A la suite de cette news :arrow:, certains d’entre nous ont commencé à échanger autour de la théorie des jeux et de sa limitation - s’applique-t-elle réellement à “nos” jeux ou pas ? - voire de sa dénomination. Il me semble que cela rejoint des débats déjà développés ici autour de la notion de jeu, et que donc on méritait d’en faire un sujet de forum, les news n’étant pas très pratiques pour échanger, et d’ailleurs pas faites pour ça.
Je me permets de reproduire ci-dessous, sans aucune autorisation - bouh c’est mal - les principaux propos du débat (mais pas l’article de fond du Docteur Mops). Juste histoire de poursuivre le débat.
Bruno Faidutti dit:Mon problème avec ce que les mathématiciens appellent la théorie des jeux, c’est que c’est en fait la théorie de plein de trucs. C’est la théorie de certains jeux, mais pas de tous, et de pas mal de choses qui ne sont pas du tout des jeux. C’est un sujet intéressant, mais mal nommé.
Chabousse dit:D’accord avec Bruno, j’ai acheté la version poche et je confirme que ça n’a effectivement pas beaucoup de lien avec les jeux dont on parle sur TT. Intéressant pour les curieux."
Docteur Mops dit:Je suis absolument en contradiction avec vous chers Faidutti et Chabousse. La théorie des jeux parle bien des jeux et non seulement cela, en posant un regard scientifique sur le jeu, elle nous questionne nous sur la nature de celui-ci qui a ce jour n’a jamais été défini très clairement. Le but de la théorie des jeux n’est pas de définir le jeu. Les jeux qu’on y trouve peuvent laisser l’impression au joueur émérite ou occasionnel que ce n’en sont pas car ils ne semblent pas identiques à ceux qu’ils ont sur leur table de loisir. On parle pourtant exactement de la même chose : règles, contraintes, objectifs, joueurs, gains, victoires, égalités, conflits, coopérations, résolutions, stratégies, tactiques. Jouer à Pile ou face est un jeu, jouer au football est un jeu, résoudre un problème mathématique est un jeu. Ne réduisez pas le jeu à la comparaison des outils qu’on utilise (les jeux de plateaux par exemple) pour l’identifier. Je prêche sans doute pour ma chapelle mais je le soutiens toujours : le jeu n’est ni un objet, ni une situation, c’est une attitude humaine liée intimement à notre façon de penser. Le jeu nait de notre exceptionnelle capacité d’“envisager” sans être devant un réalité, de concevoir et de se préparer à de multiples situations très réelles et d’en appréhender certains éléments hors contexte pour être se préparer à des situations problématiques réelles. C’est vrai pour les enfants, c’est toujours vrai pour les adultes même si beaucoup estiment à tort ou raison qu’ils n’en plus besoin. Ne réduisons pas le jeu à notre “petit” domaine du jeu.
Bruno Faidutti dit:Eh bien, Mops, je maintiens mon point de vue. Pour moi, le jeu n’est pas une attitude mais une situation, caractérisée entre autres par la déconnexion du réel. La théorie des jeux pourrait s’appeler théorie des décisions stratégiques, ou des choix rationnels. Elle s’applique parfaitement à des domaines - étude des systèmes électoraux, décisions d’embauche, tactique et stratégie militaire… - qui fort heureusement ne sont pas des jeux. Elle peut servir à décrire des jeux, comme mon Terra qui est entièrement construit sur le paradoxe du passager clandestin, mais je ne vois pas comment elle pourrait décrire, par exemple, Speed Dating. D’ailleurs, si j’ai bâti Terra sur le paradoxe du passager clandestin, c’est parce qu’il me semblait que ce paradoxe expliquait en grande partie le blocage des négociations internationales sur les problèmes environnementaux, qui elles non plus ne sont pas un jeu - ou alors nous n’avons pas du tout la même définition du jeu.
