[la traduction de jeu] Topic général

sathimon dit:Petit Scarabée Kerquist, je ne pense pas avoir assez de recul sur la traduction pour pouvoir assurer qu'une langue est plus précise qu'une.
De plus ne traduisant qu'à partir de l'anglais je ne peux pas dire que je suis polyglotte mais plutôt duoglotte (désolé pour le néologisme). Je pense que sylvano, adel10 devraient avoir plus de recul par rapport à cela.
Je pense que kouinemum à raison cela mériterait un sujet à part.

Ben, c'est parti, mon kiki. :)
Pour celles et ceux que ça intéresse, discutons donc de traduction ici. Il y a un certain nombre de traducteurs qui fréquentent ce forum, amateurs ou professionnels, avec une expérience dans le domaine spécifique du jeu ou pas. En tout cas, il y a beaucoup de gens qui en parlent, en bien ou (plus souvent) en mal. Si ces gens ont des questions là-dessus (linguistiques, techniques, "industrielles", etc.), on pourra essayer d'y répondre ou en tout cas d'en débattre.
Déjà, deux topics plus anciens où le sujet a été abordé en détail (il y en a sans doute d'autres) :
http://www.trictrac.net/forum/viewtopic ... a26bf80e1b
http://www.trictrac.net/forum/viewtopic ... 1&t=111691
Pour revenir à la question soulevée initialement par Kerquist (à savoir "existe-t-il une langue qui se traduise plus "facilement" qu'une autre vers le français en matière de jeu), j'aurais tendance à répondre : aucune. Par essence, il n'existe pas deux langues strictement identiques. Sinon, ce ne serait pas deux langues distinctes, qui ont évolué chacune de leur côté. La relation entre deux langues, c'est toujours comme deux ensembles mathématiques qui se recouperaient partiellement et de façon éclatée (et, évidemment, le recoupement est toujours différent en fonction de la paire linguistique considérée). Il y a toujours beaucoup d'équivalences strictes ou quasi (heureusement !), parfois des nuances subtiles, parfois des termes impossibles à traduire fidèlement, alors il faut les adapter (= tomber le moins loin possible en terme de sens). Certaines langues posent des problèmes évidents, notamment d'interprétation, genre le japonais ou le chinois, mais des langues qu'on pourrait penser proches peuvent aussi avoir des aspects "culturels" qui se recoupent mal pour certains termes. De toute façon, même si le traducteur est un dieu, traduction = déperdition de sens. Le tout, c'est qu'elle soit la plus infime possible. Dans le domaine du jeu, se pose aussi le problème d'être hyper précis et ne laisser aucune ambiguïté de règle, ce qui nécessite parfois d'en dire un peu plus qu'il n'y en a dans le texte original (et donc de bien maîtriser le fonctionnement du jeu en lui-même).

Ma question, à laquelle ton message fait référence, était en fait un peu différente.
C’était la suivante : Y a-t-il une langue plus adaptée qu’une autre pour écrire une règle de jeu claire et sans ambiguïté (à ce stade, indépendamment de toute traduction).
A l’origine était la plainte de certains joueurs chevronnés de devoir se référer à la version originale pour résoudre des cas d’ambiguïtés soulevés par la version française, quoique ce souci puisse venir seulement d’une défaillance du traducteur.
Dans mon boulot, j’ai eu à traduire des contrats juridiques du français vers l’anglais et réciproquement. J’ai souvent été frappé par le fait qu’il fallait presque toujours définir les termes en tête des versions anglaises, alors que ce n’était pas nécessaire dans les versions françaises, ce qui semblait indiquer que les termes anglais était à la base plus ambigus que leurs équivalents français.
Pourtant, on prétend souvent a contrario que le vocabulaire anglais est plus riche que le vocabulaire français (notamment grâce aux nombreux doublets en anglais d’origine saxonne et française).
Comment expliquer cette apparente contradiction ?
Et on peut étendre le débat à toute autre langue que certains maitriseraient suffisamment bien.

