[le blog de Bruno Faidutti] Quelques réflexions d'un vieil auteur de jeu

@Iskander : en lisant ton dernier message, je pense que je n’ai effectivement pas la même compréhension du mot politique. La politique, c’était pour moi donner des lignes directrices sur comment les choses doivent être faite.
Dans l’exemple de la rue, la décision politique serait donc “obliger les espaces publiques a avoir un certains nombres d’accès pour les personnes à mobilité réduite”, afin d’éviter l’exclusion d’une certaine catégorie de personne. Et pour moi la rue peut devenir un objet politique, mais dans le sens ou c’est le sujet d’une discussion politique.

Mais du coup je ne comprends pas où tu situes le jeu dans ce schéma ? Si je reprends l’exemple de la diversité (ou l’absence de diversité) des directions artistiques dans les jeux, tu considères qu’il faudrait une directive “politique” pour imposer plus de représentativité d’autres style ? Ou tu considère qu’un auteur se doit de prendre ces considérations en compte dans son processus de création ? Ou alors simplement être conscient que ça a un impact mais qu’il fait bien ce qu’il veut ?

Car j’ai l’impression si on prend cette citation :
 

Bref, on ne peut pas décider que quelque chose n’est pas politique, du moment que cela est dommageable à une partie de la société, et qui n’est donc pas satisfaite et voudra un changement. C’est la base même de la politique.

…qu’effectivement toute chose est alors politique. Sur n’importe quel sujet, il y aura toujours une partie de la société, aussi infime soit elle qui ne sera pas satisfaite et voudra un changement.

Si je reprends la phrase de monsieur Faidutti qui clôture le paragraphe :
 

(…) qu’on ne vienne pas en plus m’emmerder en me demandant de faire des jeux utiles.

…Je comprends ça non pas comme un guide de ce que doit être le jeu en général, mais vraiment comme un “laisser moi créer mes gens tranquille comme je l’entends sans exiger de moi d’en faire un vecteur pour revendiquer ou défendre qqch”.


EDIT en voyant la réponse de Morgal : effectivement, j’ai tiqué moi aussi au départ sur cette formulation générale, mais j’ai finalement supposé que c’était son avis qu’il présentait en revendiquant “le jeu n’est pas OBLIGE d’être politique (oui je réécrit quand même le mot ^^ ), dans mon cas il ne le sera pas, ne me faites pas ch*** avec ça”.
Ca doit être lié au fait que moi aussi je suis souvent enclin à écrire façon vérité générale pour énoncé mon point de vue personnel, et si je ne me relis pas ça finit souvent comme ça. Finalement, comme le disait Davidof, il faudrait demander au monsieur directement… Mais c’est ta spécialité à toi d’invoquer les auteurs de jeux (tout moche et tout nul #privatejoke) ! :smiley:

Comme Davidof, je trouve le propos de B. Faidutti très balancé, très modéré, subjectif certes et c’est normal.
Tout est relativement balancé, ca respire l’honneteté intellectuelle.

Toutes nos journées nous sommes (en tout cas moi) confrontés parfois (et juste parfois Dieu merci) à des personnes qui assurent leurs opinions sans les nuancer, sans les relativiser, orientées…  et lire quelque chose comme cela, que c’est plaisant!
Et cet acteur du jeu, nous partage une vision assez neutre de son expérience, même s’il n’hésite pas à défendre son opinion, et il la défend de manière nuancée encore une fois. 
Cela peut paraitre évident, facile, mais savoir communiquer de cette manière, ce n’est pas vraiment facile. Ainsi, j’ai vraiment du mal à comprendre ce qu’on peut reprocher à son article.

Quand je dis reflets de nos sociétés je veux dire par là reflets des points de vue de nos sociétés et pas de la société en tant que tel.
Quand Agatha Christie écrit les dix petits negres   elle n’y voit aucun mal alors qu’aujourd’hui le titre aurait été différent.

suis je plus clair ?

Davidof dit :Quand je dis reflets de nos sociétés je veux dire par là reflets des points de vue de nos sociétés et pas de la société en tant que tel.
Quand Agatha Christie écrit les dix petits negres   elle n’y voit aucun mal alors qu’aujourd’hui le titre aurait été différent.

suis je plus clair ?

Un reflet de nos sociétés, et un reflet d'un point de vue, c'est pas forcément la même chose, non? Donc si on veut dire "point de vue", on dit "point de vue", ça n'a pas le même sens.

Et quand il y a une grande différence entre ce qu'est la société, et un point de vue sur la société, il y a un problème sur le point de vue.

Morgal dit :
Davidof dit :Quand je dis reflets de nos sociétés je veux dire par là reflets des points de vue de nos sociétés et pas de la société en tant que tel.
Quand Agatha Christie écrit les dix petits negres   elle n’y voit aucun mal alors qu’aujourd’hui le titre aurait été différent.

suis je plus clair ?

