formes une élite de quelques milliers d’élèves et à subir les autres…
Autre point qui m’énerve profondément : la hiérarchisation des séries. Aujourd’hui, et depuis au moins 25 ans, il faut faire S pour faire partie des “bons” ; c’est du moins l’opinion courante, et les parents qui souhaitent le bien de leurs enfants essaient de se débrouiller pour les aiguiller vers des filières où, pensent-ils, l’ambiance ser a plus au travail et la reconnaissance au bout du compte… il faut donc être fort en math, ou au moins aller en S en gérant un niveau de math insuffisant avec les autres disciplines. Avant, il fallait “fort en thème” : c’était aussi stupide (je veux dire d’évaluer les élèves avec un critère unique).
Je me tue à expliquer aux parents que la section S n’ouvre pas plus de portes quand on a 7 de moyenne en math, mais j’ai l’impression de lutter contre l’opinion commune à moi seul.