Traduction ou localisation ? :P

En tant que traducteur pro, mais surtout en tant qu’amateur de langues, je ne pense vraiment pas qu’on puisse comparer strictement deux langues d’un point de vue purement “performatif”. S’il est vrai que l’anglais fait office de lingua franca aujourd’hui, je vois mal ce qui la désignerait, dans sa syntaxe même, comme langue la plus apte à retranscrire clairement des règles de jeu (ou n’importe quelle autre information).
Je ne suis pas développeur informatique, mais nous sommes loin, quand on parle d’écriture et/ou de traduction, du domaine des langages de programmation : le C++ surpasse assurément le Java sur certains points, tout comme le Java permet des choses que le Cobol ignore (tapez pas si je me trompe, je n’y connais vraiment rien !) Les langues changent, s’enrichissent, nous imprègnent et les relations qu’elles entretiennent avec nos processus cognitifs restent si mystérieuses qu’il est difficile de savoir à quel point une langue dite maternelle influence la psyché de son détenteur. Dès lors, décerner le prix de la langue la plus claire ludiquement parlant me paraît risqué. Ça en revient à dire qu’on pense mieux/plus clairement en anglais (ou autre) qu’en français (ou autre). Cela, rien ne permet de l’affirmer.
Il faut voir que nous véhiculons, souvent à notre insu, beaucoup d’idées reçues à propos des langues (anglais plus souple, plus riche, français plus compliqué, plus subtil, etc), qui en viennent vite à éclater lorsqu’on pratique la traduction. À part que l’anglais est effectivement plus synthétique que le français (le fameux coefficient de foisonnement cher aux traducteurs de comics et aux sous-titreurs), la souplesse des synonymes français et l’incroyable élasticité de la syntaxe (si, si, je vous assure !) devraient permettre de traduire à peu près n’importe quoi, de Nabokov jusqu’au dernier numéro du Punisher. Donc une règle de jeu, ça devrait le faire… mais il faut y mettre les moyens.
Comme dit Sylvano, la traduction parfaite n’existe pas. Le boulot du trados, c’est justement de réduire au maximum la perte entre langue source et langue cible, de la faire tendre au maximum vers le zéro. Sur un roman de Joyce, sur la Divine Comédie ou le Necronomicon, ça peut prendre toute une vie et rendre fou le pauvre traducteur hagard qui s’y colle. Sur la règle de Descent 2, le risque est quand même moindre. On se place sur une autre problématique : on ne cherche pas à retranscrire la beauté d’un texte (je ne parle pas du jeu de rôle, qui est une catégorie à part entre leu et littérature…), on cherche à communiquer efficacement une nomenclature et un système de jeu. D’un côté, on n’a pas le droit à l’erreur. De l’autre, les probabilités de péter les plombs et de hurler à la lune se réduisent d’autant, puisqu’on est confiné dans un système fixe. Il faudrait surtout des retours de traducteurs de règle, en fait !
Désolé pour le pavé, mais le sujet est passionnant (et mériterait d’être recentré, j’ai un peu divagué, là)

@Kerquist : effectivement, j’ai lu de travers, désolé. :wink:
Je suis d’accord, aucune langue n’est a priori plus claire qu’une autre ou suffisamment dénuée d’ambiguïté pour être la langue parfaite pour rédiger une règle. Chacune a ses avantages et ses inconvénients, et surtout ses limites. Pour reprendre l’exemple de l’anglais, c’est certes une langue synthétique et malléable, mais c’est aussi une langue ambiguë et floue par certains aspects. Le français est plus verbeux, mais parfois plus précis.
@Albumine : d’accord avec tout ce que tu dis. En nuançant quand même le côté “beauté du texte”. Pour moi, toute traduction, quel que soit le domaine, garde pour objectif de transmettre au plus près un sens et, peut-être plus important encore, tout ce qu’il y a derrière : une “intention” (le terme est vague, mais je ne trouve pas mieux). Penser, comme c’est souvent le cas pour les gens qui voient ça de l’extérieur, qu’un traducteur est là pour faire du “joli” et de l’élégant plus que du précis, c’est quand même un peu se tromper sur ce métier. Il faut que ce soit bien tourné, mais pour une règle, l’objectif, c’est qu’on puisse jouer au jeu et qu’on le comprenne.
Des règles, j’en traduis professionnellement, je sais ce que c’est (et c’est, je pense, l’un des trucs les plus coton en trad).

erreur de manip

Sylvano dit:En nuançant quand même le côté "beauté du texte". Pour moi, toute traduction, quel que soit le domaine, garde pour objectif de transmettre au plus près un sens et, peut-être plus important encore, tout ce qu'il y a derrière : une "intention" (le terme est vague, mais je ne trouve pas mieux). Penser, comme c'est souvent le cas pour les gens qui voient ça de l'extérieur, qu'un traducteur est là pour faire du "joli" et de l'élégant plus que du précis, c'est quand même un peu se tromper sur ce métier.

