La Semaine du Pouic #80 : Retard probable et confirmé

Bonjour,

Jean-Paul Sartre n’est pas le modèle bien choisi de la résistance intellectuelle française. D’ailleurs il se refera une douteuse virginité gauchiste au sortir de sa guerre peu glorieuse.

Camus ou René Char sont plus fréquentables.

Quant à Céline (écrivain de génie) il fût antisémite comme beaucoup de français à l’époque (et aujourd’hui ?), français de droite comme de gauche.

Mais qui prétendons-nous être aujourd’hui pour se délecter à jouer les gardiens de la morale ?

Le docteur Destouches (Céline) a aussi soigné des centaines de miséreux gratuitement et de nombreux juifs !

Allons, allons…un peu de nuance…

Signé : un kibitzer

En plus, c’est un peu grâce à Camus que Simone Weil a été le éditée après sa mort.
:wink:

Bonjour jmguiche,
Oui. Dès qu’il a su qu’il allait recevoir son prix Nobel de littérature Camus s’est précipité chez les Weil (les parents de Simone Weil encore vivants) pour aller se “pauser” dans la chambre intacte de Simone…trop tôt disparue.

weil_simone
Elle était pour lui la plus grande philosophe du XXème siècle.

Elle est dans mon Panthéon féminin au même titre que Olympe de Gouges et Sophie Scholl…toutes les deux guillotinées ! Une par le totalitarisme de la Terreur révolutionnaire et l’autre par les nazis.

Je ne questionne pas le modèle. Je cite seulement des personnes qui ont dénoncé Céline, comme on pourrait aujourd’hui dénoncer J.K Rowling.

Je ne prétends pas être gardienne de morale : je sais dissocier l’œuvre de l’auteur et je reconnais apprécier certains écrits de Céline. Mon propos était seulement de dire que je comprenais ceux qui dénoncent les auteurs sulfureux, par le boycott ou par leur positionnement.

Ce à quoi JM Guiche a répondu que, sous Pétain les bouquins de Céline ne devaient pas faire débat. Ce qui n’est pas vrais. (D’où mes exemples, peut être pas assez “fréquentables” pour certains, j’en conviens.) Mais comme ce n’était pas mon propos, de juger qui est fréquentable ou pas et que je ne suis qu’une modeste connaisseuse de la littérature française… surtout lorsqu’il s’agit de positionnement politique… voilà.

Parfois, la surinterprétation brouille le message initial et fait apparaître un manque de nuance sur un propos neutre, en oubliant qu’il n’appelait pas à être nuancé puisqu’il ne prenait pas parti. (Et qu’il n’y avait donc pas de positionnement à nuancer).

Voilà pour la nuance.

Bonjour Juliano,
Je comprends ton message.

Parfois, la surinterprétation brouille le message initial et fait apparaître un manque de nuance sur un propos neutre, en oubliant qu’il n’appelait pas à être nuancé puisqu’il ne prenait pas parti. (Et qu’il n’y avait donc pas de positionnement à nuancer).

Pas de soucis, rien de ciblé contre tes dires plus haut.
Juste besoin de ramener Sartre et Céline à leur juste place pendant la guerre où l’un ne vaut guère plus que l’autre.

(Et préciser que ce n’est pas Sartre qui a découvert et dénoncé l’antisémitisme de Céline le premier.)

Tu as entièrement raison. Pour te donner une idée de mon positionnement, je suis également très critique envers Sartre et Simone de Beauvoir, qui ont signé la petition rédigée par Gabriel Matzneff en janvier 1977. Et je pense que nous sommes complètement en phase sur ce sujet.

Heureusement, Veil ne fait pas partie des 69 intellectuels qui ont signé cette petition abjecte…

Tu n’as pas comprit ce que je disais.

Quand petain est au pouvoir, le problème, ce n’est pas qu’on édite Céline.

Alors, c’est sûr que si on parle de la censure sous Pétain, il est clair que Céline n’en a pas trop souffert ! Au contraire ! Mais éditer Céline était un problème à l’époque, pour de nombreux penseurs.

C’est pour cela, qu’après-guerre il me semble qu’il s’est fait lynché et n’a plus été diffusé, pendant un certains temps. En tout cas, pas ses pamphlets antisémites.

Ce qu’il veut dire c’est que la priorité c’était de vaincre le nazisme sur le terrain, stoper la guerre et les massacres et que Céline n’était pas une priorité de la lutte anti nazie.

En gros un point Godwin pour dire qu’on (les américains) pourraient avoir d’autres chats à fouetter que JK Rowling pour combattre les mouvements rétrogrades.