Un reflet de nos sociétés, et un reflet d'un point de vue, c'est pas forcément la même chose, non? Donc si on veut dire "point de vue", on dit "point de vue", ça n'a pas le même sens.

Et quand il y a une grande différence entre ce qu'est la société, et un point de vue sur la société, il y a un problème sur le point de vue.

D’où ma réponse pour clarifier mon propos. 😉
j’ai écrit « reflet de la société «  car les « points de vues » nous, enfin me, donnent une image de la société. Quand je vois la place des Noirs dans la production culturelle par exemple je peux y voir l’évolution de la société, pas toute la société dans son intégralité, ni même de chaque individu, mais cela me donne une idée des courants de pensées. 

vous noterez au passage le pluriel à courants et à pensées, car je ne crois pas qu’il y ait eu au moment des ces productions de vérités absolues sur ces problématiques.

Bien à vous.

En passant (pas le user TT mais l’expression),

Moi qui aime les jeux de Kramer, leur dernier jeu Renature semble avoir un lien avec à la critique que j’ai partagé sur le secteur. Maintenant, la notion de “protéger la planète” est devenue pretexte à mécanique et à édition… Après dans les jeux de stratégie on a de tout, du brassage de biere, à la survie de famille préhistorique etc… mais, c’est assez impressionnant de voir la “protection de la planete” comme un consommable. On peut ne pas être d’accord, mais ici, je mets en comparaison cela avec une tendance très dérangeante. Car ce phénomène d’usage de cette cause à des fins commerciales est tellement régulier.

Et puis moi ce que je comprends de mon sentiment vient aussi d’une accumulation. On a vu les dernières élections municipales naviguer entre les tendances de la mode “des listes citoyennes” au début car mises en avant par le phénomènes de gilets jaunes changer puis completement de cap vers des listes précedemment citoyennes mais devenues “ecolo machin”… et puis, tous les candidats ont mis en avant leur “verdure”, à droite et à gauche. je ne mets pas en critique leur contenu… mais, il n’en demeure pas que le phénomène de mode du “sauvetage de la planète” est devenu quasiment insupportable pour ma part quand il est usé à des fins commerciales et plsu règulièrement par les politiques.

Et puis maintenant cette mode elle est passée (meme si le vrai probleme demeure, le rechauffement climatique), car maintenant c’est la relance eco, la gestion de la crise.
Va t’on voir des jeux de gestion sur la gestion de la politique de santé? ou de la relance industrielle… pas impossible et d’ailleurs ca existe déjà.

Donc oui, Kramer peut faire un très bon jeu, j’en suis sur que ca l’est d’ailleurs, mais au vu de ces insupportables opportunistes qu’on a vu toute l’année dernière avant la crise parler du sauvetage de la plenete pour vendre leur camelote politique ou leur marchandise. Il suffit de voir comment plein de gens ont essayé de lier la crise sanitaire avec l’écologie et le rejet de la mondialisation (oui, c’est lié, mais les enjeux écologiques ne sont pas la seule source du Covid).
Bref, voir un tel jeu proposé, ben… c’est tout aussi pénible à constater. M’enfin, faut de tout pour tout le monde.

Des jeux comme The Cost ou Crisis abordent des questions politiques de front, aussi bien que des simulations historiques comme Freedom : le chemin de fer souterrain, ou Paris 1919.

Tous les jeux ne doivent pas nécessairement traiter de questions politiques, bien sûr, mais en tant qu’objets culturels ils sont eux mêmes vecteurs de visions politiques dont il faut prendre en compte la portée.

Alors je ne pense pas que cela doive nécessairement être la préoccupation d’un auteur, car il a souvent un contrôle éditorial limité. Par contre c’est clairement la responsabilité de l’éditeur. Mais dans sont billet Faidutti discute du jeu dans sa généralité, pas simplement d’un point de vue strictement “auteur”.

TTWD dit :En passant (pas le user TT mais l'expression),

Moi qui aime les jeux de Kramer, leur dernier jeu Renature semble avoir un lien avec à la critique que j'ai partagé sur le secteur. Maintenant, la notion de "protéger la planète" est devenue pretexte à mécanique et à édition... Après dans les jeux de stratégie on a de tout, du brassage de biere, à la survie de famille préhistorique etc... mais, c'est assez impressionnant de voir la "protection de la planete" comme un consommable. On peut ne pas être d'accord, mais ici, je mets en comparaison cela avec une tendance très dérangeante. Car ce phénomène d'usage de cette cause à des fins commerciales est tellement régulier.