Oui oui, tout à fait d'accord. La beauté du texte, même dans le cas d'œuvres littéraires, n'est pas le bon terme. Elle peut s'appliquer dans le cas d'une certaine poésie, d'une certaine littérature, mais je pensais plutôt à l'adéquation de la traduction au style original. Ta notion d'intention est mieux trouvée. Personnellement, plus même que l'intention de l'auteur, je verrais même dans la traduction une tentative de reproduire pour le lecteur de la langue cible l'impact sémantique qu'a pu avoir le texte source sur le lecteur d'origine. J'ai traduit pas mal de romans bien pourris et je me suis bien gardé d'en élever le style ou de faire joli (je ne parle évidemment pas de l'intrigue). Au final, c'est avec fierté que j'ai pondu un roman tout pourri en français :mrgreen:
Dans le cas d'une règle de jeu, quelles sont selon toi les difficultés de l'exercice ? Tu t'y sens comme dans de la traduction technique ou est-ce encore différent ?

Juste une petite remarque en passant :
De mon humble point de vue, le fait qu’on se réfère souvent aux règles dans la langue originelle n’a pas forcément grand chose à voir avec cette langue en soi. Il s’agit surtout du fait que c’est cette règle qui fut à la source du jeu, à priori la plus et la mieux lue (le plus souvent aussi rédigée) par l’auteur lui-même. Lire une règle traduite, c’est prendre le risque de voir des “pertes” en formulations et en détails.

Qui ici a eu besoin de se référer à la règle en anglais pour dissiper une ambiguïté dans la règle de Citadelles, 7 Wonders ou Hanabi? Ou la règle en allemand pour Caylus, si vous préférez?
Un jeu est un langage formel. A moins qu’il y ait un soucis de conception, toutes les procédures et l’ensemble des coups jouables sont parfaitement définis. Correctement programmé, un jeu n’a pas d’ambiguïté. Quelque soit le langage de programmation utilisé, il s’agit de langages formels, parfaitement équivalents.
Les problèmes surviennent quand un humain cherche à transmettre ce langage formel, parce qu’il est obligé de passer par un langage naturel; que ce soit l’auteur quand il rédige la règle, quand un joueur la lit, quand il l’explique à ses partenaires, ou quand un traducteur la retranscrit dans une autre langue.
Le seul moyen de limiter les erreurs de transmission, c’est de réduire la longueur de cette chaîne. Ce qui revient en pratique à se référer à la version originale (à condition de maitriser suffisament la langue) et à lire soi-même la règle plutôt que se la faire expliquer.
Mais ça ne retire pas le mérite des joueurs pédagogues qui savent expliquer une règle, ni celui des traducteurs qui donnent accès à des jeux à ceux qui ne maitrisent pas assez la langue dans laquelle il a été rédigé à l’origine.

Roswell dit:Le seul moyen de limiter les erreurs de transmission, c'est de réduire la longueur de cette chaîne. Ce qui revient en pratique à se référer à la version originale (à condition de maitriser suffisament la langue) et à lire soi-même la règle

That's right, baby ! :china:
Albumine Tagada dit: S'il est vrai que l'anglais fait office de lingua franca aujourd'hui, je vois mal ce qui la désignerait, dans sa syntaxe même, comme langue la plus apte à retranscrire clairement des règles de jeu