J’avais compris l’idée… mais là-dessus, je suis en profond désaccord. L’antisémitisme, la transphobie, l’homophobie, le racisme, ça se combat partout. Sur le terrain, oui, mais aussi dans les livres, dans les discours, dans la culture. Je ne partage pas du tout cette hiérarchisation des combats, car elle alimente le même terreau idéologique nauséabond. Minimiser certains combats au nom de priorités “plus grandes” revient, à mon sens, à laisser prospérer un discours qui finit toujours par banaliser les pires violences.
Voila, je vais détester Céline maintenant :joy:.

Mais pas “Voyage au bout de la nuit”. :smiling_face_with_three_hearts:

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Je suis en accord avec @juliano.

Que la milliardaire JK Rowling et son oeuvre se fassent bâcher par ses détracteurs en rappelant qui elle est à chaque fois qu’elle pointe le bout de son nez et trouve un nouveau moyen de se faire du pognon (qu’elle utilise notamment pour alimenter un fond privé contre les personnes trans), c’est la moindre des choses.

Et le problème va bien au-delà d’elle-même et de son magicien, puisqu’il s’agit d’un problème global, celui de la discrimination, et je ne pense pas que lutter contre les discriminations, quelles qu’elles soient, puisse être taxer de combat sans importance.

Et pour ce qui est de la hiérachisation des luttes, j’ai rarement vu des militants se fourvoyer là-dedans, mais plutôt les non-militants.
Il y a une multitude de causes à défendre, jamais assez de personnes de bonne volonté pour le faire, et aller juger de ce qui est prioritaire ou non, ça restera toujours subjectif.
D’autant plus que chacun à bien le droit de faire ce qu’il veut, de faire ou de ne rien faire par exemple, alors quitte à faire, autant aller vers quelque chose qui nous parle.

Un type m’a demandé une fois du temps où j’étais bénévole dans un refuge animalier si ça ne serait pas mieux que j’aide des pauvres gens plutôt, je lui ai dit de ne pas se gêner pour le faire.
Je n’ai aucun doute qu’il n’a rien fait, il avait le profil type de ce que j’appelle “un rebel de canapé”, ça s’insurge, ça tchatche, ça juge, mais pour passer à l’action, zéro.

Cette hiérarchisation, c’est ultra confortable notamment pour les fatalistes de tout poil, qui en partant du principe que “de toute manière, c’est foutu”, vont pouvoir se complaire dans la passivité la plus totale.

Du coup, même si le combat contre JK Rowling ou la manip’ républicaine avec Sweeney ça n’est pas ma priorité (mais je ne me gêne pas pour boycotter quand même), je me garderais bien de juger celles et ceux qui ont envie de les faire suer.

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Sinon, même en retard et à 8 mains, c’est toujours cool, la semaine du pouic :+1:.

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Bravo et merci pour cette SdP estivale à 8 mains. Il fallait au moins ça pour contrecarrer la torpeur générale de ce début de mois d’août.

Et pour ceux qui aiment se crêper le chignon, je voudrais citer un grand philosophe de la fin du siècle dernier qui illustre bien que chacun à sa propre sensibilité :

Le jour de la mort de Brassens, j’ai pleuré comme un môme. J’ai vraiment pas honte de le dire. Alors que – c’est curieux, mais – le jour de la mort de Tino Rossi j’ai repris deux fois des moules. Comme quoi…
Pierre Desproges

D’ailleurs il a aussi commencé un sketch en disant :

«on me dit que des Juifs se sont glissés dans la salle ?»

Et tout le monde n’a pas compris…

Pourquoi tu dis ça ? ça a fait polémique ?
Je m’en souviens pas si c’est le cas.
Il est mortel ce sketch. Tout le spectacle, en fait.

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Pas à l’époque, plus tard…

Et jamais je ne dirais du mal de Desproges, il est dans mon Panthéon avec Perec et Goscinny…

Merci pour l’article, je viens de le lire, je n’avais pas entendu parler de cette récupération.
C’est pathétique, Soral and co, ils n’ont aucun second degré ou ils le font exprès ?

Desproges lui-même semble avoir eu des doutes sur la faisabilité d’un tel humour (ça peut se comprendre d’ailleurs, il y va fort), mais perso, j’avais le spectacle en VHS (et son second également) à la maison quand j’étais jeune et jamais je n’ai imaginé un seul instant que ce soit autre chose que de l’humour jusqu’au-boutiste visant à faire tourner en bourrique les antisémites de l’époque. Et j’étais encore un pré-ado, je pense.
Enfin bref.
Merci encore :+1:

Ce sketch n’a jamais fait polémique.
Le fait qu’il soit instrumentalisé par des imbuvables a fait polémique.
Mais quoique ce soit, instrumentalisé par des imbuvables, fait polémique. C’est le but des imbuvables, et ça marche.

On peut rire de tout, mais pas n’importe quand…

Surtout, pas avec tout le monde.