Chabousse dit:Pour moi aussi, réfléchir pour prendre une décision n’est pas un jeu en soi. Au boulot, ça ne m’amuse pas car les conséquences sont concrètes voire graves. Lorsque l’on joue, on prend du plaisir car on s’évade, on n’est pas face à la réalité. Le jeu ne permet pas à mon sens de se préparer à des situations réelle mais plutôt à les oublier. Chez les enfants, c’est probablement un peu des deux. Donc je suis plutôt en phase avec Bruno, et j’ai même envie d’essayer Terra
Monsieur Phal dit:Cher Monsieur Chabousse, Ce qui démontre bien que c’est une attitude car des gens dans les mêmes conditions que vous prendrons, pour s’alléger la décision par exemple, pour l’adrénaline, la chose sous un angle ludique. Même si les conséquences sont “grave”. La roulette russe est un jeu Bien à vous
L.S.G. dit:Une petite pierre de matheux à cet édifice : Je m’accorde avec Bruno pour dire que l’on a là une théorie de la décision. Elle reflète une partie de l’univers du jeu. En particulier sur les jeux purement abstraits. Bien qu’en les pratiquant, on préfère bien souvent suivre son instinct ou laisser libre court à une idée originale plutôt que de suivre la stratégie parfaite. Bref, une théorie qui s’adapte bien mieux à l’économie qu’aux jeux ou plutôt aux joueurs.
El Comandante dit:Cher Docteur Mops, je crois que votre position par ailleurs interessante gagnerait a se preciser. A mon sens, la theorie des jeux est effectivement plutot proche d’une theorie de la decision ou des choix, comme dit M. Faidutti, et qu’il y a une frontiere entre cette theorie et le jeu tel que nous le connaissons (ainsiq ue le go, les echecs, etc.). Pour contribuer modestement a votre reflexion, peut-etre devriez songer a la difference entre “jouer” et “jouer a un jeu”. Jouer a pile ou face, et jouer au jeu de *** (go, caylus ou domino), ce n’est pas le meme cadre normatif; d’ailleurs si le langage etablit une difference et permet l’usage de ce pleonasme - jouer a un jeu - c’est qu’il reflete lui aussi une autre realite. Bon, on serait mieux sur le forum pour en discuter
Ice dit:Merci Docteur Mops pour ce très bon article qui m’a donné envie d’en lire un peu plus sur le sujet. Et pour la différence d’opinion sur l’usage du terme théorie des jeux(/décisions), cela me fait penser au titre du premier volume de la saga de George R.R. Martin : A Game Of Thrones. Titre que je trouve bien trouvé et intéressant si l’on connait l’œuvre : cette dernière propose une histoire racontée selon plusieurs points de vue avec des décisions/contraintes/stratégies différentes pour un objectif similaire. N’ayant pas encore lu assez de chose sur la théorie en question, je partage “à priori” le point de vue du Docteur Mops sur l’utilisation du terme “jeu”. La réservation du terme “jeu” à “la distraction et l’imaginaire” serait trop restrictive et omettrait les notions de simulation, coopération ou encore stratégie et planification qui s’appliquent également dans des situations bien réelles. D’ailleurs il y a même un principe inverse (à la mode, certes) : la Gamefication (/ludification?) qui ajoute les notions de défis/récompenses à des tâches en général bien loin des jeux présentés sur TT.
Nemo1984 dit:Pour certains d’entre nous « jouer » est une situation d’amusement (régit par des règles, avec des objectifs, etc…). Il n’empeche que les comportements/decisions humaines et les mécanismes mis en œuvre dans les jeux peuvent être étendus à d’autres domaines de la vie (économie, militaire, etc), d’où le nom « théorie des jeux » (car au départ ca venait des jeux). Pourquoi existe-t-il des jeux de gestion (donc liés à l’economie), ou des jeux militaires (occupation du territoire) ? sans doute ont – ils été inventés pour s’entrainer à ces situations de la vraie vie (sans en avoir les consequences).