Comme je le disais à Kerquist je ne pense pas avoir assez de recul pour la traduction (ce n'est pas mon activité première, je ne suis que prof d'anglais), et je remercie Sylvano de récréer un topic dédié à la traduction, car je pense comme lui qu'il y en a besoin.
Donc je me placerai dans la catégorie des amateurs et non des professionnels.
Comme le dit Albumine Tagada, l'anglais est devenu aujourd'hui la langue dans laquelle vous devez absolument avoir votre jeu (et pas que les jeux d'ailleurs) si vous voulez toucher le plus de monde possible. C'est aussi le moyen pour beaucoup de petits éditeurs / auteurs de voir leurs jeux intéresser des éditeurs plus gros (je pense notamment aux jeux de chez Japon Brand et de l'engouement qu'ils suscitent à mesure qu'on les connait - AEG ne s'y est pas trompé d'ailleurs, je ne sais pas si AEG se serait intéressé à Trains / Love Letter si Simon Lundström ne les avait pas rendu dispo en aanglais).
Par contre je pense que le passage constant vers l'anglais soulève un autre problème, car pour moi c'est uniquement à partir de cette langue que je traduis et souvent je me demande si le premier passage de la langue A (langue d'origine) vers l'anglais (langue B) pour finir vers la langue française (langue C) on n'y a pas perdu un peu de l'identité de départ du jeu, c'est pour cela que j'aime bien être en contact avec les auteurs aussi (mais la aussi on peut avoir la barrière de la langue).
Je ne sais pas comment font les pros lorsqu'ils ont une commande (un éclaircissement possible Sylvano?) et qu'ils ont un questionnement.
Pour en finir et je ne sais pas si cela résumera la chose mais passer d'une langue à une autre n'est pas si anodin car si je prends le simple exemple du français et de l'anglais on a quand même deux visions et deux systèmes de pensée différents. Je m'explique (je ne fais que restituer ce que j'ai appris lors de mes années de Fac) :
si on prend deux groupe nominaux qui veulent strictement dire la même chose dans les deux langues on se rend compte que l'agencement des termes montre une autre manière de penser :
SI en français je dis une fille aux yeux bleus (je pars d'un élément général = fille pour finir sur la particularité = les yeux bleus) alors qu'en anglais on aura a blue-eyed girl (le particulier=blue-eyed puis le général=girl). Ce qui montre (enfin j'espère) que lorsqu'on traduit on passe d'un système de pensée et de voir le monde différent d'une langue à l'autre et donc lorsque trois langue sont traduites c'est certainement plus source d'erreurs que d'avoir la traduction d'une langue A vers B (par contre le traduction d'une langue à l'autre n'est pas plus facile pour autant)!! ;-) (j'espère ne pas être hors sujet sur ce coup là :oops: )
J'espère avoir été clair :?: :D Encore merci à Sylvano / Kerquist et Docky pour mettre ce
sujet en avant et le faire vivre.

Les règles en anglais sont de bonne qualité en raison du coût mis pour leur rédaction lorsque l’auteur n’a pas réalisé la règle lui-même.
Je ne pense pas qu’il y ait besoin de chercher beaucoup plus loin.
J’ai traduit des règles de jeu pour certains éditeurs, en étant amateur, mais surtout sans avoir le matériel sous les yeux et avoir joué.
Il me semble que ce n’est pas le cas de la version anglaise où le traducteur a le matériel à disposition, et dont c’est le métier.
Je pense que ces conditions sont celles de la quasi totalité des traducteurs amateurs en français présents sur ce forum.
Leur traduction est néanmoins bien meilleure que celles réalisées par des non-joueurs amateurs, qui n’ont ni le matériel, ni la culture du jeu de société, et qui ne comprennent pas ce qu’ils traduisent.
Le fait que les traducteurs amateurs travaillent à partir de l’anglais et non de la langue originelle, conduit à un délai supplémentaire et à une situation de rush qui nuit à la qualité (bien souvent le délai entre la parution des règles anglaises et l’impression des règles internationales se compte en jour).
Envoyez une boite à un traducteur, laissez-le jouer 3 fois au jeu, le nombre d’incohérences diminuera drastiquement.

boudje dit:Envoyez une boite à un traducteur, laissez-le jouer 3 fois au jeu, le nombre d'incohérences diminuera drastiquement.

En fait je ne comprends même pas que l'on puisse donner à traduire une règle à une personne qui n'a pas joué au jeu. J'imagine que c'est pour des raisons pratiques, de coût ou de délai mais le potentiel d'erreur pendant la traduction est tellement évident qu'il est curieux que ce genre de pratique perdure...
Albumine Tagada dit:Dans le cas d'une règle de jeu, quelles sont selon toi les difficultés de l'exercice ? Tu t'y sens comme dans de la traduction technique ou est-ce encore différent ?