Et puis moi ce que je comprends de mon sentiment vient aussi d'une accumulation. On a vu les dernières élections municipales naviguer entre les tendances de la mode "des listes citoyennes" au début car mises en avant par le phénomènes de gilets jaunes changer puis completement de cap vers des listes précedemment citoyennes mais devenues "ecolo machin"... et puis, tous les candidats ont mis en avant leur "verdure", à droite et à gauche. je ne mets pas en critique leur contenu... mais, il n'en demeure pas que le phénomène de mode du "sauvetage de la planète" est devenu quasiment insupportable pour ma part quand il est usé à des fins commerciales et plsu règulièrement par les politiques.

Et puis maintenant cette mode elle est passée (meme si le vrai probleme demeure, le rechauffement climatique), car maintenant c'est la relance eco, la gestion de la crise.
Va t'on voir des jeux de gestion sur la gestion de la politique de santé? ou de la relance industrielle... pas impossible et d'ailleurs ca existe déjà.

Donc oui, Kramer peut faire un très bon jeu, j'en suis sur que ca l'est d'ailleurs, mais au vu de ces insupportables opportunistes qu'on a vu toute l'année dernière avant la crise parler du sauvetage de la plenete pour vendre leur camelote politique ou leur marchandise. Il suffit de voir comment plein de gens ont essayé de lier la crise sanitaire avec l'écologie et le rejet de la mondialisation (oui, c'est lié, mais les enjeux écologiques ne sont pas la seule source du Covid).
Bref, voir un tel jeu proposé, ben... c'est tout aussi pénible à constater. M'enfin, faut de tout pour tout le monde.

Merci pour cette intervention car tu viens de me rappeler quelque chose. En tant qu'auteur de jeu non édité, je bossais sur un proto qui emboitait le pas à d'autres : un jeu de gestion pour jouer avec les enfants, où il faut construire des maisons, construire des fabriques, collecter des ressources...
Et puis je me suis réveillé un jour avec l'envie d'inverser le thème. Celui qui consiste à refaire pousser la nature (pas très original pourtant) plutôt que la détruire pour produire. C'était pas pour faire du fric avec du vert, mais plutôt pour participer à l'effort collectif de partager l'idée que reverdir est vertueux. Le tout avec un enrobage poétique. Je n'ai pas conçu le jeu comme un objet politique mais je me suis posé la question de ce qu'il véhiculait avec son ancien thème, et j'ai eu envie d'autre chose. Mon jeu ne cherche pas à convaincre, ni à faire de la propagande acrive, s'il sert juste à rêver et jouer et y prendre du plaisir, c'est déjà bien. Mais il est malgré tout porteur d'un état d'esprit.
Voilà j'ai bien parlé mais ce jeu ne sortira probablement jamais 🤣

TTWD dit :mais, c'est assez impressionnant de voir la "protection de la planete" comme un consommable. On peut ne pas être d'accord, mais ici, je mets en comparaison cela avec une tendance très dérangeante. Car ce phénomène d'usage de cette cause à des fins commerciales est tellement régulier.

Comme le signigfie Rodenbach, qui donne de l'eau au moulin de mes tergiversations, on peut inverser l'analyse et la tendance en imaginant que la thématisation "vertueuse" n'est pas effectuée par attrait purement mercantile, mais que quitte à choisir un thème, on tente d'en choisir un qui relaie un message (souvent ténu, je te l'accorde) constructif pour (r)éveiller les consciences. Et en plus, ça change du médiéval fantastique et des zombies. ;)

Hello, Rodenbach :slight_smile: et Docky.

Oui je vous entends bien, je comprends bien l’enjeu, la cause etc… et vos propos régulièrement modérés ne peuvent que confirmer un engagement désintéressé et sincère.
Mais (cynisme mode : ON) revenez dans 5 ans quand la mode sera passée, ce sera original de faire un jeu sur la nature, les oiseaux tout ca… (je caricature bien sur). C’est juste qu’en ce moment c’est un peu “téléphoné” et que j’en ai eu ma barbe de nombreux opportunistes. Sur un sujet pourtant grave.

Bien sur cela ne doit pas freiner les acteurs vraiment sincères de la cause.

Et… ce qui m’amène à rejoindre l’avis de M Faidutti. Et pour ma part intégrer une cause dans un jeu, c’est rassembler une partie de joueurs sensibles à cela, et générer un sentiment de rejet pour ceux qui en ont marre (moi par exemple).
C’est pour celà que je préfère les jeux qui prennent le moins possible une position politique ou sociale… comme prétexte à mécanique.