Kalen dit:Rien que cette notion d’amusement me semble intéressante à explorer. Effectivement je prends beaucoup de plaisir à jouer à des jeux (solo souvent)sur lesquels quiconque me regardera et regardera le jeu n’y verra aucune sensation d’amusement. Pourtant je me sens y jouer et j’aime ça. Le simple développement d’une stratégie me procure du plaisir mais je n’arrive pas à dire que cela m’amuse ou me met en joie. oO ? Cela me satisfait ou me maintient en éveil intellectuel je dirais. D’ailleurs je ne crois pas qu’en finissant ce genre de partie je dise que je me suis super bien amusé, mais plutôt que cela a été passionnant. Parfois je m’éclate la poire aussi…un peu…je crois … En tout cas je m’en vais lire cet ouvrage bientôt. Merci.
Un des points du débat (il en existe plusieurs) concerne la définition du jeu. Ce n’est pas le plus simple des débats.
Je parle ici de mémoire, vous m’excuserez d’avoir peu de mémoire pour citer mes sources correctement.
Ce que je veux dire c’est que dans les différentes tentatives pour cerner le sujet (qui je le crois ne se cernera pas définitivement), une des plus intéressante met en avant les notions de “contraintes librement acceptées”.
Je pense qu’on peut convenir qu’on retrouve comme composante dans tous les jeux une ou plusieurs contraintes et un ou plusieurs objectifs.
Les joueurs sont donc ceux qui 1) acceptent de bien vouloir atteindre l’objectif en 2) respectant les contraintes.
C’est là qu’intervient le décalage avec ce qu’on nommera la “réalité”. (on peut surement faire mieux comme vocabulaire parce que le jeu est lui aussi tout à fait réel). (le quotidien ?)
Des chercheurs en quête d’une définition ont porté leur champs d’investigation sur le matériel des jeux. Notre langue ne le distingue pas du jeu en lui-même. On achète une boîte de jeu ou un jeu. On dit un jeu d’échecs sans qu’il y ait pour autant de partie de jouée.
De mon point de vue, il faudrait convenir que le Jeu c’est la partie ou une série de parties ou la pratique régulière d’une règle avec ou sans outils ludiques (le matériel de jeu).
Il faut également essayer de s’affranchir de l’image que nous avons en nous quand on parle de jeu. Ici le mot appelle invariablement des boîtes tandis que chez d’autres se sera des écrans ou de la pelouse.
Le jeu ne peut donc être défini par son matériel.
Pourquoi est-ce que je le revendique comme étant une attitude ? Cela vient du fait que je me suis posé la question de pourquoi en tant qu’adulte j’aimais jouer. Une question égocentrée et simple pour faire un bon début ^^
Une des réponses qui apparait en tête des raisons est le plaisir que cela me procure. Je ne parle pas de joie, de bonheur, d’ivresse mais de plaisir. Si je ressens ce plaisir c’est que mon cerveau me diffuse des récompenses. Je suis donc dans une attitude naturelle que j’aurais à cœur de réitérer.
La question qui vient alors est “À quoi cela sert-il ?” Les plus rapides à dégainer répondront “à se faire plaisir” qui est un bon moyen de se mordre la queue et de ne pas répondre.
Parmi ceux qui ont étudié à quel besoin répondait le jeu (sans l’avoir forcément défini auparavant), on trouve entre autre Piaget, qui du point de vue psychologique explique que c’est une activité qui constitue l’individu et qui est essentielle durant l’enfance. Un enfant qui ne joue pas souffre en général de pathologie relativement graves.
Oui mais moi je suis un adulte. Dès lors, deux hypothèse simples s’offrent. La première est que le jeu adulte est une forme d’activité puérile. Secondement, elle continuerait à joueur un rôle dans le développement de l’adulte.
Question secondaire : Tous les adultes jouent-ils ? Non répondent certains et même ils n’aiment pas cela. Sauf que là encore on se retrouve confronté au approximation du langage et de la nature du jeu. Beaucoup de pratiquant de mots-croisés se définissent comme non-joueurs. Il se cultivent et pratique un sport cérébral. Un discours qui leur permet d’éviter l’hypothèse 1 et d’être considérés comme puérils. Chez certaines tranches d’âge cette image de puérilité est très ancrée.