Disons qu'il y a plusieurs petites choses assez spécifiques, je trouve. Très en vrac :
- Comme je le disais, la précision se doit d'être absolue (la perfection n'existe pas, mais vous voyez ce que je veux dire), car dans une règle, la moindre ambiguïté est catastrophique, étant donné l'objectif à ne pas perdre de vue : permettre de jouer au jeu sans erreur. En cela, on est très proche de la traduction technique. La notice d'aspirateur, quoi. Mais, concrètement, je m'aperçois que compte tenu de mon expérience de joueur, j'éprouve assez souvent le besoin de préciser des détails, parfois infimes, par rapport au texte original. Non pas que la règle VO est mauvaise, mais parfois, je sens qu'il y a un risque, même minime, de mal comprendre quelque chose. Donc dans le doute : pourquoi faire l'économie d'une précision (d'autant que, dans l'absolu, ma traduction s'adresse à quelqu'un qui n'aura pas accès à la VO, soit qu'elle soit absente, soit que la personne ne comprenne pas la langue). Ou alors, curieusement, l'inverse : certains textes sont parfois tellement redondants, qu'ils gagneront en précision si on élague carrément certaines choses dans la trad. Donc spécificité de traduire une règle : le traducteur confronte sa perception du texte au texte lui-même, au jeu et à son fonctionnement, son matériel. A chaque fois, je me base sur mon vécu de joueur, en me disant : là, attention, on pourrait comprendre autre chose. Et on s'aperçoit que pas mal de règles laissent passer des ambiguïtés, qui pourraient poser problème (d'où FAQ et questions sur les forums). Ca implique de penser à tout quand on traduit, et surtout quand on se relit. Ca implique de maîtriser totalement le fonctionnement du jeu, ce qui est possible sans avoir le matériel ou y avoir jamais joué (de toute façon, c'est le cas 9/10, faute de temps, de distance, etc.), enfin, si on a une expérience de joueur et un brin de culture ludique, bien sûr.
- Par comparaison avec mon autre spécialité (la trad audiovisuelle : sous-titrage et doublage, où paradoxalement, les nombreuses contraintes laissent pas mal de liberté, d'ailleurs on parle plus d'adaptation que de traduction), quasiment impossible de prendre des libertés avec le sens du texte original, sauf à reformuler la même chose un peu plus clairement, ou plus rarement, revoir carrément l'ordre des paragraphes ou la présentation. Mais en général, la trad de règles est probablement la spécialité qui souffre le moins de s'écarter de l'original. En temps normal, autant de traductions que de traducteurs. Pour une même règle de jeu, je pense qu'il y aura nettement moins de différences entre deux trads. Ou alors, il s'agira d'erreurs.
- Très important : le "wording". Sur des jeux de cartes foisonnants avec des mots-clés, évidemment, mais aussi sur des jeux plus classiques. Bien le penser en amont, ne pas utiliser deux synonymes pour un même terme, ce genre de choses. En tout cas, de façon générale, toujours s'assurer qu'on comprendra exactement de quel élément de matériel il est question, quelle situation ou quel cas de figure précis est décrit, etc. C'est particulièrement crucial dans une règle de jeu abstrait, par exemple.
Là, je ne pense à rien d'autre, mais ça me reviendra peut-être plus tard. J'ai oublié des trucs, chers confrères et -soeurs ? :mrgreen:

Rien à voir avec le jeu, mais un livre très intéressant sur la traduction.

sathimon dit:Par contre je pense que le passage constant vers l'anglais soulève un autre problème, car pour moi c'est uniquement à partir de cette langue que je traduis et souvent je me demande si le premier passage de la langue A (langue d'origine) vers l'anglais (langue B) pour finir vers la langue française (langue C) on n'y a pas perdu un peu de l'identité de départ du jeu, c'est pour cela que j'aime bien être en contact avec les auteurs aussi (mais la aussi on peut avoir la barrière de la langue).
Je ne sais pas comment font les pros lorsqu'ils ont une commande (un éclaircissement possible Sylvano?) et qu'ils ont un questionnement.