Une digression, veuillez m’excuser.
Oui car il y’a une différence entre le pretexte à mecanique allemande et je crois, un scénario de jeu. Mais là on va plus loin dans l’analyse. 
Ex: Spirit Island présente une histoire proche de la cause ecologique. Mais, elle se fond dans un narratif et des mécaniques qui racontent une histoire et font vivre une simili aventure. Et contrairement à l’ambiance négative de mes propos sur l’usage de ces thèmes, et bien, ca ne me dérange pas trop quand c’est fait de la sorte. Parce que en fait, il me semble que l’histoire fait dérouler tout un argumentaire pendant la partie.
Dans un jeu à l’allemande, et bien cette cause n’est pas réellement explorée je crois, elle est comme pour beaucoup d’autres themes (faire survivre des hommes prehistoriques ou simuler des enjeux politiques dans l’espagne d’antan) un prétexte à une mecanisme de jeu, et là, ca pique, parce que je peux le relier très rapidement à un pretexte commercial. Il n’ y a pas d’argumentaire se déroulant dans la pratique du jeu au contraire du jeu à scénario.

Bref, on pourrait dans tous les cas être plus inventifs que de faire un enième jeu de dépollution ou de survie des espèces. c’est vrai, c’est bien, et il y a un marché, c’est pretexte à la créativité… mais à mon sens, un peu trop prévisible et puis mince alors, on en pas assez, de support médiatiques qui traitent de ces choses??? laissez moi jouer nom de nom :-).

Hop, dans tous les cas, je reviens à mon postulat me rapprochant de celui de Mr Faidutti. Je préfère me coller un enieme jeu de fantasy qu’un jeu en pleine actualité sociale, politique, philosophique etc…

Mon interprétation très basique de ce passage du texte de Bruno Faidutti:
- pour le concepteur, vouloir un jeu politiquement démonstratif peut amener à faire des concessions sur le caractère ludique du jeu, ou à faire passer ce dernier au deuxième plan.
- en tant que joueur, je n’ai pas envie de recevoir de leçons politiques mais de passer un moment qui au contraire me dégage des préoccupations du quotidien.

Personnellement j’adhère.

Je passais juste par là pour faire coucou

@morlockbob :slight_smile:

et tant pis pour le reste de la conversation.



Ah si, juste que moi je suis comme NaHO : même (ou encore plus) si c’est en jouant, j’adore apprendre. Mais pas le cul sur une chaise à écouter un sachant en bâillant d’ennui (même si quand c’est choisi, écouter le cul sur une chaise un sachant peut aussi être passionnant). Plutôt apprendre et/ou réapprendre en découvrant, avec un enthousiasme pour le sujet, ou un prétexte qui permet la légèreté, le jeu est parfait pour cela, surtout si ce n’est pas là son but premier.

Après, peut-être que Faidutti voulait parler de pervertir les jeux pour les utiliser à visée spécifique d’apprentissage à des gens qui n’en ont pas forcément envie (les élèves le cul sur leur chaise face au sachant). Suis pas dans sa tête, et avec le peu qu’il en écrit dans cet article, on peut tout imaginer.

En tout cas Spirit Island est un excellent exemple de jeu à portée politique qui fait un renversement des narratives courraient utilisées par nombre de jeux de société sur la colonisation. Les propos de Faidutti semblent critiquer cette approche, à moins qu’il aie en tête un jeu comme Plan Social? surprise

Il paraît que la mode est à la profanation de sépultures en ce moment, donc je déterre ce sujet (qui par ailleurs en vaut bien le coup).

​​​​​​Je suis tombé par hasard sur ce compte BGG, et je ne crois pas avoir lu cette info où que ce soit, mais il reprend l’ensemble des critiques que B. Faidutti avait publié dans sa “ludothèque idéale” (aujourd’hui disparue) à laquelle on fait encore parfois référence ici. Me suis dit que ça pourrait en intéresser certains d’entre vous. 

Cette bibliothèque est encore accessible en archive il me semble…

Oui d’ailleurs ce post Bgg donne le lien vers l’archive.

Heu vous confondez pas son blog et sa ludothèque idéale ?
Parce que sur son blog, Faidutti explique bien (en date du 26/09/2023) qu’il a complètement effacé sa ludothèque idéale.
(après oui il reste la Wayback Machine mais à l’usage c’est quand même pas très agréable)

Il s’agit bien de la version BGG de la bibliothèque idéale de Bruno Faidutti reconstituée par un amateur qui avait siphonné les données avant la disparition de celle-ci.
Un gros boulot de nostalgique…cheeky
(je crois que l’info avait été reprise dans une news ce dernier trimestre. Il précisait qu’il avait eu l’accord de B.Faidutti)

oui beaucoup de regret d’avoir vu ce site s’arrêter, une référence !
manquent aussi, les jeux de Rody et Ludigaume…

Et “La fièvre du jeu” était excellent également. Bien aimé “Ne tirez pas sur le messager” également …