Peut etre que la confusion vient de la traduction de game theory en theorie des jeux. Parce que game dans game theory ca veut dire interaction strategique entre individus (c’est une terme mathematique) et pas jeu.
A dit:Peut etre que la confusion vient de la traduction de game theory en theorie des jeux. Parce que game dans game theory ca veut dire interaction strategique entre individus (c'est une terme mathematique) et pas jeu. A
Effectivement. Les "jeux" évoqués dans la théorie des jeux sont plus des exercices que des choses ludiques.
A dit:Peut etre que la confusion vient de la traduction de game theory en theorie des jeux. Parce que game dans game theory ca veut dire interaction strategique entre individus (c'est une terme mathematique) et pas jeu. A
Oui mais "interaction stratégique" c'est aussi un jeu. Comme c'est un mot qui recoupe plusieurs sens, il va être difficile d'établir des distinctions uniquement de manière linguistique.
Ce que dit la branche Faidutti c'est que les jeux utilisés dans la théorie des jeux ne sont pas des jeux au sens où nous les entendons. Ce en quoi, je ne suis pas d'accord.
Est ce que : - 2 participants - L'objectif d'avoir un gain le meilleur - des stratégies déterminées - des choix de stratégies
font un jeu ?
Prenons un exemple simple utilisé dans la version primaire de la théorie :
Deux joueurs (A&B) doivent écrire un chiffre sur un papier. Ils ont le choix entre 1 et 2. A gagnera la somme des chiffres écrit par A+B C'est une partie en somme nulle de telle sorte que B perdra ce que gagne A.
Il est évident que l'équilibre du jeu est A=2 et B=1
Est-ce un jeu ? Sinon pourquoi et qu'est-ce et pour quelles différences ?
A dit:Peut etre que la confusion vient de la traduction de game theory en theorie des jeux. Parce que game dans game theory ca veut dire interaction strategique entre individus (c'est une terme mathematique) et pas jeu. A
Effectivement. Les "jeux" évoqués dans la théorie des jeux sont plus des exercices que des choses ludiques.
Je veux bien le concevoir mais pouvez-vous me donner la différence entre "chose ludique" et "exercice". Parce que de mon point vue un exercice peu être ludique et sa ludicité ne me semble pas tenir en sa nature mais dans sa pratique.
Pour moi le jeu doit ne servir à rien d’autre que le plaisir de ses participants pour mériter l’appellation de jeu. Je vire donc les “jeux éducatifs”, “jeux de rôles” en entreprise, les exercices, etc… de la définition de jeu. Na.
Dans le cadre de la théorie des jeux, la définition de ce qu’est un jeu est impossible au sens où on l’entend. Ce que la théorie des jeux étudie ce sont les stratégies optimales, interactions entre individus/groupes antagonistes, les coopérations profitables, les espérances de gain, les probabilités de réalisations de certains évènements, etc. A l’origine cette théorie est issue de problèmes simples dont voici un exemple. “Une partie en plusieurs manches entre deux individus est interrompue avant son terme. Quelle répartition doit on opérer alors qu’on ne connait pas l’issue de la ou des manches non jouées ?” D’autres situations, inspirées d’autant de situations de jeu, ont enrichi le champ recouvert par cette “théorie des jeux”. Et de cette théorie empirique sont nés des formalismes qui ont initiés des branches majeures des mathématiques (probabilité, statistique, théorie des graphes, etc). Parallèlement à cette évolution du champ d’application théorique de la théorie des jeux, la définition de ce qu’on entend par jeu évolue. En tout cas l’image qu’on s’en fait. Car le jeu en lui-même n’est pas le sujet. De la même manière que le mot disque en géométrie ne désigne pas l’objet que l’on lance le plus loin possible dans une épreuve d’athlétisme.