Oui, les règles passent souvent par une langue relais, qui est l'anglais (ce qui présente des risques énormes dans la trad audiovisuelle, par exemple). En général, ça ne pose pas tellement problème, parce que s'il y a une c... dans le potage, on s'aperçoit normalement qu'il y a un problème... de logique dans la règle. Enfin, idéalement. Pour mon cas personnel, je travaille souvent avec des gens qui maîtrisent les deux langues, à savoir généralement l'allemand et l'anglais, et qui sont joueurs, donc la moindre ambiguïté est discutée et levée facilement. Et puis poser des questions à un éditeur, voire à l'auteur, est très facile dans ce milieu, soit en direct, soit via BGG.
Là, où ça peut craindre, c'est quand des auteurs/éditeurs dont ce n'est pas la langue maternelle ont traduit leur règle (ou la rédigent directement) en anglais. S'ils ne maîtrisent pas suffisamment la langue, il peut y avoir des bourdes ou des formulations chelous. Ou alors du GoogleTrad, mais là, c'est le cas extrême.

Question intéressante, si un spécialiste passe par la :).

Kerquist dit:
Dans mon boulot, j’ai eu à traduire des contrats juridiques du français vers l’anglais et réciproquement. J’ai souvent été frappé par le fait qu’il fallait presque toujours définir les termes en tête des versions anglaises, alors que ce n’était pas nécessaire dans les versions françaises, ce qui semblait indiquer que les termes anglais était à la base plus ambigus que leurs équivalents français.

Le français fut longtemps la langue des affaires. Le droit français est basé sur l’écrit alors que le droit anglo-saxon est basé sur l’interprétation.
Kerquist dit:
Pourtant, on prétend souvent a contrario que le vocabulaire anglais est plus riche que le vocabulaire français (notamment grâce aux nombreux doublets en anglais d’origine saxonne et française).
Comment expliquer cette apparente contradiction ?

La langue anglaise est plus précis sur les faits et les actions, moins sur les idées. Je pense.

Sylvano dit:Mais en général, la trad de règles est probablement la spécialité qui souffre le moins de s'écarter de l'original.

Intéressant. C'est là que ça se rapproche de la traduction technique, je dirais. Au lieu de traduire une œuvre directement (au sens large : film, bouquin, document légal, etc), on traduit un produit "dérivé" de l'œuvre. Une notice qui y fait référence sans se confondre avec elle. Forcément, on marche sur des œufs (d'autant plus si on ne dispose pas du jeu) !
Autre question aux traducteurs de règles : quand vous planchez sur un jeu, vous vous chargez aussi de tout texte éventuel présent sur le matériel, non ?
Le bandeau de pub du moment nous vante Summoner Wars, que j'adore. Pour ce genre de jeu, j'imagine que la question du wording ou de la nomenclature des termes doit être extrêmement précise et pensée en amont pour l'édition en français. Si jamais madame Soso (qui, pendant ce temps-là, se la donne grave) passe par là, j'aimerais bien savoir comment ils procèdent pour un jeu comme ça. Je pense aussi à Pierre Rosenthal, premier traducteur de Magic, qui a dû bien s'amuser pour adapter en français un jeu aussi complexe sans s'emmêler les pinceaux. Pour ces jeux plus "américains", bardés d'extensions qui impliquent de se laisser une bonne marge de manœuvre dans les formulations utilisées, je vous mal comment travailler sans pratiquer-posséder le jeu !
yota dit:La langue anglaise est plus précis sur les faits et les actions, moins sur les idées. Je pense.

Je ne vois vraiment pas ce qui permettrait d'étayer ce genre d'argument (je dis ça sans animosité aucune, hein). Le fait, l'action et l'idée sont quand même des notions très larges, difficilement estimables et/ou quantifiables. On se retrouve rapidement avec des idées reçues nées d'une vision plus culturelle que linguistique (français = langue de Descartes = langue de la pensée, par exemple). Comme dit plus haut, il est fort possible que les langues aient des impacts plus ou moins différents sur la structure mentale de leurs pratiquants, mais je pense que ces variations sont infimes et difficilement quantifiables.
Par contre, dans des domaines précis (tels que le droit, la langue des affaires ou autre), je conçois parfaitement qu'il puisse exister des différences (comme celle que tu décris entre la primauté de l'écrit chez les Français et de l'interprétation chez les Anglais en ce qui concerne contrats). Celles-ci me paraissent toutefois plus issues de pratiques historiques et/ou culturelles qu'intimement liées à la langue elle-même.

Pour abonder sur la question de la culture mentale associée à une langue, je me souvient d’un enseignant-chercheur turc (et bilingue français turc) qui expliquait que l’enseignement de l’informatique aux turcs était complexe à cause de la structure grammaticale du turc, très différente des structures grammaticales des langages de programmation (inspirées de l’anglais) et donc du mode de pensée.

sathimon dit:… duoglotte (désolé pour le néologisme)…

Heu… Bilingue ?
Professionnellement, je travaille en français et en anglais, sur les mêmes sujets. C’est très technique. Je ne suis ni linguiste ni traducteur, juste un peu polyglotte (3 langues). Tant qu’on reste dans la technique, passer d’une langue à l’autre ne pose pas de problème. Un sujet est simple ou complexe, clair ou ambigu, indépendamment de la langue.
La clef est dans le choix du vocabulaire et du style, surtout en français ou on nous apprend a utiliser des synonymes pour éviter les répétitions ce qui est une bêtise dès qu’on veut être clair dans un sujet technique ou scientifique, amha. Surtout, dès que possible, il faut utiliser des phrases “sujet - verbe - complément”. (Ce que j’ai du mal à faire, honte à moi).
J’ai tendance à penser que cela devrait être la même chose pour les règles de jeu : un jeu est un univers fermé, avec un vocabulaire restreint et une description de mécanique. Je pense que bien évidemment, il faut maitriser le sujet : connaitre le jeu, probablement y avoir joué pour en traduire correctement la règle. De la même façon qu’il faut connaitre le sujet pour traduire un texte scientifique ou technique sans être forcément un expert. J’ai, dans mon équipe, une personne qui fait beaucoup de traductions, elle passe plus de temps a s’imprégner du sujet qu’à traduire pour obtenir de bons résultats.
Il n’y a pas d’intention poétique ou romanesque dans une règle.
Au delà du sujet de la traduction des règles, leur simple rédaction est un sujet en soi.
Je déteste les règles redondantes, où on explique plusieurs fois la même chose. Si je n’ai pas compris un truc je relis le paragraphe ou c’est expliqué. Je sais que la redondance est à la mode pour certains types d’écrits, pour faire passer des idées, convaincre, mais, en tant que lecteur, ça me gonfle et j’ai le sentiment d’être pris pour un “mal comprenant”.
Je déteste les règles ou sont mélangés les règles en elles mêmes et les “justifications thématiques” au même niveau de lecture (sans changement de police par exemple ou sans encadrés spécifique).
Une règle, c’est une notice. Le but est d’être clair, qu’il soit facile de s’y retrouver, court (on est là pour jouer pas pour lire). Il doit être facile d’y revenir pour vérifier un point précis. Cela doit donc être structuré, non redondant, sans trop de fioritures stylistique. On doit souvent ajouter des exemples, on peut y glisser des plaisanteries, on peut y mettre des justifications thématiques, mais en utilisant la mise en page et les polices de caractères pour avoir plusieurs niveau de lectures.
Je viens de me coller les règles de “Testament du Duc de Crecy” et ça m’a énervé. Mon épouse y a jeté un oeil et m’a dit : “Ca donne pas envie”. Pas glop… Redondances, justifications thématiques, phrases inutiles qui font se poser des questions…
A comparer avec les règles de Relic Runner ou des Sorcières du Disque Monde ou de Twin Tin Bots ou de Carcasonne Mers du Sud (pour parles des règles lues ces 3 derniers jours) où il n’y a presque pas de gras, on va à l’essentiel, les digressions thématique sont limitées. Les jeux sont certes plus simples, mais l’accès au “Testament” rendu encore plus lourd à cause de la lourde rédaction de la règle (agha).
Pour en revenir au sujet initial : une règle mal rédigée initialement c’est bien plus gênant qu’une traduction.

doublon