Pour revenir à ce qu’on peut entendre par jeu, je trouve intéressant l’échange entre Dr Mops et Bruno Faidutti. L’un crée des jeux et l’autres y joue. L’oeil du créateur n’est pas le même que celui du spectateur.
Certaines activités nous sont vendues comme des jeux alors qu’elles consistent en des tâches répétitives et débilitantes saupoudrées de récompenses systématiques (jeux sociaux ?). D’autres sont des activités sérieuses mais vécues “comme un jeu” par certains.
Il est en tout cas très intéressant de voir ce qui est considéré comme un jeu par les autres. C’est toujours source d’étonnement.
Une passion partagée autour d’un malentendu.
Pour terminer sur les jeux présentés dans le livre en question dans l’article il n’était pas question d’étudier sérieusement un jeu plus évolué que ce qui est proposé. Ce sont les grandes idées qui sont intéressantes en vulgarisation. Pas des détails qui pourraient être trop techniques. Le jeu de bataille fournit à lui seul des exemples très compliqués à étudier qui amènent dans les profondeurs de la théorie des graphes en passant par la combinatoire par exemple. Un livre détaillant le jeu “Citadelle” serait passionnant mais j’imagine que la chose serait compliquée à détailler de manière exhaustive.
Je ne suis pas un spécialiste de la question philosophique.
Un exercice est quelque chose de neutre, objectif. Le jeu, le côté ludique est subjectif car il sous-entend une forme de plaisir.
Trouver la dimension optimale d’une boîte carrée pour y caler 5 quarts de pizza est d’abord un exercice. Certains s’amusent à le résoudre, y prennent du plaisir. Pour d’autres, c’est tout sauf amusant.
Voilà comment je vois les choses et je ne vais pas beaucoup aller dans le sens de Dr Mops…
Le jeu a parfois été défini comme une économie du risque : il consiste à aller au devant d’un risque pour le surmonter, se valoriser et en retirer du plaisir. Dans “aller au devant d’un risque”, il y a cette idée que l’on pourrait très bien éviter ce risque, voir que l’on créé soi-même ce risque. On fait le choix de l’affronter en espérant le surmonter, se valoriser et jouir de cela. Le jeu n’est donc pas dans ce cadre-là contenu dans quoique ce soit (comme le dis Mops, il n’y a pas de jeu en soit) mais forcément le fait d’une rencontre entre un individu et une situation qui propose un risque que l’on choisit de surmonter.
Pour se sentir valorisé par le risque surmonté, il faut que soi-même on accorde de la valeur à celui-ci et que soi-même on estime avoir fait le ou les actions qui nous ont permis de le surmonter, à juste titre ou non. D’où le fait que ce qui est un jeu pour l’un ne l’est pas pour l’autre car personne n’accorde le même valeur à une action, un contenu, … Et voilà qu’arrive les développements des mathématiciens sur la théorie du jeu qui est, comme dit par certains, une théorie du choix : certaines actions peuvent en effet être des choix, issus d’une réflexion. Pour moi, cette théorie ne traite donc que d’une petite partie de l’activité ludique et pas la principale.
Car une partie des choix que nous faisons sont dictés par cette économie du risque et pas une recherche d’optimisation. Si je me sens fort sur un jeu, je vais me donner un handicap ou alors je vais emprunter une voie moins sure. Ces choix là sont organisateurs de l’activité de jeu et vise à nous mettre dans la meilleure situation possible : le risque maximum surmontable pour une satisfaction maximum.
Oui, et donc tout cela amène à un seul point : l’attitude ! Le jeu, c’est une attitude, quelque chose est “jeu”, quelques chose est “ludique” parce qu’on le décide. Du coup, tenter de définir le jeu est quasi impossible, puisque tout est jeu ou rien n’est jeu. Je n’ai pas le courage de développer par l’écrit, mais un débat dans une TTTV serait extrêmement intéressant
Pour ne prendre que deux exemples relativement simples on a d’un côté les jeux de plateaux détaillés sur ce site et les jeux vidéos détaillés sur Canard PC par exemple (certains coins sombres des forums du site Canard PC pointent vers Tric Trac, je me permet).
Un jeu de plateau nécessite d’apprendre les règles du jeu, d’intégrer le système dans lequel nous allons être contraint d’établir nos choix et stratégies. De l’autre côté le jeu vidéo est généralement pratiqué en terme de gameplay sans devoir se préoccuper de la mise en oeuvre des règles qui gèrent le jeu. Je schématise exprès pour dire que dans les deux cas il est question de jeu et que pour eux deux la théorie des jeux s’applique. Alors évidemment, un jeu comme Dixit met dans l’embarras le mathématicien. Et pour ne pas froisser les joueurs PC (les consoles se débrouillent avec ça) certains jeux de stratégie n’ont rien à envier sur le plan des règles aux jeux de plateaux. Mais rien n’enlèvera au jeu de plateau le plaisir de virer les Amazones des marais d’un air rageur, voir le D20 lentement rouler et tomber sur le 20 critique tant espéré quand on est au fond du donjon et qu’on espère conclure avec l’elfette des bois ou s’extasier devant les illustrations des merveilles de 7Wonders.
Je trouve ce débat passionnant mais je manque tout à fait de connaissances théoriques (académiques, en fait) pour être certain de ne pas dire de bêtises. J’ai bien lu Homo Ludens d’Huizinga mais il y a longtemps et si je n’ai pas tout oublié, je suis loin d’avoir tout retenu. Je sais ainsi que ses travaux datent un peu et qu’il existe d’éminent sociologues qui proposent d’autres pistes. Néanmoins, par jeu , je tente une intervention.
1) Il faut distinguer le jeu et la Théorie des Jeux, qui devrait mieux porter le nom des Théories des Prises de Décision ou de Théorie des Choix (si ce terme n’était trop proche en français de la Science des choix, la science économique).
2) Je pense qu’il est difficile d’avancer sans faire un peu de structuralisme. Chaque humain est un animal unique plongé dans le fait social. Ses activités doivent être appréhendées différemment dans chacun des deux plans psychologique et sociologique. C’est cette acceptation de l’existence de deux plans qui permet de concevoir que résoudre un système d’équations coniques soit un jeu pour certains et pas du tout à l’esprit d’autres. Curieusement ou pas, ceux qui pensent que pareil exercice n’est pas un jeu n’ont absolument pas le niveau pour résoudre ne serait-ce qu’une équation du second degré. A ce premier niveau, le jeu est synonyme de plaisir mais aussi d’anticipation, quand il prépare le sujet à affronter, gérer des situations non encore existantes. Ayons conscience que les plans se recoupent puisque un individu livré à lui-même, sans l’expérience du groupe est incapable d’imaginer ce qui pourrait lui arriver. Au plan sociologique, le jeu est une activité historiquement proche du sacré (ce que Huizinga explique bien), qui témoigne de la cohésion recherchée des membres d’un groupe. Ce caractère sacré se décèle dans l’opprobe jetée sur le tricheur. Le plaisir et l’anticipation sont encore présents mais s’y ajoute l’entretien du lien social (ce qui inclut les activités compétitives, bien sûr).
Monsieur Phal dit:Cher Monsieur, Oui, et donc tout cela amène à un seul point : l'attitude ! Le jeu, c'est une attitude, quelque chose est "jeu", quelques chose est "ludique" parce qu'on le décide. Du coup, tenter de définir le jeu est quasi impossible, puisque tout est jeu ou rien n'est jeu. Je n'ai pas le courage de développer par l'écrit, mais un débat dans une TTTV serait extrêmement intéressant Bien à vous de cordialement Monsieur Phal
je ne crois pas être d'accord. Si c'est l'attitude, c'est subjectif et comme vous dites définir le jeu est alors impossible. Et je ne vois pas au nom de quoi le jeu serait quelque chose impossible à définir. Les philosophes, les poètes ou les physiciens arrivent bien à définir tout un tas de choses bien plus insaisissables depuis trois millénaires, je ne crois pas que le jeu ait quelque chose de spécifique qui permette d'y échapper. Ou alors ce serait L'activité humaine indéfinissable (ce qui en soit serait une définition d'ailleurs).
Des tas d'éléments viennent à l'esprit spontanément : des règles qu'on respecte (sinon "c'est pas du jeu"), donc une norme fermée, un début et une fin, donc un temps fermé, un espace limité, etc. Ni tout ni rien, au contraire. Et le dernier critère qui me viendrait, et pourtant souvent cité ici, c'est bien celui du plaisir. C'est évidemment trop subjectif, donnant à chacun sa définition du jeu... après que chacun ait donné sa définition du plaisir - irrecevable donc.
Et ça ferait une bonne TTTV, effectivement. P'têt même que je le regarderais.
Jouer à un jeu c’est participer une activité qui a peu d’enjeu sur le réel, dans un univers restreint et en suivant des règles et, dans ce cadre restreint, jouer consiste à essayer de gagner. C’est là que la définition d’un jeu devient difficile : moi, je joue aux échecs, mais un pro, lui, bosse. Il ne joue pas : il est en train de gagner sa vie. Gros impact sur le réel.
Dans les deux cas, il y a de la prise de décision. Et la théorie des jeux, qui est une théorie de la prise de décision, s’applique. Même à dixit, on choisi une expression en l’évaluant peu probable d’être trouvé par tous, mais probablement trouvée par quelqu’un. C’est certes de l’évaluation intuitive, très approximative, mais c’est bien la mécanique décrite par la théorie.
Évidement, cela exclut les jeux dans lesquels on ne prend pas de décisions (jeu de hasard complet ou autre casse têtes et peut être quelques jeu d’ambiance), mais pour tout les autres, je pense qu’on est bien dans la logique de la théorie.
jmguiche dit:Jouer à un jeu c'est participer une activité qui a peu d'enjeu sur le réel, dans un univers restreint et en suivant des règles et, dans ce cadre restreint, jouer consiste à essayer de gagner. C'est là que la définition d'un jeu devient difficile : moi, je joue aux échecs, mais un pro, lui, bosse. Il ne joue pas : il est en train de gagner sa vie. Gros impact sur le réel.
L'un n'empêche pas l'autre. Je suis joueur d'échecs non professionel mais je suis de très près les parcours des pros et leurs analyses d'après match (en ce moment: http://live1.norwaychess.com/ mais j'aurais pu aussi être footballeur que cela n'aurait rien changé à mon point de vue. Le jeu et les sensations qu'il procure ne disparaissent pas sous l'aspect professionnel.
jmguiche dit:Jouer à un jeu c'est participer une activité qui a peu d'enjeu sur le réel, dans un univers restreint et en suivant des règles et, dans ce cadre restreint, jouer consiste à essayer de gagner. C'est là que la définition d'un jeu devient difficile : moi, je joue aux échecs, mais un pro, lui, bosse. Il ne joue pas : il est en train de gagner sa vie. Gros impact sur le réel.
L'un n'empêche pas l'autre. Je suis joueur d'échecs non professionel mais je suis de très près les parcours des pros et leurs analyses d'après match (en ce moment: http://live1.norwaychess.com/ mais j'aurais pu aussi être footballeur que cela n'aurait rien changé à mon point de vue. Le jeu et les sensations qu'il procure ne disparaissent pas sous l'aspect professionnel.
On a le droit d'aimer son travail, cela n'en fait pas un jeu.
Je pense que le travail se caractérise par une activité à caractère productif. Même les idées, immatérielles, visent dans ce cadre à assurer la production ou la circulation de biens. Les échecs, pour ne parler que d’eux sont un jeu, quelque soit le niveau et la notoriété du joueur.